Jurisprudence : CA Versailles, 07-07-2022, n° 21/00787, Infirmation partielle


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 80A


11e chambre


ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 07 JUILLET 2022


N° RG 21/00787 - N° Portalis DBV3-V-B7F-ULYG


AFFAIRE :


[T] [U]


C/


A. GEFCO FRANCE


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : E

N° RG : F 19/00841


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :


Me Mehdi BOUZAIDA


Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES


le :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :


Monsieur [T] [U]

né le … … … à [Localité 5] (CAMBODGE)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Mehdi BOUZAIDA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B376



APPELANT


****************


A. GEFCO FRANCE

N° SIRET : 789 791 464

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - Représentant : Me Philippe ROGEZ / Me Amanda GALVAN de la SELARL RACINE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L301


INTIMEE


****************



Composition de la cour :


L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2022, Monsieur Eric LEGRIS, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :


Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,


qui en ont délibéré,


Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE


Le 3 novembre 2003, M. [T] [U] était embauché par la société Gefco France en qualité d'attaché commercial, par contrat à durée indéterminée. Il était promu cadre et évoluait vers les fonctions de responsable de développement marché.


Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale des transports routiers.


En mars 2013, M. [U] était élu au comité d'entreprise. En avril 2016, il était désigné représentant de la section syndicale CFTC.


Le 20 février 2018, la société Gefco France notifiait à M. [U] son licenciement pour raison économique après que le 15 février 2018, l'inspection du travail avait autorisé ce licenciement.


Le 14 novembre 2019, M. [Aa] saisissait le conseil des prud'hommes de Montmorency afin de faire constater l'illégalité de la décision de l'inspection du travail, faire reconnaître le harcèlement moral dont il s'estimait victime du fait de son activité de représentant du personnel au sein du comité d'entreprise'et accéder à sa requête indemnitaire concernant le régime du forfait annuel.



Vu le jugement du 27 janvier 2021 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Montmorency qui a':

- Dit que le licenciement de M. [Aa] est fondé sur un motif réel et sérieux ;

- Dit que la convention de forfait-jours de M. [U] lui était applicable ;

- Dit que l'autorisation de licenciement prononcée par l'inspection du travail est conforme à la procédure et que l'exception d'illégalité soulevée ne présente aucun caractère sérieux ;

- Dit que la société Gefco France n'a pas violé les critères d'ordre dans le cadre du PSE ;

- Débouté M. [U] de l'intégralité de ses prétentions ;

- Débouté la société Gefco France de ses demandes reconventionnelles.



Vu l'appel interjeté par M. [U] le 9 mars 2021.


Vu les conclusions de l'appelant, M. [U], notifiées le 28 mai 2021 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Statuer à nouveau, et,

- Condamner la société Gefco France à payer à M. [Aa] les sommes suivantes :

- 7'000 euros à titre de dommages et intérêts pour la violation des dispositions relatives au forfait jours ;

- 66'966,86 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier résultant de la discrimination syndicale et du harcèlement moral ;

- 30'000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant de la discrimination syndicale et du harcèlement moral ;

- 70'422,96 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;


A titre subsidiaire,

- Saisir le tribunal administratif de Cergy de la question préjudicielle relative à la légalité de la décision d'autorisation de licenciement de M. [Aa] datée du 15 février 2018 ;

- Surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge administratif ;

- Condamner la société Gefco France à payer à M. [U] la somme de 70'422,96 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Condamner la société Gefco France à payer à M. [U] la somme de 70'422,96 euros à titre de dommages et intérêts pour le non-respect des critères d'ordre de licenciement ;

En tout état de cause,

- Fixer le salaire de référence à la somme de 5'868,58 euros ;

- Dire et juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal, à compter de la demande en justice ;

- Condamner la société Gefco France à payer à M. [U] la somme de 4'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, en première instance et en cause d'appel';

- Condamner la même aux entiers dépens de l'instance.


Vu les écritures de l'intimée, la société Gefco France, notifiées le 3 août 2021 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de':

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a dit que M. [Aa] n'a fait l'objet d'aucune discrimination syndicale ni d'aucun harcèlement moral ;

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a débouté la société Gefco France de sa demande reconventionnelle de condamnation M. [Aa] à payer à la société la somme de 70'422,96 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et statuant à nouveau.

En conséquence :

- Statuant à nouveau, de condamner M. [U] à payer à la société la somme de 70'422,96 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- Débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner M. [U] à verser à la société Gefco France la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛';

- Condamner M. [Aa] aux entiers dépens de la présente instance.



Vu l'ordonnance de clôture du 11 avril 2022.



