Jurisprudence : CE 5/6 ch.-r., 30-09-2022, n° 460620, publié au recueil Lebon

CE 5/6 ch.-r., 30-09-2022, n° 460620, publié au recueil Lebon

A76978LN

Référence

CE 5/6 ch.-r., 30-09-2022, n° 460620, publié au recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/88590142-ce-56-chr-30092022-n-460620-publie-au-recueil-lebon
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Abstract

19-04-01-02-05-03 Le crédit d’impôt prévu à l’article 199 sexdecies du code général des impôts (CGI) permet à tout contribuable de réduire, à hauteur de 50 % des sommes versées en rémunération des services à la personne mentionnés à l'article D. 7231-1 du code du travail, dans la limite des plafonds fixés, les frais qu’il expose lorsqu’il recourt à de telles prestations. Le 3 de cet article 199 sexdecies précise que l’assiette des dépenses qui ouvrent droit à cet avantage fiscal ne comprend que les dépenses effectivement supportées par le contribuable, ce qui en exclut les dépenses faisant l’objet d’une indemnisation par l’auteur d’un dommage corporel au titre du besoin d’assistance par tierce personne qui y est lié. ...Il s’ensuit qu’il appartient au juge, lorsqu’il arrête le montant dû en réparation des frais d’assistance à tierce personne qui seront exposés postérieurement à sa décision, d’allouer une indemnité permettant de prendre en charge le besoin d’assistance de la victime, sans qu’il y ait lieu d’opérer de déduction au titre du crédit d’impôt, que celle-ci ait recours à une assistance salariée ou à un membre de sa famille ou un proche. ...La réparation intégrale ainsi accordée fera obstacle à ce que le contribuable puisse bénéficier du crédit d’impôt au titre des prestations de service assurées par un salarié ou une association, une entreprise ou un organisme déclaré et dont cette indemnité aura permis la prise en charge.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 460620

Séance du 11 juillet 2022

Lecture du 30 septembre 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 6ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 19NC01273 du 29 décembre 2021, enregistré le 19 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nancy, avant de statuer sur l'appel des hôpitaux universitaires de Strasbourg tendant à l'annulation du jugement n° 1703901 du 26 février 2019, rectifié par ordonnances des 12 et 28 mars 2019, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés, solidairement avec la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à indemniser M. W E et Mme U G, en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leur fille J E, Mme I S, Mme F D, Mme C E et M. Q E, au titre des préjudices qu'ils ont subis du fait de la prise en charge d'Héloïse E, a décidé, par application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative🏛, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante :

" Le crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 199 sexdecies du code général des impôts🏛 doit-il être pris en considération - et, le cas échéant, selon quelles modalités - pour la détermination de l'indemnité due à la victime en réparation de son besoin d'assistance par une tierce personne ' "

Des observations, enregistrées les 24 février et 21 avril 2022, ont été présentées par les hôpitaux universitaires de Strasbourg et la SHAM.

Des observations, enregistrées le 18 mars 2022, ont été présentées par M. E et Mme G.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts🏛 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

- La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des hôpitaux universitaires de Strasbourg et de la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de M. E et de Mme G.

