Jurisprudence : CEDH, 07-06-2007, Req. 71362/01, SMIRNOV c/ RUSSIE

CEDH, 07-06-2007, Req. 71362/01, SMIRNOV c/ RUSSIE

A0450NPD

Référence

CEDH, 07-06-2007, Req. 71362/01, SMIRNOV c/ RUSSIE. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/26078840-cedh-07062007-req-7136201-smirnov-c-russie
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PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE SMIRNOV c. RUSSIE

(Requête n° 71362/01)

ARRÊT

STRASBOURG

7 juin 2007

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l'affaire Smirnov c. Russie,

La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Christos Rozakis, président,

Anatoly Kovler,

Elisabeth Steiner,

Khanlar Hajiyev,

Dean Spielmann,

Sverre Erik Jebens,

Giorgio Malinverni, juges,

et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 mai 2007,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (n° 71362/01) dirigée contre la Fédération de Russie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Mikhaïl Vladimirovitch Smirnov (" le requérant "), a saisi la Cour le 27 novembre 2000 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (" la Convention ").

2. Le gouvernement russe (" le Gouvernement ") est représenté par son agent, M. P. Laptev, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des Droits de l'Homme.

3. Dans sa requête, M. Smirnov se plaignait en particulier d'une perquisition effectuée à son domicile et au cours de laquelle son ordinateur avait été saisi. Il y voyait une violation de son droit au respect de son domicile et de son droit au respect de ses biens. Il alléguait par ailleurs qu'il n'existait en droit interne aucun recours effectif au travers duquel il eût pu faire valoir ce grief.

4. Par une décision du 30 juin 2005, la Cour a déclaré la requête partiellement recevable.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1956 et réside à Saint-Pétersbourg. Avocat de profession, il était au moment des faits membre du barreau de Saint-Pétersbourg.

A. La perquisition effectuée au domicile du requérant

6. Le 20 janvier 1999, le parquet de Saint-Pétersbourg ouvrit une enquête pénale contre M. Ch., M. G. et quinze autres personnes soupçonnées d'être les membres fondateurs et actifs d'une entreprise criminelle organisée et d'avoir commis diverses infractions graves. L'affaire portait le numéro 7806.

7. Le 7 mars 2000, M. D., enquêteur au service de la grande délinquance du parquet, émit un mandat de perquisition ainsi libellé :

" Compte tenu du fait qu'il pourrait se trouver au domicile [du requérant], sis [adresse du domicile du requérant], des objets et documents présentant un intérêt pour l'enquête pénale [menée dans le cadre de l'affaire n° 7806], j'ordonne une perquisition sur les lieux, à savoir au [adresse du domicile du requérant], où [le requérant] a son domicile permanent, ainsi que la saisie des objets et documents trouvés au cours de la perquisition. "

8. Le même jour, un procureur adjoint de Saint-Pétersbourg approuva la perquisition et contresigna le mandat.

9. Le Gouvernement allègue que le requérant n'était pas partie à l'affaire pénale n° 7806 et ne représentait aucun des protagonistes. Le requérant affirme quant à lui qu'il représentait :

a) M. S., suspect puis témoin dans l'affaire pénale n° 7806 (le 21 février 2000, le requérant aurait représenté M. S. devant le tribunal Oktiabrskiy de Saint-Pétersbourg dans une procédure où était formulé un grief contre une décision de l'enquêteur D ; il l'aurait également représenté dans une procédure civile sans lien avec l'affaire, en vertu d'un mandat en date du 25 mai 1999) ;

b) M. Yu., accusé dans l'affaire pénale n° 7806 (le requérant l'aurait représenté du 10 juillet au 25 décembre 1998) ;

c) M. B., victime du meurtre de son fils dans une affaire pénale ultérieurement jointe à l'affaire pénale n° 7806 (le requérant l'aurait représenté du 11 février au 23 mars 2000) ;

d) M. Ch., accusé dans l'affaire pénale n° 7806 (le requérant l'a représenté devant la Cour européenne des droits de l'homme dans le cadre de la requête n° 29392/02).

10. Le 9 mars 2000, en présence du requérant, l'enquêteur D., assisté de fonctionnaires de police de la direction de district du crime organisé et de deux témoins certificateurs, procéda à la perquisition de l'appartement du requérant. Selon le rapport de perquisition, le requérant fut invité à " remettre volontairement (...) les documents relatifs à la société anonyme T. et au groupe industriel fédéral R. ". Il répondit qu'il n'avait pas semblables documents et contresigna sa déclaration.

