Jurisprudence : CA Douai, 02-03-2023, n° 22/01077, Confirmation


République Française

Au nom du Peuple Français


COUR D'APPEL DE DOUAI


TROISIEME CHAMBRE


ARRÊT DU 02/03/2023


****


N° de MINUTE : 23/68

N° RG 22/01077 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UEMX


Jugement (N° 21/00964) rendu le 01 Février 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer



APPELANTE


SARL Diag Littoral prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]


Représentée par Me Alex Dewattine, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué, assistée de Me Manuel Furet, avocat au barreau de Toulouse, avocat plaidant


INTIMÉE


SCI XAMA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]


Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Sophie Frezal, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant


DÉBATS à l'audience publique du 01 décembre 2022 tenue par Guillaume salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile🏛).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe


GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller


ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023 après prorogation en date du 16 février 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 novembre 2022


****



EXPOSE DU LITIGE :


1. Les faits et la procédure antérieure :


La SCI Xama (la SCI) a fait l'acquisition d'un immeuble à usage commercial. Préalablement à la vente, le vendeur a fait procéder à un diagnostic amiante de cet immeuble par la SARL Diag littoral.


Dans son rapport établi le 23 novembre 2018, la société Diag Littoral a constaté la présence d'amiante dans les faux plafond du rez-de-chaussée, plus précisément, dans le couloir 4, la pièce 2 et le couloir 5. Aucun matériau ou produit contenant de l'amiante n'est en revanche mentionné au niveau du magasin.


En 2020, la SCI a donné à bail une partie des locaux à destination de supermarché. Dans ce cadre, le preneur des locaux a fait appel à la SAS Bureau Veritas afin qu'elle réalise un nouveau diagnostic amiante. Celle-ci a remis son rapport le 18 juin 2020 dans lequel il est indiqué la présence d'amiante dans plusieurs zones du magasin.


Les frais de désamiantage de ces zones à hauteur de 16 440 euros, outre 720 euros pour les frais de contrôle après travaux de désamiantage, ont été pris en charge par la SCI.


Invoquant qu'un simple examen visuel suffisait à établir la présence d'amiante dans le magasin, la SCI a assigné la société Diag Littoral par acte du 5 février 2021 devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer aux fins de condamnation à l'indemniser des frais ainsi exposés.


2. Le jugement dont appel :



Par jugement rendu le 1er février 2022, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer a :


condamné la société Diag Littoral à payer à la SCI la somme de 17 160 euros à titre de dommages et intérêts ;

débouté la société Diag Littoral de ses demandes ;

condamné la société Diag Littoral à payer à la SCI la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

débouté la société Diag Littoral de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

condamné la société Diag Littoral aux dépens de l'instance.


3. La déclaration d'appel :



Par déclaration du 3 mars 2022, la société Diag Littoral a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.


4. Les prétentions et moyens des parties :


4.1 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 octobre

2022, la société Diag Littoral , demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil🏛, de :

- déclarer son appel recevable ;

=> réformer le jugement critiqué ;

En conséquence,


juger que la SCI ne rapporte pas la preuve d'une faute de la société ASTP (sic) et d'un préjudice direct et certain ;


Par conséquent,


débouter la SCI de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société ASTP (sic) ;

condamner la SCI à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, outre les entiers dépens de l'instance.


A l'appui de ses prétentions, Diag fait valoir que :


la charge de la preuve de sa faute pèse sur la SCI, qui doit prouver que les matériaux amiantés étaient parfaitement visibles et accessibles lors du diagnostic qu'elle a réalisé en 2018, or, rien ne permet de démontrer que tel était le cas ;

la Cour de cassation a déjà jugé qu'il ne rentre pas dans la mission du diagnostiqueur de déplacer des faux plafonds pour repérer ce qui se situe derrière ;

le simple fait que des matériaux amiantés soient présents dans le bâtiment, sur le parcours du diagnostiqueur et parfaitement visibles ne suffit pas à démontrer la faute du diagnostiqueur, laquelle suppose de démontrer que les investigations que le diagnostiqueur aurait dû mener suivant la norme applicable l'auraient amené à découvrir l'amiante ;

