Jurisprudence : CA Orléans, 25-03-2013, n° 12/1681, Confirmation



COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE CIVILE
GROSSES + EXPÉDITIONS le 25/03/2013 Me Adeline ...
la SELARL CONSEILS ET SYNERGIES Parquet Général
ARRÊT du 25 MARS 2013 N° - N° RG 12/01615 & 12/1681
DÉCISION ENTREPRISE Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 02 Février 2012

PARTIES EN CAUSE
APPELANTS - Timbres fiscaux 'papier'
Madame Stéphanie Z
née le ..... à ROMORANTIN (41200)

ROMORANTIN
représentée par Me Adeline USSEL, avocat au barreau de BLOIS
timbres fiscaux 'papier' et dématérialisé n° 1265 4124 5100 5044
Madame Jocelyne Y
née le ..... à SANCERRE (18300)

ORSAY
représentée par Me STOVEN, avocat au barreau d'ORLÉANS substituant Me Jean-François MORTELETTE, avocat au barreau de BLOIS
Monsieur Reynald X
né le ..... à SELLES ST DENIS (41300)
16 route de Romorantin
41200 VILLEHERVIERS
représenté par Me Adeline USSEL, avocat au barreau de BLOIS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/004898 du 11/10/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLÉANS)
D'UNE PART
INTIMÉS - Timbre fiscal dématérialisé N° 1265 3957 8548 0149
Maître Gérard W


ROMORANTIN-LANTHENAY
représenté par Me BELGHOUL de la SELARL CONSEILS ET SYNERGIES, avocat au barreau d'ORLÉANS
Timbre fiscal dématérialisé 1265 4233 0187 9489
Madame Sophie V
née le ..... à ROMORANTIN-LANTHENAY (41200)

PARIS
représentée par la SCP DESPLANQUES DEVAUCHELLE, avocats postulants au barreau d'ORLÉANS, assisté de Me Jean-François HERRAULT, avocat plaidant inscrit au barreau de BLOIS
D'AUTRE PART
· DÉCLARATION D'APPEL en date du 30 MAI 2012
· ORDONNANCE DE CLÔTURE du 07 JANVIER 2013.
Dossier régulièrement communiqué au Ministère Public le 21 JANVIER 2013

COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré
· Monsieur Bernard BUREAU, Président de Chambre,
· Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller,
· Madame Elisabeth HOURS, Conseiller.
Greffier
· Mme Evelyne PEIGNE, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS
A l'audience publique du 28 JANVIER 2013, à laquelle ont été entendus Madame Elisabeth HOURS, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT
Prononcé le 25 MARS 2013 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Exposé du litige
Madame Jocelyne Y, épouse Y, est propriétaire, lieudit les Malzeaux, sur la commune de MILLANCAY, d'un terrain boisé cadastré section G numéro 275 qui jouxte la parcelle boisée cadastrée même section numéro 274, propriété indivise de Madame Stéphanie Z et de Monsieur Reynald X.
Ces derniers ont, moyennant le prix de 13.500 euros, signé, le 13 novembre 2010, un compromis de vente de leur bois, d'une superficie de 2 hectares, 48 ares et 82 centiares, au profit de Madame Sophie V, et ont confié à Maître Gérard W, notaire à ROMORANTIN-LANTHENAY, mandat de dresser l'acte authentique de vente.
L'article L 514-1 du code forestier, en vigueur lors de la vente, accordant un droit de préférence aux propriétaires d'une parcelle boisée contiguë à une autre parcelle de même nature d'une superficie totale inférieure à 4 hectares, Maître W a, par lettre recommandée en date du 2 décembre 2010, informé Madame Y du projet de vente en l'avisant qu'elle pourrait exercer son droit de préférence dans le délai de un mois en notifiant sa décision, soit au vendeur, soit à l'office notarial.
Par lettre recommandée, dont l'avis de réception a été signé le 14 décembre 2010 par l'étude de Maître W, Madame Y a informé le notaire qu'elle entendait exercer ce droit.
Cependant, un acte authentique dressé par Maître W le 7 février 2011 a constaté la vente de la parcelle au profit de Madame V.