SUR CE,


Sur l'exécution du contrat de travail':


Sur le forfait-jours


M. [U] sollicite des dommages et intérêts au titre d'une violation des dispositions relatives au forfait jours ; la société Gefco estime avoir respecté ses obligations concernant le suivi de la charge de travail du salarié et relève que celui-ci ne justifie d'aucun préjudice ;


Une convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ;


L'accord collectif qui autorise la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi de la charge de travail du salarié ;


En cas d'inexécution par l'employeur des obligations conventionnelles mises à la charge de l'employeur par l'accord collectif autorisant la conclusion d'une convention de forfait en jours l'exécution de la convention individuelle de forfait est privée d'effet ;


En l'espèce, l'accord sur l'aménagement et l'organisation du temps de travail du personnel sédentaire applicable au sein de la société Gefco France prévoit que le suivi de la charge de travail des salariés bénéficiant d'une convention de forfait en jours, de l'amplitude de leur journée et de l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est assuré chaque année lors d'un entretien annuel formalisé ;


Les compte-rendu d'entretiens annuels d'évaluation produits aux débats ne font pas apparaître, comme le souligne justement l'appelant, de mention spécifique dans la trame de ces évaluations relatives aux questions liées à la charge de travail, à l'organisation du travail au sein de la société ou à l'articulation entre activité professionnelle et vie personnelle du salarié ni que ces questions étaient abordés par le supérieur hiérarchique de M. [U] ; le fait qu'un espace spécifique était laissé au salarié pour faire part de ses éventuels commentaires sur l'année écoulée ne suffit pas à répondre aux exigences précitées en la matière ; il en est de même de l'absence de réclamation ou d'alerte à ce titre du salarié au cours de la relation de travail ou du fait que M. [Aa] a fait l'objet de visites médicales périodiques auprès du médecin du travail ;


L' inexécution par la société Gefco de ses obligations conventionnelles relatives à la mise en œuvre de la convention de forfait en jours prive d'effet l'exécution de la convention individuelle de forfait ;


Il est constant que M. [Aa] ne formule pas de réclamation au titre d'heures supplémentaires ;


Il ne démontre pas avoir subi de préjudice en lien avec l'inexécution par son employeur des obligations relatives à la mise en œuvre de la convention de forfait en jours ; le rejet de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation des dispositions relatives au forfait jours sera en conséquence confirmé ;


Sur le harcèlement moral et la discrimination


Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail🏛, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;


Selon l'article L.1152-2 du code du travail🏛, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ;


En application de l'article L. 1132-1 du code du travail🏛, il est interdit à l'employeur de prendre en compte l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale d'un salarié pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération, d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ;


Vu les articles L1152-1 et L1254-1 du code du travail🏛,

Il résulte de ces textes que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;


Il résulte également de l'article L. 1134-1 du code du travail🏛 qu'en matière de discrimination, il appartient en premier lieu au salarié de verser aux débats des éléments de preuve susceptibles de faire présumer l'existence d'une discrimination et si de tels éléments de preuve sont rapportés par le salarié, l'employeur doit alors prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;


En application des articles L.1152-3 et L. 1132-4 du même code🏛, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions relatives au harcèlement moral ou à la discrimination est nulle ;


En l'espèce, M. [U] invoque les faits suivants, au soutien à la fois de ses demandes relatives au harcèlement moral et à la discrimination syndicale':

- la stagnation soudaine de la rémunération,

- le changement de lieu de travail sans son accord,

- le changement de fonction sans son accord,

- une rétrogradation,

- la mise à l'écart de la convention des managers,

- le refus de complet paiement de la rémunération variable,

- son intégration dans le plan de sauvegarde de l'emploi,

- la non-application des critères d'ordre ;


Pour étayer ses affirmations, il produit notamment des documents contractuels, courriers et échanges de courriels, certains de ses bulletins de salaire, organigrammes, compte-rendu d'entretiens individuels ainsi que des pièces médicales ;


En ce qui concerne l'évolution de sa rémunération, il invoque un ralentissement de sa rémunération et estime que son évolution de carrière a été différent, avant et après son premier mandat ;


Il est observé qu'il effectue des reconstitutions et comparaisons de ses salaires en indiquant "neutralis[er]" les augmentations résultant en novembre 2010 de son passage au statut cadre et en août 2012 de sa mutation en région parisienne ;


Comme le relève la société Gefco, M. [U] procède par voie d'affirmation, sans justifier d'une évolution défavorable de sa rémunération en lien avec ses différents mandats ;


La société intimée justifie pour sa part de la similitude de l'évolution de la rémunération de M. [U] avec celle de deux autres salariés lors de leur passage, comme lui, au statut de cadre au sein du groupe 1, puis au groupe 2 ;


