Jurisprudence : TA Bordeaux, du 24-10-2022, n° 2205114

TA Bordeaux, du 24-10-2022, n° 2205114

A17228R9

Référence

TA Bordeaux, du 24-10-2022, n° 2205114. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89298317-ta-bordeaux-du-24102022-n-2205114
Copier

Références

Tribunal Administratif de Bordeaux

N° 2205114


lecture du 24 octobre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

A une requête enregistrée le 22 septembre 2022 et un mémoire enregistré le 11 octobre 2022, M. E J, la SCI Cevindela, M. D H, Mme M O, Mme K R, Mme F P épouse B, Mme L I, M. N C et Mme G Q, représentés A le cabinet Cornille - Fouchet - Manetti, avocat, demandent au juge des référés, statuant sur le fondement des articles L. 122-2 et L. 123-16 du code de l'environnement🏛🏛 :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution, d'une part, de l'arrêté du 5 octobre 2020 A lequel le maire de la commune de Mérignac a délivré à la société A actions simplifiée (SAS) Stade Nautique Mérignac un permis de construire en vue de l'édification d'un stade nautique sur les parcelles cadastrées section BH n° 107, 82, 80, 86 et 20, d'autre part, de l'arrêté du 7 juin 2021 de cette autorité accordant à ladite société un permis de construire modificatif portant sur divers travaux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Mérignac et de la SAS Stade Nautique Mérignac le versement à chacun d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

M. J et autres soutiennent que :

- A jugement du 14 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a sursis à statuer sur la requête aux fins d'annulation des permis de construire, jusqu'à l'expiration d'un délai de vingt mois en vue de leur régularisation A la production d'une étude d'impact ;

- la présente requête n'est pas dépourvue d'objet dès lors que les travaux ne sont pas totalement exécutés et que la suspension, qui fera obstacle à l'autorisation d'ouverture au public, permettra de s'assurer de la réalisation de la mesure de régularisation et des modifications qui s'avéreraient nécessaires ;

- les prescriptions de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme🏛 ne sont pas opposables aux référés prévus A le code de l'environnement, outre que le jugement du 14 septembre 2022 constitue une circonstance de droit nouvelle qui s'oppose au maintien de la cristallisation des moyens au fond ;

- ils ont justifié, en leur qualité de propriétaires de maisons individuelles dans le secteur dit des " Castors ", secteur dont l'intérêt patrimonial historique est souligné dans le plan local d'urbanisme et qui est voisin du projet, d'un intérêt à agir conforme à l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme🏛, lequel doit être apprécié à la date de l'affichage en mairie du permis en application de l'article L. 600-1-3 de ce code ;

- dès lors que le projet, d'une surface de plancher de 8 861 m² et d'une hauteur de plus de 13 mètres, est, A son ampleur, de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des maisons individuelles dont ils sont propriétaires dans le secteur, du fait de l'obstruction du paysage, des nuisances sonores, de l'augmentation des flux de circulation et des pertes d'intimité, ils justifient d'un intérêt à agir conforme aux exigences de l'article L.600-1-2 du code de l'urbanisme🏛 ;

- leur action relève tant du champ de l'article L. 122-2 du code de l'environnement🏛 que de celui de l'article L. 123-16 de ce code🏛, du fait l'obligation d'enquête publique lorsque le projet est soumis à une évaluation environnementale en application de l'article L. 123-2 de ce code🏛 ;

- saisi sur le fondement des textes précités, le juge des référés doit faire droit à toute demande de suspension d'une décision prise sans l'étude d'impact requise ou sans qu'elle ait été mise à disposition du public ;

- en application de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme🏛, le dossier de demande de permis de construire doit comporter une étude d'impact ou la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas A cas dispensant le projet d'une évaluation environnementale, lorsque celui-ci constitue une opération d'aménagement citée au point 39 de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement🏛, laquelle opération doit être appréhendée dans son ensemble en vertu de l'article L. 122-1 de ce code🏛 ;

- l'ensemble du projet de stade nautique constitue, A lui-même, une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme🏛 du fait, d'une part, de ses liens avec une opération foncière menée A l'établissement public Bordeaux Métropole et la commune de Mérignac, d'autre part, de son ampleur compte tenu tant de son caractère d'intérêt métropolitain que de son coût, la valeur totale de la concession de service attribuée à la SAS Stade Nautique Mérignac ayant été estimée à 127 712 612 euros ;