Le 9 août 2011, Madame Y a assigné les vendeurs, l'acquéreur et le notaire devant le tribunal de grande instance de Blois afin de voir prononcer la nullité de la vente intervenue au profit de Madame V, reconnaître son droit de préférence, déclarer parfaite la vente à son profit ainsi qu'obtenir paiement de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 2 février 2012, le tribunal a prononcé la nullité de la vente litigieuse, condamné in solidum les vendeurs et le notaire à verser à Madame V la somme de 3.100 euros en réparation de son préjudice matériel, celle de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a en outre condamné Maître W à garantir Monsieur X de toutes conséquences dommageables engendrées par cette nullité et, après avoir rejeté les autres demandes des parties, condamné in solidum Monsieur X, Madame Z et Maître W à verser une indemnité de procédure de 3.000 euros à Madame Y ainsi qu'à supporter les dépens de première instance.

Madame Y a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 30 mai 2012. Monsieur X et Madame Z en ayant également interjeté appel le 7 juin suivant, les deux dossiers ont été joints par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 13 août 2012.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées
- le 8 novembre 2012 par Madame Y,
- le 13 novembre 2012 par Madame Z et Monsieur X,
- le 4 janvier 2013 par Madame V,
- le 11 octobre 2012 par Maître W.
La procédure a été communiquée au Ministère Public qui s'en est rapporté à justice.
Madame Y, qui développe les circonstances dans lesquelles son assignation a été publiée, conclut à la confirmation du jugement déféré, hormis en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à voir constater que l'exercice de son droit de préférence rend parfaite la vente à son profit. Elle sollicite par ailleurs condamnation in solidum des vendeurs et du notaire à lui verser 5.000 euros de dommages et intérêts et 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir que la notification de l'exercice du droit de préférence vaut acceptation de l'offre de vente et qu'il convient dès lors de faire application des dispositions de l'article 1583 du code civil en constatant le caractère parfait de la vente à son profit. Elle prétend enfin que les travaux réalisés sur la parcelle par Madame V ne lui permettent plus d'avoir la disposition du bien acquis dans les conditions prévues lorsqu'elle a exercé son droit de préférence, ce qui lui cause un important préjudice.
Monsieur X et Madame Z concluent à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a prononcé la nullité de la vente et débouté Madame Y de sa demande de substitution de propriété au lieu et place de Madame V, et à son infirmation pour le surplus. Ils demandent à titre principal à la cour de déclarer Maître W seul responsable des conséquences dommageables de l'annulation de la vente et ne sollicitent que subsidiairement sa condamnation à les garantir tous deux de toutes condamnations prononcées à leur encontre. Ils sollicitent de plus condamnation du notaire à verser à chacun d'eux 3.000 euros en réparation de leur préjudice financier, 3.000 euros en réparation de leur préjudice moral et 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Ils font valoir qu'ils ont subi un préjudice matériel résultant de l'immobilisation du prix de vente de leur bien et ce alors que Monsieur X perçoit le RSA et que le prix de vente lui était indispensable pour vivre, tandis que Madame Z a dû plusieurs fois s'absenter de son travail à ROMORANTIN pour se rendre aux rendez-vous fixés par le notaire et son avocat. Ils prétendent subir également un préjudice moral résultant notamment du refus de Maître W de les garantir des condamnations prononcées à leur encontre, ce qui les a contraints à se défendre alors que la faute commise par le notaire est manifeste.
Madame V forme appel incident en concluant au mal fondé de l'action en nullité de la vente diligentée par Madame Y faute, pour cette dernière, d'avoir notifié directement au vendeur son droit de préférence conformément aux dispositions de l'article L514-1 du code forestier. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de condamner Maître W à lui verser la somme de 16.055 euros en réparation de ses préjudices et de condamner Madame Y et Maître W à lui verser 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir que, vivant à Paris mais originaire de MILLANCAY, elle avait souhaité acquérir la parcelle litigieuse pour agrandir la propriété de sa famille, en partie constituée de bois contigus à la parcelle vendue. Elle soutient que son père, pouvant bénéficier, tout comme Madame Y des dispositions de l'article L541-1 du code forestier, n'a cependant pas été avisé de la vente par Maître W parce que ses parcelles n'étaient pas alors déclarées boisées sur le cadastre, situation qui a été régularisée en avril 2011 ; que le notaire, qui aurait dû lui donner le conseil de faire acquérir le bois par son père, ce qui aurait évité tout problème, a inexactement indiqué, le jour de la signature de l'acte authentique, qu'aucun des propriétaires contigus n'avait exercé son droit de préférence et qu'elle n'a été avisée de la difficulté qu'un mois et demi après la signature de la vente alors qu'elle avait déjà réalisé de très importants travaux de nettoyage de la parcelle litigieuse en procédant à l'enlèvement d'arbres morts depuis la tempête de 2009 et en nettoyant les allées existantes laissées à l'abandon.
