Jurisprudence : TA Cergy-Pontoise, du 02-12-2022, n° 2215650

TA Cergy-Pontoise, du 02-12-2022, n° 2215650

A81808WU

Référence

TA Cergy-Pontoise, du 02-12-2022, n° 2215650. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90384581-ta-cergypontoise-du-02122022-n-2215650
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Abstract

► L'obligation de garantir des conditions de détention compatibles avec le droit à la vie, la prohibition des peines ou des traitements inhumains ou dégradants et le droit au respect de la vie privée et familiale, tels que protégés par la CESDH implique la réalisation de mesures urgentes par l'administration pour que ces droits soient respectés.


Références

Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise

N° 2215650


lecture du 02 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 novembre 2022 et le 28 novembre 2022, la section française de l'Observatoire international des prisons, l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et l'Association pour la défense des droits des détenus, représentés par Me Chapelle, demandent au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛 :

1°) d'ordonner à l'administration toutes mesures qu'il estimera nécessaires afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux droits fondamentaux des personnes détenues au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine et notamment, de :

- réunir le conseil d'évaluation du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine dans un délai d'un mois ;

- prendre l'initiative d'une concertation entre les autorités administratives et judiciaires compétentes afin d'envisager la mise en place localement, en associant les différents acteurs de la chaîne pénale, de protocoles ayant pour objectif la déflation carcérale dans l'établissement ;

- mettre fin à l'encellulement à trois de façon définitive et inconditionnelle et prendre toutes les dispositions pour s'assurer qu'aucune personne détenue ne dorme sur un matelas à même le sol ;

- réorganiser les mouvements afin de mettre fin aux blocages et retards aux rendez-vous médicaux, parloirs et activités ;

- prendre, dans les meilleurs délais, toute mesure permettant d'assurer la séparation des fumeurs et non-fumeurs et, si nécessaire, l'encellulement individuel des personnes présentant des troubles ou maladies psychologiques ou physiques ;

- prendre, dans les meilleurs délais, toutes les mesures qui apparaîtraient de nature à améliorer, dans l'attente d'une solution pérenne, les conditions d'occupation des cellules ;

- procéder à la rénovation et au nettoyage des cellules et des locaux, notamment en réparant les fenêtres défectueuses ou cassées, en rénovant et nettoyant les murs, en procédant à la réfection de la peinture et en réparant le carrelage cassé ;

- prendre, dans les plus brefs délais, toute mesure de nature à améliorer l'aération naturelle, la ventilation et l'isolation de l'ensemble des cellules ;

- faire procéder à des travaux de mise aux normes du chauffage garantissant son fonctionnement ;

- équiper les cellules d'un nombre suffisant de tables, de chaises, d'armoires, d'étagères et de réfrigérateurs afin que chaque détenu puisse s'asseoir, prendre son repas à table, ranger ses affaires personnelles et conserver ses produits alimentaires, et équiper chaque lit superposé d'une échelle ;

- prévoir des cellules aux normes permettant l'accueil de personnes à mobilité réduite, et les équiper de douches adaptées ;

- modifier la méthode de distribution des repas pour garantir une répartition équitable de la nourriture entre les personnes détenues et prendre toute autre mesure permettant de garantir des quantités suffisantes de nourriture à chaque détenu ;

- assurer la distribution régulière et gratuite des produits essentiels à l'hygiène, de rouleaux de papier toilette et de sacs poubelles, a minima tous les mois ;

- fournir sans délai aux détenus des produits d'entretien en quantité suffisante pour qu'il leur soit possible d'assurer convenablement l'entretien de leurs cellules ;

- réorganiser la gestion des déchets et procéder au ramassage quotidien des poubelles ;

- prendre toutes mesures utiles et nécessaires pour assurer un lavage hebdomadaire des draps et un lavage mensuel de tout linge de lit à disposition des détenus ;

- prendre toutes mesures pour sensibiliser les personnes détenues aux problèmes posés par le jet de nourriture ;

- procéder au nettoyage régulier et suffisant des douches, à leur rénovation, notamment en réparant le sol abîmé, et prendre toute mesure de nature à garantir aux personnes détenues un accès quotidien aux douches ;

- prendre des mesures, dans les plus brefs délais, pour lutter efficacement et définitivement contre la prolifération des nuisibles (rats, cafards, punaises) au sein des cellules et des espaces communs, et systématiquement procéder au traitement ou au remplacement des matelas infestés par des punaises de lit ;

- assurer, dans l'ensemble des cellules, la séparation de l'espace sanitaire du reste de l'espace par un cloisonnement du sol au plafond et procéder à l'installation immédiate d'une porte entre les sanitaires et l'espace de vie de l'ensemble des cellules ;

- procéder au cloisonnement des douches collectives ;

- diffuser une note de service qui rappellerait les conditions dans lesquelles doivent s'effectuer les fouilles, notamment quant à l'obligation de rendre une décision individuelle écrite ;

- assurer un enregistrement systématique des fouilles intégrales, par le biais de l'application Genesis ou par tout autre moyen ;

- prendre toute mesure pour améliorer les conditions d'accueil des parloirs visiteurs, et notamment procéder à leur nettoyage régulier et suffisant et à leur rénovation ;

- permettre l'accès effectif des détenus aux téléphones mis à leur disposition dans les bâtiments et sur les cours promenades, notamment en assurant leur fonctionnement permanent, et les équiper d'un cloisonnement ou de tout autre équipement garantissant la confidentialité des échanges ;

- rétablir le rythme de deux promenades par détenu et par jour ;

- mettre fin à la pratique selon laquelle l'accès à la cour est refusé aux personnes détenues après un entretien ou une visite au parloir si la fin de la promenade doit intervenir moins d'une heure après ;

- respecter les dispositions de l'article R. 213-5 du code pénitentiaire qui prévoit que la durée pendant laquelle la personne détenue est enfermée en cellule ne peut excéder douze heures ;

- prendre les mesures nécessaires afin d'améliorer la quantité et la diversité des activités proposées à l'ensemble des personnes détenues, notamment au quartier arrivants (études, sport, cultes, activités de loisir, adaptées aux besoins de chaque catégorie de détenus) ;

- prendre des mesures d'organisation du service afin de garantir un accès régulier à la bibliothèque ;

- prendre toute mesure susceptible d'augmenter l'offre de formation et de travail, et mettre fin au système de filtrage des candidatures selon le comportement en détention, l'âge et le motif d'écrou ;

- procéder au nettoyage régulier et suffisant de l'ensemble des cours de promenade et des abords du bâtiment, et à leur rénovation, notamment en sécurisant le réseau de concertinas ;

- équiper l'ensemble des cours de promenade de toilettes, de tables, de bancs, d'abris et de points d'eau, aussi bien dans les quartiers pour majeurs que pour mineurs ;

- équiper les salles d'attente de l'établissement de bancs, de toilettes et d'un point d'eau, procéder à leur nettoyage régulier et suffisant, et prendre les mesures d'organisation du service permettant de réduire la durée moyenne d'attente dans ces locaux ;

- prendre les mesures de réorganisation du service permettant de garantir et augmenter les possibilités d'extractions médicales et le nombre de vaccinations réalisées ;

- procéder à la rénovation et à la mise aux normes de l'unité sanitaire et assurer le fonctionnement permanent des téléphones, afin notamment de leur permettre de contacter l'hôpital et le service d'interprétariat ;

- procéder au renforcement des moyens matériels et humains de l'équipe médicale, notamment en prescrivant au Garde des sceaux de prendre dans les plus brefs délais les mesures nécessaires à la rémunération par le service public hospitalier d'un psychiatre supplémentaire à plein temps ;

- s'assurer à bref délai de la mise aux normes des installations électriques au sein de la maison d'arrêt ;

- mettre en œuvre un ensemble de mesures de réorganisation du service visant à répondre au climat d'insécurité et de violence ;

- assurer un enregistrement systématique, par le biais de l'application Genesis ou par tout autre moyen, de tout fait de violence, qu'il mette en cause un détenu ou un agent ;

- garantir aux personnes détenues victimes de violences, y compris lorsqu'elles émanent du personnel, un accès automatique et immédiat à l'unité sanitaire, systématiquement établir un compte rendu constatant les traces de violence dans leur dossier médical, en joignant photos et schémas corporels, et transmettre le dossier aux autorités compétentes de poursuite ;

- mettre en place un programme de formation à destination des personnels s'agissant de la prévention, du règlement des conflits et de la gestion de violence en détention ;

- permettre aux personnes en situation de vulnérabilité d'effectuer leurs promenades dans des quartiers spécifiques permettant d'assurer leur protection ;

- prendre toute mesure nécessaire à l'enregistrement des requêtes et demandes des détenus et à l'octroi d'un récépissé, quelle qu'en soit la forme ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Ils soutiennent que :

- se fondant notamment sur les rapports de visite du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine par le contrôleur général des lieux de privation de liberté en 2010 et en 2016, les observations de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté produites en décembre 2020 dans le cadre d'une instance en référé devant le Conseil d'Etat, un rapport du bâtonnier des Hauts-de-Seine rédigé à la suite d'une visite de l'établissement le 31 mai 2022 et des photographies prises lors d'une visite de l'établissement par Mme D G, sénatrice, le 19 juillet 2022, ils justifient d'une urgence à saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛 ;

- les conditions de détention constatées au sein de l'établissement et les dysfonctionnements qui y sont relevés portent une atteinte grave et manifestement illégale aux droits garantis par les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à la dignité des détenus.

