Jurisprudence : Cass. civ. 3, 29-06-2022, n° 16-26.751, F-D, Cassation

Cass. civ. 3, 29-06-2022, n° 16-26.751, F-D, Cassation

A061179I

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CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 juin 2022


Cassation


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 541 F-D

Pourvoi n° G 16-26.751


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022


M. [Aa] [T], domicilié [… …] (…), a formé le pourvoi n° G 16-26.751 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2016 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [G] [O], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à M. [H] [P], domicilié chez M. et Mme [Ab], [Adresse 2],

3°/ à l'AGSS de l'UDAF de l'Aude, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur de Mme [G] [O],

4°/ à la société Success immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [T], de Me Balat, avocat de Mme [Ac], de M. [Ab] et de l'AGSS de l'UDAF de l'Aude, ès qualités, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [T] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Success immobilier.


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mars 2016), le 3 mai 2007, M. [Ab] et Mme [O] (les acquéreurs) ont acquis une maison d'habitation de [E] [V] et de M. [T] (les vendeurs).

3. Se plaignant du dysfonctionnement du système d'assainissement des eaux usées, les acquéreurs ont assigné, après expertise, les vendeurs en résolution de la vente pour vice caché.

4. [E] [V] est décédé en cours d'instance, laissant pour lui succéder M. [T].

5. Le 23 mars 2015, Mme [Ac] a été mise en liquidation judiciaire, l'AGSS de l'UDAF de l'Aude ayant été désignée liquidateur.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. M. [T] fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution de la vente et de le condamner à payer à M. [Ab] et au liquidateur de Mme [Ac] une certaine somme au titre des frais liés à la vente, alors « qu'en ses écritures d'appel, M. [T] se prévalait, non seulement de la clause par laquelle les acheteurs avaient déclaré faire leur affaire personnelle de la non-conformité de l'installation d'assainissement, mais, de façon plus générale et distincte, de la clause du contrat exonérant les vendeurs de la garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol, ou les bâtiments, faisant valoir à cette fin que les vendeurs n'avaient pas connaissance des vices dont se prévalaient les acheteurs ; que la cour d'appel, qui constate qu'effectivement, il n'était pas établi que M. [T] ou M [V] avaient connaissance des vices cachés dont elle relevait l'existence, ne pouvait dès lors s'abstenir de répondre au moyen déduit de cette clause d'exclusion de garantie, sans entacher sa décision d'un défaut de réponse à conclusion en violation de l'article 455 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile🏛 :

7. Selon ce texte, le jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

8. Pour prononcer la résolution de la vente, l'arrêt retient que le système d'assainissement de l'immeuble est affecté d'un vice, non décelable avant la vente, rendant le bien impropre à son usage et que les acheteurs n'auraient pas acquis le bien s'ils avaient connus ce vice, compte tenu du coût des travaux nécessaires pour y remédier par rapport au prix d'achat.

9. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [T] qui invoquait l'application de la clause d'exclusion de garantie des vices cachés contenue dans l'acte de vente le liant aux acheteurs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne M. [P] et l'AGSS de l'UDAF de l'Aude, prise en sa qualité de liquidateur de Mme [Ac], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande de Mme [G] [O], M. [P] et l'AGSS de l'UDAF de l'Aude, ès qualités, et condamne M. [P] et l'AGSS de l'UDAF de l'Aude, ès qualités, à payer à M. [T] la somme globale de 3 000 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. [T]

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la résolution de la vente conclue le 3 mai 2007 entre Monsieur [Aa] [T] et Monsieur [E] [V] d'une part, Monsieur [H] [P] et Madame [O] d'autre part, portant sur une maison sise à [Localité 6], d'avoir condamné Monsieur [Ad] à restituer la somme de 125 000 euros à Monsieur [Ab] et à l'AGSS de l'UDAF de l'Aude, agissant en sa qualité de liquidateur de Madame [G] [O], avec intérêts au taux létal à compter de l'arrêt, ainsi qu'à leur payer la somme de 8 600 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et celle de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