Maître W conclut à l'irrecevabilité de l'appel incident interjeté par les consorts ... en dehors des délais qui leur étaient impartis par le code de procédure civile, à l'irrecevabilité des demandes nouvelles formées par Madame Z qui n'avait pas comparu en première instance, et par Monsieur X. Il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclaré responsable des dommages subis, de dire qu'il n'a commis aucune faute, et de rejeter en conséquence l'intégralité des demandes formées à son encontre en condamnant toute partie succombante à lui verser 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il prétend que, simple rédacteur de l'acte authentique de vente, il ne lui appartenait pas de notifier les conditions de vente de la parcelle, ce qu'il n'a fait que pour satisfaire à son obligation de conseil, et encore moins, en l'absence de tout mandat écrit des vendeurs, de recevoir les notifications des propriétaires des parcelles contiguës entendant exercer leur droit de préférence. Il affirme que Madame Y ne pouvait exercer ce droit qu'en adressant directement sa notification au vendeur, ainsi que lui en fait l'obligation le code forestier, et que Madame V, parfaitement informée avant la vente de la possibilité qu'un droit de préférence soit exercé, et assistée de son propre notaire, ne fait état d'aucun préjudice indemnisable.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Attendu que Madame V ne faisant plus état de l'irrecevabilité des demandes formées par Madame Y, l'argumentation de cette dernière quant à la publication de son assignation n'a pas à être examinée par la cour qui constatera uniquement que la publicité foncière a été réalisée le 22 septembre 2011 ;
- Sur la recevabilité de l'appel interjeté par Monsieur X et Madame Z
Attendu que Maître W soutient que l'appel incident formé par ces parties est irrecevable comme ayant été interjeté hors délai ;
Mais attendu qu'il sera constaté, après que Maître W ait été invité à s'expliquer sur ce point par dépôt d'une note en délibéré, qu'aux termes de l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est seul compétent, jusqu'à son dessaisissement, pour déclarer l'appel irrecevable, et que Maître W est désormais irrecevable à présenter une telle demande devant la cour ;
- Sur la nullité de la vente intervenue au profit de Madame V
Attendu qu'aux termes de l'alinéa 4 de l'article L514-1 du code forestier, tout propriétaire d'une parcelle boisée, contiguë à une autre parcelle boisée d'une superficie de moins de quatre hectares devant être vendue, dispose d'un délai de un mois à compter de la notification du projet de vente 'pour faire connaître au vendeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou par remise contre récépissé, qu'il exerce son droit de préférence au prix et conditions qui lui ont été notifiés' ;
Que contrairement à ce que soutient Madame V, ce texte n'exige nullement que la notification de l'exercice d'un droit de préférence soit faite au vendeur en personne et que ce dernier peut parfaitement être représenté par un mandataire clairement désigné ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1984 du code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire en son nom ;
Que les vendeurs font valoir qu'ils avaient donné mandat à Maître W d'effectuer en leurs noms toutes démarches permettant la signature de l'acte authentique ;
Que Maître W ne saurait prétendre aujourd'hui ne pas avoir reçu ou accepté un tel mandat puisque le courrier qu'il a adressé le 2 décembre 2010 à Madame Y était ainsi rédigé 'Vous disposez d'un délai de un mois à compter de la présente notification pour faire connaître au vendeur ou à l'office notarial, par lettre recommandée avec avis de réception ou par remise contre récépissé, que vous exercez votre droit de préférence aux prix et conditions résultant de la présente notification' ;
Qu'en se présentant expressément comme le mandataire des vendeurs, puisqu'il indiquait à Madame Y qu'elle pouvait lui notifier l'exercice de son droit de préférence, Maître W a clairement accepté le mandat donné par Monsieur X et Madame Z, et que la notification qui lui a été faite par l'appelante de l'exercice de son droit de préférence est parfaitement régulière ;
Attendu que l'article L 514-2 du code forestier applicable en décembre 2010 sanctionne de nullité la vente opérée en violation de l'article L 514-1 du même code ;
Qu'il n'est pas contesté que Madame Y a exercé son droit de préférence dans le délai légal de un mois qui lui était imparti, ce qui rend nulle et de nul effet la vente conclue au mépris de ce droit au profit de Madame V et conduit à confirmer la décision déférée en ce qu'elle a constaté cette nullité ;