11. L'enquêteur trouva et saisit plus de vingt documents que le requérant déclara être les siens. Il saisit également l'unité centrale de l'ordinateur du requérant. Selon le rapport de perquisition, le requérant ne formula aucun grief à l'égard de la manière dont la perquisition avait été conduite mais s'éleva contre la saisie de l'unité centrale qu'il disait contenir deux disques durs et valoir 1 000 dollars américains. Parmi les documents saisis figuraient notamment le mandat donné par M. S. le 25 mai 1999 et des extraits d'un mémoire relatif à l'affaire de M. B.

12. Le même jour, l'enquêteur D. interrogea officiellement le requérant au sujet de l'affaire pénale n° 7806.

13. Le 17 mars 2000, l'enquêteur L. ordonna la mise sous séquestre, à titre de " preuves matérielles " dans l'affaire pénale n° 7806, des documents saisis dans l'appartement du requérant et de l'unité centrale de son ordinateur.

B. Le contrôle juridictionnel des ordres de perquisition et de saisie

14. Le requérant sollicita en justice l'annulation de la perquisition et de la saisie des documents. Il soutenait en particulier que l'unité centrale de l'ordinateur, son carnet personnel et les dossiers et données de ses clients n'étaient pas liés à l'affaire pénale et ne pouvaient être mis sous séquestre à titre de preuves, pareille mesure étant attentatoire aux droits de la défense de ses clients.

15. Le 19 avril 2000, le tribunal Oktiabrskiy du district de l'amirauté de Saint-Pétersbourg examina la plainte du requérant. Il constata que la perquisition avait été approuvée et menée conformément aux dispositions applicables du droit interne et conclut qu'elle n'était pas entachée de nullité. Sur la mise sous séquestre de l'ordinateur, il s'exprima comme suit :

" (...) le but de la perquisition était de trouver des objets et des documents liés à une affaire pénale. Au cours de la perquisition, plusieurs documents et une unité centrale d'ordinateur ont été saisis ; ils ont été soigneusement examinés par l'enquêteur, comme cela apparaît de manière évidente à la lecture du rapport sur les objets saisis et des tirages papier des dossiers figurant dans l'unité centrale.

Il ressort donc de ces éléments que le but de la perquisition a été atteint. L'ordre de placer sous séquestre à titre de preuves dans l'affaire pénale en cause les objets et documents saisis s'analyse quant à lui en une confiscation des biens en question, qui ont été pris au requérant et ne lui ont jamais été rendus, alors pourtant qu'il n'était ni suspect ni accusé dans cette affaire pénale et qu'il était interrogé en qualité de témoin.

Dans ces conditions, les droits constitutionnels du requérant, qui a subi une privation de propriété, ont été violés. Dès lors que l'enquêteur avait, à l'issue de la perquisition, obtenu les éléments qu'il cherchait et consigné les résultats correspondants, c'est sans aucune raison valable et légale qu'il a déclaré que [les biens du requérant] constituaient des preuves matérielles (...) "

16. Le tribunal de district ordonna la restitution au requérant de ses documents, de son carnet et de son unité centrale.

17. Le 25 mai 2000, le tribunal de grande instance de Saint-Pétersbourg annula le jugement du 19 avril 2000 et renvoya l'affaire pour réexamen devant une chambre composée différemment. Il estima que la juridiction de première instance avait commis une erreur d'appréciation en considérant que l'ordre de mise sous séquestre des objets à titre de preuves s'analysait en une confiscation des biens du requérant.

18. Le 6 juin 2000, l'enquêteur rendit au requérant son carnet et certains documents, mais non son ordinateur.

19. Le 2 août 2000, le requérant intenta une action au civil contre le parquet de Saint-Pétersbourg et le ministère des Finances. Il demandait une indemnisation pour le dommage moral qu'il disait être résulté de la saisie de ses biens.

20. Le 17 août 2000, le tribunal Oktiabrskiy de Saint-Pétersbourg tint une nouvelle audience dans la cause du requérant. Il conclut que la perquisition de l'appartement de l'intéressé était justifiée et régulière, et que ses autres griefs n'étaient pas susceptibles de contrôle juridictionnel.

