Jurisprudence : CA Amiens, 05-05-2023, n° 22/02921, Réouverture des débats


ARRET

N° 126


S.A.S. [6]


C/


A B DE LOIRE


COUR D'APPEL D'AMIENS


TARIFICATION


ARRET DU 05 MAI 2023


*************************************************************


N° RG 22/02921 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IPE3


Décision de la CARSAT CENTRE VAL DE LOIRE EN DATE DU 31 mars 2022



PARTIES EN CAUSE :


DEMANDEUR


La société [6] (SAS), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

( salarié : M. [B] [J])

[Adresse 7]

[Localité 1]


Représentée par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Hélène CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, postulant et plaidant par Me Marie PRIOULT-PARRAULT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de ROUEN


ET :


DÉFENDEUR


La CARSAT CENTRE-VAL DE LOIRE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]


Représentée et plaidant par M. [Aa] [W] dûment mandaté



DÉBATS :


A l'audience publique du 20 Janvier 2023, devant Monsieur Renaud DELOFFRE, Président assisté de Monsieur Louis-Noël GUERRA et Jean-François D'HAUSSY, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.


Monsieur Renaud DELOFFRE a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 05 Mai 2023 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛.


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Ab C X


PRONONCÉ :


Le 05 Mai 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur Renaud DELOFFRE, Président et Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.


*

* *


DECISION


Monsieur [B] [J] a été employé au sein de la Société [6] à compter du 28 novembre 2016 en qualité de chef de quai.


Il a établi en date du 4 septembre 2019 la déclaration d'une maladie professionnelle consistant en une " rupture de la coiffe des rotateurs épaule gauche " relevant du tableau 57A des maladies professionnelles.


Par courrier du 3 avril 2020, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a notifié à la société sa décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée après avis du CRRMP, dont la date de première constatation médicale a été fixée au 25 mai 2019.


Un coût d'incapacité temporaire de catégorie 6 a été inscrit sur le compte employeur 2019 de la société au titre des jours d'arrêt de travail du salarié puis un cout d'incapacité permanent de catégorie 1 a été inscrit sur son compte employeur 2020.


Monsieur [B] [J] a établi en date du 12 mai 2020, la déclaration d'une maladie professionnelle consistant en une " rupture de la coiffe des rotateurs épaule droite " relevant du tableau 57A des maladies professionnelles .


Par courrier du 3 novembre 2020, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a notifié à la Société sa décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée après avis du CRRMP, dont la date de première constatation médicale a été fixée au 12 février 2020.


Un coût d'incapacité temporaire de catégorie 5 a été inscrit sur le compte employeur 2020 de la société et un coût d'incapacité permanente de catégorie 2 a été inscrit sur son compte employeur 2021.


Le 15 février 2022, la Société '[6] a introduit un recours gracieux, lequel a fait l'objet d'une décision de rejet de la CARSAT le 31 mars 2022.



Par assignation délivrée à la CARSAT VAL DE LOIRE le 1er juin 2022 pour l'audience du 20 janvier 2023 la société [6] demande à la Cour de :


- DECLARER MAL FONDEE ET NE POUVANT PRODUIRE D'EFFET la décision de notification du taux de cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles du 1' janvier 2022 adressée par la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail du CENTRE à la société [6] pour son établissement sis [Adresse 7] ayant SIRET [N° SIREN/SIRET 3] CTN CC Section 01 Code risque 602 MG à hauteur de 5.04% à effet du 1' Janvier 2022,

- DECLARER MAL FONDEE ET NE POUVANT PRODUIRE D'EFFET la décision de la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail du CENTRE VAL DE LOIRE du 31 Mars 2022 de rejet du recours gracieux de la société [6], de maintien des sinistres sur le compte employeur de la société [6] ainsi que des coûts moyens à capacité temporaire et/ou incapacité permanente correspondants, et de maintien du taux de cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles précédemment notifié,

- RETIRER des comptes employeur de la société [6] les deux maladies professionnelles et les coûts de ces maladies professionnelles que ce soit au titre de l'incapacité temporaire totale qu'au titre de l'incapacité permanente partielle portant les références

suivantes :

* "Maladie professionnelle " rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche " inscrite dans le tableau n° 57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail " prise en charge par décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du CHER du 3 avril 2020 portant les références suivantes :

NIR : 1.64.06.15.014.164.92

Prénom, nom : [B] [J]

Identifiant : [N° SIREN/SIRET 3] Date ATMP : 25 mai 2019 N° dossier : 190525451

* "Maladie professionnelle " rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite " inscrite dans le tableau n° 57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail " prise en charge par décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du CHER du 03 novembre 2020 portant les références suivantes :

