Jurisprudence : CE 4/1 SSR, 08-09-1993, n° 140672

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 140672

M. SIMONPIERI (élections cantonales de Castifao-Morosaglia)

Lecture du 08 Septembre 1993

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 4ème et 1ère sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du Contentieux,

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août 1992 et 24 septembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Louis Camille SIMONPIERI, demeurant Ponte Leccia en Haute-Corse (20218) Morosaglia ; M. SIMONPIERI demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement en date du 26 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 1992 dans le canton de Castifao-Morosaglia ; 2°) d'annuler ces opérations électorales et l'élection de M. Serge Grisoni ; 3°) de condamner M. Grisoni à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 91-1384 du 31 décembre 1991 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Stasse, Maître des requêtes, - les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Louis Camille SIMONPIERI et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Serge Grisoni, - les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur les griefs relatifs aux procurations :

Considérant que, si les autorités de gendarmerie ont attesté que quarante-quatre procurations délivrées à des électeurs de la commune de Castifao (Haute-Corse) avaient été établies au vu de billets d'avion présentés par les intéressés, de tels documents ne suffisent pas à établir l'existence d'un motif d'ordre professionnel, familial ou personnel permettant de regarder les mandants comme entrant dans l'une des catégories d'électeurs mentionnées à l'article L. 71 du code électoral, auxquels est ouvert le droit de voter par procuration ; qu'en revanche sur les cinquante et une procurations établies au nom d'électeurs identifiés par M. SIMONPIERI, sept ont été dressées au vu de certificats médicaux attestant de l'impossibilité de l'électeur de se déplacer le jour du scrutin en raison de son état de santé ; que si le requérant fait également état de l'irrégularité de plusieurs dizaines de procurations, dont les mandants n'auraient rempli aucune des conditions exigées par l'article L. 71 du code électoral, ou dont les justificatifs n'auraient pas été fournis, il n'apporte aucun élément permettant d'en vérifier l'exactitude ; qu'enfin ses allégations selon lesquelles deux électeurs auraient, à la suite de pressions, résilié leurs procurations initiales et consenti des procurations à des amis de M. Grisoni, pour favoriser l'élection de ce dernier, ne sont assorties d'aucun commencement de preuve ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bastia a tenu pour irréguliers seulement les quarante-quatre votes auxquels avaient donné lieu l'utilisation des procurations mentionnées ci-dessus et a retiré un nombre correspondant de voix des suffrages exprimés et des voix obtenues par M. Grisoni, le candidat élu ;

Sur le grief relatif à la présidence du bureau de vote :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 43 du code électoral : "Les bureaux de vote sont présidés par les maires, adjoints et conseillers municipaux dans l'ordre du tableau. A leur défaut, les présidents sont désignés par le maire parmi les électeurs de la commune. En cas d'absence, le président est remplacé par un suppléant désigné par lui parmi les conseillers municipaux ou les électeurs de la commune ou, à défaut, par le plus âgé des assesseurs. Le suppléant exerce toutes les attributions du président..." ; que le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que le bureau de vote de la commune de Moltifao n'avait été composé et présidé dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires précitées ;

Sur les griefs relatifs au déroulement du vote : Considérant, en premier lieu, que si, aux termes de l'article L. 63 du code électoral "l'urne électorale est transparente" l'article 2 de la loi du 31 décembre 1991 dispose que "par dérogation aux dispositions de l'article L. 63 du code électoral, l'utilisation d'urnes non transparentes... sera permise à l'occasion du double scrutin régional et cantonal de mars 1992 dans les communes ne disposant pas d'un nombre suffisant d'urnes transparentes" ; qu'il n'est pas établi que lors des opérations électorales du 29 mars 1992 la commune de Moltifao ait disposé du nombre d'urnes transparentes lui permettant d'assurer le déroulement du scrutin dans les conditions prévues par l'article L. 63 du code électoral ; qu'ainsi le grief tiré de la violation de cette disposition législative doit être écarté ; Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, aucune des mentions des procès-verbaux établis à l'occasion des opérations électorales du second tour de scrutin et figurant au dossier ne relèvent l'absence de passage par l'isoloir de certains électeurs ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que des électeurs aient effectivement introduit par fraude plusieurs bulletins dans les urnes ; que les allégations du requérant sur ces deux points ne sont assorties d'aucun commencement de justification et ne peuvent être accueillies ; Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que des différences existeraient dans les signatures apposées par certains électeurs sur les listes d'émargement respectivement des premier et deuxième tour n'est pas, à elle seule, de nature à établir l'irrégularité des votes émis au deuxième tour ; Considérant, en quatrième lieu, que, par des attestations dont l'inexactitude n'est pas démontrée, deux électeurs, dont la signature figurait sur la liste d'émargement ont certifié n'avoir été ni présents ni représentés lors du deuxième tour de scrutin ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal administratif a retiré encore deux voix au nombre des suffrages obtenus par M. Grisoni ; Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les protestations, même menaçantes, émises par certaines personnes présentes dans le bureau de vote de Ponte-Leccia à l'occasion du refus par le président de ce bureau d'autoriser un électeur à voter par procuration, et que les incidents qui se seraient produits à proximité de certains bureaux de vote, et qui n'ont fait l'objet d'aucune observation dans les procès-verbaux des opérations électorales aient présenté un caractère de gravité de nature à perturber le scrutin et à en entacher la validité ;

Considérant enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les circonstances que la liste d'émargement de la commune de Moltifao ait été établie sur des feuillets mobiles et que certains documents électoraux aient été tardivement transmis aux autorités préfectorales ait permis des fraudes ou man euvres susceptibles de vicier les résultats du scrutin ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'au total 46 voix doivent être retranchées du nombre de suffrages exprimés et de celui des voix obtenues par M. Grisoni ; que celui-ci, après cette déduction, conserve avec 1096 voix une avance de 22 voix sur M. SIMONPIERI ;

Sur les griefs tirés de pressions sur les électeurs et d'abus de propagande :

Considérant que le grief tiré de ce que des promesses illicites auraient été faites à des électeurs ne s'appuie que sur un fait isolé, qui, à lui seul, n'était pas de nature à affecter la sincérité des résultats du scrutin ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'il a été procédé, dès avant le premier tour de scrutin, à la distribution de tracts par lesquels, d'une part, M. Grisoni se prévalait des encouragements du conseil général sortant et du conseil municipal de Moltifao, d'autre part, le maire de Moltifao, qui avait apposé, à côté de sa signature, le cachet officiel de la mairie de Moltifao, appelait les électeurs à apporter leur vote à ce candidat ; qu'en dépit du faible écart de voix séparant les deux candidats, cette diffusion, eu égard au contenu desdits tracts et à la possibilité qu'ont eu les adversaires de M. Grisoni d'y répondre et d'en dénoncer l'éventuelle irrégularité, n'a pas revêtu le caractère d'une man euvre susceptible d'affecter la validité du scrutin ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. SIMONPIERI n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa protestation contre les résultats des opérations électorales dans le canton de Castifao-Morosaglia ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dipositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. Grisoni qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. SIMONPIERI la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. SIMONPIERI est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. SIMONPIERI, à M. Grisoni et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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