Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 12-04-2023, n° 22/11458, Confirmation


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4


ARRÊT AU FOND

DU 12 AVRIL 2023


N°2023/60


Rôle N° RG 22/11458 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4JR


[U] [G]


C/


[Z] [Y] veuve [G]


[L] [W]


Copie exécutoire délivrée

le :

à :


Me Gilles BROCA


Me Paul GUEDJ


Me Charles TOLLINCHI


Décision déférée à la Cour :


Ordonnance du Juge de la mise en état de NICE en date du 28 Juin 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 20/04466.



APPELANTE


Madame [U] [G]

née le … … … à [Localité …] (…), … …[… …]


représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


INTIMES


Madame [Aa] [Y] veuAbe [G]

née le … … … à [Localité 9], demeurant [… …]


représentée par Me Gilles BROCA, avocat au barreau de NICE


Maître [L] [W], demeurant [… …]


représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


*-*-*-*-*



COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile🏛🏛🏛, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Michèle JAILLET, Président Rapporteur, et Madame Nathalie BOUTARD, conseiller- rapporteur, chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :


Madame Michèle JAILLET, Présidente

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère


Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2023.


ARRÊT


contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2023.


Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



EXPOSE DU LITIGE


M. [A] [G], né le … … … à [Localité 9] (Alpes-Maritimes), a épousé le 30 juin 1945 Mme [D] [R], née le … … … à [Localité 9], après par contrat de mariage adoptant la séparation de biens reçu par Maître [J], notaire à [Localité 7] (Alpes Maritimes) le 30 juin 1945.


De cette union est née Mme [Ac] [G] le 12 octobre 1947 à [Localité 9].


Le 14 décembre 1988, les époux [G]/[R] ont opté pour la communauté universelle aux termes d'un acte de changement de régime matrimonial reçu par Maître [S] [M], notaire à [Localité 9], le 15 septembre 1988 et homologué par jugement rendu le 10 mai 1989 par le tribunal de grande instance de Nice.


Mme [D] [R] épouse [G] est décédée le 10 mai 1996 à [Localité 9] ( 06 ).

M. [A] [G] s'est remarié le 27 avril 2000 avec Mme [Aa] [Y], née le … … … à [Localité 10] ( 28 ) en adoptant le régime de séparation de biens par contrat de mariage reçu par Maître [N] [K] le 7 avril 2000.


De son vivant, M. [G] a réalisé plusieurs libéralités :

' Suivant acte reçu par Maître [L] [W], notaire à [Localité 9], en date du 24 mars 2004, M. [A] [G] a fait donation à son épouse Mme [Aa] [Ad] épouse [G] hors part successorale et donc avec dispense de rapport de 55% des biens sis [Adresse 6] à [Localité 9] (lots 66, 169, 179 et 262).

' Suivant acte reçu par le même notaire le 25 mars 2004, M. [A] [G] a fait donation à Mme [U] [G] d'un immeuble sis [Adresse 3], cadastré section LO [Cadastre 2] composé d'un appartement, d'un local commercial et deux caves en avancement de part successorale sous diverses charges au profit du donateur.

' Suivant testament olographe daté du 27 mai 2004, M. [G] a légué à son épouse l'intégralité de la pleine propriété des lots 66, 169, 179 et 262 à [Localité 9] [Adresse 5] ainsi que l'intégralité des meubles meublants s'y trouvant et ce net de tout frais et droits.

' Le 1er juillet 2009, M. [Ab] a fait donation à son épouse des quotités permises entre époux sur le fondement de l'article 1094-1 du code civil🏛.


M. [G] est mort le 18 février 2011 à [Localité 9] en laissant à sa survivance son conjoint successible, Mme [Z] [Y] épouse [G], et sa fille, Mme [U] [G].


Les héritiers de M. [Ab] ont confié à Maître [L] [W] la charge de régler la succession du défunt.

Le 31 août 2011, Maître [L] [W] a reçu l'acte de liquidation-partage transactionnel et forfaitaire de la succession de M. [A] [G] lequel a été signé par Maître de Gubernatis ' représentant Mme [Ac] [G] ' et Mme [Z] [Y] veuve [G].


