Jurisprudence : CA Paris, 4, 9-A, 11-05-2023, n° 20/06696, Confirmation

CA Paris, 4, 9-A, 11-05-2023, n° 20/06696, Confirmation

A86019U4

Référence

CA Paris, 4, 9-A, 11-05-2023, n° 20/06696, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96102162-ca-paris-4-9a-11052023-n-2006696-confirmation
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Abstract

Mots-clés : vente • tableau • œuvre d'art • expertise • authenticité • complément de prix • interprétation du contrat • intention des parties Le contrat conclu après la vente d'un tableau, qui prévoit la réalisation d'une expertise et le paiement d'un complément de prix par les acquéreurs d'un tableau en cas d'authentification, produit ses effets même plus de dix ans après la vente.


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A


ARRÊT DU 11 MAI 2023


(n° , 14 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06696 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZG7


Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 mars 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 18/13101



APPELANT


Monsieur [T] [P]

né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 8] (ÉTATS-UNIS)

[Adresse 5]

[Adresse 5]


représenté par Me Eliott AMZALLAG, avocat au barreau de PARIS, toque : C0195, constitué en lieu et place de Me Emmanuel PIERRAT de la SELARL CABINET PIERRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0166, présent lors des plaidoiries


INTIMÉ


Monsieur [L] [F]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Adresse 3]


représenté et assisté de Me Kheir AFFANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0253



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 14 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre remplaçant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère empêchée

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère


Greffière, lors des débats : Mme Aa A


ARRÊT :


- CONTRADICTOIRE


- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Ab B'H, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES


Le 4 février 2004, M. [L] [F] a vendu à M. [A] [D] et M. [K] [S] un tableau anonyme intitulé « jeune garçon au chien » décrit comme étant de l'école française, datant des années 1850-1860, dans le genre d'[B] [J], au prix de 380 000 euros.


Le 10 mars 2004, M. [D] et M. [S] d'une part, M. [F] d'autre part et M.'[Y] [H] ont signé un contrat intitulé « contrat en vue de la réalisation d'une expertise pour l'authentification d'une œuvre d'art et du paiement d'un complément de prix » lequel confie à M. [H] la constitution d'un dossier d'expertise moyennant paiement d'honoraires à hauteur de 20 000 euros HT en lui allouant pour ce faire un budget de 50 000 euros, puis l'organisation de l'expertise moyennant paiement d'honoraires à hauteur de 7 000 euros HT en lui allouant un budget pour ce faire de 20 000 euros et prévoit qu'en cas d'avis positif sur l'authenticité du tableau tel que défini dans le contrat, les acquéreurs, considérant alors qu'ils sont en possession d'un authentique tableau du peintre [B] [J], verseront à M. [F] ou à ses héritiers ou ayants droits, la somme de 1 525 000 euros à titre de complément de prix, laquelle somme viendra s'ajouter à la somme de 380 000 euros.


M. [S] est décédé le [Date décès 2] 2008.


Le 10 décembre 2015, M. [W], historien de l'art, a examiné le tableau chez M. [D] et a conclu que cette peinture lui évoquait sans doute possible [J]. M. [W] a accepté de rédiger un article pour sa publication dans une revue d'art afin de signaler cette découverte.


C'est ainsi que le 21 août 2017 est paru dans la revue Prussian Blue l'article de M. [W], attribuant le tableau à [J].


M. [Ac] est décédé le [Date décès 6] 2017.


M. [F] estimant qu'il devait recevoir le paiement du complément de prix, a adressé le 15 janvier 2018 un courrier recommandé avec accusé de réception au secrétaire du président de la fondation [A] [D] et [K] [S] pour le lui réclamer, en vain, la fondation ne s'estimant pas débitrice de la somme.


Par courrier recommandé du 26 avril 2018, renouvelé le 16 octobre 2018, M. [F] a sollicité le paiement de la somme complémentaire de 1 525 000 euros à M. [T] [P], en sa qualité de légataire universel de M. [D].


M. [F] ayant eu connaissance de la volonté de M. [P] de vendre le tableau lors d'une vente aux enchères prévue les 29, 30 et 31 octobre 2018 et de fixer sa résidence fiscale au Maroc, a sollicité l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles de M. [P] pour garantir la somme de 1 525 000 euros.



Par ordonnance du 23 octobre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a autorisé M. [F] à procéder à la saisie conservatoire.


La saisie conservatoire a été réalisée le 25 octobre 2018, sur une partie des lots provenant de la collection [D] mis en vente, à l'exception du tableau litigieux dont Ad. [P] s'était préalablement dépossédé.


M. [F] et M. [Ad] se sont ensuite accordés pour substituer à la saisie conservatoire, une mesure de séquestre et par jugement du 26 novembre 2018, le juge de l'exécution a homologué cet accord et la convention de séquestre.