Surtout, elle souligne justement que la promotion de M. [U] en tant que cadre groupe 2 est intervenue postérieurement à son élection en tant que membre de la délégation du personnel au comité d'entreprise en mars 2013, augmentation qui est intervenue en janvier 2014 ;


Ce premier agissement allégué par le salarié (stagnation soudaine de la rémunération) n'est ainsi pas établi ;


S'agissant du changement de lieu de travail, alors que M. [U] évoque des lieux de travail "décidé[s] ou envisagé[s]", la société Gefco justifie que M. [Aa] avait été muté sur le site de [Localité 6] selon avenant au contrat de travail, mais aussi que son changement de lieu de travail de [Localité 6] vers [Localité 7] à compter de juillet 2014 a été à nouveau régularisé par avenant du 30 juin 2014, également signé de M. [Aa] ;


Il n'est pas établi ainsi que le lieu de travail du salarié ait été modifié de façon abusive ou irrégulière ;


M. [U] invoque aussi son changement de fonction sans son accord ; il indique plus précisément qu'il occupait les fonctions de "Business Development Manager Transport" (BDM), c'est à dire de "Responsable développement marché" et qu'à compter de novembre 2015, il a été positionné sur un poste de "Key Account Manager Automotive" (KAM), c'est à dire de "Responsable Grands Comptes" ;


Il produit effectivement des organigrammes :

- sur l'organigramme daté de mars 2015, qu'il figure sous la mention « BDM Transport », au sein de la division "Overland Sales",

- sur l'organigramme de novembre 2015, qu'il figure sous la mention « KAM Automotive », au sein de la division "Grands comptes Industry";


Si la société Gefco conteste ce changement de poste en soutenant que M. [Aa] aurait été maintenu au poste de responsable développement marché tout en admettant que le contenu de ses fonctions a évolué en comprenant aussi des missions de "Responsable Grands Comptes", sa propre note de service datée du 10 novembre 2015 indique que : "[T] [U] est affecté à la Market Line Automotive en tant que Key Account Manager sous la responsabilité directe d'[F] [V]", lequel figure en effet alors dans l'organigramme comme "KAM Automotive" au sein de la division "Grands comptes Industry" et ajoute que " le poste de BDM Transport [occupé jusque-là par M. [U]] laissé vacant est donc ouvert au recrutement", ce qui révèle clairement le changement de poste du salarié ;


Il n'est pas justifié de l'accord de M. [U] pour ce changement, qui n'a pas été formalisé par avenant, étant rappelé, comme le souligne à bon droit l'appelant, que s'agissant d'un salarié protégé, un simple changement des conditions de travail, comme toute modification du contrat de travail, ne peut être imposé et nécessite l'accord de l'intéressé ;


M. [U] a d'ailleurs mentionné dans le compte-rendu de son entretien individuel 2017 son "changement de statut de BDM > KAM" ; il estimait aussi faire l'objet d'une "rétrogradation dans l'organigramme" ;


Si cette rétrogradation n'est pas établie, M. [U] évoquant lui-même l'ajout d'un échelon hiérarchique supplémentaire, ce que pouvait créer l'employeur dans le cadre d'une nouvelle organisation, sans que cette circonstance d'un échelon supplémentaire ne suffise à caractériser une rétrogradation, il n'en demeure pas moins que le fait d'un changement de poste sans l'accord de M. [Aa] est établi ; le simple extrait de la fiche d'emploi et la synthèse des expériences professionnelles du salarié auxquelles se réfèrent l'intimée ne suffisent pas à contredire ce point ;


La mise à l'écart de la convention des managers, par ailleurs invoquée par M. [U], n'est pas avérée, l'appelant ne démontrant pas que tous les autres salariés occupant le même poste que lui auraient été pour leur part invités ;


M. [U] évoque encore un refus de complet paiement de sa rémunération variable au titre de l'année 2016 ;


Il justifie qu'après avoir de nouveau été désigné en qualité de représentant de section syndicale CFTC en mars 2017, il réclamait par courriel le 28 avril 2017 le paiement de sa rémunération variable à hauteur de 19'635 euros après avoir constaté qu'il ne lui avait été versé que moins de 5'000 euros à ce titre ;


La société Gefco admet avoir finalement accepté de recalculer le bonus sur la base de 6 mois de variable et versé par suite un complément de bonus ;


Le fait que M. [Aa] ait alors remercié son employeur une fois cette régularisation tardive intervenue, à la suite des réclamations répétées de l'intéressé, ne suffit pas à anéantir cet élément qui laisse supposer une discrimination ;


M. [U] critique ensuite son intégration dans le plan de sauvegarde de l'emploi, dans la mesure où il a été informé par lettre du 31 août 2017 par la société Gefco que son poste de "responsable développement marché", qui était rattaché à la branche d'activité "Overland", était supprimé dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, puis ensuite licencié en cette qualité, alors qu'il ressort des motifs précédents que depuis novembre 2015, M. [U] était affecté au poste de responsable grands comptes Automotive (KAM), qui était rattaché à la branche "Grands comptes industry".