Par exploits extrajudiciaires délivrés le 23 novembre 2020 et le 26 juillet 2021, Mme [U] [G] a assigné Mme [Z] [Y], Maître [W] et LA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE devant le tribunal judiciaire de Nice afin de voir reconnaître que les libéralités consenties en 2004 et en 2009 portent atteinte à la réserve héréditaire et que Mme [Z] [Y] a commis le délit de recel successoral.


Mme [Y] a saisi le juge de la mise en état d'une demande d'incident notamment pour voir déclarer prescrites certaines demandes pour prescription ou défaut de qualité et d'intérêt à agir de Mme [U] [G].



Par ordonnance contradictoire du 28 juin 2022, à laquelle il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nice a :

- Dit n'y avoir lieu à renvoi de l'examen de fin de non-recevoir devant la juridiction de jugement statuant en collégiale,

Vu les actes d'assignation délivrées les 23 novembre 2020 et 26 juillet 2021,

- Déclaré prescrite l'action en réduction de libéralités consentie par feue [A] [G],

- Déclaré prescrite l'action en recel successoral,

- Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en réparation pour comportement déloyal,

- Rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'imprécision de la demande à l'égard de la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE,

- Rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir contre la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE,

- Rejeté la demande de la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE de communication de pièce devenue sans objet,

- Déclaré prescrite l'action en responsabilité à l'encontre de Maître [W] [L],

- Dit que [U] [G] est dépourvue de qualité à agir en responsabilité à l'encontre de Maître [W] [L] pour l'acte de changement de régime matrimonial entre les époux [G] / [R] dressé le 15 septembre 1988 par Maître [S] [M],

- Condamné [U] [G] à versé à [Z] [Y] à Maître [W] [L] la somme de 1.000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- Condamné [U] [G] aux entiers dépens de l'instance d'incident qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile🏛 avec distraction au profit de Maître Gilles Broca, Maître Valérie Sadousty, Avocats

- Rejeté les demandes des parties plus amples ou contraires,

- Renvoyé les parties à l'audience dématérialisée du juge de la mise en état du 3 octobre 2022 à 9 heures 30 pour les conclusions au fond en réplique de [Z] [Y], de Maître [W] [L] et de la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE sur le fond de l'affaire.

Cette ordonnance n'a pas été signifiée selon les parties.



Par déclaration reçue au greffe le 08 août 2022, Mme [U] [G] a interjeté appel de cette ordonnance de 7 chefs de dispositions sur 14.


Par premières conclusions déposées le 12 août 2022, l'appelante a demandé à la cour de:

Vu les appels formés par Madame [Z] [Y], d'une part, et par Madame [U] [G], d'autre part,

ORDONNER la jonction des procédures suivies sous les numéros de rôle 22/09502 et 22/11458.

STATUANT par un seul et même arrêt,

DEBOUTER Madame [Y] de son appel et de ses demandes.

CONFIRMER l'ordonnance attaquée uniquement en ce qu'elle a débouté Madame [Y] de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en réparation pour comportement déloyal.

REFORMER pour le surplus la décision dont appel, en ce que le premier juge a :

- déclaré prescrite l'action en réduction des libéralités consentie par feu [A] [G],

- déclaré prescrite l'action en recel successoral,

- déclaré prescrite l'action en responsabilité à l'encontre de Maître [L] [W]

- dit que [U] [G] est dépourvue de qualité à agir en responsabilité à l'encontre de Maître [L] [W] pour l'acte de changement de régime matrimonial entre les époux [G] / [R] dressé le 14 septembre 1988 par Maître [S] [M],

- condamné [U] [G] à verser à [Z] [Y] et à Maître [W] la somme de 1.000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et à supporter les dépens.

STATUANT à nouveau,

DEBOUTER Madame [Y] et Maître [W] de leurs prétentions incidentes et accessoires et les déclarer tant irrecevables que mal fondées.

DECLARER recevable et non prescrite l'action en réduction des libéralités consentie par feu [A] [G],

DECLARER recevable et non prescrite l'action en recel successoral,

DIRE que Madame [G] a qualité et intérêt pour agir en réduction des libéralités,

DECLARER recevable et non prescrite l'action en responsabilité à l'encontre de Maître [L] [W]

RECONNAITRE à Madame [U] [G] la qualité à agir en responsabilité à l'encontre de Maître [L] [W] pour l'acte de changement de régime matrimonial entre les époux [G] / [R] dressé le 14 septembre 1988 par Maître [S] [M],

DECLARER recevables les demandes de Madame [G],

CONDAMNER solidairement Madame [Z] [Y] et Maître [L] [W] à payer chacune à Madame [U] [G] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et à supporter les dépens.