- en toute hypothèse, le stade nautique fait partie d'une opération d'aménagement global du complexe sportif Robert Brettes, comportant la construction d'autres équipements qui seront en interaction avec ce stade ainsi qu'il ressort du dossier d'examen au cas A cas du projet pour l'évaluation environnementale et du dossier de permis de construire, mais aussi du projet de révision du plan local d'urbanisme pour la réalisation de deux terrains de rugby, le stade nautique étant alors présenté comme une composante du complexe sportif ;

- s'il est susceptible de faire l'objet ultérieurement d'une division primaire en application du a) de l'article R. 442-1 du code de l'urbanisme🏛, le terrain d'assiette du projet de stade nautique a, selon le permis de construire, une superficie de 121 894 m², supérieure au plafond de 100 000 m² fixé A le point 39 de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement🏛 pour l'examen au cas A cas ;

- l'obligation d'étude d'impact doit être appréciée au regard de la totalité de l'unité foncière, ainsi qu'il est jugé en matière d'urbanisme ;

- en outre, aurait dû être pris en compte le second périmètre d'études soumis à l'appréciation de l'autorité préfectorale pour l'examen au cas A cas, se rapportant au secteur de la Roseraie, d'une superficie de 27 364 m², la demande de la SAS Stade Nautique déclarant une superficie de 20 000 m² pour l'examen au cas A cas étant erronée ;

- ce tribunal ayant constaté l'absence d'étude d'impact, déclaré illégale la décision du 13 mars 2020 de la préfète de la Gironde dispensant le projet d'une telle étude et décidé d'un sursis à statuer d'une durée de vingt mois pour permettre à la société pétitionnaire de régulariser ce vice, A le jugement du 14 septembre 2022 n° 2005591, les conclusions aux fins de suspension de l'exécution des permis en litige sont fondées ;

- la suspension des permis ne portera pas une atteinte d'une particulière gravité à l'intérêt général.

A une intervention enregistrée le 7 octobre 2022, la société A actions simplifiée (SAS) Chabanne Architecte, la société A actions simplifiée (SAS) Chabanne Ingénierie et la société à responsabilité limitée (SARL) Christophe Blamm Architecte, représentées A la SELAS Cazamajour et Urbanlaw, avocat, concluent au rejet de la requête.

La SAS Chabanne Architecte, la SAS Chabanne ingénierie et la SARL Christophe Blamm Architecte font valoir que :

- chargées de la conception du projet de stade nautique et de l'établissement du dossier de demande de permis, sous la maîtrise d'ouvrage de la société A actions simplifiée Stade Nautique de Mérignac, elles justifient d'un intérêt au maintien des autorisations de construire et leur intervention, déposée A mémoire distinct conformément à l'article R. 632-1 du code de justice administrative🏛, est recevable ;

- la présente requête est irrecevable en application des dispositions combinées de l'article L. 600-3 et R. 600-5 du code de justice administrative, pour avoir été déposée au-delà d'un délai de deux mois suivant la communication, le 5 mai 2021, du premier mémoire en défense dans l'instance au fond ;

- aucun moyen n'est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées.

A un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2022, la commune de Mérignac, représentée A le cabinet HMS Atlantique Avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de chaque requérant d'une somme de 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative🏛.

La commune de Mérignac fait valoir que :

- la présente requête est dépourvue d'objet dès lors que, ainsi qu'elle en justifie A les planches photographiques et un constat dressé le 29 septembre 2022 A commissaire de justice, la construction autorisée est hors d'eau ainsi que hors d'air, et que, comme il ressort du rapport mensuel d'activité n° 30, le corps d'état secondaire est réalisé à hauteur de 97 % et les lots techniques sont terminés à due concurrence de 85 % ;

- la présente requête est irrecevable faute pour les requérants de justifier d'un intérêt à agir conforme aux exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme🏛 eu égard aux modifications apportées A le permis modificatif délivré le 7 juin 2021, qui remanie le projet pour traiter l'impact visuel et limiter le risque de nuisances sonores, les demandeurs n'établissant pas que le projet affectera davantage que l'ouvrage antérieur les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de leurs biens ;