il n'est pas établi que les lieux étaient dans la même configuration en 2018 et en 2020 et qu'aucun travaux n'auraient été réalisés entre temps permettant de rendre visibles les matériaux constatés en 2020 ;

le diagnostic qu'elle a effectué était un diagnostic avant-vente tandis que le diagnostic réalisé par le Bureau veritas était un diagnostic avant travaux de sorte que les conditions de réalisation du diagnostic ne sont pas identiques ;

le rapport du Bureau veritas ne permet pas de connaître les conditions d'exécution de la mission, les accessibilités et les modifications qui ont pu être apportées ;

la SCI a délibérément choisi de ne pas solliciter une expertise contradictoire, même amiable, avant que les travaux ne soient réalisés et qu'aucune constatation ne soit plus possible ;

son diagnostic de 2018 précisait qu'il n'était pas suffisant en cas de travaux ou démolition et devrait être complété par un contrôle amiante spécifique avant travaux ou avant démolition afin que soient réalisées des investigations destructives plus approfondies ;

le rapport du Bureau veritas expose qu'au titre du programme des travaux projetés, les faux plafonds seraient conservés. Il en résulte que :

la présence d'un faux-plafond créait une zone de confinement avec les matériaux amiantés repérés en 2020. Soit la SCI connaissait cette présence et s'est affranchie d'en aviser le Bureau veritas, acceptant ce produit amianté, soit ce dernier n'a pas été informé par la SCI avec les conséquences qui s'imposent à cette dernière ;

le Bureau veritas ne fait pas état d'une présence d'amiante dans les faux-plafonds alors que ceci a été repéré en 2018, de sorte qu'il est permis de s'interroger sur la qualité de ce rapport. Le Bureau veritas n'envisage rien à ce sujet et maintient la présence de cet élément, ce qui signifie qu'il assumerait donc une fonction d'isolement ;

il est surprenant qu'à aucun moment le Bureau veritas ne fait état d'une présence de faux-plafond dans le magasin et encore moins d'une quelconque vérification d'un tel produit dans cette zone ;

la SCI ne justifie pas de la nécessité technique de désamianter alors même que son rapport de 2018 indiquait que les matériaux repérés étaient dans un bon état de conservation, qu'ils n'étaient pas susceptibles de libérer des fibres d'amiante et qu'une simple évaluation périodique était suffisante ;

pour démontrer le caractère certain du préjudice lié au coût des travaux de désamiantage, il est nécessaire que ce désamiantage s'impose, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

il convient de se référer à la réglementation prévue à l'article R. 1334-28 du code de la santé publique🏛, laquelle ne saurait être qualifier de laxiste ;

contrairement à ce qu'affirme la SCI, la Cour de cassation ne considère pas que le préjudice de l'acheteur d'un bien amianté soit nécessairement le coût du désamiantage et la SCI avait en réalité fait le choix de désamianter quel que soit le résultat du rapport ;

ces frais auraient en toutes hypothèses été à la charge du propriétaire et le règlement de la somme de 17 160 euros n'est pas justifié ;

compte tenu de ces éléments, la SCI ne justifie pas d'un préjudice en lien direct avec le diagnostic d'amiante qu'elle a réalisé en 2018 et quand bien même elle aurait omis de signaler l'écran amianté, seul le coût de de la dépose de cet écran aurait pu être mis à sa charge.


4.2 Aux termes de leurs conclusions notifiées le 15 novembre 2022, la

SCI, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions, débouter la société Diag Littoral de toutes ses demandes, fins et conclusions et la condamner à lui payer a somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.