Par conclusions déposées le 09 septembre 2022, l'intimée maître [W] sollicite de la cour de :

Vu l'article 2224 du code civil🏛,

Vu l'article 31 du code de procédure civile🏛,

Vu les pièces versées aux débats,

Confirmer l'ordonnance du Juge de la mise en état du 28 juin 2022 en ce qu'elle a :

- déclaré prescrite l'action en réduction de libéralités consentie par feu [A] [G];

- Déclaré prescrite l'action en responsabilité à l'encontre de Maître [W] [L] ;

- Dit que [U] [G] est dépourvue de qualité à agir en responsabilité à l'encontre de Me [W] [L] pour l'acte de changement de régime matrimonial entre les époux [G]/[R] dressé le 15 septembre 1988 par Me [S] [M] ;

- Condamné [U] [G] à verser à Maître [W] Nathalie la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

- Condamné [U] [G] aux entiers dépens de l'instance d'incident.

Dire et Juger l'action de Madame [G] en réduction des donations prescrite et se heurtant au principe de l'autorité de la chose jugée et partant irrecevable ;

Dire et Juger l'action en responsabilité de Madame [G] l'encontre de Me [W] prescrite et dépourvue d'intérêt légitime et partant irrecevable ;

Débouter Madame [G] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions telles que dirigées à l'encontre de Maître [W] ;

La condamner à payer à Maître [W] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ ' A ' DAVAL GUEDJ sur son offre de droit .


Maître [W] a notifié le 4 novembre 2022 ses conclusions notifiées le 9 septembre 2022 à Mme [Aa] [Y] veuve [G] ayant constitué avocat.


Par avis du 03 novembre 2022, les parties ont été informées que l'affaire était fixée à bref délai à l'audience du 15 mars 2023, en application de l'article 905-1 du code de procédure civile🏛.


Par conclusions transmises le 03 novembre 2022, Mme [Z] [Y] veuve [G] réclame de la cour de :

- Voir ordonner la jonction de la présent procédure avec celle enrôlée sous le n° de R.G. 22/09502 aux termes de laquelle la concluante poursuit l'infirmation de l'ordonnance du Juge de la Mise en Etat du Tribunal judiciaire de NICE en date du 28 juin 2022 en ce qu'elle a déclaré non prescrite la demande formée par Madame [U] [G] à son encontre et tendant à obtenir sa condamnation à lui payer une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts.

- Confirmer l'ordonnance du juge de la Mise en Etat en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en réduction des libéralités engagée par Madame [G] aux visas des articles 122 et 789 du Code de Procédure Civile🏛🏛 et 921 du Code Civil ;

- Subsidiairement et vu les articles 122 et 789 du Code de Procédure Civile et 2044 et 2052 du Code Civil ;

Vu l'acte de liquidation et partage régularisée à titre transactionnel entre les parties le 31 août 2011 ;

- Constater que la demande de Madame [U] [G] en réduction des libéralités se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction du 31 août 2011;

Dès lors, la déclarer irrecevable en sa demande ;


Plus subsidiairement et vu les articles 31, 32, 122 et 789 du Code de Procédure Civile🏛 ;

- Constater que Madame [U] [G] a tacitement renoncé à sa demande en réduction de libéralité.

Dès lors l'a déclaré irrecevable dans sa demande, faute de qualité et d'intérêt pour agir.

Encore plus subsidiairement et vu les articles 122 et 789 du Code de Procédure Civile;

Vu l'Arrêt de la Cour de Cassation en date du 4 janvier 2017 (n° de pourvoi 15-26.827⚖️);

- Constater que Madame [G] n'a saisi les Tribunaux d'aucune demande tendant à la liquidation et au partage de la succession du de cujus, et ce alors que ces opérations sont closes par l'acte de liquidation et partage conventionnel du 31 août 2011.

Dès lors, déclarer irrecevable Madame [G] dans sa demande en rapport des donations (réduction des libéralités).