- la présente requête est tardive au regard de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme🏛, dès lors qu'en application de l'article R. 600-5 de ce code🏛, la cristallisation des moyens est intervenue le 5 juillet 2021, deux mois après la communication du premier mémoire en défense dans l'instance au fond ;

- les moyens invoqués ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées ;

- l'intérêt général s'oppose à la suspension des arrêtés en litige, compte tenu tant des conséquences financières particulièrement graves qu'elle entraînerait, en particulier pour l'établissement public eu égard aux clauses du contrat de concession relatif à la construction du stade nautique métropolitain, que de l'atteinte au service public de l'éducation et à celui du sport.

A un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2022, la société A actions simplifiée (SAS) Stade Nautique Mérignac, représentée A la SELARL LVI Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire des requérants de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

La SAS Stade Nautique Mérignac fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que, le permis de construire modificatif délivré le 7 juin 2021 ayant pour objet de supprimer les nuisances sonores comme l'impact visuel dont se ils plaignaient, les requérants, qui ne peuvent invoquer sérieusement un accroissement de la circulation compte tenu de la localisation de leurs immeubles, ne justifient plus d'un intérêt à agir conforme aux exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme🏛 ;

- la présente requête, qui a été déposée au-delà d'un délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense dans l'instance au fond, et même au-delà d'un délai de deux mois suivant la communication, le 18 octobre 2021 du premier mémoire en défense contre les conclusions tendant à l'annulation du permis modificatif du 7 juin 2021, est irrecevable en vertu de l'article L. 600-3 du code précité ;

- la présente instance est dépourvue d'objet eu égard à l'avancement des travaux ;

- le moyen tiré du défaut d'étude d'impact n'est pas fondé.

A une intervention enregistrée le 7 octobre 2022, l'établissement public Bordeaux Métropole, représenté A la SCP Lonqueue - Sagalovitsch - Eglie - Richters et Associés, avocat, conclut au rejet de la requête.

L'établissement public Bordeaux Métropole fait valoir que :

- compétent de plein droit en matière de construction et d'aménagement d'intérêt métropolitain, au nombre desquels figure le stade nautique de Mérignac en application de la délibération du 2 décembre 2016, et alors qu'il a constitué avec la commune de Mérignac un groupement d'autorités concédantes pour l'attribution de la concession de service public relative à ce stade, il justifie d'un intérêt à intervenir au soutien du pétitionnaire, et ce d'autant que la suspension des permis entraînerait pour lui de lourdes conséquences ;

- la présente requête est dépourvue d'objet dès lors que les travaux sont sur le point d'être achevés, ainsi qu'il ressort du constat dressé A commissaire de justice le 29 septembre 2022 ;

- les dispositions de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme🏛 étant applicables aux référés prévus A les articles L. 122-2 et L. 123-16 du code de l'environnement🏛🏛, la présente requête est entachée de tardiveté du fait de la cristallisation des moyens intervenue le 5 juillet 2021, en vertu de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme🏛 ;

- la présente requête est irrecevable en application de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme🏛, faute d'intérêt à agir des requérants dès lors que le permis modificatif du 7 juin 2021 a réduit très fortement les nuisances pour le voisinage ;

- le moyen tiré de l'absence d'étude d'impact n'est pas fondé ;

- la suspension des permis de construire entraînerait des atteintes graves à l'intérêt général eu égard à l'état d'avancement des travaux, du fait des conséquences économiques et écologiques, outre qu'elle pourrait conduire à un empêchement définitif de l'exploitation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Bayle, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique du 11 octobre 2022 à 14h30, ont été entendues :

- le rapport de M. Bayle, juge des référés ;

- les observations de Me Manetti, représentant M. J et autres, qui a développé les moyens soulevés dans les écritures de ces derniers ;

- les observations de Me Cazcarra, représentant la commune de Mérignac, qui a repris les moyens invoqués en défense A cette collectivité ;

- les observations de Me Estellon, représentant la SAS Stade Nautique Mérignac, qui a confirmé les moyens opposés en défense A cette société ;

- les observations de Me Caparros, représentant la SAS Chabanne Architecte, la SAS Chabanne ingénierie et la SARL Christophe Blamm Architecte, qui a développé les moyens exposés A ces intervenantes ;

- les observations de Me Sagalovitsch, représentant Bordeaux Métropole, qui a confirmé les moyens énoncés dans l'intervention de cet établissement public.

