TA Orléans, du 15-11-2022, n° 2004002
A43098TR
Référence
Par une requête et des mémoires enregistrés le 12 novembre 2020, le 17 novembre 2020 et le 15 juin 2021, M. B C demande au tribunal d'enjoindre à l'administration,
à la suite de la décision du commandant d'unité de la base aérienne 702 lui décomptant quatre jours de réduction du temps de travail (RTT) au regard de la position administrative occupée pour la période du 16 mars 2020 au 16 avril 2020, de lui restituer une demi-journée de RTT.
Il soutient que la décision prise ne tient pas compte de la circonstance qu'il était placé au titre de la période considérée en position de télétravail conformément à la proposition du supérieur hiérarchique de son chef de bureau.
Par un mémoire enregistré le 11 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable, dès lors, d'abord, qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration en dehors des hypothèses où les mesures sollicitées constituent des mesures d'exécution de ses décisions et que les conclusions formées par M. C n'ont pour autre objet que d'obtenir la restitution d'une demi-journée de RTT, ensuite, qu'elle n'énonce pas de conclusions à fin d'annulation et ne développe aucun moyen en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative🏛 et, enfin, n'est assortie d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé au regard des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative🏛 ;
- à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020🏛 ;
- l'ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020🏛 ;
- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 ;
- le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A,
- et les conclusions de Mme Best-De Gand, rapporteure publique.
1. M. B C, technicien supérieur d'études et de fabrication occupe à temps complet les fonctions d'adjoint chargé de la prévention des risques professionnels au sein de la division prévention environnement incendie du bureau maîtrise des risques de la base aérienne n° 702 à Avord (Cher). Le 10 juillet 2020, l'intéressé a été informé par le commandant d'unité de la base 702 que quatre jours de RTT seraient décomptés rétroactivement de ses droits au titre de la période d'état d'urgence sanitaire du 16 mars 2020 au 16 avril 2020. Le recours hiérarchique formé par M. C à l'encontre de cette décision a été rejeté par une décision du commandant de la base 702 du 30 octobre 2020. M. C demande à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui restituer une demi-journée de RTT au titre de la période considérée.
2. M. C ne demande dans sa requête que la restitution d'une demi-journée de RTT au titre de la période du 16 mars 2020 au 16 avril 2020, tout en critiquant les termes de la décision du 2 juillet 2020 notifiée le 10 juillet 2020, par laquelle l'administration lui a décompté quatre jours de RTT au titre de la même période. Dès lors, pour donner effet utile à la requête de M. C, il y a lieu de la regarder comme dirigée principalement contre la décision
du 2 juillet 2020.
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français à compter du début de l'année 2020 ont conduit les pouvoirs publics à prendre diverses mesures de lutte contre l'épidémie. Par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l'épidémie de covid-19, le Premier ministre a interdit, à compter du lendemain midi, le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d'exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées. Dans le même temps, l'activité de nombreuses administrations a été réduite aux missions les plus essentielles dans le cadre de la mise en œuvre de plans de continuité d'activité, les agents dont la présence sur leur lieu de travail n'était pas nécessaire à cette fin étant invités à télétravailler ou, en cas d'impossibilité, placés en autorisation spéciale d'absence. Par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020🏛 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a été déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national. L'article 11 de la même loi a autorisé le Gouvernement, pendant trois mois, à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, diverses mesures relevant du domaine de la loi afin de faire face aux conséquences de l'épidémie.
4. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a pris l'ordonnance
du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale au titre de la période d'urgence sanitaire.
5. L'article 1er de cette ordonnance prévoit que les fonctionnaires et agents contractuels de droit public de la fonction publique de l'Etat, les personnels ouvriers de l'Etat ainsi que les magistrats de l'ordre judiciaire en autorisation spéciale d'absence entre le 16 mars 2020 et le terme de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020🏛 ou, si elle est antérieure,
la date de reprise par l'agent de son service dans des conditions normales, prennent dix jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels, dont cinq jours de réduction du temps de travail au cours d'une première période allant du 16 mars au 16 avril 2020 et cinq autres jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels au cours d'une seconde période allant
du 17 avril 2020 au terme de l'état d'urgence sanitaire ou à la date, si elle est antérieure,
de reprise du service dans des conditions normales. Il précise que s'ils ne disposent pas de cinq jours de réduction du temps de travail pouvant être pris au cours de la première période, ces jours sont complétés à due concurrence par la prise d'un ou plusieurs jours de congés au cours de la seconde période, dans la limite totale de six jours de congés annuels au titre des deux périodes. Son article 4 prévoit une proratisation en fonction du nombre de jours accomplis en autorisation spéciale d'absence et " en télétravail ou assimilé ".
