Jurisprudence : CE 5/6 ch.-r., 22-06-2022, n° 443053, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 5/6 ch.-r., 22-06-2022, n° 443053, mentionné aux tables du recueil Lebon

A203978Z

Référence

CE 5/6 ch.-r., 22-06-2022, n° 443053, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/85916918-ce-56-chr-22062022-n-443053-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

15-05-17 1) a) L'article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, tel qu’interprété par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) dans son arrêt C-350/07 et C-520-06 du 20 janvier 2009, fait obstacle, d’une part, à ce que le droit au congé annuel payé qu'un travailleur n'a pas pu exercer pendant une certaine période, parce qu'il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de la période en cause, s'éteigne à l'expiration de celle-ci et, d’autre part, à ce que, lorsqu’il est mis fin à la relation de travail, tout droit à indemnité financière soit dénié au travailleur qui n’a pu, pour cette raison, exercer son droit au congé annuel payé. ...b) Ce droit au report ou, lorsqu’il est mis fin à la relation de travail, à indemnisation financière, s’exerce toutefois, en l’absence de dispositions sur ce point dans le droit national, dans la limite de quatre semaines prévues par l’article 7 de la directive....2) L'article 5 du décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 n’est, en tant qu’il ne prévoit pas l’indemnisation des congés annuels qu’un agent aurait été, en raison d’un arrêt de maladie, dans l’impossibilité de prendre avant la fin de sa relation de travail, pas compatible avec l’article 7 de la directive.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 443053

Séance du 08 juin 2022

Lecture du 22 juin 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 6ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. B A a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 5 403,25 euros au titre des jours portés sur son compte épargne-temps, des heures supplémentaires non récupérées et des congés annuels non pris lors de son admission à la retraite. Par un jugement n° 1502412 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA00029 du 16 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille⚖️ a, sur appel de M. A, annulé ce jugement en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires relatives aux congés annuels et aux heures supplémentaires, condamné l'Etat à verser à M. A une indemnité de 2 673,25 euros au titre des heures supplémentaires non récupérées et des congés non pris et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un pourvoi, enregistré le 19 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, à titre principal, de rejeter la demande de M. A et, à titre subsidiaire, de limiter la condamnation à indemnisation des congés annuels non pris à une somme correspondant à dix jours de congés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne Gerhard Schultz-Hoff contre Deutsche Rentenversichereng Bund et Stringer e. a. - contre Her Majesty's Revenue and Customs du 20 janvier 2009 C-350/06 et C-520/06 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, brigadier-chef de police, a été admis à la retraite à compter du 31 décembre 2013. Par un jugement du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser, premièrement, des jours restant inscrits, à la date de son départ en retraite, sur son compte épargne-temps, deuxièmement, des heures supplémentaires effectuées et non récupérées à la même date et, enfin, des congés annuels qui, à cette date, n'avaient pas été pris. Par un arrêt du 16 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. A, annulé ce jugement en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires relatives aux heures supplémentaires non récupérées et aux congés annuels non pris et condamné l'Etat à verser à l'intéressé, à ces deux titres, les sommes de 1 623,25 euros et 1 050 euros. Le ministre de l'intérieur demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il prononce cette condamnation. Par les moyens qu'il invoque, il doit être regardé comme n'en demandant l'annulation qu'en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires relatives aux congés non pris au cours de l'année ayant précédé le départ à la retraite de M. A.

2. Aux termes de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales / 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. " En application du B de l'annexe I de cette directive, le délai de transposition de cet article était fixé au 23 mars 2005. Ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt C-350/06 et C-520/06 du 20 janvier 2009, font obstacle, d'une part, à ce que le droit au congé annuel payé qu'un travailleur n'a pas pu exercer pendant une certaine période, parce qu'il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de la période en cause, s'éteigne à l'expiration de celle-ci et, d'autre part, à ce que, lorsqu'il est mis fin à la relation de travail, tout droit à indemnité financière soit dénié au travailleur qui n'a pu, pour cette raison, exercer son droit au congé annuel payé. Ce droit au report ou, lorsqu'il est mis fin à la relation de travail, à indemnisation financière, s'exerce toutefois, en l'absence de dispositions sur ce point dans le droit national, dans la limite de quatre semaines par année de référence prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article 7 de la directive.

3. Par suite, la cour administrative d'appel a pu juger à bon droit, ainsi qu'il résulte des termes de son arrêt, que les dispositions de l'article 5 du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat ne sont, en tant qu'elles ne prévoient pas l'indemnisation des congés annuels qu'un agent aurait été, en raison d'un arrêt de maladie, dans l'impossibilité de prendre avant la fin de sa relation de travail, pas compatibles avec les dispositions de l'article 7 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. En revanche, il résulte également de ce qui a été dit au point précédent qu'en condamnant l'Etat à verser à M. A, pour cette raison, une indemnité correspondant à vingt-cinq jours de congés payés qui n'avaient pu être pris du fait d'un arrêt de maladie, alors que l'administration devait faire application de la limite de quatre semaines par année de référence, soit vingt jours de congés, prévue par l'article 7 de la directive du 4 novembre 2003, la cour a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de M. A relatives aux congés non pris au cours de l'année ayant précédé son départ à la retraite.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 16 juin 2020 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de M. A relatives aux congés non pris au cours de l'année 2013.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B A.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 juin 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur.

Rendu le 22 juin 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras

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