Jurisprudence : CAA Bordeaux, 7e, 07-04-2022, n° 20BX00181


Références

Cour administrative d'appel de Bordeaux

N° 20BX00181

7ème chambre (formation à 3)
lecture du 07 avril 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée BH Concept a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1705179 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société BH Concept du complément de taxe sur la valeur ajoutée précité.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2020, et un mémoire, enregistré le 3 mars 2022, celui-ci n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 octobre 2019;

2°) de rétablir la société BH Concept au complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 pour un montant de 264 949 euros.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts🏛 est subordonné à l'existence d'une identité juridique entre l'immeuble acquis et celui revendu ; en l'espèce, le terrain à bâtir revendu a été acquis comme terrain d'assiette d'un immeuble bâti, de sorte que l'identité entre bien acquis et bien revendu n'est pas vérifiée ;

- par ailleurs, les déclarations préalables antérieures à la cession ne décrivent pas précisément les parcelles qui seront créées et les actes postérieurs ont été établis pour les besoins de la cause.

Par un mémoire, en défense, enregistré le 28 juillet 2020, la société BH Concept, représentée par Me Fraignieau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- les terrains en cause constituaient des terrains à bâtir dès leur acquisition par elle ; en effet, tous ces terrains se trouvaient en zone constructible, préalablement à la signature des actes authentiques d'acquisition et avaient fait l'objet de déclarations préalables de division ainsi que de certificats d'urbanisme et de déclarations préalables ; en conséquence, le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge trouvait à s'appliquer ;

- le service a taxé deux fois la même matière imposable en remettant en cause l'application de la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge tout en imposant les opérations aux droits de mutation à titre onéreux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Fraignieau, représentant la SARL BH Concept.

Considérant ce qui suit :

1. La société BH Concept, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service l'a informée, par une proposition de rectification du 30 septembre 2015, de son intention de remettre en cause l'application du régime de la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts🏛 à une vingtaine d'opérations de cessions de terrains à bâtir réalisées entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014.

2. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société BH Concept du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

3. Le I de l'article 257 du code général des impôts🏛 dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010🏛 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code🏛, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

4. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts🏛, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010🏛 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectué ".

5. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.

6. Il résulte de l'instruction que l'intimée a, au cours de la période d'imposition litigieuse, cédé vingt terrains à bâtir et soumis ces cessions à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, régime dont l'application a été remise en cause par le service ainsi qu'indiqué au point 1. Il résulte de l'instruction et notamment des documents joints tant en première instance qu'en appel par la société BH Concept que si ces terrains procèdent de divisions parcellaires, celles-ci ont été autorisées, de manière certaine et suffisamment détaillée, avant leur acquisition par cette société. En conséquence et contrairement à ce qu'affirme le ministre, les terrains vendus par l'intimée doivent être regardés comme ayant revêtu le caractère de terrains à bâtir lors de leur acquisition par cette dernière. Par suite, c'est à tort que l'administration a remis en cause l'application du régime de taxation sur la marge prévu par les dispositions précitées de l'article 268 du code général des impôts🏛 aux opérations dont s'agit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société BH Concept du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : L'État versera à la société BH Concept une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société à responsabilité limitée BH Concept.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.

La présidente-assesseure,

Frédérique Munoz-PauzièsLe président-rapporteur,

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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