Jurisprudence : CE 5/3 SSR, 15-03-1996, n° 133080

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 133080

SYNDICAT DES ARTISANS FABRICANTS DE PIZZA NON SEDENTAIRES PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR

Lecture du 15 Mars 1996

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 5ème et 3ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 5ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu, enregistrée le 10 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée par le SYNDICAT DES ARTISANS FABRICANTS DE PIZZA NON SEDENTAIRES PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR, représenté par son président en exercice domicilié au siège du syndicat, Maisons des Artisans, 7, boulevard Pèbre à Marseille (13008) ; le syndicat demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 7 octobre 1991 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 janvier 1989 du maire de Marseille réglementant respectivement, l'un, sous le n° 89-16, les emplacements publics, l'autre, sous le n° 89-17, les marchés, foires, kermesses et manifestations commerciales sur la voie publique ; 2°) annule les articles 3, 5, 13, 23, 37, 46 et 90 de l'arrêté n° 89-16 du 19 janvier 1989 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi des 2 et 17 mars 1791 ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Philippe Boucher, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la ville de Marseille, - les conclusions de M. Descoings, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'arrêté municipal n° 89-16 du 19 janvier 1989 relatif à la "réglementation des emplacements publics de la ville de Marseille" fixe les règles selon lesquelles une "quelconque activité commerciale ou autre" peut s'exercer sur un emplacement fixe relevant du domaine public communal, à l'exception des emplacements réservés aux marchés et foires, qui font l'objet d'un arrêté municipal distinct du même jour ;
Sur l'article 3 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er dudit règlement n° 89-16 "nul ne peut exercer une quelconque activité commerciale ou autre sur un emplacement public s'il n'a pas, au préalable, demandé et obtenu une autorisation municipale...", et qu'aux termes de son article 3 : "l'autorisation est personnelle, précaire et révocable... Elle n'est valable que pour l'emplacement pour lequel elle est délivrée. Elle est délivrée en priorité aux postulants domiciliés à Marseille" ;
Considérant que s'il appartient au maire de fixer, tant dans l'intérêt de la sécurité, du bon ordre et de la circulation, que dans celui du domaine public et de son affectation, les conditions auxquelles il entend subordonner la délivrance d'une telle autorisation, et notamment des critères de priorité entre les demandeurs, l'auteur de l'arrêté attaqué n'a pu, sans commettre une erreur de droit ni porter une atteinte illégale à la liberté du commerce et de l'industrie, édicter une règle de priorité au détriment des postulants qui ne sont pas domiciliés à Marseille ; qu'ainsi l'article 3 est entaché sur ce point d'illégalité ;
Sur l'article 13 :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'arrêté attaqué, "Pour les transferts d'emplacement, de changement de profession ou des modalités de vente, pour les réductions ou augmentations des surfaces concernant les emplacements non soumis à adjudication, les intéressés devront, au préalable, en faire la demande à la direction des emplacements en y joignantl'autorisation dont ils sont titulaires. L'administration se réserve le droit d'accorder ou de refuser l'autorisation demandée" ;
Considérant qu'aucune disposition n'imposait au maire de préciser dans le règlement attaqué les critères selon lesquels serait accordée l'autorisation de transfert mentionnée à l'article 13 ;
Considérant que si l'article 11 dispose que "le transfert pourra également être accordé à l'acquéreur du commerce principal, s'il s'agit des étalages, vitrines mobiles, pompes à essence et autres, candélabres, etc..., selon les règles définies à l'article 13 ci-dessous", ces dispositions n'instituent, contrairement à ce que soutient le requérant, aucun cas de transfert de plein droit ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le requérant n'est pas fondé à critiquer l'inégalité entre les corporations qui résulterait selon lui du rapprochement des articles 11 et 13 ;
Sur les articles 5 et 23 :
