Jurisprudence : Cass. civ. 1, 19-01-2022, n° 20-11.985, F-D, Cassation

Cass. civ. 1, 19-01-2022, n° 20-11.985, F-D, Cassation

A18557KW

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Cass. civ. 1, 19-01-2022, n° 20-11.985, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/77559088-cass-civ-1-19012022-n-2011985-fd-cassation
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Abstract

► Il résulte de l'article 1999, alinéa 2, du Code civil que, s'il n'a pas commis de faute, l'intermédiaire chargé de la vente de parts sociales peut prétendre au paiement des honoraires et de la clause pénale prévus au contrat, dès lors que l'opération a été effectivement conclue, nonobstant le fait qu'une résolution ait été ensuite décidée par les parties à l'acte.


CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022


Cassation partielle


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 52 F-D

Pourvoi n° R 20-11.985


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022


La société Pyxis, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée la société Triactis, a formé le pourvoi n° R 20-11.985 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Opega, société par actions simplifiée,

2°/ à la société Finopega, société par actions simplifiée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Pyxis, de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat des sociétés Opega et Finopega, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2019), la société Triactis, devenue Pyxis, qui exerce l'activité d'intermédiaire dans la cession de sociétés, a reçu mandat de chercher un acquéreur des titres de la société Area Conseil.

2. Elle a proposé cette acquisition à la société Opega, avec laquelle elle a conclu un accord de confidentialité en date du 14 avril 2016, prévoyant le montant de ses honoraires en cas d'acquisition par celle-ci ou par toute personne physique ou morale qu'elle se substituerait.

3. Par convention du 28 décembre 2016, la société Finopega, substituée à la société Opega, a acquis les titres de la société Area Conseil. Cette vente a fait l'objet d'une résolution amiable.

4. La société Triactis a assigné la société Opega en paiement des honoraires et de la clause pénale prévus dans la convention du 14 avril 2016 ainsi que de dommages-intérêts. En appel, elle a assigné la société Finopega en intervention forcée.


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. La société Pyxis fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la condamnation des sociétés Opega et Finopega au paiement de ses honoraires et au titre de la clause pénale, alors « qu'il résulte de l'article 1999, alinéa 2 du code civil🏛 que la rétribution du mandataire n'est pas subordonnée au succès de l'opération entreprise par son intermédiaire et que celui-ci conserve son droit à commission en cas d'annulation ou de résolution, même amiable, de l'opération conclue dès lors qu'il n'est pas établi que celle-ci aurait eu pour cause des manquements imputables au mandataire ; qu'en l'espèce l'article 3 du mandat confié par la société Opega à la société Triactis stipulait expressément une rémunération du mandataire qui ne dépendait pas de la réussite de la vente passée entre le mandant et le vendeur présenté par le mandataire, de sorte que, ladite vente ayant été conclue, la pleine rémunération du mandataire selon les modalités stipulées au contrat était due, sauf faute du mandataire à l'origine de l'échec de l'opération ; qu'en privant néanmoins la société Triactis de la rémunération contractuellement prévue au mandat confié par la société Opega pour la seule raison tirée de la résolution de la vente des titres de la société Area Conseil qui avait été conclue, comme la cour d'appel l'a expressément retenu, grâce à l'exécution dudit mandat, sans rechercher si cette résolution amiable avait pu avoir pour cause une faute du mandataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 1999, alinéa 2, du code civil🏛 :

6. Il résulte de ce texte que, s'il n'a pas commis de faute, l'intermédiaire chargé de la vente de parts sociales peut prétendre au paiement des honoraires et de la clause pénale prévus au contrat, dès lors que l'opération a été effectivement conclue, nonobstant le fait qu'une résolution ait été ensuite décidée par les parties à l'acte.

7. Pour rejeter les demandes de la société Pyxis en paiement de ses honoraires et au titre de la clause pénale, l'arrêt retient que, si le principe du versement d'une commission à cette société a été prévu dans l'accord de confidentialité du 14 avril 2016, selon un pourcentage dégressif en fonction du prix de cession, la résolution amiable de la vente et du transfert d'actions entraîne l'anéantissement de toutes les dispositions de cet accord.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la résolution de la vente était liée à une faute de la société Pyxis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société Pyxis tendant à la condamnation des sociétés Opega et Finopega au paiement de ses honoraires et de la clause pénale, l'arrêt rendu le 4 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne les sociétés Opega et Finopega aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par les sociétés Opega et Finopega et les condamne à payer à la société Pyxis la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president


Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Pyxis.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes de la société Triactis, devenue Pyxis, tendant à la condamnation des sociétés Opega et Finopega au paiement de ses honoraires à hauteur de 85.800 € et au paiement de la clause pénale à hauteur de 8.580 €,

Aux motifs que, sur la résolution du contrat de cession et d'acquisition d'action, si le principe du versement d'une commission à la société Triactis avait été établi dans l'accord de confidentialité du 14 avril 2016, selon un pourcentage dégressif en fonction du prix de cession, la résolution amiable de la vente et du transfert d'actions entraînait l'anéantissement de toutes les dispositions de cet accord de confidentialité ; qu'en effet, la société Opega faisait valoir la résolution amiable du contrat de cession et d'acquisition d'actions entre les sociétés Finopega et Area Conseil entérinée le 7 décembre 2017 ; que les acomptes versés entre juin 2017 et juin 2018 par la société Finopega avaient été remboursés par la société Area Conseil ; qu'il en résultait que la résolution amiable du contrat de cession et d'acquisition d'actions privait de cause les obligations nées de l'accord de confidentialité du 14 avril 2016 entre les sociétés Opega et Triactis, y compris pour la clause pénale, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute,

