Jurisprudence : TGI Nanterre, 2e, 21-10-2011, n° 11/07214






TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE

2ème Chambre

JUGEMENT RENDU LE 21 Octobre 2011



N° R.G. : 11/07214

2ème CH

MINUTE N°

AFFAIRE

Comité d’Etablissement

d’Auneau de la société

ETHICON, La Fédération Nationale de la Pharmacie Force Ouvrière, Syndicat UNSA Chimie Pharmacie

S.A.S ETHICON




DEMANDERESSES

Comité d’Etablissement d’Auneau de la société ETHICON

63 rue de la Résistance

28702 AUNEAU

La Fédération Nationale de la Pharmacie Force Ouvrière

7 passage Tenaille

75014 PARIS

Syndicat UNSA Chimie Pharmacie

21 rue jules Ferry

93170 BAGNOLET

représentées par la SCP TOUBHANS - D’HIEUX-LARDON - CHAPUT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0304, postulant

et la SELARL BRUN, avocats au barreau de REIMS, plaidant

DEFENDERESSE

A B

… … … …

… … … …

représentée par le Cabinet Hogan Lovells (Paris) LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : J033




L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2011 en audience publique devant le tribunal composé de :

Claire LACAZE, Président

Claire BOHNERT, Vice-Présidente

Michèle CHOPIN, Juge

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Emilie CECIL

JUGEMENT

prononcé publiquement, en premier ressort par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal

1

=




EXPOSÉ DU LITIGE

La société Ethicon est spécialisée dans la production de matériel médico-chirurgical, et plus particulièrement de prothèses et de sutures chirurgicales sur le site d’Auneau, elle emploie 363 salariés dont 80 % sont des ouvriers qualifiés.

La société commercialise en outre différentes gammes de produits médicaux du groupe Aa & Aa auquel elle appartient, (118.700 salariés) à partir de l’établissement d’Issy- les-Moulineaux où elle emploie plus de 550 salariés.

Le groupe Aa & Aa affiche 76 années consécutives de croissance des ventes, 47 années consécutives d’augmentation du dividende, 25 années consécutives de hausse du bénéfices par action ajustés.

A partir du 21 juin 2010 le CCE a été saisi d’un projet de fermeture de l’usine d’Auneau, devant la carence du CCE, le CE a désigné le 25 octobre 2010 le cabinet Syncea pour l’assister.

Aux termes du rapport d’expertise Syncea la note économique présentée par la direction Ehicon ne présente aucune donnée concernant l’avenir.

L'expert relève qu’il n’y a pas de difficultés économiques : pas de pertes financières, de surendettement, pas de résultats déficitaires, pas de baisse de la rentabilité de l’entreprise. Il n’y a pas non plus de mutations technologiques permettant à l’employeur d'adapter et d’anticiper des changements. S’il est vrai que l’employeur estime qu’en regroupant les productions sur un nombre plus limité de sites utilisant des technologies similaires cela va entraîner des baisses de coûts de production, il ne démontre pas qu’il y ait une menace sur la compétitivité de l’entreprise. L’expert insiste, le besoin de sauvegarder la compétitivité L ste de l’entreprise n’est pas démontré, tout au plus l’objectif de l’entreprise est-il de conserver ses parts de marché.

L'expert relève que le groupe Aa & Aa a un très haut niveau de performance dont tous les résultats nets ne cessent de progresser, Il en est de même pour la franchise Ethicon en zone EMA. L’environnement concurrentiel est favorable à Ethicon. Le marché de la suture reste correct malgré une baisse sur les 9 premiers mois de 2010. Après une diminution de la production du site d’Auneau en 2009, il est constaté un redressement en 2010 avec un recul du coût unitaire.

Le fermeture du site entraînera la suppression de 363 emplois existants ct le transfert de la production vers d’autres sites industriels notamment aux Etats-Unis, au Brésil ctau Mexique,

L'expert relève enfin que le site français est pénalisé par les choix d’investissements du groupe, que le group ne cherche qu’à dégager du cash supplémentaire pour investir ailleurs.

En conclusion l’expert retient que si la fermeture du site va permettre de réaliser des économies, il n’est pas justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur. Il n’y a pas de motif économique.