- Confirmer l'ordonnance du juge de la Mise en Etat en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en recel successoral engagée par Madame [G] aux visas des articles 122 et 789 du Code de Procédure Civile et 2224 du Code Civil ;


Subsidiairement et vu les articles 122 et 789 du Code de Procédure Civile et 2044 et 2052 du Code Civil ;

Vu l'acte de liquidation et partage régularisée à titre transactionnel entre les parties le 31 août 2011 ;

- Constater que la demande en recel successoral de Madame [Ac] [Ab] se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction du 31 août 2011 ;

- Dès lors, la déclarer irrecevable en sa demande ;

Plus subsidiairement et vu les articles 122 et 789 du Code de Procédure Civile ;

Vu l'Arrêt de la Cour de Cassation en date du 6 novembre 2019 (n° de pourvoi 18-24.332⚖️);

- Constater que les opérations de liquidation et partage de la succession de feu [A] [G] sont closes en l'état de l'acte de liquidation et partage régularisé par les parties en date du 31 août 2011.

Dès lors, déclarer irrecevable Madame [G] dans sa demande en recel successoral.

- Condamner Madame [U] [G] à payer à la concluante une somme de 5.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du C.P.C. ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction est requis au profit de Maitre Gilles BROCA pour ceux dont il a fait l'avance (article 699 du C.P.C.).


L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2023.



MOTIFS DE LA DECISION


En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.


Sur l'étendue de la saisine de la cour


Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile🏛, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.


Les demandes de "donner acte" sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile🏛.

Ne constituent pas par conséquent des prétentions au sens de l'article sus-cité du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir "constater" ou "donner acte" ou encore à "prendre acte" de sorte que la cour n'a pas à y répondre.

Il n'y a donc pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à "constater que" ou "dire que " telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.


L'article 9 du code de procédure civile🏛 dispose 'qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention" et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée "avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation".

Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis l'ordonnance déférée et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.


L'appelante n'a pas relevé appel des chefs de l'ordonnance qui concernent la Banque Populaire Méditerranée de sorte que cette dernière n'est pas partie à la présente procédure d'appel.


Sur la demande de jonction


L'article 367 du code de procédure civile🏛 dispose que "Le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs";


Mmes [G] et [Y] sollicitent que les procédures suivies sous le numéro RG n°22/09502 et RG n°22/11458 soient jointes sous un même numéro de rôle puisque ces deux affaires portent sur l'ordonnance du juge de la mise en état du 28 juin 2022.

Cette possibilité, qui ne peut constituer qu'un acte d'administration judiciaire, ne remplit pas en l'espèce les conditions d'une bonne administration de la justice, en raison des deux déclarations d'appels formées par Mme [Ad] puis parAbMme [G].


Les demandes de jonction de Ae [Ab] et [Y] seront donc rejetées.


Sur la prescription des actions en réduction et en recel successoral


L'article 778 du code civil🏛 dispose que "Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession".


L'article 780 du code civil🏛 dispose que "La faculté d'option se prescrit par dix ans à compter de l'ouverture de la succession.

L'héritier qui n'a pas pris parti dans ce délai est réputé renonçant.

La prescription ne court contre l'héritier qui a laissé le conjoint survivant en jouissance des biens héréditaires qu'à compter de l'ouverture de la succession de ce dernier.

La prescription ne court contre l'héritier subséquent d'un héritier dont l'acceptation est annulée qu'à compter de la décision définitive constatant cette nullité.

La prescription ne court pas tant que le successible a des motifs légitimes d'ignorer la naissance de son droit, notamment l'ouverture de la succession".


L'article 789 du même code🏛 énonce que "La déclaration est accompagnée ou suivie de l'inventaire de la succession qui comporte une estimation, article par article, des éléments de l'actif et du passif.

L'inventaire est établi par un commissaire-priseur judiciaire, un huissier ou un notaire, selon les lois et règlements applicables à ces professions".

L'article 789 dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 disposait que "La faculté d'accepter ou de répudier une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers".


L'article 921 du code civil🏛, dans sa rédaction applicable au litige, rappelle que "La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter.

Le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès".