Saisi le 23 octobre 2018 par M. [F] d'une demande tendant principalement à la condamnation de M. [Ad] en exécution forcée du contrat du 10 mars 2004 et au paiement du complément du prix, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 5 mars 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- condamné M. [Ad] à payer à M. [F] la somme de 1 525 000 euros à titre de complément de prix, avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2018 et la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- dit sans objet la demande reconventionnelle de M. [P] en résiliation judiciaire du contrat,

- débouté M. [P] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [Ad] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛 par Me Kheir Affane qui en a fait la demande,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.


Le tribunal a principalement retenu sur le fondement de l'ancien article 1156 du code civil🏛 que l'intention des acheteurs, M. [Ac] et M. [S], était exprimée de manière claire dans le préambule du contrat et consistait en la réalisation d'une enquête afin de faire reconnaître le tableau comme une œuvre d'[B] [J].


Le tribunal a considéré que les parties avaient seulement entendu obtenir un résultat positif suite à l'enquête confiée à M. [H] en lui permettant de faire appel à un historien d'art, que M. [W] avait cette qualité, et qu'elles avaient expressément prévu que ce résultat ne serait apprécié que par les acquéreurs sans qu'il en soit fait part à l'ensemble de la communauté des professionnels de l'art. Il a souligné qu'aucune forme n'avait été fixée en ce qui concernait l'avis pour lequel aucun critère précis n'avait été mentionné et que l'exigence de l'établissement d'un dossier d'expertise reposait exclusivement sur M. [H] lequel avait rempli sa mission conformément aux stipulations contractuelles. Il a relevé que l'avis de M. [W] avait été porté à la connaissance du propriétaire de l'époque, M. [D], qui n'avait formulé aucune objection et qui avait réglé les frais et honoraires de M. [H] comprenant l'intervention de M. [W], montrant ainsi son approbation du dossier d'expertise et le fait qu'il considérait comme conforme au contrat de faire appel à ce dernier.


Le tribunal a également relevé que l'avis de M. [Ae] publié dans la revue « Prussian Blue » avait été soumis à M. [D] qui n'avait pas formulé d'objection et que le choix de cette revue répondait aux dispositions du contrat puisque l'intention des parties n'était pas de voir reconnaître le tableau comme une œuvre de [J] par l'ensemble des professionnels de l'art.


Il a considéré que toutes les conditions posées par le contrat pour le versement du complément de prix avaient été remplies et a en conséquence condamné M. [Ad] au paiement de ce supplément du prix d'un montant de 1 525 000 euros.



Par déclaration du 29 mai 2020, M. [P] a interjeté appel de cette décision.


Aux termes de conclusions remises le 21 mars 2022, l'appelant demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de déclarer irrecevable et mal fondé M. [F] en l'ensemble de ses demandes,

- par conséquent, de débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- reconventionnellement, de constater et de dire et juger la clause résolutoire du contrat du 10 mars 2004 non écrite,

- de prononcer la résiliation judiciaire du contrat du 10 mars 2004,

- de constater et de dire et juger que M. [F] a introduit la présente procédure à son encontre dans une manifeste intention de nuire,

- de condamner M. [F] à une amende civile du montant qu'il plaira au tribunal de fixer,

- de condamner M. [F] à lui verser la somme de 450 000 euros de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,

- de condamner M. [F] à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [F] aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Cabinet Pierrat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


L'appelant indique que le contrat prévoit que le versement du complément du prix est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives strictes, à savoir d'une part l'avis favorable et « suffisant » portant sur l'authenticité du tableau de la part d'au moins un spécialiste et d'autre part la publication d'un article confirmant cette authenticité dans une revue spécialisée et soutient qu'aucune de ces deux conditions n'est remplie.


Au visa des anciens articles 1156, 1158, 1161 du code civil🏛🏛, il affirme que la commune intention des parties était de déterminer si le peintre [B] [J] était ou non l'auteur du tableau c'est à dire de l'authentifier par une autorité de référence sur le marché de l'art, de la manière la plus fiable possible, ce qui résulte du préambule qui doit éclairer la compréhension du contrat et de ses conditions, mais également d'en dévoiler le résultat aux tiers et particulièrement aux personnalités du monde de l'art et que c'est d'ailleurs pourquoi une publication était exigée. Il souligne que la finalité d'une expertise « amiable » est d'être présentée aux tiers comme preuve de l'authenticité d'une œuvre. Il se prévaut de l'équilibre économique du contrat et met en balance l'importance du versement et la condition d'une authentification reconnue faisant augmenter la valeur du tableau.


Il considère que pour que l'avis positif soit considéré comme suffisant pour déclencher le paiement du complément, il fallait qu'il permette une authentification de l'œuvre, en vertu du préambule du contrat, qu'il convainque les acquéreurs qu'ils étaient en possession d'un tableau d'[B] [J], en application de l'article III.A.3 du contrat, et qu'il permette une valorisation de l'œuvre, conformément à l'économie générale du contrat.


