Jurisprudence : CA Nîmes, 02-04-2013, n° 12/02146, Confirmation



ARRÊT N°
R.G. 12/02146
SC/CC
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ALES
jugement du 25 avril 2012
Section Encadrement
SCP CUREL & GILLIER
C/
Y
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 02 AVRIL 2013

APPELANTE
SCP CUREL & GILLIER

UZES
comparant en personne, assistée de la SCP MONCEAUX FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN THEVENOT VRIGNAUD, avocats au barreau de NIMES
INTIMÉ
Monsieur Michel Y
Né le ..... à LES SALLES DU GARDON (30110)

SAINT JEAN DU PIN
comparant en personne, assisté de la SCP MASSAL & RAOULT, avocats au barreau d'ALES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS
Monsieur Gilles ROLLAND, Président, et Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civil, sans opposition des parties, et en ont rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur Gilles ROLLAND, Président,
Madame Sylvie COLLIERE, Conseiller
Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller,
GREFFIER
Madame Fatima GRAOUCH, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS
à l'audience publique du 05 février 2013, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 avril 2013
ARRÊT
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Gilles ..., publiquement, le 02 Avril 2013, date indiquée lors des débats.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Michel Y était embauché par la SCP CUREL - GRAPIN SCHNEIDER en qualité de clerc principal d'huissier à compter du 4 juin 2007.
La convention collective applicable est celle des huissiers de justice.
Fin 2009, Maître ... cédait ses parts à Maître ..., la société devenant dès lors la SCP CUREL & GILLIER.
Le salarié était licencié pour cause réelle et sérieuse avec dispense de préavis, par courrier du 20 juillet 2010, ainsi libellé
Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de rupture, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 8 juillet 2010.
En effet, alarmées par vos erreurs répétées et par un relâchement évident dans votre travail, nous avons été amenés à consulter votre poste de travail.
Or l'activité de votre poste, vérifiée sur une période récente, sur laquelle vous ne pouviez qu'être le seul utilisateur et durant vos horaires de travail, démontre que vous passez entre 1 heure et 3 heures de votre temps quotidien à consulter des sites Internet sans lien avec votre travail (tourisme, météo, chasse, séquences humoristiques, sites à caractère pornographique et visionnage de vidéo majoritairement à caractère pornographique).
Outre le coût que cela représente pour notre SCP, vos ' consultations' régulières constituent déjà en soi une cause de rupture.
Mais surtout nous avons pu constater, nonobstant nos remarques répétées faisant d'ailleurs suite à une note de service du 27.01.2010, un relâchement total dans votre travail.
De même, vous avez commis récemment des erreurs incompréhensibles pour un clerc, principal, fut-il consultant assidu des sites internet, à savoir
- erreur sur le titre exécutoire visé dans les actes d'exécution,
- erreur sur les mentions obligatoires des actes dont certaines sont prévues à peine de nullité de droit,
- erreur sur l'identité des requérants ou des requis,
- erreur sur l'application du tarif des Huissiers de justice telle que par exemple, l'application de l'article 20 du Décret du 12.12.1996 aux établissements publics qui en sont pourtant légalement dispensés,
- dossiers traités ces derniers temps avec plusieurs mois de retard,
- saisies-ventes préparées pour des créances d'un montant inférieur au plafond légal (article 82 du Décret du 31.07.1992),
- erreurs quasi-systématiques sur le calcul des intérêts au taux légal ou au taux contractuel,
- omissions quasi-systématiques de diligenter les enquêtes FICOBA et celles auprès de la Préfecture.
Ces erreurs sont d'autant plus incompréhensibles pour un clerc principal, que nous vous avions expressément rappelé vos obligations, dans une note de service en date du 27.01.2010.
Ces faits mettent en cause la bonne marche de notre SCP, et lors de notre entretien du 8 juillet 2010, vous ne nous avez pas fourni d'explications pouvant expliquer un tel relâchement ...'
Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre Monsieur Y saisissait le conseil de prud'hommes d'Alès lequel, par jugement de départage du 25 avril 2012, a
- dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse;
- condamné la SCP CUREL-GILLIER à payer à Monsieur Y la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- débouté les parties de toutes autres demandes ;
- condamné la SCP CUREL-GILLIER à payer à Monsieur Y la somme de 2 050 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la SCP CUREL-GILLIER aux dépens.

