CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 160614
M. PAOLINI
Lecture du 22 Février 1995
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 10ème et 7ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 10ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août 1994 et 2 septembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre-Jean PAOLINI, demeurant Quartier de la Poste à Ghisonaccia (20240) ; M. PAOLINI demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 29 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé son élection en qualité de conseiller général lors des opérations qui se sont déroulées le 27 mars 1994 dans le canton de Ghisoni ; 2°) rejette les protestations de M. Jean-Michel Gambini, de M. Dominique Gambini, de MM. Vincent Ottavi et Pierre-Antoine Gambini contre ces opérations électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Jean-Pierre PAOLINI, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Dominique Gambini, - les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ; Considérant, en premier lieu, qu'il est constant qu'un électeur a été privé de l'exercice de son droit de suffrage en raison de l'acheminement tardif par l'administration des postes du pli contenant sa procuration, établie le 18 mars 1994, qui n'est parvenu à la mairie de Ghisonaccia que le 28 mars, lendemain du scrutin ; que dans un tel cas, pour en apprécier l'influence sur le scrutin, il appartient au juge de l'élection, comme l'a exactement fait le tribunal administratif, de placer le candidat dont l'élection est contestée dans la situation la plus défavorable et d'ajouter hypothétiquement une voix au candidat non élu, M. Gambini ; Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que le volet destiné à la mairie de la procuration d'un électeur mandant, M. Flori, était dépourvu de la signature de celui-ci, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 75 du code électoral ; que la signature de sa procuration par le mandant est une formalité substantielle dont le défaut n'est susceptible d'être régularisé, préalablement à la clôture du scrutin, que devant l'autorité qui a établi ladite procuration ; qu'il y avait donc lieu, comme l'a fait le tribunal administratif, de retrancher hypothétiquement une voix du total des suffrages exprimés en faveur du candidat élu, M. PAOLINI ; Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 72 du code électoral : "...les procurations sont établies par acte dressé devant le juge du tribunal d'instance (...) ainsi que devant tout officier de police judiciaire, autre que les maires et leurs adjoints, que ce juge aura désigné..." ; qu'il est constant que vingt procurations ont été établies par deux officiers de police judiciaire, qui n'avaient pas été désignés par le juge d'instance ; que ceux-ci étaient, dès lors, incompétents pour établir ces procurations ; que la circonstance que ces deux officiers de police judiciaire ont été, par la suite, désignés par le juge d'instance pour dresser des procurations, à compter du 13 avril 1994, n'est pas de nature à faire disparaître l'irrégularité dont sont entachées lesdites procurations ; qu'il y avait donc lieu de retrancher hypothétiquement vingt voix des suffrages obtenus par le candidat élu ; Considérant, enfin, qu'il n'est pas contesté que le tribunal administratif a hypothétiquement retranché, à bon droit, une voix du nombre des suffrages obtenus par le candidat élu, en raison de l'irrégularité du vote de M. Garaccio, électeur mandant, par procuration donnée à M. Martini, alors qu'il n'avait pas résilié la procuration préalablement donnée à un autre mandataire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le total des procurations établies irrégulièrement est supérieur au nombre des voix séparant les deux candidats ; qu'ainsi, M. PAOLINI n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 27 mars 1994 pour l'élection du conseiller général du canton de Ghisoni ;
Sur les conclusions de M. Gambini tendant à l'application de l'article 75-I dela loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. PAOLINI à verser à M. Gambini la somme de 5 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. PAOLINI est rejetée.
Article 2 : M. PAOLINI versera à M. Gambini la somme de 5 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre PAOLINI, à M. Dominique Gambini, à M. Vincent Ottavi, à M. Pierre-Antoine Gambini et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.