Il conteste la qualité d'expert de M. [Ae] dont il souligne qu'il n'a été qu'un choix par défaut et a lui-même reconnu qu'il n'était ni expert ni spécialiste de [J], comme la spécialisation de la revue Prussian Blue, dénie la qualité d'expertise à l'avis rendu, indique que M. [D] était exigeant et fait valoir qu'il s'était opposé à la publication de l'article de M. [W] dans cette revue qu'il estime n'avoir aucune autorité ni reconnaissance. Il soutient que cette publication n'a pas fait gagner de valeur au tableau mais a eu l'effet contraire et argue d'une expertise réalisée dans le cadre d'une vente aux enchères ayant estimé le tableau entre 3 000 et 5 000 euros.


L'appelant estime dès lors qu'il y aurait un déséquilibre dans l'économie générale du contrat, les acquéreurs étant privés de contrepartie réelle en échange du versement du complément du prix.


Il souligne que l'hypothèse d'un avis favorable insuffisant figure à l'article III. B. du contrat et que la remise de tout avis positif ne peut suffire à elle seule à remplir l'exigence contractuelle de réalisation d'une expertise.


Il prétend que faute de réalisation d'une expertise conforme aux stipulations contractuelles qui prévoyaient que les spécialistes devaient se baser sur le dossier préalablement réalisé par M. [H] pour ensuite examiner le tableau, rendre un avis dans un délai de 3 mois et publier un article dans une revue spécialisée, le complément de prix n'est pas dû et souligne que M. [D] n'ayant jamais considéré être en possession d'un authentique tableau d'[B] [J], rien ne justifie de compléter le prix.


A titre subsidiaire, l'appelant sollicite la résiliation judiciaire du contrat, rappelant que les contrats doivent s'exécuter de bonne foi. Il demande, au visa de l'ancien article 1185 du code civil🏛, que la clause de résiliation du contrat soit réputée non écrite aux motifs qu'elle ne comporte pas de terme, implique en réalité un engagement perpétuel des acquéreurs envers le vendeur ce qui exclut qu'elle puisse être qualifiée de clause de dédit et qu'elle est illusoire puisqu'elle est conditionnée par le versement de la somme de 1 525 000 euros.


Il soutient qu'il s'agit d'un contrat à exécution successive à durée indéterminée qui peut être résilié unilatéralement à tout moment.


Enfin, au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile🏛, il affirme que la procédure engagée par M. [F] est abusive car elle s'appuie sur une lecture du contrat très éloignée de l'intention des parties, tirant ainsi profit du décès de M. [D] pour tenter de soustraire la somme de 1 525 000 euros à son ayant droit. Il soutient que la saisie conservatoire opérée par M. [F] sur ses biens a été faite dans l'intention de nuire et a entrainé un retard dans l'organisation d'une vente aux enchères causant un préjudice de perte de chance d'enregistrer des achats supplémentaires d'un montant de 411 646 euros. Il sollicite en conséquence la condamnation de M. [F] à une amende civile et à lui payer 450 000 euros de dommages et intérêts.


Aux termes de conclusions remises le 5 mai 2022, M. [F] demande à la cour :

- de confirmer le jugement,

- à titre subsidiaire et dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement, de statuer à nouveau et de prononcer la résiliation du contrat du 10 mars 2004 du fait d'une inexécution grave, totale et délibérée de M. [P] de son obligation contractuelle,

- de condamner en conséquence, M. [P] au versement de la somme de 1 525 000 euros avec intérêts à compter de la signification de l'assignation ou à défaut de faire application de la clause de dédit,

- en tout état de cause, de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- de débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M. [P] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Affane, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


Préalablement, l'intimé indique, sur les fondements de l'article 1122 du code de procédure civile🏛 et de l'article 730-4 du code civil🏛, que M. [P] est le légataire universel de M. [D] et qu'en conséquence il est bien fondé à agir à son encontre en exécution du contrat.


Il se fonde sur les articles 1103 et 1104 du code civil🏛🏛 relatifs à la force obligatoire des contrats et sur l'ancien article 1184 du code civil🏛 pour solliciter l'exécution forcée du contrat.