Par acte du 16 mai 2012, la SCP CUREL & GILLIER a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par conclusions du 29 octobre 2012, elle demandait la réformation du jugement déféré et en conséquence qu'il soit jugé que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et Monsieur Y débouté de sa demande indemnitaire et condamné à lui régler la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutenait que
- la lettre de licenciement formule des griefs précis, détaillés que l'on peut situer dans le temps, étant précisé que les faits n'ont pas à être datés, seuls sont exigés des griefs matériellement vérifiables ; or il est facile de vérifier si Monsieur Y a récemment consulté des sites internet et s'il a récemment commis des erreurs dans l'établissement des actes à délivrer ; - s'agissant des consultations de sites internet
* il n'est pas reproché à Monsieur Y qui déjeunait à l'étude de consulter des sites internet pendant ses temps de pause ;
* il ne lui est pas non plus reproché des communications ponctuelles mais des communications quotidiennes pendant plusieurs heures au détriment de son travail ;
* il ne peut y avoir aucun doute sur l'auteur des consultations, Monsieur Y utilisant toujours les mêmes poste de travail et bureau ;
- s'agissant des erreurs
* les actes préparés par le salarié qui sont produits aux débats démontrent des erreurs qui ne sont pas de détail ;
* les règles avaient pourtant été rappelées à Monsieur Y par une note de service du 27 janvier 2010 ;
- la dispense de préavis n'avait pas pour objet d'installer immédiatement le remplaçant de Monsieur Y, lequel n'a été embauché que le 27 septembre 2010 ;
- Monsieur Y a retrouvé un travail.
Dans le cadre les écritures qu'il a développées à l'audience, Monsieur Y demandait dans le cadre d'un appel incident que la SCP CUREL & GILLIER soit condamnée à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts supplémentaires au titre des circonstances vexatoires du licenciement, outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il fait valoir que
- la simple lecture de la lettre de licenciement démontre le caractère général, imprécis et approximatif des faits qui lui sont imputés ;
- sur les consultations internet
* il n'est pas précisé les jours et heures des consultations ;
* lors de l'entretien préalable, Maître ... a indiqué qu'en ce qui concerne la connexion internet, elle n'avait rien à lui reprocher ;
* à l'instar du premier juge, la cour constatera que les conditions qui ont présidé à l'établissement des documents censés apporter la preuve des connexions internet, à savoir un constat non contradictoire et non daté de Maître ..., huissier à Nîmes et un rapport d'expertise non contradictoire prétendument réalisé le 18 mai 2010, ne leur confèrent aucune valeur probante ; pour lui être opposable, l'ouverture de son ordinateur aurait dû être faite en sa présence ;
* de plus le rapport d'expertise n'a été porté à sa connaissance qu'en juin 2011 dans le cadre de l'instance prud'homale ;
- sur les fautes professionnelles
* entre mai 2007 et juin 2010, aucune remarque ne lui a été adressée sur l'exécution de son travail ; * il n'est produit aucune plainte de client ;
* sur les 25 actes produits, les plus récents sont du 18 mai 2010, ce qui démontre que si d'aventure, il avait commis des erreurs, il s'était repris près de deux mois avant son licenciement ;
* s'agissant de 13 actes, aucun reproche ne peut lui être adressé ; sur les 12 autres, il s'agit de simples copies et non d'originaux de sorte qu'il n'est pas en mesure de savoir s'ils ont été délivrés en l'état par l'étude ; en tout état de cause, une douzaine de copies de projets d'actes prétendument irréguliers ne peuvent justifier le licenciement d'un clerc présentant 26 ans d'ancienneté ;
- sur le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse il s'est retrouvé au chômage à 47 ans pour la première fois de son existence et n'a pu depuis son licenciement que retrouver un emploi à durée déterminée hors de son statut de cadre ;
- sur les dommages et intérêts supplémentaires il a été licencié pour des motifs attentatoires à l'honneur et à la considération professionnelle ; en outre, l'employeur a estimé devoir le dispenser de l'exécution de son préavis, provoquant son départ immédiat de l'entreprise, ce qui pouvait laisser penser qu'il présentait un danger pour l'étude.
Le 31 janvier 2013, le conseil de la SCP a adressé au conseil de Monsieur Y des conclusions récapitulatives et des pièces nouvelles numérotées 56 à 477.