Mme [Ab] sollicite l'infirmation de l'ordonnance l'ayant déclarée irrecevable en ses demandes de réduction des libéralités comme de recel successoral. Elle expose, en substance que :

- contrairement à ce qu'a décidé le juge de la mise en état, l'appelante expose qu'elle a exercé son action dans les dix ans à compter du décès du de cujus. Elle se fonde sur le délai de l'article 780 car son assignation en contestation d'héritage a été exercée pendant cette durée ;

- Le délai de 30 ans visé à l'article 789 du code civil devrait également être pris en considération. Mme [Ad] aurait vendu des biens immobiliers qui auraient dû faire partie de la succession et également de la réserve héréditaire spoliée. Les avoirs n'auraient jamais été versés, contrairement à ce qu'évoque l'intimée ;


Mme [Y] sollicite la confirmation de l'ordonnance sur ces points. Elle fait observer en substance que :

- le délai de prescription de l'action en réduction est de cinq ans à compter de l'ouverture de la succession et ce n'est que si les héritiers réservataires ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve postérieurement à l'écoulement de ce délai qu'un nouveau délai de deux ans court alors ;

- Il serait constant que Mme [Ac] [G] a eu connaissance de son atteinte à la réserve héréditaire, au plus tard, au jour de l'acte de liquidation du 31 août 2011. Cet acte fait expressément mention des actes de donations de mars 2004 et du 1er juillet 2009 ainsi que du testament du 27 mai 2004 ;

- Au 31 août 2011, Mme [Ab] avait donc nécessairement connaissance de l'atteinte prétendue à sa réserve héréditaire si bien qu'elle devait engager son action cinq ans après le décès, soit au 18 février 2016, M. [Ab] étant décédé le 18 février 2011 ;

- Sur le recel successoral, Mme [G] serait également irrecevable au sens de l'article 778 du code civil. Mme [G] ne développerait aucun moyen pour justifier de sa demande d'infirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état sur ce chef. L'argument sur l'application de l'article 789 du code civil serait inopérant puisque celui-ci concerne l'option de l'héritier et non le recel successoral.


Maître Nathalie [W] sollicite la confirmation de l'ordonnance sur la prescription de l'action en réduction. Mme [G] avait, selon le notaire, cinq ans à compter du décès de son père pour engager une action en réduction puisqu'elle avait eu connaissance des libéralités au jour de l'acte de liquidation du 31 août 2011.

L'ordonnance attaquée mentionne que les libéralités litigieuses sont précisément évoquées et détaillées en pages 7 et 8 de l'acte de liquidation partage dressé par le notaire, acte que Mme [G] a accepté le 31 août 2011 en étant représentée par son conseil auquel elle avait donné pouvoir. Sa connaissance de l'acceptation du choix du conjoint successible sans exception ni réserve ressortirait d'autant plus, de la page 9 de cet acte.

Le juge de la mise en état relève que l'introduction de l'instance aux fins de réduction ayant été introduite par acte du 23 novembre 2020, la prescription ne pouvait qu'être consommée. Il déclare irrecevable cette action en réduction.

Sur le recel successoral, l'ordonnance rappelle que Mme [G] ne donne aucun élément dans ses écritures pour dater sa connaissance de la dissimulation alléguée. Le juge de la mise en état déclare en conséquence Mme [Ab] irrecevable en sa demande puisque l'assignation a été délivrée au délai du délai de cinq ans de l'article 778 du code civil;

À titre surabondant, l'ordonnance attaquée précise que l'action en recel serait irrecevable faute d'une instance en partage.

À titre liminaire, il convient de souligner que l'appelante n'expose aucun moyen pertinent permettant d'étayer son appel et d'infirmer l'ordonnance entreprise sur la prescription de son action en recel successoral. Mme [G] évoque le délai de trente ans page 8 de ses conclusions mais l'article 789 du code civil n'a aucun rapport avec la prescription extinctive du recel successoral, l'appelante se référant de plus à une rédaction qui n'est pas applicable au litige s'agissant d'une succession ouverte en février 2011.

Par conséquent, l'ordonnance entreprise doit être confirmée sur la prescription du recel successoral.


Sur l'action en réduction, Mme [G] procède par voie d'affirmation en invoquant le délai de dix ans de l'article 780 du code civil qui ne concerne non pas un délai de prescription de l'action en réduction mais un délai pour opter. Cet article est inopérant pour établir la non-prescription de l'action.

Il n'est pas sérieusement contestable que Mme [Ab] a eu connaissance des libéralités consenties par son père à Mme [Ad] veuve [G], au plus tard, au jour de la signature de l'acte de liquidation du 31 août 2021 lesquelles sont énoncées précisément dans l'acte dressé par le notaire.