Il indique qu'il n'y a aucune difficulté d'interprétation du contrat de nature à disqualifier les stipulations contractuelles et affirme qu'à la lecture du contrat, il est aisé de comprendre que les acquéreurs du tableau ont voulu diligenter une enquête afin de pouvoir considérer à titre personnel être en possession d'un véritable tableau de [J]. Il précise que M. [D] avait parfaitement connaissance du refus constant et catégorique de l'Institut [U] d'inclure l'œuvre dans le catalogue raisonné de [J], fermé depuis plus de cinquante années, qu'il ne voulait faire appel ni à l'Institut [U] ni à [G] [M], personnalités qui contrôlent le marché du fait de leurs qualités cumulées d'expert et de marchand et ne souhaitait pas vendre le tableau mais le conserver. Il insiste sur la qualité de professionnel averti de M. [D] et souligne que s'il avait voulu voir reconnaître l'œuvre comme un [J] par l'ensemble des professionnels de l'art, il aurait exigé une authentification officielle et une particulière publicité et indique que M. [D] ayant donné son accord à la publication de l'article de M. [W] et ayant payé les honoraires de M. [H], il a démontré une volonté d'exécuter le contrat.


Il souligne que la commune intention des parties signataires ne peut se déduire de la volonté actuelle de M. [Ad] qui est seulement le légataire universel et non l'acquéreur initial.


Il dénie à M. [Ad] le droit d'invoquer un déséquilibre de l'économie du contrat alors même qu'il est l'organisateur de la vente aux enchères ayant évalué le tableau à 3 000 euros et souligne que le marché de l'art est fluctuant par essence.


Il prétend que la première phase du contrat a été exécutée puisque M. [Af] a mené une enquête durant 14 ans, a été soutenu par M. [D] et a réalisé un dossier d'expertise.


Il considère que la seconde phase relative à l'expertise a également été réalisée, M. [W] ayant rendu un avis écrit sur l'authentification du tableau et fait valoir le contrat n'exige pas la réalisation d'un dossier technique. Il souligne que les frais professionnels des spécialistes ont été payés directement entre leurs mains par les acquéreurs et qu'il n'y avait pas lieu pour M. [W] de rendre un dossier d'expertise mais uniquement un avis.


L'intimé considère que la double condition d'un résultat positif d'au moins un spécialiste et de la publication d'un article a été remplie.


Il se prévaut de l'article II-1 du contrat qui définit les spécialistes comme « des spécialistes du peintre [B] [J] et de la peinture impressionniste ainsi qu'à des historiens de l'art, ci-après dénommés « les spécialistes » lesquels seront choisis par M. [H] », et affirme que M. [W] qui est historien de l'art français, professeur d'histoire de l'art et auteur d'ouvrages sur la peinture impressionniste, répond à cette définition et a de surcroît été agréé par M. [D].


Il estime que la revue Prussian Blue au sein de laquelle l'article de M. [W] a été publié était bien une revue spécialisée puisqu'elle était distribuée dans les kiosques français, belges et suisses et vendue dans des musées, librairies et galeries et que M. [Ac] avait accordé une interview à cette revue le 23 mai 2015. Il prétend que M. [D] avait adressé un chèque à M. [W] en règlement de la publication de son article à laquelle il avait préalablement donné son accord et que l'absence de directeur scientifique de la revue n'est pas de nature à exclure sa qualification comme revue spécialisée.


L'intimé soutient en réponse aux conclusions de M. [P] que les cocontractants n'ont jamais souhaité obtenir un certificat d'authentification du tableau mais uniquement un avis positif d'un spécialiste sur la paternité de l'œuvre.


Au visa de l'article 1221 du code civil🏛, l'intimé réclame l'exécution forcée du contrat, à savoir la condamnation au versement du complément de prix à hauteur de 1 525 000 euros.


A titre subsidiaire, il sollicite sur le fondement de l'ancien article 1184 du code civil la résiliation judiciaire du contrat au motif que l'inexécution de M. [P] en paiement du prix est suffisamment grave.


Il souligne que le contrat contient une clause de dédit en ce qu'elle stipule que les acquéreurs devront verser immédiatement le complément du prix en cas de résiliation du contrat par ces derniers.


L'intimé relève que le terme du contrat se trouve dans le résultat de l'expertise qu'il soit positif ou non et qu'en conséquence, le contrat ne saurait être qualifié de contrat perpétuel.


Il s'oppose à la demande de condamnation à des dommages et intérêts et à une amende civile au motif que M. [Ad] est de mauvaise foi et qu'il ne justifie pas du montant de son préjudice évalué à 450 000 euros.


Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 14 mars 2023.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Il n'est pas discuté à hauteur d'appel que M. [Ad] est le légataire universel de M. [D] et que celui-ci était le légataire de M. [S] de sorte que le tableau est devenu la propriété de M. [P] au décès de M. [D] et qu'il leur succède dans l'exécution du contrat.


Le contrat litigieux datant du 10 mars 2004, il reste soumis en application de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛 au code civil dans sa version antérieure à cette réforme.


Sur l'interprétation du contrat au regard de la commune intention des parties


L'article 1134 du code civil🏛 dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.