Par un mémoire, enregistré le 25 novembre 2022, le Garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'existence d'une situation d'urgence particulière rendant nécessaire l'intervention du juge des référés dans les quarante-huit heures n'est pas caractérisée ;

- il n'appartient pas au juge des référés de prononcer certaines des injonctions demandées qui relèvent de mesures structurelles reposant sur des choix de politique publique ;

- les conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛 ne sont pas remplies.

Par un mémoire enregistré le 28 novembre 2022, le syndicat des avocats de France, représenté par Me Chapelle, intervient au soutien de la demande de la section française de l'Observatoire international des prisons, de l'Ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine et de l'Association pour la défense des droits des détenus. Il conclut aux mêmes fins que les requérants par les mêmes moyens et demande en outre qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code pénitentiaire ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Le président du tribunal a désigné M. Féral, président, et MM. E et F, premiers conseillers, en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative🏛.

Les parties ont été régulièrement convoquées à une audience publique le 28 novembre à 14 heures.

Ont été entendus au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme Courbet, greffière :

- le rapport de M. Barraud, juge des référés, qui a informé les parties que le tribunal était susceptible de se fonder sur un moyen d'ordre public relevé d'office tiré l'irrecevabilité des conclusions du syndicat des avocats de France, intervenant à l'instance, tendant à la mise à la charge de frais d'instance dès lors que l'auteur d'une intervention n'est pas une partie à l'instance ;

- les observations de Me Chapelle pour la section française de l'Observatoire international des prisons, l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et l'Association pour la défense des droits des détenus, et le syndicat des avocats de France ;

- les observations de Me Arakelian pour l'Ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine ;

- les observations de Mme H, directrice du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine, Mme C, juriste au service du droit pénitentiaire de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris et Mme B, consultante au sein du pôle contentieux du ministère de la justice, représentant le garde des sceaux, ministre de la justice ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 30 novembre 2022 à 12 heures puis au 30 novembre 2022 à 17 heures.

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 29 novembre 2022 à 17h50, présenté par le Garde des sceaux, ministre de la justice, concluant au rejet de la requête.

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 30 novembre 2022 à 15h45, présenté pour la section française de l'Observatoire international des prisons, l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et l'Association pour la défense des droits des détenus qui maintiennent leurs conclusions.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛 : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ".

2. La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP-SF), l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et l'Association pour la défense des droits des détenus demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛, d'ordonner diverses mesures pour faire cesser des atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine.

Sur l'intervention du syndicat des avocats de France :

3. Le syndicat des avocats de France justifie, eu égard notamment aux termes de ses statuts, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la demande de la section française de l'Observatoire international des prisons, de l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et de l'Association pour la défense des droits des détenus. Son intervention est, par suite, recevable et doit être admise.

Sur le cadre juridique du litige :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes de son article 8 : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Aux termes de l'article L. 6 du code pénitentiaire : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la commission de nouvelles infractions et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap, de l'identité de genre et de la personnalité de chaque personne détenue. ".

6. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis à vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛. Lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.

7. Le droit au respect de la vie privée et familiale rappelé notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont bénéficient, compte tenu des contraintes inhérentes à la détention, les personnes détenues, revêt le caractère d'une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛. Lorsque le fonctionnement d'un établissement pénitentiaire ou des mesures particulières prises à l'égard d'un détenu affectent, de manière caractérisée, son droit au respect de la vie privée et familiale dans des conditions qui excèdent les restrictions inhérentes à la détention, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser l'atteinte excessive ainsi portée à ce droit.

8. Il résulte de ce qui précède que les conditions d'intervention du juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛, diffèrent selon qu'il s'agit d'assurer la sauvegarde des droits protégés par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'une part, et du droit protégé par l'article 8 de la même convention, d'autre part, le paragraphe 2 de ce dernier article prévoyant expressément, sous certaines conditions, que des restrictions puissent être apportées à son exercice.

Sur les pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛 :

9. Aux termes de l'article L. 521 2 du code de justice administrative🏛 : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

10. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1, L. 521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative🏛🏛🏛 qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 précité et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2 précité, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en œuvre. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires.

Sur la demande en référé :

11. La Section française de l'observatoire international des prisons, l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et l'Association pour la défense des droits des détenus soutiennent que les conditions de détention constatées au sein du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine, constituant une atteinte grave et manifestement illégale aux droits garantis par les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à la dignité des détenus, justifient d'enjoindre à l'administration d'y mettre fin en exécutant toutes mesures nécessaires notamment les mesures qu'ils demandent.

En ce qui concerne les injonctions relatives à des mesures structurelles :

12. Pour faire cesser les atteintes invoquées aux droits découlant des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la section française de l'Observatoire international des prisons, l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et l'Association pour la défense des droits des détenus, demandent qu'il soit enjoint à l'administration :

- de réunir le conseil d'évaluation du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine dans un délai d'un mois ;

- de prendre l'initiative d'une concertation entre les autorités administratives et judiciaires compétentes afin d'envisager la mise en place localement, en associant les différents acteurs de la chaîne pénale, de protocoles ayant pour objectif la déflation carcérale dans l'établissement ;

- de mettre fin à l'encellulement à trois de façon définitive et inconditionnelle ;

- de prendre, dans les plus brefs délais, toute mesure de nature à améliorer l'aération naturelle, la ventilation et l'isolation de l'ensemble des cellules ;

- d'équiper les cellules d'un nombre suffisant de tables, de chaises, d'armoires, d'étagères et de réfrigérateurs afin que chaque détenu puisse s'asseoir, prendre son repas à table, ranger ses affaires personnelles et conserver ses produits alimentaires, et équiper chaque lit superposé d'une échelle ;

- de prévoir des cellules aux normes permettant l'accueil de personnes à mobilité réduite, et les équiper de douches adaptées ;

- de procéder à la rénovation des douches notamment en réparant le sol abîmé ;

- de procéder à la rénovation des cours de promenade et des abords du bâtiment, notamment en sécurisant le réseau de concertinas ;

- de procéder à la rénovation des parloirs visiteurs ;

- de respecter les dispositions de l'article R. 213-5 du code pénitentiaire qui prévoit que la durée pendant laquelle la personne détenue est enfermée en cellule ne peut excéder douze heures ;

- de prendre les mesures nécessaires afin d'améliorer la quantité et la diversité des activités proposées à l'ensemble des personnes détenues, notamment au quartier arrivants (études, sport, cultes, activités de loisir, adaptées aux besoins de chaque catégorie de détenus) ;

- de prendre des mesures d'organisation du service afin de garantir un accès régulier à la bibliothèque ;

- de prendre toute mesure susceptible d'augmenter l'offre de formation et de travail, et mettre fin au système de filtrage des candidatures selon le comportement en détention, l'âge et le motif d'écrou ;

- d'équiper l'ensemble des cours de promenade de toilettes, de tables, de bancs, d'abris et de points d'eau, aussi bien dans les quartiers pour majeurs que pour mineurs ;

- de procéder à la rénovation et à la mise aux normes de l'unité sanitaire ;

13. Eu égard à leur objet, les injonctions demandées mentionnées au point précédent, qui portent sur des mesures d'ordre structurel, et au surplus sur des choix de politique publique, insusceptibles d'être mis en œuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à demander le prononcé de ces injonctions.