NIR : 1.64.06.15.014.164.92

Prénom, nom : [B] [J]

Identifiant : [N° SIREN/SIRET 3]

Date ATMP : 12 février 2020

N° dossier : 200212454

* "A titre subsidiaire, AFFECTER les deux maladies professionnelles et les coûts de ces maladies professionnelles au compte spécial des articles D.242-6-5 et D.242-6-7 du Code de la sécurité sociale🏛🏛,

* Et ce avec toutes conséquences de droit,

- REVISER ledit taux de cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles notifié par la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail du CENTRE à la société [6] à hauteur de 5.04 % à effet du 1er janvier 2022 pour son établissement sis [Adresse 7] ayant SIRET [N° SIREN/SIRET 3] CTN CC Section 01 Code risque 602 MG pour l'activité " Transports routiers de marchandises. Location de véhicules avec chauffeur " par décision datée du 1er janvier 2022,

- CONDAMNER la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail du CENTRE à notifier à la société [6] les comptes employeurs ainsi rectifiés,

- CONDAMNER la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail du CENTRE à notifier à la société [6] pour son établissement sis [Adresse 7] ayant SIRET [N° SIREN/SIRET 3] CTN CC Section 01 Code risque 602 MG pour l'activité " Transports routiers de marchandises. Location de véhicules avec chauffeur " le nouveau taux de cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles applicable à effet du 1er Janvier 2022, en suite du retrait de son compte employeur des maladies professionnelles de Monsieur [B] [J] sus visées,

- DIRE que la société [6] devra bénéficier du remboursement des cotisations trop versées à ce titre,

- DEBOUTER la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail du CENTRE VAL DE LOIRE de ses demandes, fins et conclusions,

- CONDAMNER la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail du CENTRE à verser à la société [6] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛,

- CONDAMNER la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail du CENTRE VAL DE LOIRE aux entiers dépens.


A l'audience du 20 janvier 2023, la société [6] soutient oralement par son avocat ses conclusions enregistrées par le greffe à la date du 13 janvier 2023 en précisant qu'elle renonce à sa demande de contestation de l'imputabilité.


Elle précise qu'elle invoque au soutien de sa demande d'inscription au compte spécial l'exposition chez elle, chez son précédent employeur [5] et les précédents employeurs visés par le CRRMP et elle revendique le bénéfice de ses conclusions dans lesquelles elle soutient pour l'essentiel que la multi-exposition aurait été reconnue par les 4 CRRMP ayant rendu des avis dans les deux dossiers de maladies professionnelles.


Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 5 janvier 2023 et soutenues oralement par son représentant, la CARSAT CENTRE VAL DE LOIRE demande à la Cour de :


- CONFIRMER la décision de la CARSAT CENTRE VAL DE LOIRE de maintenir sur le compte employeur de la société [6] les conséquences financières des maladies professionnelles déclarées par Monsieur [B] [J] ;

- DEBOUTER la Société [6] de l'ensemble de ses demandes.


Elle fait pour l'essentiel valoir ce qui suit :


Le 31 mars 2020, le CRRMP a rendu un avis validant le lien direct entre la pathologie de l'assuré et son travail habituel au sein de la société [6] en ces termes " L'étude des gestes, contraintes et postures générées par le (ou les) poste(s) de travail occupé(s) par l'assuré permet au Comité de retenir l'existence d'un lien de causalité direct entre la pathologie et les activités professionnelles exercées par l'assuré " (Pièce n°4).

Il sera de plus constaté par la Cour qu'à la date de première constatation médicale de la maladie le 25 mai 2019, Monsieur [Ac] était salarié de la société [6].

Concernant l'épaule droite (dossier 200512457), l'enquête administrative effectuée par la CPAM démontre que la société a embauché le salarié à compter du 28 novembre 2016, ce que la société d'ailleurs ne conteste pas puisqu'elle a produit le contrat de travail du salarié (Pièce adverse n°3) et mentionne uniquement en résumé des expositions au risque celle au sein de la société [6] du 28 novembre 2016 au 28 août 2019 (Pièce n°4).

Le dossier a été transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles " CRRMP " pour non-respect de la liste limitative des travaux.

Le 3 novembre 2020, le CRRMP a rendu un avis validant le lien direct entre la pathologie de l'assuré et son travail habituel au sein de la société [6].