Il résulte des anciens articles 1156 et suivants du code civil que le juge doit rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes, que lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, elle doit être entendue dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet et non dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun, que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat, que ce qui est ambigu s'interprète par ce qui est d'usage dans le pays où le contrat est passé, qu'il faut suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d'usage, quoiqu'elles n'y soient pas exprimées et que toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier, la convention s'interprétant dans le doute contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.


En l'espèce, le contrat est rédigé de la manière suivante :


« PREAMBULE


Monsieur [L] [F], (') a vendu le 4 février 2004 à Messieurs [A] [D] et [K] [S], un tableau anonyme représentant un Jeune garçon au chien, École française, vers 1850-1860, dans le genre d'[B] [J] (huile sur toile, 56 x 47 cm, réentoilé, encadré (cadre XIXe siècle), monogrammé en bas à droite, ci-après dénommé « le Tableau », pour le prix de 380 000 euros payable en deux échéances (')


Considérant que le tableau Jeune garçon au chien pourrait être un authentique tableau du peintre [B] [J] (1832-1883), Messieurs [A] [D] et [K] [S] ont demandé à Monsieur [Ag] [H] de lancer une enquête afin de le faire reconnaître comme autographe et se sont engagés, en cas d'authentification du tableau comme une œuvre du peintre d'[B] [J] à verser un complément de prix à Monsieur [Ah] [F].


C'est dans cet esprit que les parties ont décidé de se rapprocher et ont établi le présent contrat avec les dispositions qui suivent :


I - CONSTITUTION D'UN DOSSIER D'EXPERTISE


Monsieur [Y] [H] s'engage, à la demande de Messieurs [A] [D] et [K] [S], à constituer un dossier en vue de la réalisation d'une expertise visant à authentifier le Tableau représentant un Jeune Garçon au chien, École française, vers 1850-1860, comme autographe d'[B] [J].


1/ Définition

Le dossier d'expertise à constituer devra réunir les éléments suivants :

des photographies couleurs, des gros plans de la couche picturale de tableaux de [J] reconnus comme tels par l'ensemble de la communauté des historiens de l'art afin de pouvoir étayer la possible attribution du tableau à [B] [J] lui-même,

une ou plusieurs études scientifiques comprenant l'analyse de la couche picturale, des radiographies du Tableau, des rapports et expertises scientifiques confiées à des spécialistes de la peinture du XIX siècle,

une étude historique sur [J] évoquant notamment le problème des attributions mais aussi des tableaux disparus et détruits par [J] lui-même.


2/ Budget ['] 50'000 euros [']


3/ Mission de Monsieur [Ag] [H] [']


4/ Durée et acceptation du dossier d'expertise

Le dossier d'expertise devra être présenté à Messieurs [A] [D] et [K] [S] dans un délai maximum de 18 mois à compter de la signature des présentes.

Au cas où ce délai se révèlerait insuffisant, les parties se rapprocheront afin de convenir d'un délai supplémentaire.

Dès que le dossier comprendra l'ensemble des éléments énumérés au 1, le dossier sera considéré comme constitué et accepté par Messieurs [A] [D] et [K] [S].


5/ Rémunération de Monsieur [Ag] [H]

['] 20'000 euros HT ['] 5 000 euros à la signature des présentes, 10 000 euros au plus tard le 10 janvier 2005 et le solde soit 5'000 euros sous réserve de l'acceptation du dossier par Messieurs [A] [D] et [K] [S], étant précisé que le dossier ne pourra être refusé dans la mesure où il comprendra l'ensemble des éléments qui le définissent et qui sont prévus à l'article 1/1.


6/ Dessaisissement du Tableau [']


II - REALISATION DE L'EXPERTISE


Une fois le dossier d'expertise constitué et accepté par Messieurs [A] [D] et [K] [S], ceux-ci s'engagent à demander la réalisation d'une expertise que Monsieur [Af] devra faire réaliser et qui aura pour support le dossier préalablement établi.


1/ Modalités de réalisation de l'expertise


Le dossier préalablement constitué sera présenté à des spécialistes du peintre [B] [J] et de la peinture impressionniste ainsi qu'à des historiens de l'art, ci-après dénommés « les Spécialistes », lesquels seront choisis par Monsieur [Ag] [H].


Ces Spécialistes se rendront à [Localité 9] pour voir le Tableau, étant précisé que les frais de voyage et d'hôtel leur seront payés directement par Messieurs [A] [D] et [K] [S] selon le budget ci-après arrêté.


Ils devront remettre par écrit leur avis à Monsieur [Ag] [H] sur l'authenticité du Tableau dans un délai maximum de trois mois à compter du jour où ils auront vu le Tableau et eu connaissance du dossier d'expertise.


Ceux qui auront reconnu un authentique tableau d'[B] [J] seront invités à rédiger un article qui sera destiné à être publié. L'auteur de l'article pourra percevoir une rémunération qui sera décidée, sur proposition de [Y] [H], avec Messieurs [A] [D] et [K] [S] et réglée par ces derniers.