6. Dans ce cadre, par une notification du 10 juillet 2020, le commandant d'unité de la base aérienne 702 a informé M. C que compte tenu de sa position administrative pendant le confinement, quatre jours de RTT pour la période du 16 mars 2020 au 16 avril 2020 inclus lui ont été décomptés. Le requérant conteste cette décision, dans la mesure où même s'il était placé en autorisation spéciale d'absence par le commandant d'unité, il a poursuivi son activité durant cette période, et doit donc être regardé comme ayant été placé en télétravail.
7. S'il est constant que l'état des lieux des positions administratives de M. C applicable à la période considérée qui indique que celui-ci a exercé une activité en présentiel trois jours et était en autorisation spéciale d'absence pendant vingt jours, n'a jamais été approuvé par l'intéressé, il ressort des pièces du dossier et notamment des énonciations non contestées sur ce point de la décision rendue sur recours hiérarchique par le commandant de la base
aérienne 702 le 30 octobre 2020 que ledit état a ensuite été vérifié par le bureau ressources humaines de la base aérienne et que sa concordance avec les bulletins d'appel saisis quotidiennement par chaque unité au cours de la période de confinement a été confirmée.
En se bornant à soutenir que le chef de bureau " n'a pas pris en compte " la " proposition de son supérieur hiérarchique " de " placer tous les personnels à la division en télétravail ", l'intéressé n'établit pas avoir été rendu destinataire d'une autorisation de télétravail au cours de la période considérée, qui, au surplus, aurait nécessité d'en préciser ses modalités d'organisation conformément aux dispositions des articles 2 et suivants du décret du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et
la magistrature. Par ailleurs, si M. C entend se prévaloir de l'envoi de dix courriels à l'adresse de son administration le 17 mars 2020, le 24 mars 2020, le 31 mars 2020,
le 9 avril 2020, le 10 avril 2020 et le 15 avril 2020, cette production ne saurait suffire à établir la réalité de la poursuite de son activité hors présentiel, dès lors, d'une part, que ces envois sont susceptibles de s'inscrire dans les suites des travaux effectués en présentiel le 16 mars 2020,
le 14 avril 2020 et le 16 avril 2020 et, d'autre part, que l'accomplissement de ces seules tâches ne correspond pas nécessairement à l'accomplissement d'un travail à temps complet tel qu'il pourrait être attendu d'une personne placée en télétravail. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il devait être regardé comme ayant été placé en télétravail au cours de la période en litige. Il en résulte que le commandant d'unité en décomptant quatre jours de congés à M. C pour la période du 16 mars 2020
au 16 avril 2020 au motif qu'il était à cette date placé en autorisation spéciale d'absence n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que les conclusions à fin d'annulation de la décision
du 2 juillet 2020 présentées par M. C, ainsi que, par voie de conséquence,
ses conclusions à fin d'injonction, doivent être rejetées.
Article 1er : La requête de M. C est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B C et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Lefebvre-Soppelsa, présidente,
M. Joos, premier conseiller,
Mme Bertrand, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.
Le rapporteur,
Emmanuel A
La présidente,
Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
La greffière,
Lucie BARRUET
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Article, 411-1, CJA Article, R222-1, CJA Décret, 2016-151, 11-02-2016 Décret, 2020-260, 16-03-2020 Loi, 2020-290, 23-03-2020 Ordonnance, 2020-430, 15-04-2020 Article, 2, décret, 11-02-2016 Bases aériennes Temps de travail Technicien supérieur Occupation des fonctions Effet utile Pouvoirs publics Circonstance exceptionnelle Activité réduite Autorisation spéciale d'absence Fonction publique de etat Fonctionnaire Magistrats de l'ordre judiciaire Congé annuel Jour de congé Chef de bureau