Jurisprudence : CE Contentieux, 18-12-1998, n° 195246

CE Contentieux, 18-12-1998, n° 195246

A1225AI9

Référence

CE Contentieux, 18-12-1998, n° 195246. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/926327-ce-contentieux-18121998-n-195246
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 195246

Elections à l'Assemblée de Corse

Lecture du 18 Decembre 1998

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 6ème et 2ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 6ème sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu 1°/, sous le n° 195246, la protestation, enregistrée le 27 mars 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE CORSE et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule l'élection en qualité de membre de l'Assemblée de Corse de M. Antoine Giorgi, demeurant Résidence les Iles, Immeuble "Le Chypre, à Ajaccio (20000) ;

Vu 2°), sous le n° 195446, la protestation et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril et 4 mai 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Edmond SIMEONI, demeurant Résidence I Minelli, Bât. G, à Pietrabugno (20200) ; M. SIMEONI demande que le Conseil d'Etat annule les opérations électorales auxquelles il a été procédé les 15 et 22 mars 1998 en vue de la désignation des membres de l'Assemblée de Corse ;

Vu 3°/, sous le n° 195447, la requête, enregistrée le 1er avril 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean MUSSO, demeurant BP 45, à Ajaccio Cedex 1 (20181) ; M. MUSSO demande que le Conseil d'Etat réforme les résultats du premier tour des élections à l'Assemblée de Corse le 15 mars 1998, et annule les résultats du second tour de cette élection, le 22 mars 1998 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme Mitjavile, Maître des Requêtes, - les observations de Me Cossa, avocat de M. Jean Baggioni, de M. José Rossi, de M. Paul Natali, de M. Pierre-Philippe Ceccaldi et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Emile Zuccarelli, - les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la protestation de M. Edmond SIMEONI, enregistrée sous le n° 195446, tend à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 15 et 22 mars 1998 pour le renouvellement de l'Assemblée de Corse ; que la protestation de M. Jean MUSSO, enregistrée sous le n° 195447, tend à l'annulation des mêmes opérations électorales ; que la protestation du préfet du Corse, enregistrée sous le n° 195246, tend à l'annulation, pour un motif d'inéligibilité, de l'élection, à l'issue de ces opérations, de M. Antoine Giorgi en qualité de conseiller à l'Assemblée de Corse ; qu'il y a lieu de joindre ces trois protestations, relatives aux mêmes opérations électorales, pour qu'elles fassent l'objet d'une seule décision ; En ce qui concerne la protestation de M. SIMEONI :

Sur les fins de non recevoir opposées à cette protestation et à certains des griefs qui y sont articulés :

Considérant que la protestation de M. SIMEONI a été enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 1er avril 1998, dans le délai de dix jours prévu par l'article L. 381 du code électoral, qui a suivi la proclamation des résultats des opérations électorales contestées ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par M. Zuccarelli à cette protestation, au motif qu'elle serait tardive, doit être écartée ;

Considérant que les précisions apportées par M. SIMEONI dans son mémoire complémentaire, quant aux griefs tirés de l'irrégularité d'un certain nombre d'émargements et de l'établissement de certaines procurations, qu'il avait invoqués dans sa protestation, ne constituent pas des griefs nouveaux qui seraient irrecevables ;

Sur les interventions de l'Association pour le respect du suffrage universel et de M. Diraison :

Considérant que l'intervention de l'Association pour le respect du suffrage universel, qui n'a pas présenté de candidats à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse, organisée en mars 1998, n'est pas recevable ;

Considérant que M. Diraison est recevable, en sa qualité d'électeur en Corse,à intervenir au soutien de la protestation de M. SIMEONI ; Au fond :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 366 et L. 373 du code électoral, relatifs à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse, peuvent seules se présenter au second tour de scrutin de cette élection les listes qui ont obtenu un nombre de voix au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés au premier tour ; que, s'il apparaît que des votes ont été irrégulièrement émis lors de ce premier tour, il y a lieu de les retrancher du nombre des suffrages exprimés, ainsi que des résultats obtenus par chacune des listes admises à participer au second tour, afin de vérifier si le nombre de voix qu'elles obtiennent reste au moins égal à 5 % des suffrages régulièrement exprimés ;