Aux motifs que l'article 1641 du code civil🏛 dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ; que l'article 1643 précise qu'il est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ; qu'en vertu de l'article 1644, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ; que le premier et principal vice invoqué par les appelants concerne le système d'assainissement de l'immeuble ; qu'ils versent aux débats un procès-verbal du 18 décembre 2007 par lequel Maître [S], huissier de justice, constate que lorsque l'on tire la chasse d'eau dans les toilettes, l'eau s'écoule lentement, qu'il s'en suit une remontée d'un liquide noirâtre et nauséabond dans le bac à douche, que la vidange de la baignoire entraîne l'inondation de la salle de bains, que l'eau stagne dans le lavabo malgré la position ouverte de la bonde ; que de nombreux témoins attestent d'inondations survenues à l'intérieur de la maison ; que Monsieur [Ae], expert judiciaire désigné en référé, a réalisé les mêmes constats que l'huissier de justice et l'engorgement des canalisations ; qu'il expose que le dispositif d'assainissement décrit par les vendeurs, soit deux cuves et un trou d'environ 1m x 1m x 2m rempli de cailloux ne correspond à aucun système d'assainissement agréé ; que l'absence de regard ventilé et de ventilation haute montre que ce dispositif ne peut assurer une épuration satisfaisante ; qu'en réponse à un dire, il précise qu'il n'y a pas de fosse septique dotée d'un système d'épandage réalisé selon les règles de l'art, que l'installation ne pouvait fonctionner, sauf à l'utiliser de façon très épisodique, qu'une utilisation continue allait nécessairement entraîner des problèmes de saturation ; qu'il conclut, sur le sujet, que la salle de bains et les toilettes ont été raccordées à une installation d'assainissement hors normes qui avait des possibilités d'absorption très limitées ; que cette installation s'est colmatée ; que pour remédier aux défauts de fonctionnement, il aurait fallu réaliser des travaux de réfection du dispositif d'assainissement ou transformer le réseau des canalisations intérieures pour se raccorder à la façade ; que ces défauts n'étaient pas décelables par des personnes non qualifiées en matière de construction ; qu'un budget de 8 000 à 10 000 euros [en 2009] aurait été nécessaire ; que Monsieur [T] fait valoir que si l'absence de système d'assainissement peut être considérée comme un vice caché, il n'en va pas de même de l'existence d'un système d'assainissement individuel ; qu'il se prévaut en outre d'une clause insérée dans le contrat de vente et ainsi libellée : « Concernant l'évacuation des eaux usées, le vendeur fait les déclarations suivantes : Les biens immobiliers objets des présentes ne sont pas raccordés au tout-à-l'égout ; ils sont desservis par une installation d'assainissement individuelle. Le service communal d'assainissement non collectif n'a effectué aucun contrôle technique sur cette installation ; son utilisation ne présente aucune difficulté particulière et ne nécessite aucun entretien. L'acquéreur reconnaît avoir reçu toutes les informations nécessaires à la localisation de cette installation, faisant son affaire personnelle de cette situation et déchargeant le vendeur de toute responsabilité à cet égard. L'attention de l'acquéreur a été attirée sur le fait que, faute de convention contraire dans le présent acte, ni le raccordement des installations présentes dans les biens vendus aux réseaux publics ou privés d'eau, d'électricité, de gaz, de téléphone, de télévision ou autre, ni la conformité actuellement en vigueur des raccordements éventuellement existants ne lui sont garantis par le vendeur. Tous travaux qui deviendraient nécessaires au titre de l'un quelconque de ces points seraient donc à sa charge exclusive sans recours contre ledit vendeur » ; que cependant, ce ne sont ni l'existence d'un système d'assainissement individuel, ni sa localisation, ni encore l'absence de raccordement à un réseau public qui sont en cause mais l'aptitude du système à remplir sa fonction ; que l'usage auquel les acquéreurs destinaient l'immeuble était la résidence principale et continue de deux personnes au moins, peut-être d'enfants ultérieurement, susceptibles de disposer de machines devenues habituelles telles que lave-linge et lave-vaisselle ; que l'inaptitude démontrée du système à assurer dans une telle hypothèse, somme toute « normale », une fonction aussi essentielle que l'assainissement, avec les désagréments qui ont été décrits ci-dessus, est assurément un défaut qui rend l'immeuble impropre à l'usage auquel on le destine ; que ce défaut, l'expert le dit, n'était pas décelable avant la vente, étant observé que Monsieur [T] ne justifie