La parole a été donnée en dernier lieu aux défendeurs et la clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. La société A actions simplifiée (SAS) Stade Nautique Mérignac, concessionnaire du stade nautique dont la commune de Mérignac et l'établissement public Bordeaux Métropole ont décidé de se doter, a obtenu A arrêté du 5 octobre 2020 du maire de Mérignac, un permis de construire en vue de la réalisation de cet équipement sur un terrain situé 50/60 avenue du Truc. A une requête enregistrée le 4 décembre 2020, M. J, la SCI Cevindela, M. H, Mme O, Mme R Mme B, Mme I, M. C et Mme Q ont saisi le tribunal administratif d'un recours aux fins d'annulation de ce permis. Les requérants avaient assorti leur recours pour excès de pouvoir d'une demande de suspension de l'exécution du permis, qui a été rejetée A ordonnance du 17 mars 2021 n° 2100863 du juge des référés. Le pourvoi qu'ils avaient formé contre cette ordonnance a été rejetée A décision du 19 novembre 2021 n° 451293 du Conseil d'Etat⚖️. En cours d'instance, le maire de Mérignac a accordé à la SAS Stade Nautique Mérignac, A arrêté du 7 juin 2021, un permis de construire modificatif aux fins, pour l'essentiel, d'un changement d'orientation du " water jump ", de réduction de la hauteur du bâtiment et de modifications des limites de l'emprise du parking, de l'aménagement paysager et du niveau du rez-de-chaussée. A jugement du 14 septembre 2022 n° 2005591, le tribunal administratif, statuant sur la requête au fond, a considéré que les moyens tirés du défaut d'étude d'impact et de l'illégalité de la décision du 13 mars 2020 de l'autorité environnementale dispensant le projet de la production d'une telle étude devaient être accueillis et a décidé de surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai de vingt mois pour permettre à la SAS Stade Nautique Mérignac de justifier de la régularisation des illégalités précitées. Dans la présente instance, les requérants demandent au juge des référés, statuant sur le fondement des articles L. 122-2 et L. 123-16 du code de l'environnement🏛🏛, de suspendre l'exécution des permis de construire des 5 octobre 2020 et 7 juin 2021.

Sur les interventions :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, A délibération du 2 décembre 2016, le conseil de l'établissement public Bordeaux Métropole a inclus dans la liste des équipements d'intérêt métropolitain la création d'un stade nautique structurant et de dimensions permettant l'accueil de compétition de haut niveau. Le terrain d'implantation de ce projet ayant été identifié sur une propriété de la commune de Mérignac, cette collectivité et Bordeaux Métropole ont décidé, A délibérations respectives de leurs conseils du 10 février 2020 et du 14 février 2020, de la cession gratuite de l'emprise nécessaire à la réalisation du stade. Puis, A délibération du 14 février 2020, Bordeaux Métropole a désigné le groupement attributaire de la concession de service public pour le financement, la conception, l'entretien, la maintenance, le gros entretien et le renouvellement ainsi que l'exploitation du stade nautique, et a approuvé le contrat de concession. Dans ces conditions, l'établissement public Bordeaux Métropole a intérêt au maintien des permis de construire accordés A le maire de Mérignac à la SAS Stade Nautique Mérignac. Son intervention au soutien des conclusions de cette société doit donc être admise

3. En deuxième lieu, il est constant que La SAS Chabanne Architecte, la SAS Chabanne ingénierie et la SARL Christophe Blamm Architecte ont été chargées de la conception du projet de stade nautique ainsi que de la constitution du dossier de permis de construire. A ce titre, ces sociétés justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de la SAS Stade Nautique Mérignac. Il suit de là que l'intervention de ces sociétés est également recevable.