L'appelant justifie que ces deux postes étaient classés dans deux catégories distinctes et que seule la catégorie à laquelle il a été rattaché par l'employeur comportait une suppression de poste, se référant au plan de sauvegarde de l'emploi qui indique que la catégorie professionnelle des responsables développement marché est visée par une suppression de poste (sur 4 postes recensés), mais ne vise pas de suppression de poste pour la catégorie professionnelle des responsables grands comptes (sur 31 postes de KAM recensés) ;


Ce fait est donc également établi ; en tout état de cause, il n'est pas justifié de la non-application des critères d'ordre alors que M. [Aa] n'était pas seul au sein de la catégorie professionnelle de responsable développement marché auquel l'employeur avait décidé de le rattacher ;


En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée, étant ajouté que les pièces médicales présentées sont insuffisantes à établir un lien entre les agissements dénoncés et l'état de santé du salarié ; les demandes relatives au harcèlement seront par conséquent rejetées ; le jugement est confirmé de ce chef ;


En revanche, les éléments susvisés établissent ainsi plusieurs éléments de preuve susceptibles de faire présumer l'existence d'une discrimination syndicale au préjudice de M. [U] et la société Gefco ne démontre pas que sa décision est justifiée sur ces points par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; en conséquence, celle-ci est rapportée et le licenciement intervenu dans ce contexte est nul ;


Il y a lieu de condamner la société Gefco France à payer à M. [U] la somme de 15'000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant de la discrimination syndicale, compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée et des conséquences dommageables qu'elle a eu pour M. [U] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies ;


Le jugement est infirmé de ces chefs ;


La demande de dommages et intérêts formée par M. [U] au titre du préjudice financier résultant de la discrimination syndicale et du harcèlement moral sera en revanche rejetée, dans la mesure où il a été retenu que la stagnation soudaine de la rémunération alléguée n'est pas établie ; le jugement est confirmé sur ce point ;


Sur la rupture du contrat de travail':


Il a été retenu que le licenciement intervenu dans le contexte de la discrimination syndicale est nul ;


A la date de son licenciement, M. [Aa] avait une ancienneté de 14 ans au sein de l'entreprise qui employait de façon habituelle plus de 11 salariés ;


L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article, telle qu'un licenciement discriminatoire ; dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois précédant son licenciement ;


La société Gefco souligne et justifie que M. [Aa] a retrouvé un emploi avant même d'avoir été licencié par elle, étant engagé par la société Heppner par contrat à durée indéterminée en qualité de "Key account manager" à compter du 2 novembre 2017 et rappelle qu'il a par ailleurs bénéficié de mesures dans le cadre de son licenciement pour motif économique soit une indemnité de reclassement, une indemnité de licenciement ainsi qu'une indemnité supra-légale ;

M. [U] dénonce le comportement de la société Gefco à son égard et les conséquences qu'il a subies, après 14 années passées dans l'entreprise ; tenant ainsi notamment compte de l'âge, de l'ancienneté du salarié et des circonstances de son éviction, il convient de condamner l'employeur au paiement d'une indemnité totale de 36'000 euros à ce titre ;


Le jugement est infirmé de ce chef ;


Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive


Compte tenu des motifs précédants, il convient de débouter la société Gefco de sa demande formée à ce titre ;


Sur les intérêts


S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter du présent arrêt ;


Sur l'article 700 du code de procédure civile🏛 et les dépens


Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs;


Par application de l'article 696 du code de procédure civile🏛, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Gefco ;


La demande formée par M. [U] au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à hauteur de la somme totale de 4 000 euros ;



PAR CES MOTIFS


LA COUR,


statuant publiquement et contradictoirement,


Infirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives au harcèlement moral et au préjudice financier au titre de la discrimination syndicale et du harcèlement moral,


Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,


Dit nul le licenciement de M. [T] [U],


Condamne la SASU Gefco France à payer à M. [T] [U] les sommes suivantes :

- 36 000 euros euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant de la discrimination syndicale,

- 4 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure,


Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,


Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,


Condamne la SASU Gefco France aux dépens de première instance et d'appel.


Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛,


Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme'Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

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