Il sera de plus constaté par la Cour qu'à la date de première constatation médicale de la maladie le 12 février 2020, Monsieur [Ac] était salarié de la société [6].

Les éléments produits par la société ne sont pas de nature à démontrer que le salarié a été exposé au risque chez ses précédents employeurs.

Dès lors, c'est à bon droit que la CARSAT Centre Val de Loire a maintenu les incidences financières des maladies professionnelles de Monsieur [B] [J] sur le compte employeur de la société [6].

La CARSAT Centre Val de Loire sollicite en conséquence le débouté de la société [6] de l'ensemble de ses demandes.



MOTIFS DE L'ARRET.


Attendu que les articles D.242-6-5 alinéa 4 et D.242-6-7 alinéa 4 du code de la sécurité sociale [issus du décret n°2010-753 du 5 juillet 2010🏛 fixant les règles de tarification des risques accidents du travail et maladies professionnelles (ci-après AT/MP)] prévoient que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par un arrêté ministériel ne sont pas comprises dans la valeur du risque ou ne sont pas imputées au compte employeur mais sont inscrites à un compte spécial ;


Qu'aux termes des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995🏛 (relatif à la tarification des risques accidents du travail et maladies professionnelles) pris pour l'application de l'article D.242-6-5 précité sont inscrites au compte spécial les maladies professionnelles dans les cas suivants :


1° La maladie professionnelle a fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et la date d'entrée en vigueur du nouveau tableau de maladies professionnelles la concernant ;

2° La maladie professionnelle a fait l'objet d'une première constatation médicale postérieurement à la date d'entrée en vigueur du tableau la concernant, mais la victime n'a été exposée au risque de cette maladie professionnelle antérieurement à la date d'entrée en vigueur dudit tableau, ou la maladie professionnelle reconnue en application des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale🏛 a été constatée postérieurement au 29 mars 1993, mais la victime n'a été exposée au risque de cette maladie professionnelle antérieurement au 30 mars 1993 ;

3° La maladie professionnelle a été constatée dans un établissement dont l'activité n'expose pas au risque mais ladite maladie a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale ;

4° La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ;

5° La maladie professionnelle reconnue en application des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale a été constatée entre le 1er juillet 1973 et le 29 mars 1993.

6° La maladie est reconnue d'origine professionnelle en lien avec une infection par le SARS-CoV2, sur la base du tableau n° 100 " Affections respiratoires aiguës liées à une infection au SARS-CoV2 " ou en application de l'alinéa 7 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.


Attendu qu'il résulte de ce texte et des dispositions de l'article 1315 devenu 1353 du Code Civil🏛 qu'il appartient à la société qui sollicite l'inscription au compte spécial de prouver que les conditions fixées à l'article sus-visé sont réunies ;


Attendu à cet égard que si les déclarations du salarié sont à elles seules insuffisantes à établir son exposition au risque à l'origine d'une maladie professionnelles, elles peuvent être retenues à titre d'éléments de preuve de ces dernières à condition d'être corroborées par d'autres éléments du débat permettant de retenir des présomptions graves précises de l'exposition alléguée ( dans le sens que la Cour Nationale n'a pas donné de base légale à sa décision pour avoir rejeté la demande d'inscription au compte spécial sans rechercher, comme il lui était demandé, s'il ne résultait pas de l'avis médical émis par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ayant déterminé la prise en charge que le caractère professionnel de la maladie déclarée ne pouvait être établi qu'au regard de l'importance et de la durée de l'exposition de ce dernier auprès de ses employeurs successifs 2e Civ., 20 décembre 2012, pourvoi n° 11-27.995⚖️).


Attendu que la demanderesse soutient que le salarié aurait été exposé chez les employeurs suivants :


- Ouvrier agricole de 1983 à 1993 pour différents employeurs,

- Chauffeur livreur du 17/03/1993 au 31/05/2011 puis chef de quai jusqu'au 19/11/2016 pour la société [5]

- Chef de quai depuis le 28 novembre 2016 au bénéfice de la société [6].


Que ces employeurs sont indiqués par le salarié comme exposants sur sa déclaration de maladie professionnelle, étant précisé qu'il y a indiqué la liste de ses employeurs en qualité d'ouvrier agricole.