2/ Budget ['] 20'000 euros [']


3/ Mission de Monsieur [Ag] [H] [']


4/ Rémunération de Monsieur [Ag] [H]

['] 7'000 euros HT ['] 3 500 euros au jour du début de l'expertise, 3 500 euros au jour du résultat de l'expertise.


III - RESULTAT DE L'EXPERTISE


A/ Résultat positif et paiement du complément de prix


1/ Définition du résultat positif


Le résultat de l'expertise menée sera considéré comme positif si un avis favorable sur l'authenticité du Tableau est donné de la part d'au moins un Spécialiste.


2/ Publication


Si l'expertise réalisée fait apparaitre un résultat positif sur l'authenticité du Tableau tel que défini ci-dessus au 1/ III, le ou les articles qui auront été obtenus de la part du ou des Spécialistes ayant réalisé l'expertise, seront publiés dans les revues spécialisées.


3/ Complément de prix


Si l'expertise réalisée fait apparaitre un résultat positif sur l'authenticité du Tableau tel que défini ci-dessus au 1/ III, Messieurs [A] [D] et [K] [S], considérant alors qu'ils sont en possession d'un authentique tableau du peintre [B] [J], verseront à Monsieur [Ah] [F] ou à ses héritiers ou ayants droits, la somme de un million cinq cent vingt-cinq mille euros (€ 1 525 000,00) à titre de complément de prix laquelle somme viendra s'ajouter à la somme de trois cent quatre-vingt mille euros (€ 380 000,00) déjà versée.


B/ Résultat négatif

Si les avis reçus sont négatifs ou si les avis favorables sont insuffisants au regard de la définition du résultat positif donnée au 1/III et font donc apparaître que le Tableau n'est pas une œuvre d'[B] [J], Messieurs [A] [D] et [K] [S] ne verseront aucun complément de prix à Monsieur [Ah] [F] mais resteront propriétaires de l'œuvre.

En outre Messieurs [A] [D] et [K] [S] ne pourront réclamer la restitution d'aucune des sommes qu'ils auront versées à M. [Af] et à Monsieur [Ah] [F] à quelque titre que ce soit.


IV - RESILIATION


En cas de résiliation à l'initiative de Messieurs [A] [D] et/ou [K] [S] pour quelque cause que ce soit, ceux-ci s'engagent à verser immédiatement à Monsieur [Ag] [H] la totalité de la rémunération prévue aux articles 5/1 et 4/2 ci-dessus et à Monsieur [Ah] [F] le complément de prix de 1 525 000 euros.


En cas de résiliation à l'initiative de M. [Y] [H] pour quelque cause que ce soit, celui-ci s'engage à transmettre à Messieurs [A] [D] et [K] [S] l'ensemble du dossier qui aura été constitué au jour de la résiliation ; il conservera toutefois les sommes qui lui auront déjà été versées mais ne pourra prétendre au paiement du solde éventuel de sa rémunération prévue aux articles 5/1 et 4/2 ci-dessus.


V - DISPOSITIONS DIVERSES


Messieurs [A] [D], [K] [S] et [L] [F] déclarent expressément que le présent contrat les lie ainsi que leurs successeurs, ayants-droit, ayants-cause et donataires.

Le présent contrat ne peut être amendé sauf par écrit et avec la signature de toutes les parties.

Les parties déchargent par les présentes entièrement et définitivement le rédacteur des présentes qui n'a fait que transcrire les déclarations librement exprimées par lesdites parties n'ayant été chargé d'aucune vérification aux déclarations faites par les parties.


VI CONTESTATIONS


Toutes les contestations qui viendront à naitre et qui ne seront pas réglées par les termes du présent contrat relèveront des tribunaux compétents ».


Il ressort de l'ensemble de ce contrat que l'intention de MM. [D] et [S] était de diligenter une enquête afin de voir reconnaître par au moins un avis de spécialiste le tableau acquis pour 380 000 euros comme émanant de la main d'[B] [J] et le cas échéant, de payer un supplément de prix à M. [F]. Contrairement à ce qui est soutenu, la publication dans une revue spécialisée n'était pas une condition du versement du complément du prix. Ce versement n'est en effet conditionné que par l'existence d'un avis positif au sens du 1/III et ne vise en aucun cas la publication mentionnée au 2/III. La cour observe d'ailleurs qu'il prévoit aussi seulement « d'inviter » les auteurs d'un avis positif à rédiger un article, mais ne mentionne pas davantage cette rédaction comme une condition du paiement du complément de prix.


Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne visait pas à le faire reconnaître à ce stade comme un tableau de [J] par l'ensemble de la communauté des professionnels de l'art. En effet, alors que dans le cadre de la réalisation de l'expertise, il était demandé à M. [H] de contacter de nombreux spécialistes, les parties avaient expressément choisi de se contenter d'un seul avis favorable et d'espérer une publication, dans le but manifeste d'introduire sur le marché de l'art l'idée selon laquelle le tableau était de [J].


