Jurisprudence : Cass. crim., 27-09-2011, n° 10-88.499, F-D, Rejet



No B 10-88.499 F D No 5373
SH 27 SEPTEMBRE 2011
REJET
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept septembre deux mille onze, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M. le conseiller ..., les observations de Me ..., de la société civile professionnelle ODENT et POULET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ... ;

Statuant sur le pourvoi formé par
- M. Abbas Z,
- Mme Abbas Z,
- M. Abdelkader Z,
- M. Houcine Z,
- M. Salim Z, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 3 septembre 2010, qui, dans l'information suivie contre M. Olivier De ..., M. Yann ... et M. Ludovic ... des chefs de violences aggravées et violences ayant entraîné une infirmité permanente, commises en réunion, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
I - Sur la recevabilité, contestée en défense, du pourvoi en ce qu'il est formé par M. Salim Z
Attendu que M. Salim Z n'a pas interjeté appel de l'ordonnance de non-lieu ;
Attendu qu'ainsi, n'ayant pas été partie à l'instance d'appel, le demandeur n'avait pas qualité pour se pourvoir en cassation ;
D'où il suit que le pourvoi n'est pas recevable en ce qu'il est formé par ce demandeur ;
II - Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par M. Abbas Z, Mme Abbas Z, M. Abdelkader Z et M. Houcine Z
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 222-9, 222-10, 222-11, 222-12 du code pénal, 184, 206, 575, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de non-lieu soulevée par le demandeur ;
"aux motifs que le conseil des parties civiles demande l'annulation de l'ordonnance de non-lieu au visa des articles 184 et 802 du code de procédure pénale, en raison de ce que cette ordonnance serait un simple copier-coller du réquisitoire définitif du parquet ; qu'il résulte des dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale qu'" en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles ", la nullité ne peut être prononcée " que lorsque celle-ci a eu pour effet déporter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne " ; en l'espèce, que la partie civile ne subit aucun grief du fait des nullités de l'ordonnance de règlement qu'elle allègue, puisqu'à raison même de son appel elle a eu la faculté de faire valoir contradictoirement ses prétentions devant la chambre de l'instruction, laquelle est saisie de l'intégralité de la procédure et dispose du pouvoir d'évocation et de statuer à nouveau sur le fond ; qu'il convient, par conséquent, de dire n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance entreprise ;
"alors qu'une ordonnance de non-lieu ne peut être motivée par la reproduction à l'identique des réquisitions du parquet qui est partie à la procédure ; que pareil procédé est en soi incompatible avec les exigences d'impartialité du juge et du procès équitable sous le rapport en particulier du principe de motivation" ;

Attendu que les parties civiles ne sauraient se faire un grief de la motivation de l'ordonnance de non-lieu dès lors qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la chambre de l'instruction lui a substitué ses propres motifs ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, des articles 222-9, 222-10, 222-11, 222-12 du code pénal, 575, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu à suivre pour insuffisance de charges au profit de MM. ..., ... ... et ... ;
"aux motifs que sur la demande de contre-expertise que le juge d'instruction n'a été saisi d'aucune demande d'acte après qu'il ait notifié l'article 175 du code de procédure pénale ; que la dernière expertise diligentée a été établie par un collège de quatre experts aux spécialités complémentaires, qui ont tous assisté à la reconstitution extrêmement longue (plus de huit heures) et minutieuse à laquelle a procédé le juge d'instruction, au cours de laquelle ils ont vu l'ensemble des acteurs des événements en cause refaire à plusieurs reprises les gestes qu'ils ont décrits, et ce en prenant en compte les différentes versions des uns et des autres ; qu'une autre expertise qui ne reprendrait pas ces conditions d'exécution n'aurait pas d'intérêt véritable pour la manifestation de la vérité ; qu'il n'est ni utile ni envisageable de réitérer une reconstitution aussi complexe qui a déjà eu lieu, sans donner lieu à critique quelconque de la part des différents intervenants à la procédure ; qu'au plan médical, les parties civiles n'apportent aucune contradiction scientifiquement étayée de nature à contrecarrer les conclusions du collège expertal, se bornant à des affirmations selon lesquelles le préjudice gravissime subi par M. Abdelkader Z (que nul ne conteste) trouverait nécessairement son origine dans les conditions de son interpellation ; que cette demande, non étayée, sera donc rejetée ; que sur les violences en cause que ne sont répréhensibles, lorsqu'elles sont commises par des agents de la