En ce qui concerne les autres demandes d'injonctions :

S'agissant de la surpopulation du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine :

14. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de prendre, dans les meilleurs délais, toutes les mesures qui apparaîtraient de nature à améliorer, dans l'attente d'une solution pérenne, les conditions d'occupation des cellules, toutes les dispositions pour s'assurer qu'aucune personne détenue ne dorme sur un matelas à même le sol, toute mesure permettant d'assurer la séparation des fumeurs et non-fumeurs, si nécessaire, l'encellulement individuel des personnes présentant des troubles ou maladies psychologiques ou physiques et de prévoir des cellules aux normes permettant l'accueil de personnes à mobilité réduite (PMR) et les équiper de douches adaptées.

15. Il résulte de l'instruction que la maison d'arrêt du centre pénitentiaire de Nanterre comprend une capacité théorique de 592 places et accueille au 21 novembre 2022 942 personnes détenues, soit un taux d'occupation de 159 %, seules 54 personnes faisant l'objet d'un encellulement individuel. De telles conditions de détention qu'aggravent encore la promiscuité et le manque d'intimité qu'elles engendrent exposent les personnes qui y sont soumises à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave à une liberté fondamentale. Toutefois, le caractère manifestement illégal de l'atteinte à la liberté fondamentale en cause doit s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente. Il est vrai, ainsi que le fait valoir le ministre en défense, que l'administration pénitentiaire ne dispose d'aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou, lesquelles relèvent exclusivement de l'autorité judiciaire et qu'une maison d'arrêt est ainsi tenue d'accueillir, quel que soit l'espace disponible dont elle dispose, la totalité des personnes mises sous écrou. En outre, aux termes de l'article L. 213-4 du code pénitentiaire : " Il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt lorsque la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application. ".

16. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, si le quartier de la maison d'arrêt des hommes compte 50 cellules à trois personnes, l'administration s'efforce de limiter la présence de matelas au sol et qu'aucun matelas au sol n'est à déplorer depuis le mois de mai 2022.

17. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que des détenus non-fumeurs partagent des cellules avec des codétenus fumeurs. Si cette situation est regrettable, elle ne caractérise pas une situation d'urgence particulière rendant nécessaire l'intervention d'une mesure de sauvegarde à très bref délai. Il y a lieu dès lors de rejeter la demande d'injonction de prendre toute mesure permettant d'assurer la séparation des fumeurs et non-fumeurs.

18. En troisième lieu, contrairement à ce qui est allégué par les requérants dans leur mémoire en réplique, il ne résulte pas de l'instruction que des personnes prévenues seraient détenues avec des personnes condamnées définitivement.

19. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que les mesures d'encellulement individuel bénéficient aux personnes détenues présentant des risques " hétéro-agressifs " ou celles, sur décision médicale, dont l'état de santé le requiert. L'administration indique qu'il y a actuellement 71 personnes détenues faisant l'objet de consignes et de signalements au titre de l'auto-agressivité, 35 au titre du risque " hétéro-agressif " et 36 faisant l'objet de vigilance en raison de leur instabilité. Elle ajoute qu'elle veille à ce que les personnes détenues incarcérées au sein des cellules triplées ne présentent pas des profils avec des risques " hétéro-agressifs " ou des profils psychiatriques. Toutefois, l'administration précise que son recensement n'inclut pas les personnes qui n'adhèrent pas à leur traitement. Les requérants produisent une réponse d'un ancien détenu à un questionnaire de l'OIP-SF, datée du 29 septembre 2022, qui fait état de très vives tensions avec une personne détenue partageant sa cellule qui souffrait de schizophrénie et ne prenait pas son traitement. Ainsi, s'il ne résulte pas de l'instruction que des détenus présentant des maladies physiques occuperaient des cellules collectives dans des conditions constitutives d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, il n'est pas contesté que des personnes détenues présentant un risque " hétéro-agressif " mais n'adhérant pas à leur traitement sont susceptibles d'occuper au moins des cellules doubles. Cette situation, qui crée un danger pour les codétenus occupant la même cellule, caractérise une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales nécessitant qu'une mesure de sauvegarde soit ordonnée à très bref délai. Dès lors, l'urgence étant caractérisée, il y a lieu d'enjoindre à l'administration, de veiller, dans les plus brefs délais à ce que toutes les personnes détenues identifiées médicalement comme présentant des troubles psychiatriques accompagnés d'un risque " hétéro-agressif " fassent l'objet d'un encellulement individuel quelle que soit leur adhésion à leur traitement.

20. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que neuf PMR sont actuellement détenues au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine. Il est constant qu'aucune cellule n'est, en l'état, adaptée et que les neuf personnes détenues concernées ne sont pas affectées dans des cellules individuelles. Il résulte de l'instruction qu'une consultation est en cours en vue de la passation d'un marché de travaux pour l'aménagement de six cellules adaptées aux PMR et l'aménagement de l'accès des PMR au centre pénitentiaire qui sont programmés pour le début de l'année 2023. Si l'administration indique que les PMR incarcérées aujourd'hui se déplacent à l'aide de béquilles et que les cellules collectives non aménagées sont compatibles avec l'état de ces personnes, ces éléments ne sont pas établis et il est constant qu'aucun protocole d'accueil particulier n'existe pour la détermination des modalités d'encellulement de ces personnes détenues. Dans ces conditions, seul l'encellulement en cellule collective des personnes à mobilité réduite au sein du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties par les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales nécessitant qu'une mesure de sauvegarde soit ordonnée à très bref délai. Dès lors, l'urgence étant caractérisée, il y a lieu seulement d'enjoindre à l'administration, dans l'attente de la création de cellules adaptées, de garantir à toute personne détenue ayant de grandes difficultés pour se déplacer, de manière provisoire ou permanente, qu'elle soit ou non en fauteuil roulant, qui en forme la demande, l'accès à une cellule individuelle dans des conditions tenant compte de sa mobilité réduite.

S'agissant de la nourriture distribuée aux personnes détenues :

21. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de modifier la méthode de distribution des repas afin de garantir une répartition équitable de la nourriture entre les personnes détenues et prendre toute autre mesure permettant de garantir des quantités suffisantes de nourriture à chaque détenu. Ils font valoir que, dans son rapport de 2016, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté avait relevé qu'il manquait des plats pour servir les dernières cellules et avait recommandé que les quantités servies soient suffisantes pour que chacun soit correctement servi ainsi que la mise en place de contrôles, portant sur les quantités à l'arrivée des chariots dans les bâtiments. Ils ajoutent que lors de sa visite du 31 mai 2022, le bâtonnier des Hauts-de-Seine a constaté que " la nourriture était largement insuffisante " et qu'un ancien détenu, dont le témoignage a été recueilli par l'OIP-SF le 29 septembre 2022, indique que " les quantités distribuées y sont insuffisantes : j'ai perdu 12kg ".

22. Il résulte toutefois de l'instruction que le prestataire privé délivrant les prestations de repas est tenu, par un cahier des charges qui le lie à l'établissement pénitentiaire, de prévoir des repas pour 90 % des effectifs alors que le taux de prise réel varie entre 60 % et 72 %. L'administration verse aux débats un rapport d'audit du service de restauration réalisé en octobre 2020 qui fait état d'une offre supérieure à 90 % ainsi que différents relevés de taux de prises qui corroborent ces éléments. Il résulte également de l'instruction que la quantité des repas fait l'objet d'un grammage défini par un cahier des charges et que l'audit de 2020 attribuait une bonne note à l'établissement sur ce point. L'administration indique en outre que la distribution des repas est réalisée par chariots par les personnes détenues formées à cet effet et classées au poste d'auxiliaire étage sous le contrôle du surveillant selon une fiche de poste versée au débats qui prévoit que l'auxiliaire d'étage doit veiller au strict respect des quantités à suivre selon la feuille de guidage distribuée à chaque repas ainsi que la mesure du taux de prise en fin de distribution. Il ne résulte pas de l'instruction que la quantité des repas distribués aux personnes détenues serait insuffisante ni qu'elle ne serait pas distribuée équitablement lors des services. En outre, ainsi que le fait valoir l'administration, les détenus ont la possibilité d'acheter des produits supplémentaires alimentaires à la cantine de l'établissement. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, en l'état de l'instruction, que les modalités de distribution de la nourriture dans l'établissement constitueraient une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales qu'ils invoquent. Par suite, la demande d'injonction qu'ils présentent sur ce point doit être rejetée.

