Jurisprudence : Décision n°92-305 DC du 21-02-1992

Décision n°92-305 DC du 21-02-1992

A8260ACW

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CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°92-305 DC du 21-02-1992


Publié au Journal officiel du 29 février 1992
Rec. p. 27

Loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 janvier 1992, par le Premier ministre, conformément aux dispositions des articles 46 et 61 de la Constitution, de la loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu l'ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la loi organique n° 70-642 du 17 juillet 1970 relative au statut des magistrats, modifiée par la loi organique n° 80-844 du 29 octobre 1980 ;

Vu la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 portant maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, modifiée par l'article 7 de la loi organique n° 91-71 du 18 janvier 1991 ;

Vu l'article 65 de la loi de finances du 22 avril 1905 ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public modifiée par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 23 janvier 1992, les lettres par lesquelles, d'une part, M Pierre Mazeaud, député, et, d'autre part, soixante-cinq députés, défèrent au Conseil la loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Le rapporteur ayant été entendu,

Sur les conditions d'intervention du Conseil constitutionnel :
Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, les lois organiques, avant leur promulgation, doivent être soumises au Conseil constitutionnel, qui se prononce sur leur conformité à la Constitution ;
que, selon l'article 63, une loi organique détermine les règles d'organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel et la procédure qui est suivie devant lui ;
que, sur le fondement de ces dispositions, l'article 17 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 susvisée énonce que " les lois organiques adoptées par le Parlement sont transmises au Conseil constitutionnel par le Premier ministre " ;

Considérant que, pour les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques, la transmission obligatoire du texte au Conseil constitutionnel effectuée en application des dispositions précitées est exclusive de toute autre procédure ;
qu'elle fait ainsi obstacle à ce que le Conseil constitutionnel puisse être saisi d'une loi organique sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution ;

Considérant que le texte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel regroupe, sous deux titres différents, un ensemble de 54 articles qui, à l'exception d'une disposition de l'article 24, ressortissent tous au domaine d'intervention de la loi organique ;
que l'article 24 ne fait l'objet d'aucune contestation de la part des députés qui ont entendu saisir le Conseil constitutionnel de la loi organique ;
que sont dès lors irrecevables les demandes par lesquelles, aussi bien soixante-cinq députés que l'un d'eux agissant individuellement, défèrent au Conseil la loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Sur la régularité de la procédure législative :
Considérant que la loi organique a été adoptée dans le respect des règles de procédure fixées par l'article 46 de la Constitution ;

Sur l'étendue de la compétence de la loi organique s'agissant de la fixation du statut des magistrats :
Considérant qu'à l'exception de son article 9, qui modifie l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat et d'une disposition de l'article 24, le texte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel a pour fondement le troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution aux termes duquel " une loi organique porte statut des magistrats " ;

Considérant qu'en spécifiant que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le caractère de loi organique, une matière que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la compétence du législateur, le constituant a entendu par ce moyen accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire ;
que la loi organique portant statut des magistrats doit par suite déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées ;

Considérant, en outre, que dans l'exercice de sa compétence, le législateur organique doit se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ;
qu'en particulier, doivent être respectés, non seulement le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, comme l'exige l'article 64 de la Constitution, mais également le principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière, qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Sur le titre Ier :
Considérant que le titre Ier intitulé " Dispositions permanentes " comporte quarante-quatre articles ;
qu'exception faite de l'article 9, qui modifie l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 susvisée, les différents articles du titre Ier se proposent de modifier ou compléter l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
que le titre Ier se compose de sept chapitres distincts ;

En ce qui concerne le chapitre Ier :
Considérant que le chapitre Ier regroupe, sous l'intitulé " Dispositions générales ", quinze articles ;

Quant à l'article 1er :
Considérant que l'article 1er, qui complète l'article 1er de l'ordonnance statutaire, énonce que :
" Tout magistrat a vocation à être nommé au cours de sa carrière, à des fonctions du siège et du parquet " ;
que ce texte, qui ne saurait être interprété comme faisant échec à la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, n'est pas contraire à la Constitution ;

Quant à l'article 2 :
Considérant que l'article 2 substitue une nouvelle rédaction à celle de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1270 ;
que les trois premiers alinéas de cet article déterminent les composantes de la hiérarchie du corps judiciaire et les principes qui gouvernent le passage du second au premier grade ainsi qu'à l'intérieur du premier grade, l'accès du premier au second groupe ;
qu'eu égard à ces principes, le renvoi à un décret en Conseil d'Etat de la définition des " fonctions exercées par les magistrats de chaque grade et, au sein du premier grade de chaque groupe ", ne constitue pas une méconnaissance par la loi organique de l'étendue de sa compétence ;

Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 2 nouveau de l'ordonnance statutaire, " la durée des services effectués par tout magistrat nommé à une fonction qui ne peut être conférée qu'après inscription sur une liste d'aptitude spéciale est majorée d'une année pour le calcul de l'ancienneté requise pour l'avancement de grade et d'échelon " ;
que, dans la mesure où la majoration d'ancienneté ainsi prévue s'applique à une catégorie de magistrats définie en fonction de critères objectifs, la différence de traitement qui en résulte ne porte pas atteinte au principe d'égalité ;

Quant à l'article 3 :
Considérant que l'article 3 complète l'article 3 de l'ordonnance statutaire relatif à la liste des emplois de magistrats dits hors hiérarchie ;
qu'une telle énumération ne contrevient à aucune disposition constitutionnelle ;