21. Le 12 septembre 2000, le tribunal de grande instance de Saint-Pétersbourg annula le jugement du 17 août 2000 et renvoya l'affaire pour réexamen devant une chambre composée différemment. Il estima que la juridiction de première instance n'avait pas examiné de manière assez approfondie la question de savoir si l'enquêteur avait des motifs suffisants de perquisitionner l'appartement d'une personne qui n'était accusée d'aucune infraction pénale.

22. Le 17 novembre 2000, le tribunal Oktiabrskiy de Saint-Pétersbourg rendit la décision définitive sur la plainte du requérant. Au sujet de la régularité de la perquisition, il formula les conclusions suivantes :

" Le mandat de perquisition a été délivré parce qu'il existait des raisons suffisantes [de croire] que pouvaient se trouver au [adresse du domicile du requérant], où résidait [le requérant], des objets et documents pouvant servir de preuves à l'égard de l'un des chefs d'accusation dans l'affaire pénale n° 7806. Ce fait a été établi par le tribunal et il se trouve confirmé par les éléments du dossier, notamment par une déclaration de l'enquêteur [D.] en date du 16 novembre 2000, par la décision de mise en accusation rendue le 22 février 1999, par la décision du 10 juillet 2000 [? - date non confirmée] d'introduire une demande de prolongation de la détention provisoire, par la lettre n° 200409 du 22 septembre 1998 et par d'autres éléments ; en conséquence, le tribunal conclut que la perquisition de l'appartement [du requérant] était justifiée au regard de l'article 168 du code de procédure pénale de la RSFSR (...) "

23. Le tribunal établit encore que la perquisition avait été menée dans le strict respect des règles de la procédure pénale. Il se déclara incompétent pour examiner les autres griefs du requérant, mais précisa que l'intéressé pouvait contester les décisions de l'enquêteur devant un procureur supérieur.

24. Le 19 décembre 2000, le tribunal de grande instance de Saint-Pétersbourg rejeta un recours dont le requérant l'avait saisi. Il confirma la conclusion du tribunal de district, qui avait jugé que la perquisition de l'appartement était justifiée, qu'elle avait été menée dans le respect des règles de procédure et que l'ordre de mise sous séquestre des objets à titre de preuves n'était pas susceptible d'un contrôle juridictionnel, un tel recours n'étant pas prévu en droit interne.

25. L'action en indemnisation introduite au civil par le requérant n'a pas encore été examinée.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. Perquisitions domiciliaires

26. L'article 25 de la Constitution pose l'inviolabilité du domicile. Nul ne peut entrer dans un domicile contre le gré de ses occupants, sauf dispositions contraires d'une loi fédérale ou d'une décision de justice.

27. En vertu de l'article 168 (" Motifs justifiant une perquisition ") du code de procédure pénale de la RSFSR tel qu'il était en vigueur au moment des faits, un enquêteur pouvait procéder à une perquisition pour trouver des objets et documents présentant un intérêt pour une affaire déterminée à condition d'avoir des motifs suffisants de croire que de tels objets et documents pouvaient se trouver à un endroit ou sur une personne en particulier. La perquisition nécessitait un mandat motivé émis par un enquêteur et approuvé par un procureur.

28. Les perquisitions et les saisies devaient avoir lieu en présence de la personne dont le domicile était perquisitionné ou de membres adultes de sa famille et de deux témoins certificateurs (article 169). Toute personne n'ayant aucun intérêt dans l'affaire pouvait être témoin certificateur. Les témoins certificateurs devaient attester l'ampleur et les résultats de la perquisition, et ils pouvaient formuler des observations, lesquelles devaient être portées sur le rapport de perquisition (article 135).

29. Une plainte contre les actes d'un enquêteur pouvait être introduite soit directement auprès du procureur, soit par l'intermédiaire de la personne visée par la plainte, auquel cas celle-ci devait transmettre la plainte au procureur dans un délai de vingt-quatre heures avec ses observations (article 218). Le procureur devait examiner la plainte dans un délai de trois jours et communiquer au plaignant une décision motivée (article 219).

30. Le 23 mars 1999, la Cour constitutionnelle a jugé que les décisions et actes des enquêteurs et procureurs en matière de perquisition, de saisie de biens, de suspension de procédure et de prolongation des enquêtes préliminaires devaient pouvoir faire l'objet d'un contrôle juridictionnel sur demande de la personne s'estimant victime d'une violation de ses droits.