force publique ou des personnes chargées d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions ou missions, que les violences qui peuvent être qualifiées d'illégitimes, c'est-à-dire excédant celles qui sont rendues strictement nécessaires par le comportement de la personne à l'égard de laquelle elles sont exercées ; que l'interpellation initiale de M. Abdelkader Z se trouvait justifiée par le comportement menaçant et insultant qu'il a adopté à l'égard de l'agent Mme Stéphanie ... ; qu'après avoir été dans une première phase interpellé dans des conditions n'appelant, selon tous les témoignages recueillis, aucune critique et ramené sans difficulté devant la gare, M. Abdelkader Z s'est brusquement énervé et a violemment frappé au bras l'agent de la SUGE se trouvant à ses côtés, en la personne de M. Yann ... ; qu'il ne s'est pas, de l'avis des personnes présentes, agi d'un acte involontaire, mais bien d'un acte agressif volontairement exercé ; qu'à partir de cet instant, l'intervention des agents de la SUGE visant à le neutraliser se trouve suffisamment justifiée, sous réserve qu'elle ait eu lieu dans des conditions adaptées ; que l'état d'énervement, la carrure et la corpulence particulières de M. Abdelkader Z nécessitaient une intervention collective de nature à l'immobiliser afin d'assurer la sécurité des différents intervenants, s'agissant de surcroît d'une personne apparue comme alcoolisée et dont les réactions pouvaient à juste titre être jugées imprévisibles ; que cette opération apparaît avoir été plus musclée que ne l'admettent les agents de la SUGE, lesquels ont décrit une intervention "école" relevant de l'idéal théorique et apparaissant "trop parfait" et non conforme à la réalité aux yeux des autres intervenants à l'action, qui décrivent une scène plus rapide que l'amenée au sol en trois temps bien distincts décrits par M. Yann ... ; que plusieurs personnes décrivent un coup de genou porté à M. Abdelkader Z par M. Yann ... dans l'action, ce que ce dernier dément de même que les autres agents de la SUGE ; que cependant seuls certains des policiers en font état, non sans certaines nuances, l'un évoquant une "technique de diversion" qui n'avait pas été faite méchamment mais pour aplatir au sol son adversaire et le maîtriser, tout en soulignant la force assez conséquente qu'il était nécessaire d'exercer pour amener au sol un individu très énervé et sous l'emprise de l'alcool, l'autre évoquant "limite une technique de combat", que d'autres policiers n'évoquent aucun coup mais font état d'une amenée au sol plus ferme que ne l'évoquent les mis en examen ; qu'en tout cas, aucun intervenant ne soutient que ce coup serait postérieur au menottage ; qu'au final, une incertitude demeure, tant quant à la réalité de ce coup que quant à son caractère volontaire ; sur le lien de causalité entre l'interpellation et les blessures de M. Abdelkader Z ; que M. Abdelkader Z a été, de l'avis général, chargé "en bon état" dans le véhicule de police dès le menottage effectué et après qu'il ait été relevé ; que ni sa position dans le véhicule, ni la rapidité du trajet ne permettent de retenir l'éventualité d'une quelconque violence à son égard durant cette phase des événements ; que les premiers signes de malaise se sont manifestés durant ce bref trajet d'une durée n'excédant pas deux minutes ; que, dès son arrivée au commissariat, son état de santé s'était dégradé au point de vomir, de ne plus pouvoir marcher et de devoir être emmené, les jambes traînantes, jusque dans les locaux de garde à vue où les secours ont été très rapidement appelés ; que les blessures amenant son état n'ont pu se produire à ce stade ; que les experts ont analysé avec précision chacune des phases de l'action d'interpellation, leur durée et l'état médical de la victime tel que décrit par les différents intervenants ; que les reconstitutions des scènes d'amenée au sol selon les versions des différents policiers s'avèrent quasi identiques lors de leur exécution ; qu'en reprenant toutes les descriptions des gestes de chaque intervenant selon les différentes versions, et en retenant les hypothèses les plus défavorables aux agents de la SUGE en cause, ils ont pu constater que dans aucune des actions reconstituées, la tête de la personne interpellée ne heurtait le sol ; que le coup de genou porté, à le supposer réel et effectif, aurait impacté la région crânio-faciale droite ; que, porté dans les conditions de position et d'action telles que décrites, le coup de genou n'aurait été de nature à produire qu'un impact de faible puissance ; que les gestes effectués ne peuvent expliquer les lésions intracrâniennes constatées, et en particulier la fracture du crâne côté gauche, ces lésions ne pouvant être que la résultante d'un très violent traumatisme, sans commune mesure avec l'analyse de la reconstitution ; que leurs conclusions sont très claires, puisqu'ils affirment sans ambiguïté que "les déclarations et versions des mis en examen comme des témoins ainsi que la reconstitution des différentes versions ne sont à aucun moment compatibles avec les constatations médico-légales quant à la nature et/ou la gravité des lésions décrites" ; qu'ils qualifient très clairement la survenue de la fracture lors des événements survenus à la gare ou au commissariat de peu probable, voire impossible ; que le revirement de position des experts, critiqué par les parties civiles qui n'apportent cependant aucune contradiction médicale à cette analyse, est longuement justifié par les éléments d'appréciation qu'ils ont pu tirer de la reconstitution de l'ensemble des versions, à laquelle ils ont assisté ; que l'ensemble des éléments médicaux qu'ils ont pu constater apparaît être de nature à rendre plausible l'existence d'un traumatisme antérieur, dont les manifestations mettent du temps à apparaître et qui résultent d'une compression croissante et progressive d'un hématome sous-dural sur l'encéphale pouvant avoir été bien tolérée durant quelques heures ; que les constatations antérieures, dans l'après-midi, de son état physique sont de nature à accréditer cette éventualité ; que le délai d'apparition des symptômes est en lui-même incompatible avec la rapidité du délai ayant existé entre l'interpellation et ces premières manifestations, trop immédiates pour pouvoir être reliées à cette intervention ; qu'aucune investigation autre que celles effectuées n'apparaît être de nature à établir les circonstances dans lesquelles les blessures dont souffre M. Abdelkader Z ont été occasionnées ni quel pourraient en être le ou les auteurs ; que l'information, qui apparaît complète, n'a pas permis d'établir à rencontre de M. Yann ..., M. Olivier De ... et M. Ludovic ..., ni contre quiconque, de charges suffisantes d'avoir commis le crime de violences volontaires en réunion ayant entraîné une infirmité permanente, ni le délit de violences volontaires avec incapacité totale de travail pendant plus de huit jours par personnes chargées d'une mission de service public, en réunion, dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif ; que c'est à juste titre qu'a été rendue l'ordonnance de non-lieu critiquée, qu'il convient de confirmer ;
"alors que la protection de la liberté individuelle et de l'intégrité physique des citoyens impose de la part de l'autorité judiciaire, qui en est constitutionnellement la gardienne, un contrôle effectif des conditions d'arrestation d'une personne se plaignant d'un recours disproportionné à la force par les agents de l'Etat ainsi que du lien de causalité entre les lésions présentées par celle-ci et les agissements des agents incriminés ; que font un usage illégitime de la force et commettent des violences en lien direct avec les fractures crâniennes constatées sur la victime les agents qui, dans le cadre d'une arrestation, procèdent à trois à un plaquage brutal au sol sans accompagnement avant, pour l'un d'entre eux, de porter sciemment un premier coup de genou à la tête de l'interpellé suivi d'un second coup manqué du seul fait d'une intervention extérieure ; qu'en l'état des témoignages concordants des policiers ayant assisté à l'arrestation mettant en cause l'usage disproportionné de la force par les agents poursuivis et des conclusions constantes des experts médicaux se prononçant en faveur d'un lien de causalité direct entre les actes de violence des agents et les blessures de l'exposant, en retenant que demeurait une incertitude quant à la réalité et au caractère volontaire du coup porté et en se contentant de faire siennes les conclusions d'un ultime rapport d'expertise évoquant de pures conjectures prises de l'hypothèse de coups reçus par la victime avant l'intervention des services tout en reprochant à la partie civile de ne pas en rapporter la preuve contraire, la chambre de l'instruction a refusé d'opérer le contrôle effectif et approfondi exigé par les principes susvisés et s'est déterminée seulement par des considérations inopérantes sinon illusoires, en flagrante violation des textes et principes susvisés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par les parties civiles appelantes, a exposé, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le crime de violences ayant entraîné une infirmité permanente, en réunion, le délit de violences aggravées, ni toute autre infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs
I - Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par M. Salim Ghedir Le Z Z ;
II - Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par les autres demandeurs
Le REJETTE ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentée par M. Abbas Z, Mme Abbas Z, M. Abdelkader Z et M. Houcine Z ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Louvel président, M. Finidori conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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