Par conséquent, Mme [G] avait cinq ans à compter du décès de son père pour intenter l'action en réduction des libéralités litigieuses, soit jusqu'au 11 février 2016 au sens de l'article 921 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.

Mme [G] a fait assigner Mme [Ad] veuve [G] par acte extrajudiciaire du 23 novembre 2020. Elle est donc irrecevable en sa demande.

Par conséquent, l'ordonnance attaquée doit être confirmée.


Sur l'action en responsabilité contre le notaire


Mme [G] explique que l'abus de faiblesse de Mme [Z] [Y] sur son époux, M. [A] [G], au détriment de sa fille aurait dû alerter Maître [W]. Les actes conclus étaient nuls de droit car le défunt était sous l'emprise de Mme [Z] [Y]. Mme [G] souhaite voir l'ordonnance infirmée pour voir déclarer recevable et non prescrite l'action en responsabilité contre MaWtre [W].

Elle réclame de la cour la reconnaissance de sa qualité à agir à l'encontre de Maître [W] pour l'acte de changement de régime matrimonial entre les époux [G] / [R] dressé le 14 septembre 1988 par Maître [S] [M].


L'ordonnance critiquée rappelle que l'existence de libéralités a été connue au plus tard le 31 août 2011 puisque Mme [Ab] ne mentionne pas avoir eu connaissance de la vente des biens immobiliers par le notaire à une date plus tardive. Par conséquent, l'action délivrée le 23 novembre 2020 contre le notaire est prescrite.


Le juge de la mise en état rappelle encore que Mme [Ab] ne saurait reprocher à Maître [W] de ne pas l'avoir fait intervenir en sa qualité d'enfant sachant que l'acte a été conclu en l'étude de Maître [S] [M]. L'ordonnance déclare, par conséquent, irrecevable Mme [G] faute de qualité à agir.

En cause d'appel, Mme [G] n'explique pas en quoi le juge de la mise en état a méconnu les règles de prescription applicable à l'action en responsabilité dirigée contre Maître [W].

Il en est de même du changement de régime matrimonial, visé dans le dispositif, mais ne faisant l'objet d'aucune critique explicite dans les motifs des conclusions de Mme [G].

L'ordonnance attaquée a parfaitement motivé sa décision en relevant notamment que:

- pour les mêmes raisons que pour l'action en réduction, l'action contre le notaire ne pouvait qu'être prescrite au jour de l'assignation introductive du 23 novembre 2020,

- Maître [S] [M] ayant reçu l'acte de changement de régime matrimonial des époux [R] / [G], aucune action en responsabilité ne saurait être retenue contre MaWtre [W].

Il convient, par conséquent, de confirmer l'ordonnance entreprise en adoptant ses motifs puisque cette dernière a parfaitement analysé les faits de la cause et fait application du droit des successions.


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile


L'ordonnance entreprise doit être confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais.


Aux termes de l'article 1310 du code civil🏛, la solidarité est conventionnelle ; elle ne se présume pas.

Mme [U] [G], qui succombe, doit être condamnée aux dépens d'appel - avec possibilité de recouvrement direct dans les modalités prévues aux articles 699 du code de procédure civile pour les avocats des intimées en ayant fait la demande - et déboutée de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles.


Mme [Z] [Y] doit être également déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.


L'intimée Me [W] a exposé des frais de défense complémentaire en cause d'appel : Mme [U] [G] doit être condamnée à payer à Maître [L] [W] une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,


Déboute Ae [Ac] [G] et [Z] [Y] de leurs demandes de jonction de la présente procédure avec celle enrôlée sous le numéro RG n°22/09502,


Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de mise en état rendu par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nice le 28 juin 2022,


Y ajoutant,


Condamne Mme [U] [G] aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés directement par les mandataires des intimées qui en ont fait la demande,


Déboute Mme [Ac] [G] et Mme [Z] [Y] de leurs demandes de remboursement de leurs frais irrépétibles en cause d'appel,


Condamne Mme [U] [G] à verser à Maître [W] une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,


Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.


Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛,


Signé par Madame Michèle Jaillet, présidente, et par Madame , greffière, auxquelles la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.


la greffière la présidente

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