Jurisprudence : TA Grenoble, du 11-05-2023, n° 2005367

TA Grenoble, du 11-05-2023, n° 2005367

A77379TQ

Référence

TA Grenoble, du 11-05-2023, n° 2005367. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/95923005-ta-grenoble-du-11052023-n-2005367
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Abstract

► Les statuts du service des langues d'une Université ne peuvent être rédigés en écriture inclusive afin de ne pas nuire au principe de clarté et d'intelligibilité de la norme.


Références

Tribunal Administratif de Grenoble

N° 2005367

4ème Chambre
lecture du 11 mai 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2020, M. B A demande au tribunal :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du conseil d'administration de l'université Grenoble-Alpes du 16 juillet 2020 portant approbation des statuts du service des langues ;

2°) d'enjoindre au président de cette université :

- de publier le présent jugement notamment sur le site internet de l'université Grenoble-Alpes ;

- de saisir le conseil d'administration afin qu'il approuve de nouveaux statuts rédigés sans marques d'écriture " inclusive " et ce, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement sous astreinte journalière de 100 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'université les frais d'expertise qui s'avèreraient nécessaires.

Il soutient que la rédaction des statuts en cause en langue dite " inclusive " contrevient à l'article 2 la Constitution, à l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme, à l'article 110 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts et à la circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2022, l'université Grenoble-Alpes conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les conclusions à fin d'annulation pour excès de pouvoir présentées par M. A sont irrecevables car dirigées contre une mesure d'organisation du service et faute d'intérêt à agir de l'intéressé ;

- subsidiairement, que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'éducation ;

- le décret n°2019-1123 du 31 octobre 2019🏛 portant création de l'Université Grenoble-Alpes et approbation de ses statuts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Permingeat, première conseillère,

- les conclusions de M. Journé, rapporteur public ;

- et les observations de M. A.

Considérant ce qui suit :

1. M. A est professeur agrégé d'anglais titulaire, employé par l'université Grenoble-Alpes. Dans la présente instance, il demande l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 16 juillet 2020 par laquelle le conseil d'administration de cet établissement public a approuvé les statuts du service des langues.

Sur les conclusions à fin d'annulation pour excès de pouvoir :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées en défense :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 42 des statuts de l'Université Grenoble-Alpes annexés au décret n°2019-1123 : " Le conseil d'administration détermine la politique de l'établissement. / A ce titre : () 12. Il approuve les créations, disparitions et modifications de composantes de l'EPE hors établissements-composantes () ". Aux termes de l'article 24 des mêmes statuts : " Le président assure la direction de l'EPE. / A ce titre : () 15. Il a autorité sur l'ensemble des personnels de l'EPE () ".

3. La délibération en litige a été adoptée par le conseil d'administration de l'université Grenoble-Alpes par application du point 12 de l'article 42 des statuts de cet établissement. Elle ne procède, par suite, pas de l'exercice du pouvoir hiérarchique que le point 15 de l'article 24 des mêmes statuts attribue au seul président. Il suit de là que cette décision ne peut être regardée comme une mesure d'organisation du service à l'encontre de laquelle M. A, en sa qualité d'agent de l'établissement, ne serait pas recevable à présenter des conclusions à fin d'annulation pour excès de pouvoir.

4. En second lieu, M. A, en sa qualité de professeur d'anglais de l'Université, et indépendamment des craintes qu'il déclare nourrir, justifie d'un intérêt à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération en litige dès lors qu'elle crée son service de rattachement et ainsi les instances dirigeantes aux décisions desquelles il a vocation à être soumis.

5. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées.

En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions à fin d'annulation :

6. La clarté et d'intelligibilité de la norme constituent un objectif de valeur constitutionnelle auquel doivent satisfaire les actes administratifs. Par ailleurs, le degré de clarté attendu d'un texte dépend de ses nature et fonction. Ainsi, le caractère technique et efficient d'un texte juridique impose un niveau de clarté propre à garantir son accessibilité immédiate.

