Jurisprudence : CE 8/9 SSR, 08-02-1995, n° 154364

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 154364

CREDIT LYONNAIS

Lecture du 08 Février 1995

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 8ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête enregistrée le 15 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CREDIT LYONNAIS dont le siège social est situé 18, rue de la République à Lyon (69000) ; le CREDIT LYONNAIS demande que le Conseil d'Etat annule le jugement en date du 2 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de PARIS a annulé la décision en date du 1er février 1991 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle par laquelle celui-ci avait annulé la décision du 21 août 1990 de l'inspecteur du travail de Paris (section 2 A) et autorisé le CREDIT LYONNAIS à procéder a licenciement de M. Gilles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Struillou, Auditeur, - les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la Société anonyme CREDIT LYONNAIS et de la SCP Gatineau, avocat de M. Philippe Gilles, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement en date du 2 juin 1993 du tribunal administratif de Paris :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 195 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les audiences des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont publiques" et qu'aux termes de l'article R. 200, 1er alinéa, du même code : "Les jugements et arrêts mentionnent que l'audience a été publique" ;
Considérant qu'il ne ressort d'aucune des mentions du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris que l'audience du tribunal le 5 mai 1993, à laquelle l'affaire concernant la demande présentée par M. Gilles a été portée, a été publique ; qu'ainsi ce jugement ne fait pas la preuve que la procédure à l'issue duquel il a été prononcé a été régulière ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, le CREDIT LYONNAIS est fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Gilles devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de la décision en date du 1er février 1991 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 122-14-12 du même code issues de l'article 59 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 : "Les dispositions relatives au départ à la retraite des salariés prévues par une convention collective, un accord collectif de travail ou un contrat de travail sont applicables sous réserve qu'elle ne soient pas contraire aux dispositions légales" ; qu'aux termes de l'article L. 122-14-13, issu de la même disposition législative : "La mise en retraite s'entend par la possibilité donnée à l'entreprise de rompre le contrat de travail d'un salarié qui peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, au sens du chapitre 1er du titre V du livre III du code de la sécurité sociale, et qui remplit les conditions d'ouverture à la pension de vieillesse, ou, si elles existent, les conditions d'âge prévues par la convention ou l'accord collectif, ou le contrat de travail. Si les conditions de mise à la retraite ne sont pas remplies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée, comme en l'espèce, par la survenance de l'âge, déterminée par laconvention collective, à partir duquel un salarié peut être mis à la retraite par décision de l'employeur, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, si la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé, d'autre part si les conditions légales de mise à la retraite sont remplies ; qu'à défaut, et notamment dans le cas où le salarié ne justifie pas de cotisations suffisantes pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, le motif tiré de ce que ce salarié a atteint la limite d'âge fixée par la convention collective n'est pas, par lui-même, de nature à justifier le licenciement ; qu'enfin, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général, relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que le CREDIT LYONNAIS a demandé à l'inspecteur du travail de Paris l'autorisation de licencier M. Gilles, qui détenait les mandats de délégué syndical, de délégué du personnel et de membre du comité d'établissement de Paris, au motif que l'intéressé avait atteint l'âge de la retraite fixé par l'article 51 de la convention collective nationale des personnels de banque alors qu'il ne justifiait pas de cotisations suffisantes pour pouvoir prétendre au versement d'une pension à taux plein ; que l'autorisation sollicitée a été refusée par une décision en date du 21 août 1990 ; que, saisi sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, par une décision en date du 1er février 1991, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le CREDIT LYONNAIS à procéder au licenciement de son salarié au motif que l'application de l'article 51 de la convention collective constituait un motif réel et sérieux de licenciement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le motif invoqué par l'employeur n'était pas, à lui seul, de nature à justifier le licenciement de ce représentant du personnel ; qu'en l'absence de tout autre élément invoqué par l'employeur, la décision du ministre en date du 1er février 1991 est entachée d'illégalité ;
Sur les conclusions de M. Gilles tendant à ce que l'Etat et le CREDIT LYONNAIS soient condamnés sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner, d'une part, l'Etat, d'autre part le CREDIT LYONNAIS à payer à M. Gilles les sommes respectives de 10 000 F au titre des sommes exposées par celui-ci en première instance et non comprises dans les dépens et de 5 000 F au titre des sommes exposées en appel et non comprises dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 2 juin 1993 du tribunal administratif de Paris et la décision en date du 1er février 1991 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle sont annulés.
Article 2 : L'Etat d'une part et le CREDIT LYONNAIS d'autre part verseront à M. Gilles les sommes respectives de 10 000 F et de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Gilles, au CREDIT LYONNAIS et auministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

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