- Sur la substitution de Madame Y à Madame V dans la qualité d'acquéreur
Attendu que les dispositions du code forestier applicables en l'espèce prévoient, pour unique sanction d'une vente conclue au mépris du droit de préférence exercé par un propriétaire contigu, la nullité de l'acte de vente, mais non la substitution automatique du titulaire du droit de préférence à l'acquéreur initial ;
Que les dispositions légales qui établissent des privilèges doivent être interprétées restrictivement et que les dispositions du code rural ne créent pas, au profit du bénéficiaire d'un droit de préférence, un droit de préemption faisant perdre au vendeur toute liberté dans le choix de son cocontractant ;
Que si elles reconnaissent, au propriétaire contigu, le droit d'être préféré à tout acquéreur par le promettant, elles ne créent, pour le propriétaire vendeur, qu'une obligation négative de ne pas vendre à un tiers mais non l'obligation positive de vendre au bénéficiaire du droit de préférence ;
Que le vendeur pouvant, sans faute, décider de conserver son bien pour le vendre ultérieurement, la décision attaquée sera également confirmée en ce qu'elle a débouté Madame Y de sa demande tendant à voir juger qu'une vente est définitivement intervenue à son profit ;
- Sur la responsabilité du notaire
Attendu que Maître W prétend que, simple rédacteur de l'acte authentique, il ne lui appartenait pas d'aviser les propriétaires des parcelles contiguës du prix et des conditions de vente du bois appartenant aux consorts ... ou de recevoir notification de l'exercice, par l'un de ces propriétaires, de son droit de préférence ;
Mais attendu qu'il a déjà été ci-dessus rappelé que Maître W s'est lui-même présenté comme le mandataire des vendeurs en invitant Madame Y à lui notifier l'exercice de son droit de préférence ;
Qu'en sa qualité de notaire, il avait par ailleurs l'obligation de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l'efficacité de l'acte auquel il prêtait son concours ;
Qu'il est constant qu'il n'a pas tenu compte du courrier que Madame Y, répondant à son invitation expresse, lui avait adressé et qu'il importe peu que ce courrier ait été perdu ou n'ait pas été classé puisqu'il résulte de l'avis signé le 14 décembre 2010 qu'il a bien été reçu à l'étude du notaire ;
Qu'en ne portant pas à la connaissance des parties à la vente que l'appelante avait exercé son droit de préférence, Maître W a donc violé les obligations dont il était contractuellement débiteur envers Monsieur X et Madame Z et doit être déclaré responsable de l'ensemble des préjudices qu'ils ont subis ;
Que la faute qu'il a commise a engagé sa responsabilité délictuelle envers Mesdames V et Y et qu'il doit, en application de l'article 1382 du code civil, également réparer les éventuels préjudices subis par elles ;
Attendu que le pouvoir de représentation n'impliquant pas nécessairement un lien de subordination, et la responsabilité du notaire étant engagée envers des tiers, non contractuellement mais sur un fondement délictuel, les vendeurs ne peuvent, en application des dispositions de l'article 1384 du code civil, être condamnés in solidum avec Maître W que s'il est démontré ce dernier avait envers eux un lien de subordination ;
Que Maître W a cependant été mandaté par Monsieur X et Madame Z en raison de ses compétences juridiques supérieures aux leurs et était donc totalement libre dans l'accomplissement de la mission qui lui avait été confiée ce qui conduit à retenir que la faute qu'il a commise ne peut engager la responsabilité délictuelle de ses mandants envers Madame V ou Madame Y ;
Que les vendeurs n'ayant quant à eux commis aucune faute personnelle, les demandes indemnitaires formées à leur encontre seront rejetées ;
- Sur les préjudices subis - Par Madame Y
Attendu que l'appelante fonde exclusivement sa demande en paiement de dommages et intérêts sur la réalisation, par Madame V, de travaux sur la parcelle dont elle se prétend elle-même propriétaire ;
Qu'il n'a cependant pas été fait droit à sa demande tendant à voir déclarer parfaite la vente à son profit de la parcelle appartenant à Monsieur X et à Madame Z et que l'appelante, qui ne peut faire état d'aucun préjudice résultant de travaux effectués sur une propriété qui n'est pas la sienne, sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
- Par Monsieur X et Madame Z
Attendu que Maître W demande à la cour de rejeter les demandes formées à son encontre par Madame Z au motif que cette dernière était non comparante en première instance et que ses prétentions sont donc nouvelles en cause d'appel ;