1°) Alors, d'une part, que les juges du fond sont tenus d'observer le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il ressortait, d'une part, des conclusions récapitulatives des sociétés Opega et Finopega du 9 janvier 2019 (p. 17 et s.) et, d'autre part, de celles de la société Pyxis du 29 août 2019 (p. 9 et s.), le débat n'avait porté que sur l'exécution par la société Triactis de ses obligations et le caractère prétendument excessif des honoraires demandés par celle-ci, sans qu'ait été exposé par les sociétés Opega et Finopega de moyen tiré de la disparition de la cause de l'accord de confidentialité du 14 avril 2016 par l'effet de la résolution amiable du contrat de cession et d'acquisition ; qu'en retenant toutefois un tel moyen qui n'était pas dans le débat sans en avoir préalablement informé les parties et invité celles-ci à faire part de part de leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du code de procédure civile🏛, ensemble l'article 4 du même code🏛,

2°) Alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 1999, alinéa 2 du code civil🏛 que la rétribution du mandataire n'est pas subordonnée au succès de l'opération entreprise par son intermédiaire et que celui-ci conserve son droit à commission en cas d'annulation ou de résolution, même amiable, de l'opération conclue dès lors qu'il n'est pas établi que celleci aurait eu pour cause des manquements imputables au mandataire ; qu'en l'espèce l'article 3 du mandat confié par la société Opega à la société Triactis stipulait expressément une rémunération du mandataire qui ne dépendait pas de la réussite de la vente passée entre le mandant et le vendeur présenté par le mandataire, de sorte que, ladite vente ayant été conclue, la pleine rémunération du mandataire selon les modalités stipulées au contrat était due, sauf faute du mandataire à l'origine de l'échec de l'opération ; qu'en privant néanmoins la société Triactis de la rémunération contractuellement prévue au mandat confié par la société Opega pour la seule raison tirée de la résolution de la vente des titres de la société Area Conseil qui avait été conclue, comme la cour d'appel l'a expressément retenu, grâce à l'exécution dudit mandat, sans rechercher si cette résolution amiable avait pu avoir pour cause une faute du mandataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir limité la condamnation solidaire des sociétés Opega et Finopega à payer à la société Triactis à la somme de 40 0000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2016,

Aux motifs que, sur l'indemnisation du préjudice lié à la résolution du contrat de cession et d'acquisition d'actions, les obligations à la charge de la société Triactis justifiaient le versement d'une indemnité ; que l'accord de confidentialité du 14 avril 2016 avait en effet prévu l'obligation pour la société Triactis de mettre à la disposition de la société Opega les éléments d'informations « écrites » ou « orales » (techniques, sociales et économiques), le « contexte » et « toutes autres informations communiquées à la demande », dans un cadre de stricte confidentialité ; que, de ce point de vue, la société Triactis justifiait avoir transmis à la société Opega le dossier de présentation de la société Area Conseil n° 23115, outre des informations portant notamment sur la baisse prévisible de 48 % du chiffre d'affaires de la société Area Conseil en 2016 et le départ de salariés, sur lesquelles sa responsabilité ne pouvait être engagée en cas d'inexactitudes ; que toutefois, l'obligation de trouver un repreneur, acceptée par la société Triactis dans l'accord de confidentialité, n'avait été qu'en partie remplie ; que la conclusion du mandat-vendeur le 18 avril 2016 entre les sociétés Triactis et Area Conseil, puis celle de la lettre d'intention des 27 juillet 2016 et 23 août 2016 entre les sociétés Opega et Area Conseil, avaient certes permis la vente et le transfert d'actions le 28 décembre 2016 mais avaient donné lieu à de sérieuses critiques qui avaient entraîné la résolution amiable du contrat de cession et d'acquisition le 7 décembre 2017 ; que l'indemnité serait fixée en tenant compte également de l'émission d'une facture de 64 350 euros HT le 19 décembre 2016 par la société Triactis, de l'accord des parties, entériné le 19 juin 2018, pour le paiement de la somme de 51 372 euros à la société Triactis, outre la dernière proposition de la société Opega de verser un montant se situant entre 0,5 % et 2 % du prix de cession, soit entre 7 200 euros TTC et 28 800 euros TTC ; qu'au vu de ces éléments, la société Finopega serait condamnée à payer, solidairement avec la société Opega, à la société Triactis la somme de 40 000 euros au titre de son préjudice lié à la résolution amiable, avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2016,

Alors que le mandataire doit être indemnisé du préjudice causé par l'annulation ou la résolution, même amiable, de l'opération conclue par son entremise, dès lors qu'il n'est pas établi que celle-ci aurait eu pour cause des manquements qui lui seraient imputables ; qu'à cet égard les juges du fond ne peuvent s'affranchir de caractériser en détail, et en mettant en évidence les éléments de fait du dossier qu'ils retiennent, une telle faute qu'ils retiennent à la charge du mandataire qui aurait été à l'origine de l'échec de l'opération ; qu'en l'espèce, pour déterminer l'indemnisation due à la société Triactis, la cour d'appel s'est bornée à retenir à la charge de celle-ci « de sévères critiques » affectant la conclusion du contrat de ventre avec la société Area Conseil portant sur l'exécution par celleci de son obligation qui aurait été à l'origine de la résolution amiable de la vente conclue par son intermédiaire, sans caractériser ni la nature ni l'étendue de telles critiques ni le lien de causalité entre celles-ci et la résolution amiable de la vente, ni davantage préciser les éléments qui lui avaient permis de retenir celles-ci ; qu'elle a donc privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil🏛 devenu 1231-1 du même code🏛, ensemble l'article 2000 du même code🏛.
Le greffier de chambre

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