Considérant qu'il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de gestion du domaine public communal, de veiller au respect des prescriptions imposées aux titulaires d'une autorisation d'occupation dudit domaine ; que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne peut faire obstacle à l'exercice par le maire des prérogatives qu'il détient à cet effet ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué pouvait prévoir que l'autorisation de stationnement serait assortie d'une désignation de la nature des marchandises offertes à la vente et que la vente d'autres marchandises pourrait engendrer un retrait de l'autorisation ;
Sur l'article 37 :
Considérant qu'aux termes de l'article 37 de l'arrêté attaqué, "Toute autorisation entraînera obligatoirement le paiement, au profit de la ville, par le bénéficiaire, d'un droit ou d'une redevance dont le montant est fixé et révisé par délibération du conseil municipal" ; qu'aux termes de l'article 35 de la loi du 27 décembre 1973 susvisée, "Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et marchés communaux est défini conformément aux dispositions d'un cahier des charges ou d'un règlement établi par l'autorité municipale, après consultation des organisations professionnelles intéressées" ; Considérant, d'une part, que le versement d'un droit de stationnement ne peut être exigé des professionnels ambulants circulant sur les voies publiques en quête d'acheteurs lorsqu'ils se bornent à s'arrêter momentanément pour conclure une vente ; que l'article 37 de l'arrêté attaqué n'a pas pour objet et n'aurait pu avoir légalement pour effet de prévoir le versement d'un droit de stationnement pour les colporteurs exerçant leur métier dans les conditions définies ci-dessus ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'article 37 porterait atteinte à la liberté du commerce ambulant doit être écarté ; Considérant, d'autre part, que l'arrêté litigieux, qui a pour objet de fixer non pas le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et marchés, lequel fait l'objet d'un second arrêté du 19 janvier 1989 numéroté 89-17, mais celui des autres emplacements sur la voie publique, n'a pas, en tout état de cause, à prévoir la consultation exigée par l'article 35 de la loi du 27 décembre 1973 précitée avant que le conseil municipal ne fixe le montant de la redevance ;
Sur l'article 46 :
Considérant qu'aux termes de l'article 46 de l'arrêté attaqué, "Seraient passiblesdes mêmes poursuites celles qui occuperaient un emplacement public sans autorisation. Toute occupation du domaine public sans autorisation donnera lieu au paiement des droits correspondants, selon le tarif mensuel minimum. Cette taxation d'office est indépendante de procès-verbaux qui seront envoyés au procureur de la République et ne constituera en aucun cas autorisation implicite d'occuper le domaine public conformément à l'article 86 du présent règlement" ;
Considérant qu'aucune disposition ne donne compétence au maire pour instituer, à chaque occupation irrégulière, sous la forme d'une "taxation d'office" équivalant au "tarif mensuel minimum" de la redevance, une sanction administrative qui s'ajouterait aux sanctions pénales prévues par la réglementation en vigueur en cas de violation des dispositions de l'arrêté attaqué ; que, par suite, l'article 46 doit être annulé en tant qu'il a institué une "taxation d'office" pour les occupants sans titre du domaine public ;
Sur l'article 90 :
Considérant qu'aux termes de l'article 90 de l'arrêté attaqué, "Les emplacements pour épars fixes ou commerces ambulants ne peuvent être concédés à moins de cent cinquante mètres de distance des halles, marchés et magasins vendant des produits similaires à ceux de l'épars" ; qu'une telle disposition revient à interdire au commerce non sédentaire, la plupart des emplacements favorables à ce type d'activité ; qu'il ressort des pièces du dossier que cet article vise à assurer la protection du commerce sédentaire contre la concurrence du commerce non sédentaire ; qu'il est, dès lors, entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de l'article 3, alinéa 3, de l'article 46 en tant qu'il institue une "taxation d'office", et de l'article 90 de l'arrêté municipal attaqué" ;
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 3, alinéa 3, 46 en tant qu'il institue une "taxation d'office", et 90 de l'arrêté 89-16 du maire de Marseille en date du 19 janvier 1989 sont annulés.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 7 octobre 1991 est annulé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du SYNDICAT DES ARTISANS FABRICANTS DE PIZZA NON SEDENTAIRES PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES ARTISANS FABRICANTS DE PIZZA NON SEDENTAIRES PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR, au syndicat général des commerçants non sédentaires de Marseille et des Bouches-du-Rhône, à la ville de Marseille et au ministre de l'intérieur.

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