Attendu que le salarié a confirmé en outre avoir été exposé au service de la société [5] du 17 mars 1993 au 19 novembre 2016 dans les déclarations qu'il a faites à l'enquêteur de la caisse primaire d'assurance maladie de Bourges ( rapport du 30 octobre 2019 pièce n° 5 de la demanderesse) dont il résulte qu'il y assurait les fonctions de responsable de quai de 2011 à 2016, qu'à ce poste il effectuait du déchargement de camions (10 tonnes par personne) principalement à la main (2/3 des cas des colis et des pneus) et qu'il avait " tout le temps les bras en hauteur "


Attendu que les deux avis du 18 août 2022 du CRRMP région Rhône Alpes, second CRRMP saisi dans le cadre du contentieux portant sur l'inopposabilité, portant chacun sur la pathologie d'une des épaules, indiquent ce qui suit :


" Monsieur [B] [J] a exercé les professions suivantes :

- Ouvrier agricole de 1983 à 1993 pour différents employeurs,

- Chauffeur livreur du 17/03/1993 au 31/05/2011 puis chef de quai jusqu'au 19/11/2016 pour la société [5] (d'après l'assuré, déchargement de camions (jusqu'à 10 tonnes) principalement à la main (colis et pneus),

- Chef de quai depuis le 28 novembre 2016 au bénéfice de la société [6].

Il s'avère que Monsieur [B] [J] a été exposé pas seulement sur son dernier poste mais également sur l'ensemble de sa carrière à des contraintes sur ses épaules. L'ensemble de ces expositions nous semble effectivement suffisante et significative en termes d'amplitude, de contrainte posturale et de durée d'exposition pour engendrer ce type de pathologie.

L'avis du médecin du travail a été pris en compte.

Sur l'ensemble de ces éléments, le comité est en mesure d'établir une relation causale directe entre l'exposition professionnelle et l'affection faisant l'objet de la présente demande. "


Attendu qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence certaine des avis du 1er CRRMP saisi, celui de la région [Localité 4] centre Val-de-Loire, compte tenu de leur ambiguïté , puisque leur conclusion retenant "l'existence d'un lien de causalité directe entre la pathologie et les activités professionnelles exercées par l'assuré " s'attachait vraisemblablement aux activités de chef de quai, indiquées par le CRRMP comme constituant le travail habituel de la victime, mais qu'il ne pouvait être totalement exclu de cette formulation, comme le soutient la CARSAT, qu'elle portait sur ses activités au service de son dernier employeur.


Que les avis du second CRRMP ne sont quant à eux empreints d'aucune ambiguïté puisqu'ils prennent le soin d'indiquer expressément que le salarié a été exposé non seulement sur son dernier poste mais également sur l'ensemble de sa carrière, dont ils ont fourni le détail, et que c'est "l'ensemble de ces expositions " et "l'ensemble de ces éléments " qui leur permettent de retenir une relation causale directe entre l'exposition professionnelle et l'affection faisant l'objet de la demande de prise en charge.


Qu'au vu de ces deux avis du CRRMP région Rhône Alpes du 18 août 2022, il convient de retenir l'existence de présomptions graves précises et concordantes de l'exposition du salarié chez son dernier employeur et tous ses employeurs précédents qui viennent corroborer les déclarations du salarié relatives à son exposition au risque chez la totalité de ses employeurs, ce qui permet de retenir que le salarié a été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes.


Attendu qu'il résulte du 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 qu'il appartient à l'employeur d'établir que l'affection est imputable aux conditions de travail au sein de la totalité des entreprises différentes ayant employé la victime, sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ( en ce sens la majeure des arrêts non publiés du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252⚖️21-12.523⚖️, n° 21-14.779⚖️ et précédemment Civ. 2ème,12 mars 2015, n° 14-11349⚖️ 2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 19-16.097⚖️ 2e Civ., 23 septembre 2021, pourvoi no 20-15.724⚖️ qui subordonnent clairement l'inscription au compte spécial à la preuve d'une exposition au risque dans plusieurs établissements différents et à l'impossibilité corrélative de déterminer dans quelle entreprise la maladie a été contractée) / En sens contraire, exigeant de l'employeur sollicitant l'inscription au compte spécial qu'il apporte la preuve que l'affection dont le salarié avait été atteint devait être imputée aux conditions de travail chez ses précédents employeurs ( 2e Civ., 21 juin 2012, pourvoi n° 11-17.824⚖️ ; 2e Civ., 21 octobre 2010, pourvoi n° 09-67.494⚖️, Ad. 2010, II, n° 175; 2e Civ., 9 avril 2009, pourvoi n° 07-20.283⚖️ ; 2e Civ., 22 novembre 2005, pourvoi n° 04-11.447⚖️ qui approuve la CNITAAT d'avoir refusé l'inscription au compte spécial au motif que l'employeur ne rapportait pas la preuve que la maladie devait être imputée aux conditions de travail chez le précédent employeur, Bull. 2005, II, n° 302 ) également 2e Civ., 3 juin 2021, pourvoi n° 19-24.864⚖️ ; 2e Civ., 25 novembre 2021, pourvoi n° 20-19.296⚖️ ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.690⚖️ 2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-23.147⚖️).