7. En l'espèce, la plupart des articles des statuts en litige est rédigé en écriture " inclusive " consistant à décliner, autour d'un point médian, les formes masculine et féminines des mots variables. En attestent les exemples suivants : " Lorsqu'un.e représentant.e des personnels perd la qualité au titre de laquelle il.elle a été élu.e ou lorsque son siège devient vacant, il.elle est remplacé.e, pour la durée du mandat restant à courir par le.a candidat.e de la même liste non élu.e venant immédiatement après le.a dernière.e candidat.e élu.e " (premier alinéa de l'article 7) ; " Le.la Directeur.trice du Service Des Langues est élu.e pour 5 ans au scrutin secret. Il.elle est élu.e au premier tour à la majorité absolue des membres élu.e.s, aux tours suivants, il.elle est élu.e à la majorité relative./ Il ne peut être procédé à plus de trois tours de scrutin au cours d'une même séance en vue de l'élection du.de la Directeur.trice " (premier alinéa de l'article 11) ou encore " La séance est présidée par le.la directeur.rice sortant.e. Si ce.cette dernier.ère est candidat.e, la séance est présidée par le.a doyen.ne d'âge élu.e non candidat.e parmi les enseignant.es, enseignant.es chercheur.es et les chercher.es. " (huitième alinéa de l'article 11).

8. Conformément au constat opéré par l'Académie française dans sa déclaration du 26 octobre 2017, l'usage d'un tel mode rédactionnel a pour effet de rendre la lecture de ces statuts malaisée alors même qu'aucune nécessité en rapport avec l'objet de ce texte, qui impose, au contraire, sa compréhensibilité immédiate, n'en justifie l'emploi. Par suite, M. A est fondé à soutenir que l'utilisation de ce type de rédaction porte en l'espèce atteinte à l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, il y a lieu d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du conseil d'administration de l'université Grenoble-Alpes du 16 juillet 2020 portant approbation des articles 2 à 15, 17 et 18 du statut du service des langues en tant qu'ils sont rédigés en écriture " inclusive ".

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article 79 des statuts de l'université Grenoble-Alpes : " Les séances des conseils centraux et de leurs éventuelles commissions font l'objet de relevés de décisions qui sont publics. Les délibérations () desdits conseils () font l'objet d'un affichage et d'une publication sur le site intranet de l'EPE ". Par ailleurs, l'annulation prononcée au point 9 emporte disparition rétroactive des marques d'écriture " inclusive " contenues dans les statuts du service des langues de l'université Grenoble-Alpes.

11. Il résulte, en premier lieu, de ce qui précède que les conclusions de M. A tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au président de l'université Grenoble-Alpes de saisir le conseil d'administration afin qu'il approuve de nouveaux statuts rédigés sans marques d'écriture " inclusive " doivent être rejetées. Il y a lieu en revanche, en second lieu et par application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative🏛, afin de garantir une publicité adéquate des effets formels sur les statuts du service des langues de l'annulation prononcée, d'enjoindre à cette même autorité d'en assurer la diffusion dans les mêmes formes que celles prévues par les dispositions citées au point 10 pour la publication des délibérations du conseil d'administration de l'établissement. Il est donc enjoint au président de l'Université d'afficher le présent jugement et d'en assurer la publication sur le site intranet de l'Université dans le délai de 8 jours courant à compter de sa date de notification.

Sur les dépens de l'instance :

12. Le présent litige n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions de M. A tendant à la condamnation de l'université Grenoble-Alpes à leur paiement doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er :

Article 2 :

Article 3 :

Article 4 :

La délibération du 16 juillet 2020 du conseil d'administration de l'université Grenoble-Alpes approuvant les articles 2 à 15, 17 et 18 des statuts du service des langues est annulée en tant que ces articles sont rédigés en écriture " inclusive ".

Il est enjoint au président de l'université Grenoble-Alpes de procéder à l'affichage et à la publication du présent jugement sur le site intranet de l'établissement dans le délai de huit jours à compter de sa date de notification.

Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Le présent jugement sera notifié à M. B A et à l'université Grenoble-Alpes.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pfauwadel, président,

Mme Bailleul, première conseillère,

Mme Permingeat, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

La rapporteure,

F. Permingeat

Le président,

T. Pfauwadel

La greffière,

L. Rouyer

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2005367

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