A l'appui de ses prétentions, la SCI fait valoir que :


la Cour de cassation a précisé qu'au titre de ses obligations, le diagnostiqueur ne doit pas seulement procéder à un examen visuel, mais bien réaliser tous les examens qui sont possibles sans procéder à des destructions du bien ;

en l'espèce, il suffisait de soulever les plaques du faux plafond, dans l'espace de vente du local, pour repérer l'amiante située au niveau des plaques formant l'écran de cantonnement dans le plénum ;

la société Diag Littoral ne peut donc affirmer qu'elle était dans l'impossibilité de constater la présence d'amiante contredisant ainsi son argumentation relative au plenum ;

la jurisprudence citée par la société Diag Littoral est relative à une sous-toiture en fibrociment entre un faux plafond dont la nature n'est pas connue et qui était recouverte d'une toiture en acier ; en l'espèce, il s'agissait de soulever une plaque en sous-plafond, ce qu'avait d'ailleurs fait la société Diag Littoral au niveau du rez-de-chaussée dans le couloir 4 pour repérer de l'amiante à cet endroit. Rien ne l'empêchait donc de soulever les plaques de même nature dans la surface du magasin, de sorte qu'il s'agit vraisemblablement d'un oubli de sa part ;

en page 5 de son rapport, la société Diag Littoral fait un descriptif des différentes pièces diagnostiquées, dont il ressort que le faux plafond au niveau du rez-de-chaussée du couloir 4 est le même que celui du magasin, ainsi que les photographies des rapports permettent de le constater ;

dans son rapport, en page 14, le Bureau veritas indique la présence d'amiante au niveau de « la surface de vente » dans l'ouvrage « écran de cantonnement » constitué de « panneaux type panocell sur toute la hauteur du plenum » de sorte que Diag ne pouvait s'affranchir d'un contrôle non destructif ni d'arguer de « l'absence de nécessité de procéder à la dépose desdits panneaux compte tenu d'un état de conservation satisfaisant constaté dans le rapport initial » ;

la société Diag Littoral a listé les surfaces visitées, qui comportent ainsi le magasin, comme cela est indiqué en page 15 de son rapport ; en tout état de cause, il lui appartenait dans le cas où elle n'aurait pas visité une surface de l'indiquer ;

aucuns travaux n'ont été réalisés entre le diagnostic de 2018 et celui de 2020 et elle n'est pas responsable de la pose de l'écran de cantonnement amianté puisqu'elle a fait l'acquisition des locaux le 21 février 2019, soit postérieurement à l'interdiction de l'utilisation de l'amiante qui date de 1997 ;

le fait que le diagnostic de Diag soit un diagnostic avant-vente tandis que celui du Bureau veritas est un diagnostic avant-travaux n'a aucune incidence sur la question de l'accessibilité du faux plafond et la constatation de l'amiante par le Bureau veritas s'est faite avant les travaux et non après et sans investigation destructive ;

la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes et aux règles de l'art et lorsqu'il se révèle erroné, sa responsabilité peut être engagée vis-à-vis des tiers sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil🏛🏛 ;

le jugement a retenu à raison que compte tenu de la localisation des matériaux amiantés, seuls des travaux onéreux et des opérations de vérification subséquentes étaient à même d'éviter tout risque de dispersion d'amiante dans l'air et de contamination des personnes ;

il est de jurisprudence constante que le diagnostiqueur doit indemniser l'acheteur du coût de réparation des dégâts causés, soit le coût de désamiantage et les frais de contrôle du désamiantage conformément au principe de la réparation intégrale ;

le constat d'amiante l'obligeait à procéder au désamiantage dans un délai d'un mois puis de faire contrôler les travaux afin de vérifier que la zone était entière décontaminée.


Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2022.


Les parties ont été autorisées à adresser à la cour une note en délibéré avant le 17 février 2023 sur l'applicabilité à l'espèce de la norme NF X 46-020 dans sa version de 2017, s'agissant des règles de l'art qu'elle prévoit en matière d'écran de cantonnement situé sous un plénum.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Sur la faute du diagnostiqueur


Il résulte de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation🏛 que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un immeuble garantit l'acquéreur contre le risque mentionné au 2° du 2e alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art, et qu'il se révèle erroné.


A cet égard, le diagnostiqueur doit procéder à une recherche systématique de l'ensemble des matériaux susceptibles de contenir de l'amiante et ne peut limiter son intervention à un simple contrôle visuel ou à certaines parties de l'immeuble, mais doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission. Il engage également sa responsabilité s'il n'a émis aucune réserve relative aux zones non analysées, au titre de son obligation d'information et de conseil à l'égard de son client.