Sur l'utilité de statuer :

4. Pour faire valoir que la demande de suspension est sans utilité, les défendeurs soutiennent que les travaux de construction du stade nautique sont en voie d'achèvement, en produisant un procès-verbal contradictoire de constatation de la mise hors d'eau et hors d'air de l'équipement, dressé le 7 mars 2022, et un constat de commissaire de justice en date des 22 et 29 septembre 2022, selon lequel l'ensemble du chantier était alors sur le point d'être achevé. Il ressort toutefois d'un rapport mensuel d'activité n° 30 du 13 septembre 2022 que, si le corps d'état secondaire est réalisé à hauteur de 97 %, les lots techniques ne sont terminés qu'à due concurrence de 85 %. En outre, il résulte des écrits que le parking, dont l'aménagement n'est pas détachable de la construction du bâtiment et qui est au demeurant indispensable à son exploitation n'est pas encore construit, les espaces prévus à cet effet n'étant pas utilisables en l'état. Dans ces conditions, et eu égard à l'importance des travaux qui restent à réaliser, compte tenu de l'ampleur de l'ouvrage dans son ensemble, le stade nautique ne peut être regardé comme achevé et la requête n'est pas dépourvue d'objet.

Sur la recevabilité de la requête :

En ce qui concerne le défaut d'intérêt à agir des requérants :

5. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme🏛 : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie A le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation🏛 ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier A les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat, justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

7. Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont propriétaires de maisons d'habitation situées à une grande proximité du terrain d'assiette du projet. Pour contester leur intérêt à agir, les défendeurs font valoir que le permis de construire modificatif délivré le 7 juin 2021 a eu pour objet de changer l'orientation d'un équipement dont l'utilisation était susceptible de provoquer des nuisances sonores, lesquelles auraient été spécialement prises en compte, et de prévoir un aménagement paysager pour limiter l'impact visuel. Toutefois, la construction d'un tel équipement, sur une surface de plus de 12 hectares selon le permis de construire, prévoyant la disposition de parkings pour une totalité de 715 places et l'édification d'un équipement d'une hauteur significative dont l'utilisation ne peut qu'augmenter les émissions sonores, est nécessairement de nature, nonobstant les aménagements dorénavant prévus, à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance des habitations des requérants. A suite, et même s'ils ne sont pas riverains de l'avenue du Truc qui desservira le stade nautique, ils justifient d'un intérêt à solliciter la suspension des permis de construire.

En ce qui concerne la tardiveté de la requête :

8. Aux termes de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme🏛 : " Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d'aménager ou de démolir ne peut être assorti d'une requête en référé suspension que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort " et aux termes de l'article R. 600-5 de ce code : " A dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative🏛, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code🏛, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation et d'utilisation du sol régie A le présent code () les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. () ".

9. La commune de Mérignac, la SAS Stade Nautique Mérignac et les intervenants font valoir que la cristallisation des moyens prévue A les dispositions précitées de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme🏛 étant intervenue dans l'instance au fond le 5 juillet 2021, deux mois après la communication aux requérants, le 5 mai 2021, du premier mémoire en défense de la SAS Stade Nautique Mérignac, la présente requête aux fins de suspension est entachée de tardiveté au regard de l'article L. 600-3 dudit code.

10. Toutefois, la présente instance est fondée sur l'article L. 122-2 du code de l'environnement🏛, qui se rapporte à la partie de ce code relative aux études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages et d'aménagements, et sur l'article L. 123-16 du même code🏛, qui concerne la procédure ainsi que le déroulement de l'enquête publique. Ces dispositions relèvent ainsi d'une législation distincte de celle de l'urbanisme, même si, pour ce qui concerne l'espèce, les prescriptions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme🏛 impose, lorsqu'elle est exigée A l'article R. 122-2 du code de l'environnement🏛, la production d'une étude d'impact à l'appui de la demande de permis de construire. Il suit de là que la présente requête n'est pas soumise aux dispositions législatives et réglementaires rappelées ci-dessus, relatives au contentieux de l'urbanisme. Il suit de là que la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions aux fins de suspension ne peut qu'être écartée.