Quant à l'article 4 :
Considérant que l'article 4 comporte trois paragraphes qui modifient l'article 9 de l'ordonnance statutaire, lequel a trait à l'incompatibilité des fonctions de magistrat avec l'exercice de certains mandats électifs ;
que les paragraphes I et III relatifs à la situation des magistrats élus membres du Parlement européen n'appellent pas d'objections sur le plan constitutionnel ;
que le paragraphe II qui, dans l'intention du législateur, a pour objet d'actualiser le régime des incompatibilités applicables aux magistrats élus dans une assemblée locale ne prend en compte ni la situation des magistrats qui seraient élus au Conseil de Paris ni celle des magistrats en service dans les territoires d'outre-mer ;
que cette double omission, qui est dépourvue de toute justification, méconnaît le principe d'égalité ;

Considérant qu'il suit de là que le paragraphe II de l'article 4 doit être déclaré contraire à la Constitution ;

Quant à l'article 5 :
Considérant que l'article 5 ajoute à l'ordonnance statutaire un article 12-1 en vertu duquel l'activité professionnelle de chaque magistrat fait l'objet d'une " évaluation " ;
que celle-ci est effectuée dans le cadre d'une procédure dont l'article 12-1 détermine les caractéristiques essentielles ;
que, dans ces conditions, en prévoyant qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'application de l'article 12-1, la loi organique n'est pas restée en deçà de sa compétence ;
qu'il y a lieu de relever également que l'évaluation est applicable tant au magistrat en service dans le corps judiciaire qu'à celui qui en est détaché, ce qui est conforme au principe d'égalité ;

Quant à l'article 6 :
Considérant que l'article 6 insère dans l'ordonnance statutaire un article 12-2 qui comprend deux alinéas ;
que le premier alinéa détermine, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, le contenu du dossier individuel de chaque magistrat ;
qu'aux termes du second alinéa " tout magistrat a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi " ;
que ce renvoi ne saurait, sauf à méconnaître les prescriptions du troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution, viser l'intervention d'une loi ordinaire à venir ;
qu'il doit être interprété comme emportant référence tant à l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, qui détermine les cas dans lesquels tout agent public a accès à son dossier individuel, qu'à l'article 6 bis de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Quant à l'article 7 :
Considérant que l'article 7 est composé de deux paragraphes ;
que le paragraphe I abroge le premier alinéa de l'article 27 de l'ordonnance statutaire qui subordonne le passage d'un magistrat du second au premier grade à son inscription au tableau d'avancement ;
que cette exigence est reprise à l'article 2 de l'ordonnance précitée ;
que le paragraphe II complète l'article 27 de ladite ordonnance par deux alinéas ;
que sont définies les règles essentielles relatives aux présentations pour inscription au tableau d'avancement ainsi que la possibilité pour un magistrat non présenté de former une réclamation ;
qu'en conséquence, le renvoi à un décret en Conseil d'Etat à l'effet de déterminer les conditions d'application de l'article 27 n'est pas contraire à la Constitution ;

Quant aux articles 8 et 11 :
Considérant que les articles 8 et 11 ajoutent à l'ordonnance statutaire respectivement des articles 27-1 et 37-1 ;
que l'article 27-1 a pour objet d'assurer une diffusion aussi bien du projet de nomination à une fonction du premier grade ou du second grade que de la liste des candidats à ladite fonction ;
qu'échappent à cette procédure les projets de nominations aux fonctions de conseiller référendaire à la Cour de cassation et de substitut chargé du secrétariat général d'une juridiction ;
que l'article 37-1 rend applicable l'article 27-1 à la nomination aux fonctions hors hiérarchie, à l'exception des fonctions pour lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature formule une proposition, des fonctions d'inspecteur général et d'inspecteur général adjoint des services judiciaires, ainsi que des fonctions de magistrat du parquet de la Cour de cassation et de procureur général près une cour d'appel ;

Considérant que les différentes exceptions apportées à la procédure instituée par l'article 27-1 trouvent une justification dans la spécificité des fonctions en cause par rapport aux autres fonctions judiciaires ;
qu'en prenant en compte ces spécificités, la loi organique n'a pas méconnu le principe d'égalité ;

Quant à l'article 9 :
Considérant que, dans son quatrième alinéa, l'article 13 de la Constitution renvoie à une loi organique la détermination des emplois civils et militaires, autres que ceux énumérés au troisième alinéa dudit article, auxquels il est pourvu en conseil des ministres ;
que, dans ces conditions, l'article 9 pouvait rendre justiciable de cette procédure la nomination à l'emploi de procureur général près une cour d'appel ;

Quant à l'article 10 :
Considérant que l'article 10 substitue au premier alinéa de l'article 28 de l'ordonnance de nouvelles dispositions en vertu desquelles les décrets portant promotion de grade ou nomination aux fonctions prévues au quatrième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance sont pris par le Président de la République, sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, " après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature en ce qui concerne les magistrats du siège ", et après avis de la commission consultative du parquet, en ce qui concerne les magistrats du parquet ;

Considérant qu'il résulte du rapprochement des deuxième et quatrième alinéas de l'article 13 de la Constitution que, sous réserve des cas où il délègue son pouvoir de nomination, il revient au Président de la République de nommer aux emplois civils et militaires de l'Etat ;
qu'il est spécifié à l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 susvisée que les magistrats de l'ordre judiciaire sont nommés par décret du Président de la République ;

Considérant qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 65 de la Constitution, le Conseil supérieur de la magistrature " fait des propositions " pour les nominations de magistrats du siège à la Cour de cassation et pour celles de premier président de cour d'appel ;

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