Comme le souligne l'appelant, MM. [S] et [D] étaient des professionnels avertis en ce qu'ils étaient propriétaires de nombreuses œuvres d'arts, étaient mécènes et hommes d'affaires. En signant un tel contrat, ils avaient donc parfaitement conscience de la portée de leur engagement et de ce qu'ils recherchaient. Il est d'ailleurs expressément mentionné que le rédacteur de l'acte n'a pas eu de rôle de conseil dans le cadre de cette rédaction. Il résulte en outre des pièces du dossier que M. [D] savait que le catalogue raisonné du peintre était figé depuis de longues années et qu'il avait choisi de poursuivre malgré la fin de non-recevoir opposée par l'expert de référence [E] [U] dès le 14 novembre 2008.


S'agissant de l'économie du contrat, s'il est évident que le fait de pouvoir attribuer à [J] le tableau était de nature à en faire augmenter la valeur, l'appelant rappelant fort justement à cet égard les prix de plusieurs dizaines de millions d'euros atteints lors des ventes des œuvres figurant au catalogue raisonné, il reste que le montant du complément à verser était sans commune mesure avec celui qui eut été prévisible si ledit tableau avait été reconnu par tous comme étant de [J] et parfaitement en rapport avec la démarche entreprise destinée à convaincre les acquéreurs pour eux-mêmes et à introduire l'idée par un avis favorable puis une publication laquelle n'était pas érigée en condition du paiement du complément, qu'il s'agissait d'un tableau encore inconnu de [J]. En tout état de cause, aucune condition de valeur du tableau n'a été prévue pour le versement du complément de prix.


A cet égard, l'estimation réalisée dans le cadre de la vente aux enchères d'octobre 2018 entre 3 000 et 5 000 euros mentionnant que « ce mystérieux portrait de jeune garçon a autrefois été attribué à [B] [J] » est inopérante dès lors que M. [P] en est lui-même le commanditaire, que le litige était pendant, qu'il ne souhaitait manifestement pas poursuivre dans la voie choisie par M. [D] ni conserver le tableau et qu'il ne donne aucun élément sur le prix auquel il a été vendu.


Le contrat signé entre les parties prévoyait donc 3 étapes :

- la constitution d'un dossier d'expertise par M. [H] lequel est versé aux débats et dont aucune des parties ne conteste qu'elle a été effectuée et dont il résulte qu'aucune certitude scientifique n'a été atteinte que ce soit pour affirmer ou pour infirmer de manière certaine qu'il s'agit d'une œuvre peinte par [B] [J],

- la réalisation d'une expertise,

- l'obtention d'un avis.


S'agissant de la réalisation d'une expertise, celle-ci est visée à la partie II du contrat qui prévoit que l'expertise aura pour support le dossier préalablement établi qui sera présenté à des spécialistes du peintre [B] [J] et de la peinture impressionniste ainsi qu'à des historiens de l'art, choisis par M. [Af], tous également considérés dans le contrat comme « des spécialistes », lesquels devaient après avoir personnellement vu le tableau à [Localité 9], donner leur avis écrit et précisait que ceux qui auront reconnu un authentique tableau d'[B] [J] seront invités à rédiger un article qui sera destiné à être publié, une rémunération pouvant être octroyée dans ce cas sur propositionAfde M. [H].


Le contrat n'exige pas contrairement à ce que soutient l'appelant que cet avis présente la forme d'un document technique et analytique de la part du spécialiste.


S'agissant de la qualité du spécialiste, elle a été expressément définie par le contrat, les parties ayant expressément prévu de conférer cette qualité à des historiens de l'art.


M. [W] est un historien de l'art, professeur d'histoire de l'art et auteur d'essais sur l'histoire de l'art notamment sur l'impressionnisme. Dès lors il est inopérant de soutenir au regard des termes du contrat qu'il n'est pas un spécialiste de [J] au sens où l'entend l'appelant.