A l'audience Monsieur Y a demandé que ces dernières pièces et conclusions soient écartées des débats, observant, au visa des articles R1451-1 du Code du travail, 15 et 135 du Code de procédure civile, que
- le calendrier de procédure fixé par la Cour et le principe du contradictoire ont été violés ;
- les 422 pièces nouvelles versées aux débats par la SCP CUREL & GILLIER datent de 2010, sauf quatre d'entre elles, de sorte que cette société était parfaitement en mesure de les produire déjà en première instance et, dans tous les cas au moins un mois avant l'audience devant la Cour, selon le calendrier de procédure fixé.
La SCP CUREL & GILLIER a sollicité que cette demande soit rejetée, soutenant que
- la procédure est orale et que les conclusions peuvent être déposées jusqu'au jour de l'audience, l'écrit n'étant d'ailleurs pas obligatoire ;
- Monsieur Y ne sollicite pas le renvoi.

MOTIFS
Sur l'incident visant au rejet des dernières conclusions et pièces de la SCP CUREL & GILLIER
Le jeudi 31 janvier 2013, de nouvelles conclusions ont été adressées au conseil de l'intimé par courriel et par courrier, en vue de l'audience du mardi 5 février 2013, ajoutant cinq pages nouvelles aux précédentes conclusions de la SCP.
A ces conclusions était annexé un bordereau de pièces visant 422 pièces nouvelles ( de 56 à 477), ces nouvelles pièces ayant été adressées par courrier postal et donc reçues au plus tôt par le conseil de Monsieur Y le vendredi 1er février 2013.
Cette transmission substantielle et volumineuse pour une audience fixée la semaine suivante, entrecoupée d'une fin de semaine, était manifestement tardive et portait atteinte aux droits de l'intimé en l'empêchant de pouvoir prendre connaissance, sans précipitation, des pièces et conclusions et de pouvoir y répondre. De plus, la quasi totalité des pièces nouvelles (soit 418 sur 422) datant de 2010, rien ne justifiait que la SCP CURIEL GILLIER les produise aussi tardivement.
La spécificité de la procédure orale ne saurait être invoquée. En effet lorsque le justiciable est représenté ou assisté par un avocat, ce dernier ne saurait s'affranchir unilatéralement des règles impératives fixées
- d'une part par la Décision du 12 juillet 2007 portant adoption du règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat, pris en application de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, publiée au journal officiel du 11 août 2007,
- d'autre part par le décret 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif à la déontologie de la profession d'avocat, publié au journal officiel du 16 juillet 2005 ;
Le premier de ces textes exige dans son article 5, au titre du respect du principe du contradictoire, que l'avocat
- respecte les droits de la défense et le principe du contradictoire,
- assure la communication mutuelle et complète des moyens de fait, des éléments de preuve et des moyens de droit qui doivent se faire spontanément, en temps utile et par les moyens prévus par les règles de procédure, cette règle s'imposant à l'avocat devant toutes les juridictions, y compris celles où le ministère de l'avocat n'est pas obligatoire et où le principe de l'oralité des débats est de règle,
- mette en oeuvre cette communication des moyens de fait et de droit sous forme soit de notices, soit de conclusions, soit de dossier de plaidoirie ;
De l'article 16 du second texte découlent les mêmes obligations.
Enfin ces prescriptions sont liées à la bonne exécution et à l'effet utile des articles 6 et 7 de la directive 98/5/CE, du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, lesquels déterminent les règles professionnelles et déontologiques applicables dans l'Etat membre d'accueil.
Ainsi l'avocat de la société appelante a méconnu toutes les dispositions précédentes, outre celles des articles 15, 16 et 135 du Code de procédure civile, l'article R1451-1 du Code du travail renvoyant aux dispositions du livre premier du Code de procédure civile.
En cet état, il y a lieu de rejeter les conclusions de la SCP CUREL & GILLIER du 31 janvier 2013 ainsi que les pièces n°56 à 477 communiquées par cette dernière, seule devant être prises en considération les conclusions de l'appelante du 29 octobre 2012 et les pièces n°1 à 55 visées dans le bordereau annexé à ces conclusions.
