Arrêt n° 23/00073
27 Février 2023
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N° RG 21/01658 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FRBZ
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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social
26 Mars 2021
17/01686
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 - Sécurité Sociale
ARRÊT DU
vingt sept Février deux mille vingt trois
APPELANTE :
Madame [F] [T] divorcée [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Anne BICHAIN, avocat au barreau de METZ
substitué par Me BONHOMME, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
URSSAF DE [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me BATTLE, avocat au barreau de METZ
substitué par Me NEDELEC, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'
article 945-1 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre
Mme Carole PAUTREL, Conseillère
Mme Anne FABERT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement après prorogation du 19.01.2023
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛 ;
Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 13 octobre 2017, Madame [F] [H] s'est vu signifier une contrainte émise le 6 octobre 2017 par le RSI [Localité 3] en recouvrement de la somme de 16.332 euros, correspondant aux cotisations, contributions et majorations de retard dues pour les mois de novembre 2012, décembre 2012, février 2013, mars 2013, décembre 2013, 3eme trimestre 2016.
Selon requête expédiée le 27 octobre 2017, Madame [F] [H] a formé opposition à cette contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle.
Dans ce recours, elle indiquait que les sommes réclamées étaient erronées.
L'URSSAF [Localité 3] venant aux droits de la Sécurité sociale des indépendants de [Localité 3] à compter du 1er janvier 2020 a été mise en cause.
Par jugement du 26 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :
- déclaré recevable l'opposition formée par Madame [F] [H] le 27 octobre 2017 à l'encontre de la contrainte émise le 6 octobre 2017 et signifiée le 13 octobre 2017 ;
- déclaré régulière la contrainte signifiée le 13 octobre 2017 à Madame [F] [H];
- dit que la radiation de Madame [H] a été prise en compte avec effet au 1er septembre 2014 ;
- validé la contrainte du 6 octobre 2017 pour un montant de 10.172 euros correspondant aux cotisations, contributions sociales et majorations de retard dues pour les mois de novembre 2012, décembre 2012, février 2013, mars 2013, et décembre 2013 ;
-condamné Madame [F] [H] au paiement des frais de signification afférents au litige;
- condamné Madame [F] [H] aux dépens ;
- dit que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application des dispositions de l'alinéa 4 de l'
article R.133-3 du code de la sécurité sociale🏛.
Par acte déposé au greffe le 15 juin 2021, Madame [H] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par lettre du 7 avril 2021 envoyée en recommandé, revenue « destinataire inconnue à l'adresse », puis signifiée le 17 mai 2021, par voie d'huissier.
Par conclusions datées du 28 septembre 2022, soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, l'appelante qui indiquait être née [T] et être divorcée [H] demande à la cour de :
- dire et juger l'appel recevable et bien fondé
En conséquence,
- infirmer le Jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter l'URSSAF de [Localité 3] de l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions,
A titre principal,
- invalider la contrainte n°41700000040123555500009397772063 du 6 octobre 2017, signifiée le 13 Octobre 2017 par le RSI de [Localité 3], agissant sur délégation de la Caisse Nationale du RSI,
- déclarer prescrite la demande de l'URSSAF à titre subsidiaire,
- dire et juger que les sommes sollicitées par I'URSSAF de [Localité 3] ne correspondent pas aux revenus déclarés de Madame [H],
- dire et juger que les majorations de retard ne s'appliquent pas,
- Au besoin, fixer la créance de Madame [H] aux montants réellement dus,
- accorder des délais de paiement à Madame [Aa] sur le fondement de l'
article 1244 du code civil🏛- condamner l'URSSAF au versement de la somme de 800 euros au titre de l'
article 700 du Code de Procédure Civile🏛.
Par conclusions datées du 18 novembre 2022, soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, l'URSSAF de [Localité 3] demande à la cour de :
- Statuant à nouveau, valider la contrainte du 6 octobre 2017 à hauteur de 9 299 € correspondant aux cotisations et majorations de retard restant dues pour les mois de novembre et décembre 2012 et février, mars et décembre 2013 ;
- confirmer le jugement entrepris pour le reste ;
- condamner la cotisante au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.
SUR CE,
SUR LA VALIDITE DE LA CONTRAINTE
Madame [H] soutient que la contrainte qui lui a été délivrée est nulle comme portant sur des montants erronés de sorte qu'elle ne pouvait avoir connaissance de l'étendue précise de son obligation. Elle fait valoir qu'une partie des sommes réclamées portait soit sur une période prescrite, soit sur une période où elle n'avait plus d'activité, soit était calculée sur la base de revenus trop élevés.