S'agissant des conditions matérielles d'accueil de la maison d'arrêt de Nanterre :

23. En premier lieu, les requérants demandent à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder au nettoyage des cellules notamment en réparant les fenêtres défectueuses ou cassées et en nettoyant les murs. Ils font valoir que le rapport de visite du bâtonnier du 31 mai 2022 fait état de " cellules globalement insalubres, fenêtres qui ne se ferment pas, murs dégradés " et que les témoignages de détenus recueillis par l'OIP-SF font état de cellules dont les murs sont dégradés. L'administration soutient que l'état des cellules est satisfaisant et verse aux débats six photographies de cellules en bon état général. D'une part, à supposer que les murs de certaines cellules soient dégradés, cette situation ne caractérise pas une situation d'urgence particulière rendant nécessaire l'intervention d'une mesure de sauvegarde à très bref délai. D'autre part, l'administration à l'audience ne conteste pas que des fenêtres de cellules nécessitent d'être remplacées dès lors que leur cadre en métal s'est déformé avec le temps et du fait de l'habitude de certains détenus d'oblitérer les fenêtres avec des tissus ou des cartons. Dans ces conditions, l'absence de fenêtres fermant correctement dans plusieurs cellules, à l'approche de l'hiver, porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales nécessitant qu'une mesure de sauvegarde soit ordonnée à très bref délai. Dès lors, l'urgence étant caractérisée, il y a lieu seulement d'enjoindre à l'administration, dans l'attente d'une solution pérenne, d'identifier l'ensemble des fenêtres des cellules qui ne ferment pas correctement et de procéder aux réparations provisoires nécessaires pour y remédier.

24. En deuxième lieu, les requérants demandent à ce qu'il soit enjoint de faire procéder à des travaux de mise aux normes du chauffage garantissant son fonctionnement. Les requérants mettent en avant plusieurs témoignages faisant état d'une insuffisance ou d'une absence de chauffage dans les cellules liée notamment à la vétusté des fenêtres. Il résulte de l'instruction que des travaux de réfection de la chaufferie ont été initiés en 2019 et livrés en 2021 et que le système fait l'objet d'une maintenance régulière. L'administration verse d'ailleurs aux débats un relevé de températures effectué le 21 novembre 2022 dans 9 cellules réparties dans les 4 bâtiments qui fait état d'une température moyenne de 19° et un relevé effectué le 29 novembre 2022 dans 16 cellules qui fait état d'une température toujours supérieure ou égale à 19 degrés. Même si ces relevés ne sont pas exhaustifs et qu'il résulte de l'instruction que celui du 29 novembre 2022 a été pratiqué dans des cellules dans lesquels l'état des fenêtres était bon, les pièces produites au dossier par les requérants ne suffisent pas à remettre en cause ces constats. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le système de chauffage ne fonctionnerait pas de manière satisfaisante. Dans ces conditions, en l'absence d'atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées, cette demande d'injonction doit être rejetée.

S'agissant des conditions d'hygiène des personnes détenus et la lutte contre les nuisibles :

25. En premier lieu, les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de nettoyer les locaux communs, de réorganiser la gestion des déchets et procéder au ramassage quotidien des poubelles.

26. Les requérants soutiennent que les personnes détenues vivent dans des conditions d'hygiène déplorables et font valoir que dans son rapport de visite le bâtonnier des Hauts-de-Seine a indiqué que dans les bâtiments B et C " nombre de cellules donnent sur une cour où des détritus jonchent le sol ", que la contrôleure générale des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2016 formait une recommandation selon laquelle " le nettoyage des locaux doit faire l'objet d'une attention plus soutenue et la société en charge de cet entretien rappelée à l'ordre, en cas de défaillance et, si nécessaire, de pénalités appliquées ". Ils versent aux débats une photographie prise lors de la visite de la sénatrice Mme G sur laquelle on distingue une cour jonchée de détritus sur laquelle donnent des cellules.

27. D'une part, si l'administration fait valoir que le nettoyage des communs est réalisé par les personnes détenues dont 43 sont " auxiliaires étage " et 11 " auxiliaires abords ", il ne résulte pas de l'instruction que ce nettoyage régulier comprenne les cours qui ne sont pas consacrées à la promenade et sur lesquelles donnent certaines cellules. Il est constant que l'accumulation de déchets dans ces cours ou dans les espaces sur lesquels donnent des cellules est lié à une pratique de jet de nourriture par des détenus et favorise l'infestation et la prolifération des rats. Ces carences dans le nettoyage de ces espaces sont constitutives d'une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales nécessitant qu'une mesure de sauvegarde soit ordonnée dans un très bref délai. Dès lors, l'urgence étant caractérisée, il y a lieu d'enjoindre à l'administration de procéder dans les plus brefs délais à l'enlèvement de la totalité des détritus accumulés dans l'ensemble des espaces extérieurs sur lesquels donnent des cellules et de veiller par un nettoyage régulier à maintenir ces espaces dans des conditions de propreté satisfaisantes.

28. D'autre part, l'administration fait valoir que la gestion des déchets est en partie assurée par les auxiliaires chargés du nettoyage qui assurent de manière quotidienne, conformément aux fiches de poste versées aux débats, le vidage des corbeilles à papier, le dépôt des détritus dans le local à poubelles, la descente des containers sur la zone de stockage des déchets et la mise en œuvre du tri sélectif. Elle ajoute que les auxiliaires d'étages sont chargés de récupérer les sacs poubelles déposés par les personnes détenues sur la coursive après l'achèvement des opérations de distribution. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de collecte des déchets constitueraient une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales. Par suite, la demande d'injonction présentée sur ce point doit être rejetée.

29. En deuxième lieu, les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration d'assurer la distribution régulière et gratuite des produits essentiels à l'hygiène, de rouleaux de papier toilette et de sacs poubelles, a minima tous les mois, et fournir sans délai aux personnes détenues des produits d'entretien en quantité suffisante pour qu'il leur soit possible d'assurer convenablement l'entretien de leurs cellules. Ils demandent également qu'il soit ordonné de prendre toutes mesures pour sensibiliser les personnes détenues aux problèmes posés par le jet de nourriture. Ils soutiennent qu'il ressort des questionnaires de détenus réalisés par l'OIP-SF que la distribution gratuite de sac poubelle est aléatoire et dépend du bâtiment, les détenus du bâtiment A bénéficiant d'un sac poubelle gratuit tous les deux jours alors que ceux du bâtiment B bénéficient d'un sac poubelle gratuit une fois par mois. Ils ajoutent que ces détenus interrogés notent qu'à défaut de sacs poubelles, ils sont nombreux à jeter leur nourriture par la fenêtre et que l'administration n'a jamais pris d'action pour les sensibiliser sur les conséquences des jets de nourriture. Ils soutiennent enfin, toujours sur la base de ces questionnaires, que certains détenus bénéficient de " kit d'hygiène gratuit " quand d'autres doivent acheter ces produits à la cantine.

30. L'administration indique que la distribution initiale des produits d'hygiène et d'entretien est opérée selon un protocole de fonctionnement de l'hôtellerie qu'elle verse aux débats. Il résulte de l'instruction, notamment de ce protocole, que chaque détenu est doté à son arrivée au centre pénitentiaire d'un " kit hygiène individuelle " et d'un " kit entretien cellule ". Le premier est composé notamment des produits de bases nécessaires à la toilette en 1 exemplaire et de 6 rouleaux de papier toilette. Pour les détenus sans ressources, ces produits sont renouvelés tous les mois ou tous les deux mois selon les produits. Tous les détenus, quelles que soient leurs ressources, reçoivent 6 rouleaux de papier toilette par mois. Le second " kit " est composé de divers produits ménagers dont 30 sacs poubelles. Pour tous les détenus, quelles que soient leurs ressources, sont notamment renouvelés chaque mois l'eau de javel à hauteur de 2 flacons de 120 ml et les sacs poubelles à raison de 30 unités. Il ne résulte pas de l'instruction que ce protocole ne permettrait pas aux détenus d'assurer leur hygiène personnelle et d'entretenir leur cellule dans des conditions satisfaisantes ni que ce protocole ne serait pas respecté.

31. En revanche, il n'est pas contesté qu'il existe au sein de l'établissement une pratique de jets de nourriture. L'administration indique que la question sera abordée lors de la prochaine consultation qui aura lieu en application de l'article R. 411-2 du code pénitentiaire. Toutefois, ces dispositions, qui prévoient que les personnes détenues sont consultées au moins deux fois par an sur les activités relatives au travail, à la formation professionnelle, à l'insertion par l'activité économique, à l'enseignement et aux activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques, ne constituent pas le cadre juridique approprié pour sensibiliser les détenus à la question du jet de nourriture. Il est constant que la pratique du jet de nourriture est la cause de l'accumulation de déchets dans les espaces sur lesquels donnent les cellules. Cette situation, qui a pour effet de faire perdurer une situation d'infestation des cours par les rats, résulte d'une carence de l'administration constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité humaine. Il y a lieu seulement, l'urgence étant caractérisée, d'enjoindre à l'administration de procéder dans les plus brefs délais à une communication à l'ensemble des détenus sur la problématique des jets de nourritures et de veiller à ce que les détenus disposent toujours, gratuitement, de sacs poubelles en nombre suffisant pour assurer l'évacuation quotidienne intégrale des déchets produits dans les cellules.