Sur le bien fondé du licenciement
- Sur le premier grief l'utilisation abusive de la connexion internet à des fins personnelles
La SCP CUREL & GILLIER produit
- un constat de Maître ..., huissier de justice, qui contrairement à ce qui est soutenu par le salarié est en date du 18 mai 2010 (l'erreur sur le millésime, 2000 au lieu de 2010, étant manifestement due à une erreur matérielle) relatant les constatations faites à cette date sur l'ordinateur professionnel de Monsieur Y par Monsieur ..., expert près la cour d'appel d'Aix en Provence, auquel il était imparti la mission de rechercher l'activité internet de cet ordinateur ;
- un rapport d'expertise de Monsieur ... répondant à la mission susvisée, les mentions portées dans cet acte permettant de vérifier que la mission a été exécutée le 18 mai 2010 puis en juin 2010.
Monsieur Y soutient d'abord que ces pièces doivent être écartées au motif que les opérations qu'elles relatent ont été établies hors de sa présence de manière non contradictoire.
Or, les connexions établies par un salarié sur des sites internet pendant son temps de travail grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence.
En l'espèce, il en résulte que les constatations faites à la demande de l'employeur par Maître ... et, à la demande de ce dernier, par Monsieurs DEVILLERS, ne sauraient être écartées au motif qu'elles ont été effectuées hors la présence du salarié.
Par ailleurs, les qualités respectives d'huissier et d'expert judiciaire de Maître ... et de Monsieur ... permettent d'accorder crédit aux constat et rapport d'expertise réalisés, étant à cet égard précisé qu'il n'est pas établi que Maître ... aurait avec Maître ... des liens personnels susceptibles de faire douter de son impartialité.
Sur les autres arguments de Monsieur Y aux fins de voir écarter ces pièces
- les déclarations de Maître ... lors de l'entretien préalable ainsi qu'elles résultent de la transcription qu'en a faite le conseiller du salarié ('en ce qui concerne la connexion internet, je n'ai aucun grief à lui reprocher') doivent être replacées dans leur contexte, à savoir que Maître ..., plus ancienne dans l'étude que son associée Maître ... était interrogée par le conseiller du salarié sur les 'antécédents' de Monsieur Y ;
- il importe peu que le constat et l'expertise n'aient pas été précisément évoqués lors de l'entretien préalable et dans la lettre de licenciement, l'essentiel étant que, d'une part lors de l'entretien préalable, il a été, ainsi qu'il résulte du rapport du conseiller du salarié, donné connaissance à ce dernier du grief relatif aux connexions internet de manière à qu'il puisse s'expliquer, et d'autre part ce grief est très clairement mentionné dans la lettre de licenciement et constitue un motif matériellement vérifiable.
Ainsi c'est à tort que le premier juge a décidé de ne pas prendre en considération ces documents dont l'analyse permet d'établir que l'ordinateur professionnel de Monsieur Y a été utilisé pendant la journée, plus précisément entre 8 heures 30 et 17 heures, pour des connexions internet à des sites relatifs à la presse nationale et sportive, à la réglementation de la chasse et à des sites de vidéos pornographiques
- sur la journée du 26 mars 2010 43 minutes
- sur les journées des 1er, 6, 9, 12, 26 et 30 avril 2010
* le 1er 20 minutes
* le 6 40 minutes
* le 9 22 minutes
* le 26 15 minutes
* le 30 6 minutes
- sur les journées des 4, 6,10, 12, 14, 17 et 18 mai 2010
* le mardi 4 13 minutes
* le jeudi 6 28 minutes
* le lundi 10 37 minutes
* le mercredi 12 45 minutes
* le vendredi 14 pour 1 heure 15 minutes ;
* le lundi 17 pour 2 heures 10
* le mardi 18 pour 42 minutes
soit un total de 8 heures 36 minutes sur la période en cause de moins de deux mois,
étant précisé que
- outre le fait que les sites consultés (chasse notamment) correspondent aux centres d'intérêt de Monsieur Y, les éléments produits permettent d'exclure qu'une autre personne que lui ait utilisé son ordinateur professionnel pour des connexions internet (il n'y a aucune connexion en dehors des heures de bureau, les agendas professionnels établissent l'absence des deux huissiers de l'étude lors de la plupart des connexions ; l'autre salariée était en arrêt pour maladie ou en congés pour une large partie de la période) ;
- le temps passé par l'utilisateur à visionner les vidéos auxquelles le salarié a accédé n'a pu être déterminé ;
- seules les informations relatives aux journées des 14, 17 et 18 mai sont complètes, les données relatives aux journées plus anciennes sont parcellaires, l'expert expliquant dans son rapport qu'au delà d'une dizaine de jours, le volume des informations se dégrade considérablement et que seules les données relatives à l'accès aux sites sont conservées, de sorte que la reconstitution du temps de navigation effectif est incomplète (pages 5 et 12) ;
- la cour a déduit la durée des connexions durant la pause méridienne de Monsieur Y de 13 heures à 14 heures ainsi que la durée de connexion à des sites pouvant avoir un lien avec l'activité professionnelle du salarié ( sociétés-com, info-greffe, service public, sites juridiques, pages jaunes)
Ainsi la durée de consultation de 8 heures 36 sur la période du 26 mars au 18 mai 2010 par le seul Monsieur Y est-elle une durée minimale.