Il ressort des pièces du dossier :

- que M. [Af] a présenté à de nombreux spécialistes au sens du contrat le dossier d'expertise,

- que certains se sont déplacés pour regarder le tableau,

- que M. [Af] a contacté M. [W] et lui a transmis les photos du tableau,

- M. [W] accompagné de M. [H] s'est rendu le 10 décembre 2015 chez M. [D] pour examiner le tableau. Ce même jour, M. [W] a indiqué à M. [H] que ce tableau émanait de [J] et qu'il était prêt à rédiger un article,

- que M. [H] lui a adressé le dossier d'expertise le 16 décembre 2015,

- que par mail du 25 décembre 2015, M. [W] confirmait auprès de M. [H] que le tableau émanait de [J] et qu'il était toujours prêt à rédiger un article,

- qu'ils ont convenu d'un rendez-vous tous les trois le 10 mars 2016, qu'à ce rendez-vous, il a été convenu qu'un article serait rédigé par M. [W],

- que le 5 avril 2016, M. [H] transmettait à M. [D] le texte de M. [W],

- qu'ils ont convenu d'un nouveau rendez-vous le 17 mai 2016,

- que par mail du 18 mai 2016, M. [H] a adressé à nouveau le texte de M. [W] et proposait à M. [D] de rémunérer M. [W] 4 000 euros,

- que le 19 mai 2016, M. [D] a adressé un chèque de 4 000 euros à M. [W],

- que le 4 octobre 2016, M. [H] a sollicité l'accord de M. [D] pour la publication de l'article dans la revue Prussian Blue,

- que par mail du 6 octobre 2016, M. [D] a confirmé son accord par le biais de son secrétaire en indiquant « sous réserve qu'il ne s'agit pas de la grande revue dont vous lui aviez parlé »,

- que le 21 août 2017 l'article de M. [W], attribuant le tableau à [J], est paru dans la revue Prussian Blue.


Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le processus prévu au contrat a été respecté par M. [W] et que celui-ci, ayant donné un avis positif le 25 décembre 2015 sur l'attribution du tableau à [J], a reçu une rémunération par M. [D] et a rédigé un article.


Le fait même que M. [Ac] ait consenti à cette rémunération démontre qu'il avait admis que M. [W] répondait à la définition du spécialiste apte à donner un avis positif telle que prévue au contrat et qu'il acceptait cet avis positif dont il ne peut dès lors être soutenu qu'il n'était pas suffisant et tombait sous le coup des dispositions de l'article B/III « résultat négatif » auquel est assimilé l'avis considéré comme insuffisant.


Le versement du complément de prix est aux termes de la partie III du contrat conditionné par le seul résultat positif de l'expertise caractérisé par l'existence d'un avis favorable sur l'authenticité du tableau de la part d'au moins un spécialiste. La publication de l'article dans une revue spécialisée n'est pas érigée en condition du versement du complément de prix.


L'article de M. [W] a en tout état de cause été publié dans la revue Prussian Blue en août 2017 laquelle est spécialisée dans le domaine de l'art et distribuée dans des musées et librairies. Le contrat n'a pas autrement précisé la nature des revues dans lesquelles les publications étaient admises. Ainsi il n'a pas exigé qu'il s'agisse d'une « grande revue » comme le déplore M. [D] lui-même, n'a pas exigé de quantité de tirage, ni la présence à sa tête d'un comité technique, ni le fait qu'il s'agisse d'une revue de référence. Enfin et contrairement à ce que soutient l'appelant, M. [D] ne s'est pas opposé à cette publication. Le mail du 6 octobre 2016 envoyé à M. [Af] par le secrétaire de M. [D] est en effet ainsi libellé : « Cher [Y], je vous confirme l'accord de M. [A] [D], et il me charge de le citer « sous sa réserve qu'il ne s'agit pas de la « grande revue » dont vous lui aviez parlé ». Bien cordialement ». Il mentionne donc expressément l'accord pour la publication sans que la mention de la réserve puisse être considérée comme mettant cet accord à néant.


Les conditions posées par le contrat pour le paiement du complément du prix sont donc remplies. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné M. [Ad] au paiement à M. [F] de la somme de 1 525 000 euros en complément du prix du tableau avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2018.


De ce fait, la clause résolutoire du contrat du 10 mars 2004 n'a pas vocation à être appliquée, le contrat ayant été exécuté et il n'y a donc pas non plus lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat du 10 mars 2004, l'engagement ayant pris fin par l'acceptation de l'avis positif. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit sans objet la demande reconventionnelle de M. [P] en résiliation judiciaire du contrat et M. [P] doit être débouté de sa demande visant à voir déclarer la clause de résiliation non écrite.


De ce qui précède, il résulte que la saisie conservatoire n'était pas abusive et M. [P] doit également être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive, le jugement étant aussi confirmé sur ce point. M. [P] doit être débouté de sa demande d'amende civile.


Le jugement doit enfin être confirmé en ce qu'il a condamné M. [Ad] aux dépens de première instance et au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Enfin, M. [P] qui succombe, doit être condamné aux dépens d'appel et il apparaît équitable de lui faire supporter les frais irrépétibles engagés par M. [F] à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


LA COUR,


Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,


Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;


Y ajoutant,


Déboute M. [Ad] de ses demandes reconventionnelles ;


Condamne M. [T] [P] à payer à M. [Ah] [F] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


Condamne M. [P] aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Kheir Affane, avocat au barreau de Paris pour ceux dont il a fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


La greffière La présidente

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