Jurisprudence : CE Contentieux, 20-11-1987, n° 63100, BERT

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 63100

BERT

Lecture du 20 Novembre 1987

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête enregistrée le 6 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Henri BERT, propriétaire d'un lot dans la Cité Estivale du Grand Travers à la Grande Motte, demeurant 15, avenue d'Assas à Montpellier (34000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : °1) annule le jugement du 16 juillet 1984 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, d'une part, a rejeté ses demandes tendant en premier lieu à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 300 000 F en réparation du préjudice subi par lui du fait du comportement frauduleux de l'administration au sujet du lotissement La Cité du Grand Travers à La Grande Motte, en deuxième lieu à l'annulation de la décision en date du 20 novembre 1980 et de la décision implicite résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le Préfet de l'Hérault sur sa réclamation en date du 20 décembre 1980, tendant à ce que l'Etat lui verse des indemnités et une somme de 300 000 F et, en troisième lieu, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 300 000 F, et d'autre part, l'a condamné à une amende de 4 000 F pour recours abusif ; °2) condamne l'Etat à lui verser une indemnité de 300 000 F ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu : - le rapport de M. Jacques Durand, Conseiller d'Etat, - les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. Henri BERT, - les conclusions de M. Roux, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

Considérant que, par sa lettre du 23 avril 1979, M. BERT se bornait à demander au préfet de l'Hérault l'exécution du jugement du 4 juin 1973 du tribunal administratif de Montpellier et de la décision du 13 juin 1975 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ; que, dans ces conditions, la demande qu'il a présentée le 30 octobre 1979 devant le tribunal administratif, enregistrée sous le °n 6 830, et tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 300 000 F à titre de dommages et intérêts, a été à bon droit rejetée par le jugement attaqué comme irrecevable en l'absence de décision préalable ;

Considérant que, par sa lettre du 31 octobre 1980, M. BERT a demandé au préfet de l'Hérault le versement par l'Etat d'une indemnité de 300 000 F en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de l'administration ; qu'en refusant, par sa lettre du 20 novembre 1980, de faire droit à cette demande, le préfet a lié le contentieux ; qu'en demandant au préfet, par lettre du 20 décembre 1980, de revenir sur son refus, demande qui doit être regardée comme un recours gracieux, M. BERT a interrompu le délai de recours contentieux, qui, en l'absence d'une décision explicite de rejet, n'a pas recommencé à courir ; que, dès lors, la demande déposée par M. BERT devant le tribunal administratif le 29 avril 1981 et enregistrée sous le °n 8 663 n'était pas tardive ; qu'il en va de même de sa demande déposée devant le tribunal administratif le 10 juin 1982 et enregistrée sous le °n 9 950, dès lors que le préfet n'avait pas répondu explicitement à un deuxième recours gracieux de M. BERT en date du 9 décembre 1981 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. BERT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 16 juillet 1984, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes °n 8 663 et °n 9 950 ; que ce jugement doit être annulé en tant qu'il rejette lesdites demandes et que, par son article 2, il condamne M. BERT au paiement d'une amende pour recours abusif ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes susanalysées °n 8 663 et °n 9 950 ;

Considérant que ces demandes présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par la même décision ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant que M. BERT demande que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 300 000 F pour préjudice d'agrément, troubles dans les conditions d'existence et diminution de la valeur vénale de son terrain résultant du comportement fautif de l'administration, qui a autorisé des constructions illégales et refusé de faire exécuter les décisions du juge administratif ;

Considérant que, par son jugement du 4 juin 1973, confirmé par la décision du 13 juin 1975 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, le tribunal administratif de Montpellier a annulé pour excès de pouvoir l'article 2 a) de l'arrêté du 16 décembre 1970 du préfet de l'Hérault approuvant diverses modifications du cahier des charges du lotissement du Grand Travers de Mauguio et l'arrêté du 14 mai 1971 du maire de Mauguio délivrant à M. Armanger, sur le fondement de la modification illégalement approuvée du cahier des charges, un permis de construire sur un lot voisin de celui de M. BERT ; qu'en prenant ces décisions illégales, le préfet et le maire, qui agissait au nom de l'Etat, ont commis des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. BERT ;

Sur le préjudice : Considérant, en premier lieu, que M. BERT n'établit ni que la faute de l'administration serait à l'origine de la diminution de la valeur vénale de son terrain ni même que la valeur vénale de ce terrain ait diminué ; Considérant, en second lieu, que le juge judiciaire a fait droit à la demande de M. BERT tendant à la réparation de son préjudice d'agrément et à la démolition de la construction que l'administration avait illégalement autorisée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. BERT ait subi un préjudice d'agrément supérieur à celui qui a été indemnisé par le juge judiciaire et qu'ainsi ses conclusions sur ce point doivent être rejetées ; Considérant, en troisième lieu, qu'en raison de la faute commise par l'administration, M. BERT a subi des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il en sera fait une juste appréciation en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 5 000 F ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. BERT a droit aux intérêts de la somme de 5 000 F à compter du 31 octobre 1980 ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 4 juin 1985 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Article 1er : L'article 1 du jugement rendu le 16 juillet 1984 par le tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il rejette les demandes °n 8 663 et °n 9 950 de M. BERT, et l'article 2 dudit jugement sont annulés.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer la somme de 5 000 F à M. BERT, avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 1980. Les intérêts échus le 4 juin 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. BERT devant le Conseil d'Etat et de ses demandes devant le tribunal administratif est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. BERT et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.

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