Sur les conclusions aux fins de suspension :

11. Aux termes de l'article L. 554-11 du code de l'urbanisme, relatif à la suspension en cas d'absence d'étude d'impact : " La décision de suspension d'une autorisation ou d'une décision d'approbation d'un projet d'aménagement entrepris A une collectivité publique obéit aux règles définies A l'article L. 123-16 du code de l'environnement🏛 ". Aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'environnement🏛 : " Si une requête déposés devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d'approbation d'un projet visé au I de l'article L. 122-1 est fondée sur l'absence d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ".

12. Ainsi qu'il a été dit, A le jugement du 14 septembre 2022, le tribunal administratif a décidé de surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai de vingt mois pour permettre une régularisation des permis de construire des 5 octobre 2020 et 7 juin 2021, au motif que, le projet autorisé se rapportant à une opération d'aménagement qui était soumise à une évaluation environnementale systématique en vertu de la rubrique 39 b) de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement🏛, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme🏛 était fondé. Le tribunal administratif ayant ainsi constaté l'absence de l'étude d'impact exigée A les dispositions réglementaires mentionnées ci-dessus, les requérants sont en droit de se prévaloir des dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'environnement🏛 pour demander la suspension des autorisations en litige.

13. La commune de Mérignac, la SAS Stade Nautique Mérignac et les intervenants font certes valoir que, eu égard à la gravité des conséquences économiques et écologiques que la suspension des permis de construire entraînerait, outre l'atteinte au service public, l'intérêt général commande le rejet de la demande de suspension.

14. Les dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'environnement🏛 ne font pas obstacle à ce que le juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision prise sans l'étude d'impact exigée A l'article R. 122-2 de ce code🏛, écarte, à titre exceptionnel, cette demande lorsque la suspension de l'exécution de cette décision porterait à l'intérêt général une atteinte d'une particulière gravité.

15. Toutefois, il n'est pas établi A les pièces du dossier que le report de l'ouverture du stade nautique en construction aurait des conséquences financières telles qu'elles remettraient au cause la pérennité de la concession dont bénéficie la SAS Stade Nautique Mérignac et qu'elles pourraient conduire à l'abandon du projet. Il n'est pas davantage démontré que l'ouverture différée du stade nautique, après les éventuelles modifications que l'impératif de protection de l'environnement rendrait nécessaires, aurait des effets écologiques négatifs. A ailleurs, la circonstance que les usagers ne puissent bénéficier de ce nouvel équipement dans les délais prévus ne saurait porter une atteinte d'une particulière gravité à l'intérêt général.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'exécution des permis de construire accordés les 5 octobre 2020 et 7 juin 2021 A le maire de Mérignac à la SAS Stade Nautique Mérignac doit être suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête au fond.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce que soient mises à la charge des requérants, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, les sommes dont la commune de Mérignac et la SAS Stade Nautique Mérignac demandent le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre à la charge conjointe de la commune de Mérignac et de la SAS Stade Nautique Mérignac le versement d'une somme de 150 euros à chacun des requérants, soit une somme globale de 1 350 euros.

ORDONNE :

Article 1er : Les interventions de l'établissement Bordeaux Métropole et de la SAS Chabanne Architecte, la SAS Chabanne ingénierie et la SARL Christophe Blamm Architecte sont admises.

Article 2 : L'exécution des permis de construire délivrés le 5 octobre 2020 et le 7 juin 2021 A le maire de la commune de Mérignac à la SAS Stade Nautique Mérignac est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête au fond.

Article 3 : La commune de Mérignac et la SAS Stade Nautique Mérignac verseront une somme de 150 euros à M. E J, la SCI Cevindela, M. D H, Mme M O, Mme R, Mme F P épouse B, Mme L I, M. N C et Mme G Q.

Article 4 : Le surplus de la requête et les conclusions de la commune de Mérignac et de la SAS Stade Nautique Mérignac tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetés.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. J, désigné comme représentant unique, à la commune de Mérignac, à la SAS Stade Nautique Mérignac, à l'établissement Bordeaux Métropole, à la SAS Chabanne Architecte, à la SAS Chabanne ingénierie et à la SARL Christophe Blamm Architecte.

Fait à Bordeaux, le 24 octobre 2022.

Le juge des référés,

J-M. BAYLE La greffière,

H. MALO

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.