En effet, en application des dispositions combinées des articles L. 1334-13 et R. 1334-18 du code de la santé publique🏛🏛, avant toute vente, le vendeur doit faire réaliser un repérage des matériaux et produits des listes A et B de l'annexe 13-9 dudit code contenant de l'amiante.


Le repérage des matériaux et produits de la liste A et B contenant de l'amiante consiste, selon les articles R. 1334-20 et R. 1334-21 du même code, à rechercher la présence desdits matériaux et produits accessibles sans travaux destructifs, à identifier et localiser les matériaux et produits qui contiennent de l'amiante et évaluer l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante. Lorsque la recherche révèle la présence de matériaux ou produits de la liste A ou B, et si un doute persiste sur la présence d'amiante dans ces matériaux ou produits, un ou plusieurs prélèvements de matériaux ou produits sont effectués par la personne réalisant la recherche. Ces prélèvements font l'objet d'analyses selon les modalités définies à l'article R. 1334-24 du code précité🏛.


Selon la norme NF X-46-020 dans sa version publiée le 18 juillet 2017 par l'Afnor et entrée en vigueur le 1er septembre 2017, applicable en la cause, un matériau ou produit accessible est défini comme celui que l'on peut atteindre soit par inspection visuelle directe soit après des investigations visuelles approfondies qui n'impliquent aucune dégradation de l'ouvrage ou du volume. Si un doute persiste sur la présence d'amiante dans les matériaux ou produits des listes A et B l'opérateur doit procéder à des prélèvements.


La responsabilité du diagnostiqueur ne se trouve engagée que lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art et qu'il se révèle erroné.


Enfin, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Dès lors, l'acquéreur d'un immeuble ayant reçu une information erronée est fondé à rechercher la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur en raison du dommage que lui cause la mauvaise exécution, par ce technicien, du contrat qu'il a conclu avec le vendeur.


Sur ce,


La société Diag Littoral prétend que la SCI n'établit pas que la configuration de la construction (dont le permis de construire date de 1982 selon son propre rapport), telle qu'elle a été observée en juin 2020 par Bureau Veritas, est restée semblable à celle ayant existé lors de son propre diagnostic en novembre 2018. Outre qu'un délai limité sépare la réalisation de chaque diagnostic et que le rapport établi par Bureau Veritas s'inscrit précisément dans une perspective de travaux à intervenir qu'envisage le preneur des locaux, il appartient en réalité à la société Diag Littoral de démontrer à l'inverse sa propre allégation selon laquelle ce second diagnostiqueur n'aurait pas examiné un immeuble dans un état identique à celui qu'elle a elle-même connu.


En tout état de cause, le caractère probant du repérage établi par Bureau Veritas résulte de la confirmation par le laboratoire Eurofins Lab Environnement Testing Portugal dans son rapport d'analyse du 12 juin 2020, de la présence d'amiante dans deux prélèvements effectués lors de ses opérations.


Les photographies et indications figurant dans le rapport de Bureau Veritas établissent que les repérages réalisés par ce dernier ont pu être réalisés sans avoir recours à des investigations destructives. Pour y procéder, il suffisait en réalité de soulever les plaques du faux plafond et de soulever la plaque au sol dans les sanitaires pour accéder au regard.


De même, les photographies démontrent que les conditions d'accessibilité à ces zones n'étaient pas différentes en 2020 que lors de l'intervention de Diag, étant observé que le faux-plafond antérieurement situé dans les zones examinées avant travaux est conservé à l'issue des travaux envisagés, ainsi qu'il résulte du rappel du programme des travaux par Bureau Veritas.