Que, cependant, les demandes de Madame Z constituent des demandes reconventionnelles, lesquelles, en application de l'article 567 du code de procédure civile, sont toujours recevables en cause d'appel ;
Que Maître W ne peut pas plus conclure à l'irrecevabilité des nouvelles demandes indemnitaires formées par Monsieur X puisque ces prétentions ne sont que le complément de celles déjà présentées devant le premier juge, lesquelles tendaient à voir constater la faute commise par le notaire, et qu'en application de l'article 566 du code de procédure civile, ces demandes ne sont pas nouvelles en cause d'appel ;
Attendu qu'il est constant que, si la vente s'était réalisée, que ce soit au profit de l'acquéreur initial ou de Madame Y, les vendeurs auraient bénéficié, dès le mois de février 2011, du versement du prix de 13.500 euros ;
Que Monsieur X et Madame Z n'auraient émis aucune réserve pour vendre leur terrain à Madame Y, alors seule propriétaire d'une parcelle contiguë déclarée au cadastre comme étant boisée, s'ils n'avaient pas déjà conclu une vente authentique avec Madame V ;
Que l'absence d'encaissement des fonds ne résulte dès lors que de la faute commise par Maître W qui a conduit Madame Y à réclamer la vente à son profit tandis que Madame V, qui avait déjà pris possession de la parcelle et y avait réalisé des travaux, s'opposait à cette demande, situation qui n'aurait pas existé si l'exercice du droit de préférence avait été normalement notifié aux parties à la vente ;
Que le préjudice résultant du non versement de 13.500 euros pendant plus de deux années sera indemnisé par le versement, à chacun des vendeurs par Maître W, de 600 euros à titre de dommages et intérêts ;
Que Monsieur X et Madame Z ont également subi un préjudice moral résultant d'une part de l'impossibilité de solder la liquidation de leur indivision, dont Maître W était chargé, d'autre part des soucis résultant de l'obligation de répondre à des demandes complexes émanant de Mesdames Y et V alors qu'ils subissaient, eux aussi, les conséquences de l'erreur commise par le notaire ;
Qu'il convient de condamner Maître W à verser à chacun d'entre eux la somme de 1.000 euros en réparation de ce chef de préjudice ;
- Par Madame V
Attendu qu'il sera tout d'abord relevé que, dans ses dernières écritures déposées le 30 novembre 2011 devant le tribunal, Madame V sollicitait exclusivement, comme elle le fait aujourd'hui devant la cour, condamnation de Maître W à l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices et que la décision déférée ne peut en conséquence qu'être infirmée en ce qu'elle a prononcé condamnation in solidum de Maître W, de Madame Z et de Monsieur X à lui verser des dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de procédure ;
Attendu que Madame V soutient qu'elle a subi un préjudice matériel constitué par la perte de
- 425 euros au titre de trois jours de congés sans solde,
- 2.100 euros au titre des frais notariés de vente,
- 1.000 euros au titre des frais d'agence immobilière,
- 6.000 euros au titre des frais engagés pour nettoyer la parcelle,
- 1.200 euros au titre des frais d'avocat préalables à la procédure en cours et de ses déplacements multiples,
- 330 euros au titre de l'immobilisation du prix d'achat depuis le 7 février 2011,
et affirme avoir souffert en outre d'un important préjudice moral justifiant l'octroi de 3.000 euros de dommages et intérêts ;
Mais attendu que si Madame V justifie des frais notariés et d'agence, qui ne sont pas contestés par Maître W, elle ne verse aux débats aucune pièce permettant de vérifier la perte de salaire qu'elle invoque ;
Que les frais d'avocat et de déplacement dont elle fait état étaient expressément inclus dans la somme qui lui a été allouée par le tribunal sur le fondement des dispositions de l'article 700 et ne peuvent faire l'objet d'une double indemnisation ;
Que, pour démontrer avoir exposé des frais au titre des travaux réalisés sur la parcelle litigieuse, elle ne produit qu'un document ainsi rédigé ' Travaux forestiers effectués dans la sapinière de Melle Sophie V. Emetteur document Monsieur Jean-Claude V. Tronçonnage sapins tombés, déracinés et cassés 175 heures au taux horaire de 30 euros ; Passage tracteur avec gyrobroyeur dans les 4 allées existantes 750 euros. Coût total 6.000 euros' ;
Qu'il résulte de cette pièce que l'intégralité des travaux dont elle fait état a été réalisée par son père, dont elle ne soutient pas qu'il lui a réclamé paiement, et qu'elle n'a donc aucune qualité pour réclamer l'indemnisation d'un éventuel préjudice financier subi par Monsieur Jean-Claude V mais non par elle-même ;