L'URSSAF fait valoir que l'appelante ayant réglé des sommes postérieurement à la délivrance de la contrainte, le nouveau calcul des sommes dues ne pouvait légitimement y apparaître, et que, de plus, certains règlements concernaient une autre contrainte délivrée à l'encontre de l'intéressée sans lien avec celle objet du présent litige. L'URSSAF souligne enfin que les revenus qu'elle a pris en compte correspondaient à ceux fournis par le RSI et qu'elle ne pouvait modifier lesdits revenus sur la base des seuls avis d'imposition fournis par l'appelante, dès lors qu'il n'existe aucune assimilation entre l'assiette fiscale et l'assiette sociale.
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La contrainte délivrée à l'encontre de Madame [H] en date du 6 octobre 2017 (pièce n°5 de l'intimée) portait sur les cotisations, contributions et majorations de retard dues pour les mois de novembre 2012, décembre 2012, février 2013, mars 2013, décembre 2013, 3eme trimestre 2016, et ce pour un montant de 16 332 euros.
Dans ses conclusions de première instance, l'URSSAF [Localité 3], faisant valoir que les cotisations réclamées au titre de l'année 2016 avaient été annulées suite à la prise en compte de la radiation de Madame [H] à compter du 1er septembre 2014, sollicitait la somme de 10 172 euros. Cette somme était ainsi validée par le pôle social du tribunal judiciaire de Metz dans la décision contestée.
Dès lors, si le montant de la contrainte apparaît réduit à l'occasion du litige judiciaire, cette circonstance ne saurait suffire pour entraîner la nullité de la contrainte dès lors qu'elle s'explique par les imputations réalisées.
Par conséquent, l'évolution à la baisse de la somme réclamée in fine par l'URSSAF résultant de déductions opérées par elle-même, n'a pas pour effet d'invalider la contrainte, dès lors que la différence relevée apparaît tout à fait explicable.
En outre, contrairement à ce qu'allègue Madame [H], les contestations qu'elle élève quant aux revenus pris en compte pour le calcul des cotisations, ne sont pas de nature à invalider la contrainte qui apparaît régulière dès lors qu'elle permet à l'intéressé de connaître la nature , la cause et l'étendue de son obligation et que la contrainte est valablement motivée par rapport à la mise en demeure préalable.
Ainsi la contrainte ayant en l'espèce été délivrée conformément aux exigences rappelées ci-dessus, elle apparaît parfaitement régulière, sous réserve, pour les juges du fond saisis par l'appelante, d'en vérifier le bien fondé sur le fond.
En conséquence, le moyen tiré de la nullité de la contrainte ne saurait être accueilli favorablement.
Au vu de ces éléments, il y a donc lieu de valider la contrainte litigieuse.
SUR LE BIEN FONDE DE LA CREANCE
Madame [Aa] fait valoir que les revenus pris en compte pour le calcul des cotisations qui lui sont réclamées ne correspondent pas à ses avis d'imposition. Elle indique toutefois ne pas être en mesure de produire ses déclarations de revenus pour les années 2009 et 2010, les documents ayant été conservés par son ex-conjoint qui refuse de les lui communiquer. Elle souligne avoir commencé à payer ses retards de cotisation mais qu'aucune imputation des sommes versées n'a encore été réalisée. Elle sollicite enfin la suppression des majorations de retard.
L'URSSAF [Localité 3] confirme que les cotisations initialement réclamées au titre de l'année 2016 ont été annulées et maintient le bien-fondé de sa créance, sous réserve de la prise en compte, postérieurement à la signification, du règlement de certaines cotisations par Madame [H], si bien que l'URSSAF ne sollicite plus, à hauteur d'appel, que la somme de 9299€ au titre des cotisations et majorations de retard restant dues pour les mois de novembre et décembre 2012, et février ,mars et décembre 2013.
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Il incombe à l'opposant à contrainte de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l'organisme social.
Il résulte par ailleurs des
articles L.613-1 et L.622-4 du code de la sécurité sociale🏛🏛 que le travailleur indépendant est obligatoirement affilié au régime d'assurance maladie et maternité et au régime d'assurance vieillesse et invalidité des travailleurs non salariés.
Conformément à l'
article L.131-6-2 du code de la sécurité sociale🏛, les cotisations dues annuellement par les travailleurs non salariés sont calculées à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d'activité de l'année N-2.
Lorsque le revenu d'activité de l'année N écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles sont recalculées sur la base de ce revenu.
Il convient de souligner que les cotisations même provisionnelles sont d'ordre public et doivent être réglées à leur date d'échéance, indépendamment de la régularisation à la hausse ou à la baisse des cotisations effectuée ultérieurement.