REND L'AVIS SUIVANT

1. Aux termes de l'article 199 sexdecies du code général des impôts🏛 : " Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories, ouvrent droit à un crédit d'impôt sur le revenu les sommes versées par un contribuable () pour : / a) L'emploi d'un salarié qui rend des services définis aux articles L. 7231-1 et D. 7231-1 du code du travail🏛🏛 ; / b) Le recours à une association, une entreprise ou un organisme déclaré en application de l'article L. 7232-1-1 du même code et qui rend exclusivement des services mentionnés au a du présent 1 ou qui bénéficie d'une dérogation à la condition d'activité exclusive selon l'article L. 7232-1-2 du code du travail🏛 ; / c) Le recours à un organisme à but non lucratif ayant pour objet l'aide à domicile et habilité au titre de l'aide sociale ou conventionné par un organisme de sécurité sociale. () / 3. Les dépenses mentionnées au 1 sont retenues, pour leur montant effectivement supporté, dans la limite de 12 000 () La limite de 12 000 est portée à 15 000 pour la première année d'imposition pour laquelle le contribuable bénéficie des dispositions du présent article au titre du a du 1. / Cette limite est portée à 20 000 pour les contribuables mentionnés au 3° de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale🏛, ainsi que pour les contribuables ayant à leur charge une personne, vivant sous leur toit, mentionnée au même 3°, ou un enfant donnant droit au complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 541-1 du même code. / La limite de 12 000 est majorée de 1 500 par enfant à charge au sens des articles 196 et 196 B et au titre de chacun des membres du foyer fiscal âgé de plus de soixante-cinq ans. La majoration s'applique également aux ascendants visés au premier alinéa du 2 remplissant la même condition d'âge. () La limite de 12 000 augmentée de ces majorations ne peut excéder 15 000 . Toutefois, lorsque les dispositions du deuxième alinéa sont applicables, la limite de 15 000 fait l'objet des majorations prévues au présent alinéa et le montant total des dépenses ne peut excéder 18 000 . / 4. Le crédit d'impôt est égal à 50 % des dépenses mentionnées au 3 au titre des services définis aux articles L. 7231-1 et D. 7231-1 du code du travail🏛🏛 fournis dans les conditions prévues au 2, supportées par le contribuable au titre de l'emploi d'un salarié ou en cas de recours à une association, une entreprise ou un organisme, mentionné aux b ou c du 1. / Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. () / 6. Les sommes mentionnées au 1 ouvrent droit au bénéfice du crédit d'impôt, sous réserve que le contribuable soit en mesure de présenter, à la demande de l'administration fiscale, les pièces justifiant du paiement des salaires et des cotisations sociales, de l'identité du bénéficiaire, de la nature et du montant des prestations réellement effectuées payées à l'association, l'entreprise ou l'organisme définis au 1. "

2. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il appartient ensuite au juge de déduire du montant de l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne les prestations ayant pour objet la prise en charge de tels frais. Cette déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune.

3. Il résulte des dispositions citées au point 1 que le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts🏛 permet à tout contribuable de réduire, à hauteur de 50 % des sommes versées en rémunération des services à la personne mentionnés à l'article D. 7231-1 du code du travail🏛, dans la limite des plafonds fixés, les frais qu'il expose lorsqu'il recourt à de telles prestations. Le 3 de cet article 199 sexdecies précise que l'assiette des dépenses qui ouvrent droit à cet avantage fiscal ne comprend que les dépenses effectivement supportées par le contribuable, ce qui en exclut les dépenses faisant l'objet d'une indemnisation par l'auteur d'un dommage corporel au titre du besoin d'assistance par tierce personne qui y est lié.

4. Il s'ensuit qu'il appartient au juge, lorsqu'il arrête le montant dû en réparation des frais d'assistance à tierce personne qui seront exposés postérieurement à sa décision, d'allouer une indemnité permettant de prendre en charge le besoin d'assistance de la victime, sans qu'il y ait lieu d'opérer de déduction au titre du crédit d'impôt, que celle-ci ait recours à une assistance salariée ou à un membre de sa famille ou un proche. La réparation intégrale ainsi accordée fera obstacle à ce que le contribuable puisse bénéficier du crédit d'impôt au titre des prestations de service assurées par un salarié ou une association, une entreprise ou un organisme déclaré et dont cette indemnité aura permis la prise en charge.

5. Il en va en revanche différemment lorsque le juge arrête le montant dû en réparation des frais d'assistance à tierce personne qui ont été exposés antérieurement à sa décision, que l'état de santé de la victime a nécessité le recours à une assistance qui a été assurée par un salarié ou par une association, une entreprise ou un organisme déclaré, et que celle-ci a effectivement bénéficié à ce titre de l'avantage fiscal prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts🏛. Dans un tel cas, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 ci-dessus qu'il appartient au juge de déduire, au besoin d'office, au même titre que les prestations mentionnées au point 2, le montant de l'avantage fiscal perçu, dans la mesure où il correspond à une telle assistance, de l'indemnité mise à la charge de la personne publique en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour déterminer le montant à déduire.

6. Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Nancy, aux hôpitaux universitaires de Strasbourg, à la société hospitalière des assurances mutuelles, à M. W E, premier intimé dénommé, à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin et au ministre de la santé et de la prévention.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 juillet 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme N de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme X de Margerie, Mme L von Coester, Mme M O, M. K T, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 30 septembre 2022

Le président :

Signé : M. B P

La Maître des Requêtes-Rapporteure :

Signé : Mme V A

Le secrétaire :

Signé : M. H R

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