Le grief d'une utilisation abusive d'internet par le salarié pendant ses horaires de travail est donc démontrée sur la période ayant précédé son licenciement, même si les durées annoncés dans la lettre de licenciement apparaissent excessives.
- Sur le second grief les erreurs
Il est mentionné dans la lettre de licenciement une liste d'erreurs exhaustive, commises 'récemment' et plus précisément depuis une note de service du 27 janvier 2010. La nature des erreurs commises est également spécifiée de sorte que les faits sont matériellement vérifiables.
Il est énoncé des
- erreur sur le titre exécutoire visé dans les actes d'exécution et il est produit
* un acte rédigé le 14 mai 2010 mentionnant un titre du 12 décembre 2004 alors que la date exacte est le 12 octobre 2004 ;
* un commandement aux fins de saisie vente rédigé le 11 février 2010 mentionnant seulement une ordonnance de référé du 21 mars 2007 alors que cette ordonnance avait été confirmée par un arrêt de la cour d'appel du 27 novembre 2009 (pièces 23 et 23 bis) ;
- erreur sur les mentions obligatoires des actes dont certaines sont prévues à peine de nullité de droit et il est produit divers actes dont il résulte que
* la contenance du bien immobilier n'est pas mentionnée dans un commandement de payer aux fins de saisie immobilière rédigé le 17 mai 2010 (pièce 33) ;
* la signification rédigée le 27 janvier 2010 ne mentionne pas que l'arrêt a été initialement signifié à l'avoué (pièce 45) en méconnaissance des dispositions de l'article 678 du Code de procédure civile ;
* le commandement aux fins de saisie vente rédigé le 27 janvier 2010 omet de mentionner le créance au titre des dépens ; il appartenait à Monsieur Y si l'avocat mandant n'avait pas communiqué les éléments relatifs aux dépens de les lui réclamer afin d'être en mesure de les porter dans l'acte (pièce 47) ;
- erreur sur l'identité des requérants ou des requis il est produit un commandement de payer aux fins de saisie immobilière préparé par Monsieur Y le 17 mai 2010 en vue d'être délivré à un seul époux alors que l'immeuble saisi était un bien commun (pièce n°33) ;
- erreur sur l'application du tarif des Huissiers de justice telle que par exemple, l'application de l'article 20 du Décret du 12.12.1996 aux établissements publics qui en sont pourtant légalement dispensés il est produit trois actes démontrant cette erreur pièces 42,27,29 (injonction et commandement du 29 janvier 2010 et du 14 mai 2010)
- dossiers traités ces derniers temps avec plusieurs mois de retard les pièces produites ne permettent pas de démontrer ces retards
- saisies-ventes préparées pour des créances d'un montant inférieur au plafond légal (article 82 du Décret du 31.07.1992) et il est produit un procès-verbal de saisie vente rédigé le 22 janvier 2010 alors que compte tenu de son montant, la mesure devait être autorisée par le juge de l'exécution en application de l'article 82 du décret du 31 juillet 1992 (pièce 43)
- erreurs quasi-systématiques sur le calcul des intérêts au taux légal ou au taux contractuel et il est versé aux débats
* un commandement de payer valant saisie immobilière rédigé le 17 mai 2010 (pièce 33) dans lequel le point de départ des intérêts au taux contractuel est erroné ;
* deux commandements aux fins de saisie vente rédigés les 19 février 2010 (pièce 40) et 14 mai 2010 (pièce 28) dans lesquels la majoration des intérêts au taux légal prévue par l'article L313-3 du code monétaire et financier n'a pas été appliquée correctement de sorte que le taux d'intérêt ou le point de départ des intérêts est erroné;
* un commandement aux fins de saisie vente rédigé le 17 mai 2010 mentionnant le taux légal majoré alors qu'il convenait de calculer les intérêts au taux contractuel (pièce n° 35)
* une signification d'un certificat de non paiement d'un chèque rédigée le 17 mai 2010, mentionnant une date de point de départ des intérêts au taux légal (dont l'article L131-52 du Code monétaire et financier fixe le point de départ à la date de présentation du chèque) erronée (pièce 34);
* un commandement aux fins de saisie vente rédigé le 28 mai 2010, acte dans lequel le taux d'intérêt conventionnel n'est pas porté de même que le montant des intérêts conventionnels (pièce 41) étant précisé qu'il n'est aucunement établi que cet acte ait été établi sur les instructions de Maître ...