32. En troisième lieu, les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de prendre toutes mesures utiles et nécessaires pour assurer un lavage hebdomadaire des draps et un lavage mensuel de tout linge de lit à disposition des détenus. Ils font valoir que dans son rapport de visite le bâtonnier des Hauts-de-Seine a regretté lors de sa visite que " les draps fournis par l'administration pénitentiaire ne [soient] changés que toutes les deux semaines " et que plusieurs détenus confirment, dans des témoignages transmis à l'OIP-SF que les lits et les draps sont en mauvais état, mal lavés, et parfois lavés à un rythme aléatoire. Il résulte de l'instruction que le linge de lit fait l'objet d'un nettoyage bimensuel par dix personnes détenues classées au poste de " buandier-distributeur-linger ". Si un lavage hebdomadaire paraît souhaitable, un lavage seulement bimensuel ne caractérise pas toutefois une situation d'urgence particulière rendant nécessaire l'intervention d'une mesure de sauvegarde à très brève échéance. Il y a lieu dès lors de rejeter la demande d'injonction tendant à ce que soit ordonné un lavage hebdomadaire du linge de lit.

33. En quatrième lieu, les requérants demandent qu'il soit ordonné de procéder au nettoyage régulier et suffisant des douches et que toute mesure de nature à garantir aux personnes détenues un accès quotidien aux douches soit prise. Ils font valoir qu'en 2016, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté avait constaté que les cabines " souvent encrassées, sont constituées de parois légères et [que] le sol est fréquemment abîmé ", que le rapport de visite du bâtonnier des Hauts-de-Seine du 31 mai 2022 fait le constat de " moisissures sur les murs, [de] douches actionnées de l'extérieur sous le contrôle d'un agent de l'administration pénitentiaire, [et] trois douches seulement par semaine ". Enfin, ils font état de témoignages de détenus en 2018 et en 2022 qui se plaignent de l'état de saleté des douches. Il résulte de l'instruction que le lavage et la désinfection des douches est pratiqué quotidiennement par les auxiliaires de nettoyage qui assurent également à un rythme hebdomadaire le détartrage des cabines et des sols et le nettoyage des carrelages muraux. L'administration verse aux débats trois photographies des douches collectives qui montrent que l'état de propreté est correct. Quant à l'accès aux douches, l'administration fait valoir qu'en application de l'article 12 du règlement intérieur de l'établissement, trois douches par semaines sont proposées aux détenus, qu'une douche est systématiquement proposée aux détenus classés au travail après une journée de travail et qu'une douche est proposée si possible aux détenus après une séance de sport ainsi qu'avant chaque sortie de l'établissement. Il ne résulte pas de l'instruction que les conditions actuelles d'accès aux douches caractériseraient une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés invoquées.

34. En cinquième lieu, les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de prendre des mesures, dans les plus brefs délais, pour lutter efficacement et définitivement contre la prolifération des nuisibles (rats, cafards, punaises) au sein des cellules et des espaces communs, et systématiquement procéder au traitement ou au remplacement des matelas infestés par des punaises de lit. Ils soutiennent que dans son rapport de 2016 la contrôleure générale des lieux de privation de liberté avait constaté la présence de cafards dans plusieurs cellules, que le rapport de visite du bâtonnier du 31 mai 2022 fait également état d'une prolifération par vagues de cafards et de rats et enfin que des témoignages de détenus mentionnent des matelas infestés de punaise de lit et des cafards dans les cellules.

35. Il résulte de l'instruction que la direction du centre pénitentiaire a mis en place plusieurs mesures destinées à lutter contre les nuisibles, que le prestataire est intervenu régulièrement depuis le mois de février 2022 pour lutter contre les rats et traiter les terriers, que des interventions de luttes contre les cafards ont lieu à chaque signalement selon une procédure définie par une note de service et qu'un prestataire est intervenu à plusieurs reprises aux mois de février, mars, avril et mai 2022 pour éradiquer les blattes et les fourmis. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que des lits seraient infestés de punaises et ne seraient pas changés en cas d'infestation. D'autre part, si ces traitements ont amélioré la situation, il est constant que des rats et des insectes prolifèrent toujours dans l'établissement et que les mesures prises jusqu'à présent n'ont pas été suffisantes pour éradiquer les nuisibles dans l'établissement. La prolifération dans les espaces communs et les cellules d'animaux nuisibles, imputable à une carence de l'administration, affecte la dignité des détenus et engendre un risque sanitaire pour l'ensemble des personnes fréquentant l'établissement, constituant par là-même une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il y a lieu, l'urgence étant caractérisée, d'enjoindre à l'administration de faire procéder, dans les plus brefs délais, selon les modalités juridiques et techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus et des autres personnes fréquentant l'établissement ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à une opération d'envergure susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l'ensemble des locaux du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine.

S'agissant du respect de l'intimité et de la vie privée et familiale des détenus :

36. Les requérants demandent que des travaux de cloisonnement de l'espace sanitaire des cellules et des douches collectives de la maison d'arrêt soient entrepris. D'une part, lorsqu'une cellule est occupée par plus d'une personne, l'absence de séparation des sanitaires par une cloison ou par des rideaux permettant de protéger suffisamment l'intimité est de nature tant à porter atteinte à la vie privée des détenus, dans une mesure excédant les restrictions inhérentes à la détention, qu'à les exposer à un traitement inhumain ou dégradant, portant une atteinte grave à ces deux libertés fondamentales. Il résulte de l'instruction que les sanitaires des cellules sont séparés du reste de l'espace de la cellule par une cloison et des portes battantes. Par ailleurs, l'administration fait valoir sans être contredite que l'absence de certaines portes battantes résulte de dégradations effectuées par les détenus et que les portes défectueuses sont réparées ou remplacées. Il ne résulte pas de l'instruction que le dispositif de cloisonnement partiel mis en place porterait une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité humaine ou au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes détenues dans la mesure où l'absence de cloisonnement total, que justifie la nécessité de pouvoir surveiller la totalité de la cellule, ne fait pas obstacle à ce que soit préservée l'intimité des détenus, quelles que soient les regrettables conséquences que ce dispositif entraîne. D'autre part, s'agissant des douches collectives, il résulte de l'instruction, notamment des photographies des douches versées aux débats, que les douches collectives font l'objet d'un cloisonnement de séparation entre chaque douche. L'injonction demandée doit donc être rejetée.

S'agissant des fouilles :

37. Les requérants demandent qu'il soit ordonné de diffuser une note de service qui rappellerait les conditions dans lesquelles doivent s'effectuer les fouilles, notamment quant à l'obligation de rendre une décision individuelle écrite et d'assurer un enregistrement systématique des fouilles intégrales, par le biais de l'application Genesis ou par tout autre moyen. Dans son rapport de 2016, la contrôleure générale des lieux de privation des libertés, qui a relevé que les fouilles effectuées à la maison d'arrêt de Nanterre étaient " peu soucieuses du droit " et qu'" aucune décision individuelle écrite n'est [] rendue " s'agissant des fouilles intégrales et qu'" aucune traçabilité des fouilles intégrales ne peut être consultée sur l'application GENESIS ", et recommandait l'utilisation de ce logiciel pour " permettre une traçabilité claire des personnes détenues faisant l'objet d'une fouille intégrale au trimestre ". L'administration fait valoir que les fouilles intégrales réalisées respectent les exigences des articles L. 225-1, L. 225-2 et L. 225-3 du code pénitentiaire et la circulaire du 15 juillet 2020 du directeur de l'administration pénitentiaire, qu'elles ont lieu dans une cabine de fouilles, que chaque fouille est enregistrée dans l'application Genesis ainsi que l'a rappelé la directrice de l'établissement pénitentiaire dans une note de service du 7 février 2022, que les agents comme les détenus sont informés des modalités des fouilles et de l'évolution de la législation par des notes de services ou des affiches et que l'administration pénitentiaire s'apprête à déployer un outil plus performant que Genesis intitulé " Brique applicative fouilles " à partir de janvier 2023. Il ne résulte pas de l'instruction que des fouilles illégales de personnes détenues seraient pratiquées au sein de l'établissement pénitentiaire. A supposer que d'autres fouilles que celles en cas de suspicion d'infraction ou dans le cadre d'un régime exorbitant soient pratiquées dans l'établissement sans être consignées sur un registre, cette circonstance ne caractérise pas une situation d'urgence particulière rendant nécessaire l'intervention d'une mesure de sauvegarde dans de très brefs délais. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, l'injonction sollicitée doit être rejetée.

