Jurisprudence : CE 6/2 SSR, 21-02-1996, n° 155915

CE 6/2 SSR, 21-02-1996, n° 155915

A7786ANP

Référence

CE 6/2 SSR, 21-02-1996, n° 155915. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/916965-ce-62-ssr-21021996-n-155915
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 155915

M. de MAILLARD

Lecture du 21 Février 1996

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 6ème et 2ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 6ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu l'ordonnance en date du 30 décembre 1993, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 8 février 1994, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par M. Jean de MAILLARD, domicilié 7, rue des Huguenots à Orléans (45000) ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 23 octobre 1993, présentée par M. de MAILLARD et tendant à l'annulation de la décision du 20 août 1993, par laquelle le ministre de la justice lui a refusé le bénéfice de la protection prévue par l'article 11 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 août 1993 :
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : "Indépendamment des règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, les magistrats sont protégés contre les menaces, attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l'objet dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions. L'Etat doit réparer le préjudice direct qui en résulte, dans tous les cas non prévus par la législation des pensions" ;
Considérant que si ces dispositions législatives établissent à la charge de l'Etat et au profit des magistrats lorsqu'ils ont été victimes d'attaques relatives au comportement qu'ils ont eu dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général, et si l'obligation imposée à l'Etat peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le magistrat est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, le magistrat dans les poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre, il appartient dans chaque cas au ministre d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, les modalités appropriées à l'objectif défini ci-dessus ;
Considérant que M. de MAILLARD, substitut du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Orléans, qui avait fait l'objet auprès de ses supérieurs de graves accusations de la part d'un avocatà la cour d'appel de Paris à raison d'actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions, a, dans ces circonstances, décidé d'engager à l'encontre de cet avocat des poursuites pénales du chef de dénonciation calomnieuse et d'outrage à magistrat puis a sollicité du garde des sceaux, ministre de la justice, en se prévalant des dispositions précitées de l'article 11 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, la prise en charge des frais de procédure qu'il était amené à exposer à l'occasion de ces poursuites ; que pour refuser de faire droit à cette demande, le ministre a indiqué à M. de MAILLARD qu'il considérait comme "inopportunes" toutes poursuites pénales que celui-ci pourrait exercer à titre personnel dès lors, d'une part, que le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Orléans avait classé sans suite la plainte en dénonciation calomnieuse introduite par l'avocat et, d'autre part, que le Procureur général près la cour d'appel de Paris avait été saisi aux fins d'une action disciplinaire contre ledit avocat ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'égard de l'avocat et le classement sans suite de la plainte en dénonciation calomnieuse formée à l'encontre de M. de MAILLARD, assuraient à celui-ci une protection appropriée contre l'attaque dont il avait été l'objet ; que, dès lors, la décision refusant de prendre en charge les frais des poursuites pénales engagées par M. de MAILLARD ne constitue pas une application inexacte des dispositions de l'article 11 précité de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais de procédure exposés devant le Conseil d'Etat :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à ce que la partie susceptible d'en bénéficier indique le montant des frais dont elle sollicite le paiement ; que faute de satisfaire à cette exigence, les conclusions par lesquelles le requérant demande la condamnation de l'Etat au paiement des frais de procédure exposés par lui devant le Conseil d'Etat, ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. de MAILLARD est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean de MAILLARD et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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