MOYENS ET DEMANDES DES PARTIES

Le comité d’établissement d’Auneau, la fédération nationale de la pharmacie FO, le syndicat UNSA chimie-pharmacie ont par assignations en date des 1” et 10 juin 2011 , ( recours 11/7214 et 11/7607) auxquelles il convient de se reporter pour plus ample informé, fait citer la société Ethicon SAS afin de voir juger :

- qu’il n’existe aucune cause économique permettant l’engagement d’une procédure de licenciement économique collectif ct un PSE

- que le PSE est gravement insuffisant au regard des facultés économiques et financières tant de la société Ethicon, que du groupe Aa & Aa

- que la procédure est gravement irrégulière

En conséquence :

- annuler la procédure de licenciement économique tant devant le CCE que le CE depuis les 22 et 25 octobre 2010, ainsi que tous actes subséquents

- subsidiairement en l’absence de toute cause économique, constater l’impossibilité de mettre en oeuvre tant le projet de cessation de l’activité de l’établissement d’Auneau intitulé “navigator” que le projet de licenciement économique collectif en découlant ou encore le PSE

A défaut ordonner la suspension de cette procédure de licenciement sous astreinte de 10.000€ par jour de retard.

Condamner la société Ethicon à payer aux requérants la somme de 15.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Ethicon SAS, par conclusions en date du 9 août 2011, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, fait valoir que la validité de la procédure de licenciement économique au titre de l’article L.1235-10 du code de travail ne s’apprécie pas au regard du motif des licenciements envisagés ; subsidiairement estime que le motif économique est établi et qu’il n’y a pas lieu à annulation ; que le PSE est valable et la procédure régulière.

A titre reconventionnel la société Ethicon demande qu’il soit jugé que l'information reçue par le CE d’Auneau est suffisante et que la procédure est clôturée malgré l’absence d’avis, de même que pour le PSE.

A titre subsidiaire, fixer la dernière date de réunion qui s’imposerait sous quinzaine à compter du prononcé du jugement aux fins de recueillir l’avis du CE d’Auneau.

Condamner le CE à lui payer la somme de 3.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.




MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L.1233-3 du code du travail dispose que “ Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou d'une transformation d'emploi, ou d’une modification refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L.1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au premier alinéa”

Les demandeurs soutiennent que la société Ethicon ne pouvait engager de procédure de licenciement économique collectifet un PSE, en l’absence de toute cause économique, La société Ethicon considère de son côté que le défaut de motif économique ne constitue pas un chef de nullité du PSE, qu’il n’y a pas de nullité sans texte.

It ressort du rapport d’expertise du cabinet Syncea et non contesté en défense que la société Ethicon ne connaît pas de difficultés économiques, qu’elle s’insère dans un groupe Aa & Aa qui est florissant et dont les bénéfices ne cessent de croître depuis de très nombreuses années.

Ce même rapport considère que la compétitivité de l’entreprise n’est pas menacée, que les considérations de l’entreprise sur la sauvegarde de cette compétitivité en raison de l’évolution du marché des sutures n’est pas pertinente dans la mesure où la production du site d’Auneau va être délocalisée ct non supprimée, que les pertes de marché avancées relèvent d’une politique des prix et des investissements qu’il appartient à l’entreprise d’ajuster.

Ainsi les conditions posées par l’article L.1233-3 du code du travail pour le déclenchement d’un licenciement collectif pour motif économique ne sont pas réunies.

Il convient par ailleurs de constater que l’article L.1235-10 du code du travail dispose que la procédure de licenciement pour motif économique est nulle tant qu’un plan de reclassement des salariés s’intégrant au plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas présenté par l’employeur.

En l’absence de motif économique qui conditionne la mise en oeuvre d’un plan de licenciements, et son fondement légal, il ne peut être sérieusement soutenu qu’il ne pourrait être statué que sur la validité du plan, alors que la réalité du motif économique fait défaut. Le motif économique est la condition nécessaire à la mise en oeuvre d’un plan de licenciements. Il appartient donc au juge de contrôler la légalité de la procédure suivie.

En l’occurrence la compétitivité de l’entreprise n’est pas menacée, comme relevé par l’expert, ainsi en l’absence de motif économique, il ya lieu de considérer que la procédure suivie est nulle et de nul effet.

Les demandeurs ont engagé des frais et honoraires pour assurer leur défense, il leur scra alloué la somme de 7.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Ethicon qui succombe sera déboutée en toutes ses demandes.




PAR CES MOTIFS

Joint les recours 11/7214 et 11/7607

Dit que la procédure de licenciement collectif engagée par la société Ethicon depuis 22 et 25 octobre 2010 n’est pas fondée sur un motif économique.

Annule la procédure de licenciement économique tant devant le CCE que le CE depuis les 22 et 25 octobre 2010, ainsi que tous actes subséquents.

Condamne la société Ethicon à payer aux demandeurs conjointement la somme de 7.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société Ethicon en toutes ses demandes.

Ordonne l’exécution provisoire.

Condamne la société Ethicon aux dépens.

Prononcé par remise au greffe le 21 octobre 201 1.

Signé par Mme Claire Lacaze, président et par Mme Emilie Cécil greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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