S'agissant du maintien des liens familiaux :

38. En premier lieu, les requérants demandent qu'il soit ordonné de prendre toute mesure pour améliorer les conditions d'accueil des parloirs " visiteurs ", et notamment procéder à leur nettoyage régulier et suffisant. Ils font valoir que la contrôleure générale des lieux de privation de liberté a qualifié dans son rapport de 2016 les parloirs des familles de " très sales ", " d'une saleté repoussante " et a indiqué que " le ménage n'y est fait que de façon épisodique ". Ils ajoutent que des détenus ont récemment fait état de la saleté des parloirs. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des photographies des parloirs versées aux débats, que l'état sanitaire des parloirs constituerait une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées. Par suite, la demande d'injonction qu'ils présentent sur ce point doit être rejetée.

39. En deuxième lieu, les requérants demandent à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réorganiser les mouvements afin de mettre fin aux blocages et retards aux rendez-vous " parloirs ". Il résulte de l'instruction que les personnes détenues peuvent bénéficier de 45 minutes de rencontre par tour de parloir, que des plages horaires sont spécialement prévues du mardi au samedi et que les rendez-vous peuvent être pris par téléphone, par internet ou via des bornes dédiées au sein de l'abri " famille ". L'allégation selon laquelle les rendez-vous de parloir feraient l'objet de blocages ou retard est insuffisamment étayée. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, l'injonction sollicitée doit être rejetée.

40. En troisième lieu, les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de permettre l'accès effectif des détenus aux téléphones mis à leur disposition dans les bâtiments et dans les cours promenades, notamment en assurant leur fonctionnement permanent, et les équiper d'un cloisonnement ou de tout autre équipement garantissant la confidentialité des échanges. Ils font valoir que la contrôleure générale des lieux de privation des libertés relève dans son rapport 2016 que l'accès au téléphone est entravé par les problèmes de surpopulation pénale et de sous-effectif et ajoute que les cours de promenade ne sont équipées que de cabines téléphoniques hors service et que pour pouvoir téléphoner, les personnes détenues doivent effectuer leurs demandes à des surveillants. Elle recommande ainsi de veiller à ce que les personnes arrivantes bénéficient de la possibilité de téléphoner à leur arrivée, et dans les meilleurs délais. Ils ajoutent que plusieurs personnes détenues ayant répondu au questionnaire de l'OIP-SF déplorent par ailleurs l'absence d'intimité lorsqu'elles parviennent à téléphoner à leurs proches. Il résulte de l'instruction que des téléphones ont été installés dans chaque cellule, que différents forfaits sont proposés aux personnes détenues, que des téléphones sont également disponibles en complément sur la coursive, que tout arrivant condamné dispose d'une carte créditée d'un euro pour téléphoner et que, s'agissant des personnes prévenues, celles-ci doivent obtenir une autorisation des autorités judiciaires et enfin que l'administration a mis en place un dispositif de visiophonie. Dans ces conditions, si regrettable que soit la difficulté pour les personnes détenues de communiquer par téléphone avec leurs proches avec un degré d'intimité suffisante compte tenu de la promiscuité, les conditions d'accès au téléphone au sein du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine ne portent pas une atteinte grave et manifestement disproportionnée aux droits des détenus au respect de leur vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, la demande d'injonction présentée par les requérants sur ce point doit être rejetée.

S'agissant des cours de promenade et des abords de l'établissement :

41. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de procéder au nettoyage régulier et suffisant de l'ensemble des cours de promenade et des abords du bâtiment. Il résulte de l'instruction que les cours de promenade sont nettoyées tous les matins dans tous les bâtiments par les auxiliaires d'étage et que les abords de l'établissement le sont par les auxiliaires " abords ". Si ce nettoyage est perfectible, il ne résulte pas de l'instruction qu'il présenterait des carences constitutives d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par suite, la demande d'injonction présentée par les requérants sur ce point doit être rejetée.

S'agissant des salles d'attente :

42. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration d'équiper les salles d'attente de l'établissement de bancs, de toilettes et d'un point d'eau, procéder à leur nettoyage régulier et suffisant, et prendre les mesures d'organisation du service permettant de réduire la durée moyenne d'attente dans ces locaux. Il résulte de l'instruction, notamment des photographies versées aux débats, que les salles d'attente sont nettoyées par les auxiliaires d'étage, qu'elles sont équipées de bancs et de fenêtres. Si les salles d'attente situées dans les zone d'hébergement ne comportent pas de toilettes, le délai d'attente n'excède pas une heure et les personnes détenues peuvent solliciter d'être conduites aux toilettes. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'état des salles d'attente et leur équipement caractériserait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par suite, la demande d'injonction présentée sur ce point doit être rejetée.

S'agissant de l'accès aux soins :

43. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de prendre les mesures de réorganisation du service permettant de garantir et augmenter les possibilités d'extractions médicales et le nombre de vaccinations réalisées, de procéder à la rénovation et à la mise aux normes de l'unité sanitaire et assurer le fonctionnement permanent des téléphones, afin notamment de leur permettre de contacter l'hôpital et le service d'interprétariat, de procéder au renforcement des moyens matériels et humains de l'équipe médicale, notamment en prescrivant au Garde des sceaux de prendre dans les plus brefs délais les mesures nécessaires à la rémunération par le service public hospitalier d'un psychiatre supplémentaire à plein temps.

44. Les requérants soutiennent que l'état de surpopulation de la maison d'arrêt de Nanterre entrave l'accès aux soins pour les personnes détenues et que l'unité de sanitaire fonctionne mal. Ils font valoir que dans son rapport 2016, la contrôleure générale des lieux de privation des libertés relevait en particulier : " - une réduction du nombre de vaccinations réalisées ; - une impossibilité à réaliser des actions d'éducation à la santé et des réunions transversales entre les différents intervenants ; - des difficultés à programmer les extractions médicales " et préconisait de " mettre en place, comme par le passé, deux véhicules et des escortes pour les extractions ". Ils ajoutent que dans son rapport de visite du 31 mai 2022 le bâtonnier des Hauts-de-Seine fait état de ce que la direction l'a informé que le délai pour accéder à un psychiatre serait de deux à trois mois et que ce délai est confirmé par les réponses apportées par une personne détenue au questionnaire de l'OIP-SF. Ils mettent enfin en avant une lettre d'alerte des différents membres du personnel de l'unité sanitaire du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine datée du 22 juin 2022 sur " les dysfonctionnements sévères " au sein de l'unité sanitaire du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine qui dénoncent le manque de personnel et de moyens pour traiter de l'ensemble des demandes des personnes détenues et indiquent notamment bénéficier d'" 1 mi-temps (approximatif) de psychiatre [], des psychologues utilisés pour des consultations 'd'urgence' afin de pallier au manque de psychiatre ", devoir travailler avec : " une infirmerie sans ordinateur fonctionnel, un secrétariat sans téléphone interne et avec une armoire détruite par un détenu en pleine crise (au mois de février, toujours pas changée !), un bureau psychiatre sans téléphone, donc sans possibilité de contact direct avec l'hôpital ni avec le service d'interprétariat dont [ils ont] besoin au quotidien.".

45. L'administration pénitentiaire indique que des travaux de rénovation et d'extension de l'unité sanitaire ont été réceptionnés en 2016 pour un montant de 600 000 euros. Elle soutient qu'elle veille avec diligence à prendre toutes les mesures pour faciliter l'accès aux soins des personnes détenues et à mettre en œuvre les pouvoirs dont elle dispose pour assurer la qualité et la continuité des soins.

