Jurisprudence : CE 5/6 ch.-r., 26-04-2023, n° 466929

CE 5/6 ch.-r., 26-04-2023, n° 466929

A87819RN

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:466929.20230426

Identifiant Legifrance : CETATEXT000047523887

Référence

CE 5/6 ch.-r., 26-04-2023, n° 466929. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/95572187-ce-56-chr-26042023-n-466929
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

466929

ASSOCIATION INTERPROFESSIONNELLE DES FRUITS ET LEGUMES FRAIS

Mme Pauline Hot, Rapporteure

M. Stéphane Hoynck, Rapporteur public

Séance du 12 avril 2023

Décision du 26 avril 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 5ème chambres réunies)

Sur le rapport de la 6ème chambre de la Section du contentieux


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct enregistré le 27 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'association interprofessionnelle des fruits et légumes frais demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'abroger les dispositions du paragraphe III de l'article 1er du décret n° 2020-1724 du 28 décembre 2020 relatif à l'interdiction d'élimination des invendus non alimentaires et à diverses dispositions de lutte contre le gaspillage, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 80 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

L'association interprofessionnelle des fruits et légumes frais soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent la liberté d'entreprendre, le principe d'égalité et le principe de légalité des délits et des peines, garantis par les articles 4, 6, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi et l'article 34 de la Constitution.

Par des observations enregistrées au secrétariat de la section du contentieux le 14 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a conclu à la non-transmission de la question prioritaire de constitutionnalité. Elle soutient que la question soulevée ne présente pas un caractère nouveau ni sérieux.

La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée à la Première Ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule, et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'article 80 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (…) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Sur le fondement de ces dispositions, l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais demande, à l'appui du recours pour excès de pouvoir qu'elle a formé contre la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'abrogation des dispositions du paragraphe III de l'article 1er du décret du 28 décembre 2020 relatif à l'interdiction d'élimination des invendus non alimentaires et à diverses dispositions de lutte contre le gaspillage, que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 80 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

3. Ces dispositions sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

4. Aux termes de l'article 80 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire : « Au plus tard le 1er janvier 2022, il est mis fin à l'apposition d'étiquettes directement sur les fruits ou légumes, à l'exception des étiquettes compostables en compostage domestique et constituées en tout ou partie de matières biosourcées. » A l'appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, l'association interprofessionnelle des fruits et légumes frais soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité et la liberté d'entreprendre garantis par les articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le principe de légalité des délits et des peines garantis par l'article 8 de la même déclaration, l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi, et qu'elles sont entachées d'incompétence négative.

5. Le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

DECIDE :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 80 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association interprofessionnelle des fruits et légumes frais jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association interprofessionnelle des fruits et légumes frais, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

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