Attendu que l'exposition au risque du salarié est intervenue pendant une période de 10 ans en qualité d'ouvrier agricole de 1983 à 1993 pour 5 employeurs, puis en qualité de chef de quai pour une période de 5 ans et demi pour la société [5] et enfin en qualité de chef de quai pour la société [6] à partir du 28 novembre 2016 et jusqu'à la date de première constatation médicale du 25 mai 2019, s'agissant de l'épaule gauche, et du 12 février 2020, s'agissant de l'épaule droite, soit une durée d'exposition chez cet employeur variant entre environ deux ans et demi et trois ans et un peu plus de deux mois selon les épaules concernées.


Attendu que les deux avis du CRRMP région Rhône Alpes du 18 août 2022 font apparaître que le salarié a été exposé à des contraintes sur l'ensemble de sa carrière et que l'on en comprend très clairement que c'est l'accumulation sur toute sa carrière de ces contraintes survenues dans chacun de ses emplois qui a fragilisé ses épaules et qui est finalement à l'origine de la rupture de sa coiffe des rotateurs gauche et droite.


Qu'il convient d'en retenir que l'activité exercée par le salarié chez chacun des employeurs a contribué à la pathologie finale sans qu'il soit possible de déterminer celui chez lequel la maladie a été contractée.


Qu'il résulte de tout ce qui précède que l'intégralité des conditions posées par le 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 sont satisfaites et qu'il convient en conséquence de dire non-fondée la décision du 31 mars 2022 de la CARSAT, d'ordonner l'inscription au compte spécial des coûts afférents aux deux maladies professionnelles déclarées par Monsieur [B] [J] par déclaration effectuée par lui en date du 4 septembre 2019 ainsi que le retrait des coûts en question du compte de l'établissement [N° SIREN/SIRET 3] section 1 et d'ordonner par voie de conséquence, dans les limites de la demande, en premier lieu la révision du taux de cotisations 2022 de la section 1 de l'établissement précité compte tenu de l'exclusion de sa base de calcul des coûts afférents à la maladie du salarié et, en second lieu et s'il y a lieu, la rectification de ce taux.


Attendu qu'en application de l'article L.142-1 7° du Code de la sécurité sociale🏛 le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs aux décisions des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d'accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l'octroi de ristournes, l'imposition de cotisations supplémentaires et, pour les accidents régis par le livre IV du présent code, la détermination de la contribution prévue à l'article L. 437-1 et qu'en application des articles L.311-16 et D.311-12 du code de l'organisation judiciaire🏛🏛 la présente Cour est spécialement désignée pour connaître de ces litiges.


Qu'il s'ensuit que n'entre pas dans le champ de compétence du juge de la tarification la demande en remboursement de cotisations indûment versées ( en ce sens la décision de non-admission de la 2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-23.266).


Qu'il convient en conséquence de relever d'office l'incompétence de la présente Cour pour connaître de la demande de remboursement des cotisations indument versées et, pour respecter le contradictoire, d'ordonner la réouverture des débats sur cette demande selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt.


Que la Cour n'étant pas dessaisie de la cause, il convient de réserver les dépens et les frais non répétibles.



PAR CES MOTIFS.


La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,


Dit non-fondée la décision du 31 mars 2022 de la CARSAT CENTRE VAL DE LOIRE.


Ordonne l'inscription au compte spécial des coûts afférents aux deux maladies professionnelles déclarées par Monsieur [B] [J] en date du 4 septembre 2019 ainsi que le retrait des coûts en question du compte de l'établissement [N° SIREN/SIRET 3] section 1.


Ordonne par voie de conséquence la révision du taux de cotisations 2022 de la section 1 de l'établissement précité compte tenu de l'exclusion de sa base de calcul des coûts afférents à la maladie du salarié et, s'il y a lieu, la rectification de ce taux.


Et en ce qui concerne la demande de la société [6] en remboursement des cotisations qu'elle aurait trop versées,


Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 15 Décembre 2023 à 9 heures à laquelle les parties pourront présenter leurs éventuelles observations sur le moyen relevé d'office par la Cour de l'incompétence de la présente Cour pour connaître de cette demande.


Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à l'audience de réouverture des débats.


Réserve les dépens et les frais non répétibles.


Le Greffier, Le Président,

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