46. En premier, lieu, s'agissant des effectifs médicaux, il résulte de l'instruction que le service de l'unité sanitaire comporte 2 équivalents temps plein (ETP) de médecins généralistes, 1 ETP de chirurgien-dentiste, 0,5 ETP de pharmacien, 1 ETP de cadre de santé, 1 ETP de préparateur en pharmacie, 1 ETP d'assistante dentaire, 2 ETP de secrétaires médicales et 0,27 ETP de manipulateur radio, l'un des médecins généralistes du service étant à la tête de l'unité. La prise en charge assurée par l'unité sanitaire est complétée par des praticiens de l'hôpital de Nanterre qui propose une consultation d'ophtalmologie à raison d'une vacation par mois ; une consultation de podologie à raison de deux vacations par mois ; une consultation de diététique à raison d'une vacation par mois et un dépistage de la tuberculose à raison d'une vacation tous les 15 jours. La direction de l'hôpital a également confié l'unité de soins à un directeur référent depuis 2020 à hauteur de 0,10 ETP soit une demi-journée par semaine afin de soutenir le chef de service et le cadre de santé du service dans leurs missions, et de faire le lien avec l'administration pénitentiaire. À ce jour, l'effectif infirmier comporte 4 ETP sur les 7 nécessaires à un effectif pérenne, auxquels s'ajoutent l'équivalent de trois postes (vacations et intérim). L'administration indique qu'un recrutement est en cours qui portera les effectifs à cinq sur les sept. Si un ETP de médecin psychiatre est requis à l'unité sanitaire, l'administration fait valoir qu'en 2016, face aux difficultés de recrutement de médecins psychiatres, le chef de pôle de santé mentale avait décidé de compléter la présence du psychiatre (assurée à hauteur de 0,9 ETP) par du temps de psychologue de sorte qu'à ce jour, 3,13 ETP de psychologues sont présents et 0,6 ETP de psychiatre. Elle ajoute également que les personnels de l'unité de soin sont formés à la prévention et à l'appréhension du risque suicidaire. L'administration indique sans être contestée que le centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine de Nanterre poursuit ses recherches de recrutement de temps de psychiatre mais que cette spécialité est particulièrement en tension. Dans ces conditions, aussi regrettable que soit la présence de seulement 0,9 ETP de psychiatre, cette situation ne résulte pas d'une carence de l'administration constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par suite, il y a lieu de rejeter la demande d'injonction de recruter un second psychiatre à temps plein.

47. En deuxième lieu, s'agissant des extractions médicales et des vaccinations, l'administration soutient qu'elle respecte les dispositions des articles L. 322-3 et L. 322-1 du code pénitentiaire et R. 6111-40-4 du code de la santé publique et suit un protocole résultant d'une note de service du 19 mai 2022 qui prévoit plusieurs modalités d'escorte : - le niveau 1 correspondant à une consultation hors la présence du personnel pénitentiaire avec ou sans moyen de contrainte ; - le niveau 2 correspondant à une consultation sous surveillance du personnel avec ou sans moyen de contrainte ; - le niveau 3 équivalant à une consultation sous surveillance et avec moyen de contrainte, le chef d'établissement déterminant le niveau de surveillance ainsi que les moyens de contrainte à mettre en œuvre selon une appréciation individualisée. Il résulte de l'instruction que 619 extractions médicales ont été effectuées en 2020 (688 en 2019), 355 sur le site du centre pénitentiaire de Nanterre (20 % pour des urgences et 35 % pour l'imagerie médicale. S'agissant de la vaccination, il résulte de l'instruction que 274 doses de vaccins contre l'hépatite B ont été prescrites en 2020 (266 en 2019), 193 doses de vaccins contre le tétanos (152 en 2019) et 40 doses de vaccins contre la grippe (43 en 2019). En outre, depuis le début de la campagne de vaccination contre la COVID-19, 349 personnes détenues ont été vaccinées depuis le début de la campagne de vaccination. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les modalités d'extraction des détenus en vues de soins et l'accès à la vaccination présenteraient des carences constitutives d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par suite, la demande d'injonction présentée sur ce point doit être rejetée.

48. En troisième lieu, l'administration ne conteste pas que l'unité de soins est dépourvue d'un ordinateur fonctionnel, est dotée d'un secrétariat sans téléphone interne et d'un bureau " psychiatre " sans téléphone et donc sans possibilité de contact direct de la personne détenue avec l'hôpital ni avec le service d'interprétariat lorsqu'ils en ont besoin. Cette situation caractérise une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité humaine. Il y a lieu seulement, l'urgence étant caractérisée, d'enjoindre à l'administration de procéder aux réparations nécessaires afin d'assurer le fonctionnement permanent des téléphones au sein de l'unité sanitaire, afin notamment de permettre aux personnes détenues de contacter l'hôpital et le service d'interprétariat.

S'agissant de la sécurité de l'établissement et la prévention des risques incendies :

49. Les requérants demandent qu'il soit prescrit à l'administration de s'assurer à bref délai de la mise aux normes des installations électriques au sein de la maison d'arrêt. Ils font valoir que la contrôleure générale des lieux de privation de liberté relevait " des installations électriques dangereuses " et en 2020 regrettait " qu'aucune mention n'ait été faite d'éventuels travaux sur les installations électriques et sanitaires, dont l'état avait été jugé très dégradé lors de la visite de 2016 ", que dans son rapport de visite du 31 mai 2022 le bâtonnier des Hauts-de-Seine fait état de la présence de " fils électriques apparents et pendants " dans les cellules et qu'un personne récemment sortie de la maison d'arrêt de Nanterre a indiqué à l'OIP-SF que " des fils électriques dénudés étaient visibles au-dessus du lavabo car l'éclairage, situé au-dessus de la glace, ne fonctionnait pas et n'avait pas été remplacé ". Il résulte de l'instruction que les installations électriques de l'établissement ont été vérifiées le 16 octobre 2020 puis du 20 avril au 6 mai 2022. Le rapport de cette dernière vérification indique que l'ensemble des éléments vérifiés est satisfaisant à l'exception de la signalétique d'évacuation des éclairages de sécurité pour laquelle le rapport relève dans plusieurs blocs de la maison d'arrêt " l'absence, sur les foyers lumineux d'éclairage de sécurité, des inscriptions, écriteaux ou transparents de balisage conformes à la norme NF X 08-003, éventuellement complétés par l'inscription conformes à la norme NF X 08-003, éventuellement complétés par l'inscription "SORTIE" ou "SORTIE DE SECOURS" ". Cette anomalie, à supposer qu'elle n'ait pas encore été corrigée, n'est pas constitutive à elle seule d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Toutefois, le rapport mentionne que les cellules n'ont pu être vérifiées pour des raisons liées à l'activité du site. Lors des débats à l'audience, les représentants de l'administration indiquent que lorsqu'une coupure de courant se produit à la suite d'une surchauffe des installations électriques d'une cellule, les installations électriques sont vérifiées à cette occasion. Il n'est pas contesté que certaines cellules comportent des fils électriques apparents et pendant ou dénudés, ce qui est susceptible de mettre en danger les personnes détenues concernées et constitue une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'enjoindre à l'administration pénitentiaire, l'urgence étant caractérisée, de faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la sécurité électrique de l'ensemble des cellules et de procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations qui s'imposent, en particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues.

S'agissant du contexte de violence en détention :

50. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de mettre en œuvre un ensemble de mesures de réorganisation du service visant à répondre au climat d'insécurité et de violence : assurer un enregistrement systématique, par le biais de l'application Genesis ou par tout autre moyen, de tout fait de violence, qu'il mette en cause un détenu ou un agent ; garantir aux personnes détenues victimes de violences, y compris lorsqu'elles émanent du personnel, un accès automatique et immédiat à l'unité sanitaire, systématiquement établir un compte-rendu constatant les traces de violence dans leur dossier médical, en joignant photos et schémas corporels, et transmettre le dossier aux autorités compétentes de poursuite ; mettre en place un programme de formation à destination des personnels s'agissant de la prévention, du règlement des conflits et de la gestion de violence en détention ; permettre aux personnes en situation de vulnérabilité d'effectuer leurs promenades dans des quartiers spécifiques permettant d'assurer leur protection.

51. Il résulte de l'instruction que la contrôleure générale des lieux de privation de liberté a dénoncé dans son rapport de visite de 2016 un " climat délétère qui règne au sein de l'établissement fait de tensions et d'insécurité, déjà relevé lors de la visite de 2010 " qui " serait lié à la fois à l'insuffisance du personnel, à la présence de nombreux stagiaires peu aguerris à ces fonctions, à la surpopulation, aux violences réelles ou craintes qu'elle provoque mais également à des pressions générées par les protagonistes de nombreux trafics, connus de tous ". L'administration indique que le ratio des violences physiques pour mille personnes détenues était de cent vingt-sept et celui des violences verbales de cinq cent-dix-huit pour mille en septembre 2022 au sein du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine.