pas de ce [que] les acquéreurs auraient , avec son accord, commencé à occuper l'immeuble un mois avant celle-ci et qu'il n'est pas acquis, en toute hypothèse, qu'ils auraient été en mesure pendant ce temps de constater l'engorgement et d'en mesurer l'ampleur ; que ce défaut était même sans doute d'autant plus imprévisible que la clause précitée précise que l'utilisation de l'installation ne présente aucune difficulté particulière et ne nécessite aucun entretien, alors même que l'intimé écrit aujourd'hui dans ses conclusions que le seul problème qui se pose est le fait que les appelants n'ont pas entretenu leur dispositif d'assainissement autonome en réalisant la vidange des bacs à graisse et la vidange de la fosse septique [qui n'en est pas une au demeurant], cet entretien pouvant remédier à toutes les difficultés dénoncées ; que dans ces conditions, et compte tenu en outre du coût des travaux nécessaires pour remédier au défaut identifié par rapport au prix d'achat, ledit défaut caché justifie la résolution de la vente en application des textes précités ; qu'à la lecture du rapport de l'expert, on peut retenir également : - que la cheminée située dans la pièce principale est raccordée à une souche de cheminée en briques d'environ deux mètres de hauteur et que pour obtenir un bon tirage, il faut un conduit isolé ayant une hauteur minimale de cinq mètres ; que l'expert conclut à une impossibilité d'utiliser la cheminée ; que certes, comme l'a fait observer la conseil de l'intimé à l'expert, la hauteur de la souche était visible ; que l'on ne peut soutenir pour autant que l'insuffisance qui en résulte pour obtenir un tirage correct était décelable par des acquéreurs profanes en la matière et que l'impossibilité d'utiliser correctement la cheminée est un vice non apparent ; - que le sauna situé à côté de la salle de bains présente des défauts de conformité au niveau de l'installation électrique et du raccordement du poêle, que l'évacuation des fumées s'effectue par un tuyau horizontal à l'intérieur du local et par un tuyau vertical non isolé à l'extérieur, que les conditions d'un bon tirage ne sont pas réunies et que l'on peut craindre des émanations de gaz nocifs ; que si la cheminée et le sauna ne sont pas forcément indispensables, la nécessité d'utiliser la cheminée pour chauffer la maison n'étant pas démontrée, ils font partie des caractéristiques du bien tel qu'il a été présenté aux acquéreurs ; que l'impossibilité de les utiliser réduit l'usage que ceux-ci pouvaient attendre de l'immeuble et que l'on peut considérer que s'ils l'avaient connue, ils n'auraient pas acquis cette maison ou, à tout le moins, n'en auraient donné qu'un moindre prix, qu'elle constitue dès lors également un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil🏛, justifiant la résolution ; que par conséquent, il y a lieu d'infirmer le jugement, de prononcer la résolution de la vente et d'ordonner les restitutions croisées du prix et de l'immeuble ; qu'aux termes des articles 1645 et 1646 du code civil🏛, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ; que s'il les ignorait, il n'est tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente ; qu'il ne peut être tenu pour acquis que Messieurs [T] et [V] connaissaient le vice consistant dans la capacité limité du système d'assainissement dès lors qu'il n'est pas contesté qu'ils n'utilisaient la maison qu'épisodiquement ; qu'il en est de même de la dangerosité potentielle du système d'évacuation des fumées du sauna et même de l'insuffisance du tirage de la cheminée en l'absence de preuve qu'ils l'aient utilisée ; que Monsieur [T] n'est donc tenu qu'au remboursement du prix et à l'indemnisation des acheteurs des frais liés à la vente, soit 8 600 euros ;

Alors qu'en ses écritures d'appel, Monsieur [T] se prévalait, non seulement de la clause par laquelle les acheteurs avaient déclaré faire leur affaire personnelle de la non-conformité de l'installation d'assainissement, mais, de façon plus générale et distincte, de la clause du contrat exonérant les vendeurs de la garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol, ou les bâtiments, faisant valoir à cette fin que les vendeurs n'avaient pas connaissance des vices dont se prévalaient les acheteurs ; que la cour d'appel, qui constate qu'effectivement, il n'était pas établi que Monsieur [T] ou Monsieur [V] avaient connaissance des vices cachés dont elle relevait l'existence, ne pouvait dès lors s'abstenir de répondre au moyen déduit de cette clause d'exclusion de garantie, sans entacher sa décision d'un défaut de réponse à conclusion en violation de l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;

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