Enfin, contrairement à ce qu'affirme la société Diag Littoral, Bureau Veritas a bien fait état d'un faux-plafond dans le magasin et a vérifié la zone. De plus, Bureau Veritas n'intervenant pas sur toutes les zones pour lesquelles la société Diag Littoral devait réaliser son propre diagnostic avant vente, il est normal qu'il n'a pas fait état d'amiante dans les zones qu'il n'a pas visité et dans lesquelles la société Diag Littoral avait au préalable trouvé de l'amiante. Le fait de ne pas mentionner d'amiante dans ces zones est ainsi logique et ne permet pas de s'interroger sur la qualité du rapport du Bureau Veritas.


Le caractère probant du rapport de Bureau Veritas est ainsi établi, sans que l'absence d'expertise contradictoire ne soit de nature à invalider la preuve ainsi fournie par la SCI.


Le rapport établi par le Bureau Veritas indique en particulier la découverte d'amiante concernant un ouvrage intitulé « écran de cantonnement », constitué de panneaux type Panocell et localisé dans le plénum situé au-dessus de la surface de vente (repère P34 sur le plan).


Si un tel équipement de sécurité incendie est ainsi situé dans la zone entre le faux-plafond et la toiture, il était toutefois accessible et aisément visible en 2018 par la seule vérification du plénum qu'autorise sans man'uvre destructive le soulèvement des plaques du faux-plafonds de la surface de vente, étant précisé que cet ouvrage couvre une longueur de 27 mètres au milieu de cette zone et représente une superficie totale de 861 m², ainsi qu'il résulte du rapport réalisé par Bureau Veritas après l'exécution du plan de retrait préalable aux travaux.


Les règles de l'art applicables à un tel ouvrage sont définies par la norme X 46-020 précitée, applicable au 23 novembre 2018, date de réalisation par la société Diag Littoral de son diagnostic amiante au profit du vendeur de l'immeuble acquis par la SCI.

Il résulte notamment de son annexe A.1 qu'à l'égard des composants de la construction constitués par des faux plafonds, les « parties de composants à inspecter ou à sonder » concernent précisément les « écrans de cantonnement et leurs joints (dans le plénum entre le faux plafond et le plancher supérieur) », la norme prévoyant à cet égard un sondage par tranche de 5 éléments du même type.


L'ensemble des moyens opposés par la société Diag Littoral, qui repose exclusivement sur l'allégation que l'amiante découvert par Bureau Veritas dans son rapport avant travaux se trouvait dans une zone confinée qui n'était pas visible pour être dissimulée sous un faux-plafond, est dépourvu de pertinence.


La réalité de la présence d'amiante dans le plénum n'est pas susceptible d'être remise en cause par la société Diag Littoral. En effet, conformément à la méthodologie applicable, Bureau Veritas a fait analyser les prélèvements qu'il a effectués sur l'écran de cantonnement constitué d'un matériau souple beige et fibreux, qu'un laboratoire indépendant a identifié comme comportant des « fibres d'amiante de type chrysotile » (page 8/11 du rapport d'analyse).


La société Diag Littoral allègue enfin que la conservation des faux-plafond dans le cadre des travaux projetés aurait pour objet de dissimuler la présence d'amiante dissimulée dans le plénum, estimant que la SCI « s'est affranchie d'en aviser le Bureau Veritas acceptant ce produit amianté ». Une telle allégation n'est établie par aucune pièce. Le délai écoulé entre le repérage de l'amiante dans le magasin et le désamiantage de celui-ci tend au contraire à démontrer que la SCI a été réactive et n'avait pas connaissance d'amiante dans cette zone ni la volonté de laisser de l'amiante dans le magasin.


En définitive, il est établi que la société Diag Littoral a omis de procéder à des investigations dans le plénum situé au-dessus des faux-plafond, ainsi que dans les toilettes du magasin, de sorte qu'elle a rendu un rapport erroné, engageant ainsi sa responsabilité délictuelle à l'égard de l'acquéreur. Au surplus, ce diagnostiqueur n'a pas davantage émis de réserves sur l'éventuelle présence d'amiante dans les zones qu'elle n'a pas inspecté de son propre chef au cours de ses investigations.


Sur le préjudice de l'acquéreur et son lien de causalité avec la faute :


Le diagnostiqueur, ayant délivré une information inexacte, doit être condamné à réparer un dommage qu'il n'a pas causé mais que sa négligence a empêché la victime d'éviter.