52. Il résulte de l'instruction que l'administration pénitentiaire et la direction de l'établissement ont développé et mis en œuvre un programme de lutte contre les violences comprenant, outre des mesures nationales, des instruments locaux de remontées d'information, d'analyse et de suivi propres à l'établissement, afin d'identifier les facteurs de violence et d'y remédier. L'administration fait valoir que, afin d'assurer une bonne application du plan d'action, une personne chargée de la mission de " lutte contre les violences " a été nommée à la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris, que ce plan de lutte contre les violences a fait l'objet d'une réunion au sein de l'établissement le 10 décembre 2021, que le centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine a mis en place, le 20 octobre 2022, une commission pluridisciplinaire unique sécurité qui se réunit une fois par mois et que les personnes détenues sont sensibilisées à la lutte contre les violences par des affiches rappelant leurs obligations et les risques encourus en cas de manquement à ces obligations. Il résulte également de l'instruction que les surveillants du centre pénitentiaire de Nanterre reçoivent régulièrement des formations concernant les techniques d'intervention ainsi que le menottage, qu'une note de service du 30 septembre 2022 encadre l'usage de la force et des moyens de contrainte en prévoyant que cette usage est tracé au moyen d'un formulaire transmis aux responsables hiérarchiques, que la personne détenue doit être examinée par l'unité sanitaire et qu'un collège de déontologie a été institué au sein de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris qui s'est réunie pour la première fois le 13 avril 2022. Il résulte de l'instruction que, au regard de l'ensemble des mesures mises en œuvre ou en cours de déploiement pour limiter et gérer le contexte de violence en détention, la situation du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine ne caractérise pas, en l'état de l'instruction, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale de sorte que la demande d'injonction sur ce point, qui ne porte pas sur ces mesures nécessaires, doit être rejetée.

S'agissant de la traçabilité des requêtes présentées par les détenus :

53. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de prendre toute mesure nécessaire à l'enregistrement des requêtes et demandes des détenus et à l'octroi d'un récépissé, qu'elle qu'en soit la forme. Ils font valoir que le rapport de la contrôleure générale des lieux de privation des libertés de 2016 relève un manque de rigueur dans le traitement des requêtes des détenus, notamment dû à l'absence d'un système effectif de traitement automatisé et de traçabilité et indique que cette situation crée par ailleurs une situation d'inégalité dès lors que la rédaction de requêtes sur support papier requiert d'en acheter, ce qui conduit de nombreux détenus à avoir " recours aux 'moyens du bord' [écrivant] leurs requêtes sur des morceaux de papier aux formats variés susceptibles d'être involontairement perdus au cours du parcours qu'elles vont suivre jusqu'à leurs destinataires ". La contrôleure générale indiquait que " des mesures doivent être prises afin d'assurer une traçabilité effective des requêtes, de leur formulation par les personnes détenues aux réponses qui leur sont apportées ". L'administration fait valoir que les demandes de travail sont enregistrées par l'établissement informatiquement et que les autres requêtes sont faites par courrier dont une copie est conservée dans le dossier pénitentiaire de la personne détenue dans le bureau du chef de bâtiment dans lequel la personne est détenue. Elle ajoute que lorsqu'une audience est réalisée avec la personne détenue, celle-ci est notée par le personnel dans l'application Genesis et enfin qu'un registre manuscrit est tenu s'agissant notamment des courriers d'avocats relatives aux requêtes. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les modalités de traçabilité des requêtes des personnes détenues caractériseraient, en l'état de l'instruction, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par suite, la demande d'injonction présentée sur ce point doit être rejetée.

54. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au Garde des sceaux, ministre de la justice :

- de veiller dans les plus brefs délais à ce que toutes les personnes détenues identifiées médicalement comme présentant des troubles psychiatriques accompagnés d'un risque " hétéro-agressif " fassent l'objet d'un encellulement individuel quelle que soit leur adhésion à leur traitement ;

- dans l'attente de la création de cellules adaptées aux personnes à mobilité réduite, de garantir à toute personne détenue ayant de grandes difficultés pour se déplacer, de manière provisoire ou permanente, qu'elle soit ou non en fauteuil roulant, qui en forme la demande l'accès à une cellule individuelle dans des conditions tenant compte de sa mobilité réduite ;

- dans l'attente d'une solution pérenne, d'identifier l'ensemble des fenêtres des cellules qui ne ferment pas correctement et de procéder aux réparations provisoires nécessaires ;

- de procéder dans les plus brefs délais à l'enlèvement de la totalité des détritus accumulés dans l'ensemble des espaces extérieurs sur lesquels donnent des cellules et de veiller par un nettoyage régulier à maintenir ces espaces dans des conditions de propreté satisfaisantes ;

- de procéder dans les plus brefs délais à une communication à l'ensemble des détenus sur la problématique des jets de nourritures et de veiller à ce que les détenus disposent gratuitement de sacs poubelles en nombre suffisant pour assurer l'évacuation quotidienne intégrale des déchets produits dans les cellules ;

- de faire procéder, dans les plus brefs délais, selon les modalités juridiques et techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus et des autres personnes fréquentant l'établissement ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à une opération d'envergure susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l'ensemble des locaux du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine ;

- de procéder aux réparations nécessaires afin d'assurer le fonctionnement permanent des téléphones au sein de l'unité sanitaire, afin notamment de permettre aux personnes détenues de contacter l'hôpital et le service d'interprétariat ;

- de faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la sécurité électrique de l'ensemble des cellules et de procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des personnes détenues ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations qui s'imposent, en particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues.

Sur les conclusions relatives aux frais liés à l'instance :

55. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme globale de 1 500 euros à la Section française de l'Observatoire international des prisons, à l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et à l'Association pour la défense des droits des détenus au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées, à leur titre, par le syndicat des avocats de France, qui n'est pas partie à l'instance.

ORDONNE :

Article 1er : L'intervention du syndicat des avocats de France est admise.

Article 2 : Il est enjoint au Garde des sceaux, ministre de la justice, de prendre les mesures suivantes relatives au centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine :

- veiller dans les plus brefs délais à ce que toutes les personnes détenues identifiées médicalement comme présentant des troubles psychiatriques accompagnés d'un risque hétéro-agressif fassent l'objet d'un encellulement individuel quelle que soit leur adhésion à leur traitement ;

- dans l'attente de la création de cellules adaptées aux personnes à mobilité réduite, garantir à toute personne détenue ayant de grandes difficultés pour se déplacer, de manière provisoire ou permanente, qu'elle soit ou non en fauteuil roulant, qui en forme la demande l'accès à une cellule individuelle dans des conditions tenant compte de sa mobilité réduite ;

- dans l'attente d'une solution pérenne, identifier l'ensemble des fenêtres des cellules qui ne ferment pas correctement et de procéder aux réparations provisoires nécessaires pour y remédier ;

- procéder dans les plus brefs délais à l'enlèvement de la totalité des détritus accumulés dans l'ensemble des espaces extérieurs sur lesquels donnent des cellules et veiller par un nettoyage régulier à maintenir ces espaces dans des conditions de propreté satisfaisantes ;

- de procéder dans les plus brefs délais à une communication à l'ensemble des détenus sur la problématique des jets de nourritures et de veiller à ce que les détenus disposent gratuitement de sacs poubelles en nombre suffisant pour assurer l'évacuation quotidienne intégrale des déchets produits dans les cellules ;

- faire procéder, dans les plus brefs délais, selon les modalités juridiques et techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus et des autres personnes fréquentant l'établissement ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à une opération d'envergure susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l'ensemble des locaux du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine ;

- procéder aux réparations nécessaires afin d'assurer le fonctionnement permanent des téléphones au sein de l'unité sanitaire, afin notamment de permettre aux personnes détenues de contacter l'hôpital et le service d'interprétariat ;

- faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la sécurité électrique de l'ensemble des cellules et de procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des personnes détenues ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations qui s'imposent, en particulier en ce qui concerne les fils électriques dénudés, pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues.

Article 3 : L'Etat versera une somme globale de 1 500 euros à la section française de l'Observatoire international des prisons, à l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et à l'Association pour la défense des droits des détenus au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du syndicat des avocats de France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la section française de l'Observatoire international des prisons, à l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine, à l'Association pour la défense des droits des détenus, au syndicat des avocats de France, au Garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera délivrée, pour information, à la contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

Fait à Cergy, le 2 décembre 2022.

Le juge des référés,

signé

R. ALe juge des référés,

signé

S. ELe juge des référés,

signé

G. F

La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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