Il appartient aux affiliés de transmettre chaque année leur déclaration de revenus d'activité (R.115-5 et R.133-30 du code de la sécurité sociale), obligation à défaut de laquelle les cotisations sont calculées sur une base taxée d'office (
article R.242-14 du code de la sécurité sociale🏛).
Enfin, il résulte des dispositions de l'
article R.243-18 du code de la sécurité sociale🏛 qu'à défaut de paiement des cotisations dues à leurs dates limites d'exigibilité, celles-ci font l'objet d'une majoration de retard de 5% à laquelle s'ajoute une majoration de retard complémentaire par mois ou fraction de mois écoulé depuis la date d'exigibilité des cotisations. L'
article R.243-20 du même code🏛 prévoit que le cotisant peut formuler une demande gracieuse en remise totale ou partielle des majorations de retard, requête qui relève de la compétence du directeur de l'organisme de recouvrement ou de la commission de recours amiable.
En l'espèce, Madame [Aa] conteste la base de calcul des cotisations qui lui sont réclamées, faisant valoir avoir perçu des revenus moins importants que ceux pris en compte. Elle fournit ses avis d'imposition pour les années 2011 à 2014 ainsi que ses bulletins de salaire pour les mois de juin à août 2022 (ses pièces n°2 à 6 et 9).
Or, dès lors qu'il n'existe aucune assimilation parfaite entre l'assiette fiscale et l'assiette sociale, il appartenait à l'appelante de fournir notamment ses déclarations de revenus d'activité, ce qui n'a jamais été le cas.
Force est donc de constater en l'espèce que Madame [Aa] n'a jamais produit l'ensemble des éléments permettant le calcul et la régularisation de ses cotisations, alors même qu'il lui appartenait, pour établir le caractère infondé de la créance sollicitée, de produire les éléments nécessaires, et ce dès l'émission des mises en demeure qui lui ont été délivrées.
L'URSSAF [Localité 3] justifiant par ailleurs des bases de calcul, de la nature des sommes réclamées et des montants dus, il convient en conséquence de valider la créance de l'URSSAF [Localité 3], sous réserve de la prise en compte des règlements opérés par l'appelante depuis la signification de la contrainte.
Ainsi, la contrainte du 6 octobre 2017 est-elle validée à hauteur de 9299€ correspondant aux cotisations et majorations de retard restant dues pour les mois de novembre et décembre 2012, et pour les mois de février, mars et décembre 2013.
Le jugement entrepris est donc partiellement infirmé afin de tenir compte du montant actualisé de la contrainte.
Quant à la demande de remise des majorations de retard, il appert qu'en vertu des textes susvisés, cette demande relève de la seule compétence du directeur de l'organisme de recouvrement ou de la commission de recours amiable, après paiement du principal. La demande de Madame [H] sera en conséquence rejetée.
SUR LA DEMANDE DE DELAIS DE PAIEMENT
Madame [H] sollicite que des délais de paiement lui soient accordés.
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Selon l'
article R.243-21 du code de la sécurité sociale🏛, seul le directeur de l'URSSAF est habilité à se prononcer sur des demandes de délai de paiement, si bien que la cour est incompétente pour statuer sur cette demande qui sera en conséquence rejetée.
SUR LES DEMANDES ANNEXES
L'équité ne commande pas de faire application de l'
article 700 du Code de procédure civile🏛 au profit de l'une ou l'autre partie.
L'issue du litige conduit la cour à condamner Madame [H] aux dépens d'appel.
Il sera également rappelé que les frais de signification de la contrainte sont à la charge du débiteur en application de l'
article R.133-6 du Code de la sécurité sociale🏛.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 26 mars 2021 en ce qu'il a validé la contrainte du 6 octobre 2017 pour un montant de 10 172 euros;
Statuant à nouveau,
VALIDE la contrainte du 6 octobre 2017 pour un montant de 9299 euros correspondant aux cotisations, contributions sociales et majorations de retard restant dues pour les mois de novembre 2012, décembre 2012, février 2013, mars 2013 et décembre 2013;
CONDAMNE, en conséquence, Madame [F] [T] divorcée [H] à payer cette somme de 9299 euros à l'URSSAF de [Localité 3] .
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus .
Y ajoutant
REJETTE les demandes de Madame [Ab] divorcée [H] tendant à la remise des majorations de retard et à l'octroi d'un délai de paiement.
DEBOUTE les parties de leurs conclusions au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
CONDAMNE Madame [F] [T] divorcée [H] aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président