Considérant que M. SIMEONI soutient qu'en raison des nombreuses irrégularités commises lors des opérations du premier tour de scrutin, la liste conduite par M. Talamoni doit être regardée comme ayant été admise à tort à se présenter au second tour ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 du code électoral : "Le vote est secret" ; que, selon l'article L. 62 du même code, l'électeur "doit se rendre isolément dans la partie de la salle aménagée pour le soustraire aux regards pendant qu'il met son bulletin dans l'enveloppe... Dans chaque bureau de vote, il y a un isoloir pour 300 électeurs inscrits" ; qu'aux termes de l'article L. 62-1 du code précité : "Pendant toute la durée des opérations électorales, une copie de la liste électorale certifiée par le maire et comportant les mentions prescrites par les articles L. 18 et L. 19 ainsi que le numéro d'ordre attribué à chaque électeur, reste déposée sur la table à laquelle siège le bureau. Cette copie constitue la liste d'émargement. Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement" ; que l'article L. 64 dispose que "lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : l'électeur ne peut signer lui-même" ; qu'en vertu de l'article L. 68 du code électoral, les listes d'émargement doivent être transmises sans délai à la préfecture avec les procès-verbaux et sont communiquées à tout électeur requérant pendant un délai de dix jours à compter de l'élection ; qu'aux termes de l'article R. 72, deuxième alinéa, du même code : "Les officiers de police judiciaire compétents pour établir les procurations... se déplacent à la demande des personnes qui, en raison de maladies ou d'infirmités graves, ne peuvent manifestement pas comparaître devant eux" ; que, dans ce cas, l'article R. 73, cinquième alinéa, prévoit que "la demande doit être formulée par écrit..." ; qu'aux termes, enfin, de l'article R. 76-1, deuxième alinéa : "Le défaut de réception par le maire du volet d'une procuration fait obstacle à ce que le mandataire participe au scrutin" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que douze électeurs au moins ne sont pas passés par l'isoloir ; que, dans deux cas au moins, une personne a été admise à voter au premier tour, alors que le volet de la procuration établie en sa faveur n'avait pas été reçu par le maire de la commune ; qu'au moins vingt procurations ont été établies par des officiers de police judiciaire qui se sont déplacés au domicile des mandants, sans que ces derniers aient préalablement formulé une demande écrite et signée ; que, pour plus de 430 électeurs, une signature différente peut être relevée sur les listes d'émargement de plusieurs bureaux de vote, entre le premier et le deuxième tour de scrutin, sans que les attestations produites ultérieurement par certains de ces électeurs, qui se bornent à attester "avoir voté physiquement" aux deux tours, ou qui attestent avoir signé la liste d'émargement lors des deux tours de scrutin, mais fournissent une copie d'un document d'identité portant une signature différente de celle qui a été relevée au premier tour, suffisent à expliquer cette différence manifeste de signature ; que, sur les listesd'émargement de certains bureaux de vote et pour plus de 85 électeurs, apparaissent, en face des noms de ces derniers, des paraphes identiques, qui diffèrent sensiblement des signatures complètes apposées par certains d'eux au second tour de scrutin ; qu'il est, d'ailleurs, constant que, dans certains de ces bureaux de vote, l'émargement des listes a été irrégulièrement effectué par les membres du bureau de vote, et non par signature personnelle de l'électeur ; que, dans au moins 220 cas, des signatures identiques peuvent être relevées sur les listes d'émargement de nombreux bureaux de vote en face des noms d'électeurs différents, sans mention d'une procuration sur la liste d'émargement, ni production, devant le juge de l'élection, du volet de procuration correspondant, et sans indication, pour les électeurs qui n'auraient pas signé euxmêmes, de ce qu'ils auraient été dans l'impossibilité de le faire ; qu'au moins 48 électeurs n'ont émargé que d'une croix ; que, dans un bureau de vote, neuf émargements résultent uniquement de l'apposition, au moyen d'un tampon encreur, de la mention "l'électeur ne peut signer luimême" ; qu'ainsi, au moins 826 suffrages ont été irrégulièrement exprimés ;

Considérant que la liste conduite par M. Talamoni qui a obtenu 6 381 des 121 924 suffrages exprimés constatés à l'issue du premier tour de scrutin, est la dernière de celles qui ont recueilli un nombre de voix au moins égal à 5 % du total de ces suffrages ; qu'il y a lieu, pour rectifier l'erreur matérielle entachant le procès-verbal du bureau centralisateur d'Albitreccia, de retirer deux voix aux résultats obtenus par la liste conduite par M. Talamoni au premier tour de scrutin et de fixer ainsi à 6 379 le nombre des suffrages qu'elle a recueillis ; que, conformément à ce qui a été dit ci-dessus, il y a lieu, pour vérifier si cette liste a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, de retrancher les 826 votes irrégulièrement émis du nombre total des suffrages exprimés, ainsi que du nombre de voix obtenues par ladite liste ; qu'il y a lieu, en conséquence, de regarder le nombre total des suffrages exprimés au premier tour et le nombre de voix obtenues à ce tour par la liste de M. Talamoni comme ayant été respectivement de 121 098 et de 5 553, ce qui fait apparaître pour cette liste un nombre de voix inférieur à celui de 6 055, qui est égal à 5 % de 121 098 ; que l'annulation de 298 suffrages irrégulièrement exprimés au premier tour e–t, d'ailleurs, suffi à faire regarder le nombre des voix obtenues par la liste de M. Talamoni comme inférieur à ce pourcentage ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs qu'il invoque, et, notamment, celui qu'il tire de l'absence de report sur les listes d'émargement des mentions relatives aux procurations, exigé par l'article R. 76 du code électoral, M. SIMEONI est fondé à demander l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 15 et 22 mars 1998, pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse ;

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. SIMEONI, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer, d'une part, à M. Baggioni, M. Rossi, M. Natali et M. Ceccaldi, d'autre part, à M. Zuccarelli les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; En ce qui concerne les protestations de M. MUSSO et du PREFET DE CORSE :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ces protestations sont devenues sans objet ;

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de M. Diraison est admise.

Article 2 : L'intervention de l'Association pour le respect du suffrage universel n'est pas admise.

Article 3 : Les opérations auxquelles il a été procédé les 15 et 22 mars 1998, pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse, sont annulées.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 par M. Baggioni, M. Rossi, M. Natali, M. Ceccaldi et M. Zuccarelli, sont rejetées.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les protestations de M. Jean MUSSO et du PREFET DE CORSE.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Edmond SIMEONI, à Mme Pascale Bizzari, à Mme Françoise Begue-Tramoni, à M. Jean-Félix Acquaviva, à M. Toussaint Luciani, à M. Gilbert Casanova, à Mme Chantal Pellicini-Poncet, à M. Jean-Guy Talamoni, à M. Emile Zuccarelli, à M. Jean Baggioni, à M. José Rossi, à M. Jules-Paul Natali, à M. Philippe Ceccaldi, à Mme Marie-Paule Cesari, à M. Roger Holleindre, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à M. Alain Diraison, à l'Association pour le respect du suffrage universel, à M. Jean MUSSO, au PREFET DE CORSE, à M. Antoine Giorgi et au ministre de l'intérieur.

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