En cas d'erreur dans le diagnostic établi, le préjudice de l'acquéreur correspond au coût des travaux de désamiantage que le diagnostiqueur est tenu d'indemniser (Cass. 3e civ, 19 mai 2016, n° 15-12.408⚖️).


Si l'état de conservation de l'amiante découvert par Bureau Veritas n'est pas précisé dans son rapport et que le risque de libération d'amiante n'est ainsi pas prouvée à défaut de préciser l'éventuelle dégradation de la plaque ayant constitué l'écran de cantonnement litigieux, il n'en demeure pas moins que la certitude du préjudice de l'acquéreur est caractérisée du seul fait de la présence d'amiante, alors même que le diagnostic obligatoire préalable à une vente a précisément pour but de garantir les acquéreurs de l'absence d'amiante.


Or, la présence d'amiante déprécie la valeur du bien. Elle empêche par ailleurs la réalisation de travaux dans des conditions normales et génère un surcoût significatif de protection ou de retrait des matériaux amiantés alors que la SCI est tenue de veiller à l'état de conservation de l'immeuble, notamment dans ses propres relations avec son locataire.


En conséquence, le diagnostiqueur doit indemniser l'intégralité du préjudice résultant de l'inexactitude de son rapport, même s'il n'est prouvé aucun danger sanitaire pour les occupants. (Cass 3e civ 9 juillet 2020, n°18-23.920⚖️).


C'est donc en vain que la société Diag Littoral conclut à l'inexistence du préjudice de la SCI à défaut de risque sanitaire, qui résulterait d'un niveau d'empoussièrement dans l'air excédant une norme règlementaire, alors que la présence d'amiante dont celle-ci n'avait pas été informée constitue en soi un préjudice.


Dans ces conditions, même s'il n'est pas établi que le retrait de l'amiante ainsi repéré était imposé par la réglementation fixée par le code de la santé publique, la SCI subit un préjudice résultant de la mise en œuvre de ces travaux directement causée par l'absence d'identification par la société Diag Littoral de l'amiante présent sur la plaque situé dans le plénum.


Le coût des travaux de désamiantage inclut celui du plan de retrait et du rapport du diagnostiqueur qui lui est postérieur.


A l'appui de sa demande, la SCI produit un devis de désamiantage établi par la société Noramiante le 26 juin 2020, la facture de la société Noramiante en date du 31 août 2020 pour le désamiantage et le rapport de contrôle post-désamiantage rédigé par le Bureau veritas le 26 août 2020 et la facture y afférente. Elle justifie ainsi le coût du désamiantage pour un montant de 16 440 euros et le coût du contrôle obligatoire post-désamiantage pour un montant de 720 euros. L'examen de ces pièces établit enfin que ces prestations ne concernent que les seules zones pour lesquelles la société Diag Littoral n'a pas constaté de l'amiante.


La faute de Diag en lien de causalité avec le préjudice de la SCI étant établis, la responsabilité de Diag se trouve engagée à l'égard de l'acquéreur qui a supporté le coût des opérations de désamiantage dans les zones pour lesquelles la société Diag Littoral avait rendu des conclusions erronées. Il incombe dès lors à Diag de réparer ce préjudice et de rembourser ces prestations.


Le jugement critiqué est par conséquent confirmé en ce qu'il a condamné Diag à payer à la SCI la somme de 17 160 euros à titre de dommages et intérêts.


Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile🏛


Le sens du présent arrêt et l'équité conduisent :


d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile🏛,

et d'autre part, à condamner Diag, outre aux entiers dépens d'appel, à payer la SCI la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 au titre de l'instance d'appel.



PAR CES MOTIFS


La cour,


Confirme le jugement rendu le 1er février 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer en toutes ses dispositions,


Y ajoutant,


Condamne la SAS Diag littoral aux dépens de la procédure d'appel,


Condamne la SAS Diag littoral à payer à la SCI Xama, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 au titre de la procédure d'appel.


Le Greffier


Fabienne Dufossé


Le Président


Guillaume Salomon

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