Que, par ailleurs, si Madame V n'a pas obtenu restitution du prix par les vendeurs, c'est uniquement parce que, s'étant toujours refusée à admettre la nullité de la vente, elle n'a jamais réclamé restitution de la somme payée mais a au contraire, tant en première instance qu'en cause d'appel, inexactement soutenu qu'elle était bien propriétaire de la parcelle litigieuse ;
Qu'elle ne saurait dès lors obtenir une indemnisation au titre d'un retard qui lui incombe ;
Attendu enfin que Madame V ne peut prétendre à la réparation d'un préjudice moral résultant de la perte de la propriété de la parcelle litigieuse alors que cette perte n'incombe pas à faute au notaire mais ne résulte que de la décision de Madame Y d'exercer son droit de préférence ;
Qu'elle ne peut pas plus exciper d'un dommage causé par l'absence de notification, à son père, de la vente projetée, puisqu'à supposer que le notaire ait été tenu d'une telle notification à un propriétaire dont le fonds n'était pas signalé, sur le cadastre, comme étant boisé, seul Monsieur Jean-Claude V pourrait solliciter réparation d'un préjudice résultant de cette omission ;
Que le seul préjudice moral subi par Madame V elle-même, qui résulte de la découverte d'une absence d'efficacité de la vente qui lui avait été consentie, de la déception alors ressentie, et de la nécessité de faire face à des soucis et des démarches imprévus, sera entièrement indemnisé par l'allocation d'une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Sur les autres demandes formées par les parties
Attendu que les fautes contractuelles et délictuelles commises par Maître W sont à l'origine de la présente procédure et que ce notaire, succombant seul, il convient d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné Monsieur X et Madame Z, in solidum avec lui, à verser une indemnité de procédure à Madame Y ainsi qu'à supporter les dépens de première instance ;
Qu'il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel au profit de Monsieur X et de Madame Z, mais non au profit des autres parties qui succombent entièrement en leurs appels principal et incidents ;
Que, pour les mêmes motifs de sa faute ayant été exclusivement à l'origine de la procédure, Maître W devra également supporter l'intégralité des dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS
****************
STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DÉCLARE irrecevable la contestation formée par Maître Gérard W quant à la recevabilité de l'appel interjeté par Madame Stéphanie Z et Monsieur Reynald X,
CONFIRME la décision entreprise, hormis en ce qu'elle a condamné in solidum Monsieur X, Madame Z et Maître W
- à verser à Madame V la somme de 3.100 euros en réparation de son préjudice matériel, celle de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- à verser à Madame Y une indemnité de procédure de 3.000 euros,
- à supporter les dépens de première instance,
STATUANT A NOUVEAU de ces seuls chefs,
CONDAMNE Maître Gérard W
- à payer à Madame Sophie V la somme de 3.100 euros en réparation de son préjudice matériel, celle de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- à payer à Madame Jocelyne Y, épouse Y, la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- à supporter les dépens de première instance, Y AJOUTANT,
DÉCLARE recevables les demandes en paiement de dommages et intérêts formées par Monsieur Reynald X et Madame Stéphanie Z à l'encontre de Maître Gérard W,
CONDAMNE Maître Gérard W à payer, d'une part à Monsieur Reynald X, d'autre part à Madame Stéphanie Z, la somme de 600 euros en réparation de leur préjudice matériel et celle de 1.000 euros en réparation de leur préjudice moral,
DÉBOUTE Madame Jocelyne Y, épouse Y, de sa demande tendant au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,
CONDAMNE Maître Gérard W à payer, d'une part à Monsieur Reynald X, d'autre part à Madame Stéphanie Z, la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
DÉBOUTE les autres parties de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE Maître Gérard W aux dépens d'appel,
ACCORDE le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile aux avocats de la cause, hormis à Maître ..., mais y compris à Maître ... pour le cas où, conformément à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991, il renoncerait à l'émolument de l'aide juridictionnelle.
Arrêt signé par Madame ..., Conseiller, pour le Président de Chambre empêché et Madame Evelyne ..., greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT

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