- omissions quasi-systématiques de diligenter les enquêtes FICOBA et celles auprès de la Préfecture la note du 27 janvier 2010 mentionnait la nécessité d'adresser une requête à FICOBA et à la préfecture dans chaque dossier et en particulier dès l'ouverture du dossier en présence d'un titre exécutoire et quand l'étude est en
possession des date et lieu de naissance des débiteurs il est établi que ces diligences ont été omises dans le dossier 200167/C01/MT (pièce n°23) en février 2010 quelques jours à peine après la diffusion de la note de service ainsi que dans le dossier 200175/C01/MT en mai 2010(pièce 31).
Le grief est donc caractérisé.
Les erreurs ainsi commises, quand bien même ne seraient-elles pas d'une très grande fréquence en proportion du nombre d'actes délivrés ne sont pas admissibles de la part d'un clerc principal expérimenté, puisqu'exerçant ces fonctions depuis plus de vingt ans dans diverses études. Même si la quasi totalité des actes erronés n'a heureusement pas été délivrée parce que Maître ... et Maître ... qui procédaient à un contrôle des actes avant leur délivrance, les ont fait rectifier, il n'empêche que la perte de temps résultant de la nécessité de corriger l'acte et d'en faire établir un nouveau doit être prise en compte.
Ces erreurs doivent être rapprochées de l'utilisation conséquente et à des fins personnelles par le salarié de son ordinateur professionnel pour se connecter à de sites internet. Par exemple entre le 14 et le 18 mai 2010, alors que Monsieur Y a commis huit erreurs lors de l'établissement d'actes, il a passé concomitamment environ quatre heures à naviguer sur internet.
Ainsi, ce comportement de Monsieur Y en ce qu'il traduit son désintérêt et sa désaffection croissants pour son travail justifiait son licenciement, étant précisé que contrairement à ce qu'allègue le salarié, il ne bénéficiait pas d'une ancienneté dans l'entreprise de 26 ans mais de trois ans seulement.
Le jugement déféré sera donc réformé et Monsieur Y débouté de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande indemnitaire liée aux circonstances vexatoires du licenciement
Contrairement à ce que soutient Monsieur Y, les motifs du licenciement étaient réels et sérieux et il ne peut donc alléguer qu'il a été licencié pour des 'motifs attentatoires à l'honneur .. et à la considération professionnelle'.
La brutalité du licenciement n'est par ailleurs pas démontrée, le seul fait que Monsieur Y ait été dispensé d'exécuter son préavis ne la démontrant pas. La SCP CUREL & GILLIER n'a par ailleurs aucune responsabilité dans le fait que Monsieur Y ait été absent de son domicile le samedi 23 juillet 2010 de sorte qu'il n'a pu se voir remettre la lettre de licenciement à cette date et s'est donc présenté à l'étude le lundi 25 juillet 2010 pour apprendre de la bouche de Maître ... qu'il était licencié.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Y de sa demande indemnitaire au titre des circonstances vexatoires du licenciement.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Il convient de réformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SCP CUREL & GILLIER à payer à Monsieur Y la somme de 2 050 euros de ce chef.
En outre, l'équité commande de laisser à la charge de l'employeur les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés en appel.

PAR CES MOTIFS
Écarte des débats les conclusions de la SCP CUREL & GILLIER en date du 31 janvier 2013 et les pièces n° 56 à 477 communiquées par cette dernière ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur Michel Y de sa demande en dommages et intérêts au titre des circonstances vexatoires du licenciement ;
Réforme le jugement déféré sur le surplus ;
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Déboute Monsieur Michel Y de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute Monsieur Michel Y de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Déboute la SCP CUREL & GILLIER de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile au titre de l'appel ;
Condamne Monsieur Michel Y aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur Gilles ..., Président, et par Madame Fatima ..., Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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