B. Preuves matérielles

31. L'article 83 du code de procédure pénale définissait la preuve matérielle comme " tout objet qui (...) porte les traces d'une infraction pénale (...) et tout autre objet qui pourrait être d'une importance déterminante pour la découverte d'une infraction pénale, pour l'établissement des circonstances factuelles d'une affaire, pour l'identification des auteurs d'une infraction ou pour la disculpation d'une personne ou l'atténuation d'une peine.

32. Les preuves matérielles devaient être conservées jusqu'à la prise d'effet de la condamnation ou l'expiration du délai de recours. Elles pouvaient cependant être restituées plus tôt à leur propriétaire si la restitution ne risquait pas de nuire à une procédure pénale en cours (article 85). Le tribunal devait alors ordonner la restitution des preuves matérielles à leur propriétaire légal dans la décision définitive mettant fin à la procédure pénale (article 86).

C. Recommandation du Conseil de l'Europe

33. La recommandation (2000) 21 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la liberté d'exercice de la profession d'avocat énonce notamment ceci :

" Principe I - Principes généraux concernant la liberté d'exercice de la profession d'avocat

(...) 6. Toutes les mesures nécessaires devraient être prises pour veiller au respect du secret professionnel des relations entre avocats et clients. Des exceptions à ce principe devraient être permises seulement si elles sont compatibles avec l'Etat de Droit. "

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

34. Le requérant soutient que la perquisition effectuée à son domicile a violé l'article 8 de la Convention, ainsi libellé :

" 1. Toute personne a droit au respect de (...) son domicile (...)

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

35. Le Gouvernement conteste cette thèse.

A. Sur l'existence d'une l'ingérence

36. La Cour observe que la perquisition et la saisie ordonnées par l'enquêteur concernaient l'appartement du requérant, où l'intéressé conservait son ordinateur et certains documents de travail. Selon la jurisprudence constante de la Cour, la notion de domicile visée à l'article 8 § 1 englobe non seulement le domicile proprement dit mais aussi le bureau ou le cabinet d'un membre d'une profession libérale (voir Buck c. Allemagne, n° 41604/98, § 31, CEDH 2005-IV; et Niemietz c. Allemagne, 16 décembre 1992, série A n° 251-B, §§ 29-31). Il s'ensuit qu'en l'espèce, il y a eu ingérence dans l'exercice par le requérant de son droit au respect de son domicile.

B. Sur la justification de l'ingérence

37. La Cour doit ensuite déterminer si l'ingérence était justifiée au regard du paragraphe 2 de l'article 8, c'est-à-dire si elle était " prévue par la loi ", si elle poursuivait un ou plusieurs des objectifs légitimes énoncés à ce paragraphe et si elle était " nécessaire dans une société démocratique " pour y parvenir.

1. Sur la question de savoir si l'ingérence était " prévue par la loi "

38. Le requérant soutient que l'ingérence n'était pas " prévue par la loi ", la perquisition ayant été ordonnée, au mépris de la Constitution, par un procureur adjoint et non par un juge. La Cour observe que la Constitution russe permet de porter atteinte au droit des personnes au respect de leur domicile dans la mesure où l'ingérence est prévue par une loi fédérale ou une décision de justice (voir le paragraphe 26 ci-dessus). Le code de procédure pénale de la RSFSR, qui avait le statut de loi fédérale dans l'ordre juridique russe, conférait aux enquêteurs le pouvoir d'émettre des mandats de perquisition sous réserve d'obtenir le consentement d'un procureur (voir le paragraphe 27 ci-dessus). La Cour juge établi que cette procédure a été respectée en l'espèce et que l'ingérence était donc " prévue par la loi ".

2. Sur la question de savoir si l'ingérence poursuivait un but légitime

39. Le Gouvernement soutient que l'ingérence poursuivait le but légitime que constitue la protection des droits et libertés d'autrui.

40. La Cour observe que l'objectif de la perquisition, tel qu'énoncé dans la décision de l'enquêteur, était de découvrir des preuves matérielles pouvant être d'une importance déterminante pour l'enquête pénale, qui portait sur des infractions graves. La perquisition poursuivait donc le but légitime d'assurer la sûreté publique, la défense de l'ordre, la prévention des infractions pénales et la protection des droits et libertés d'autrui.

3. Sur la question de savoir si l'ingérence était " nécessaire dans une société démocratique "

41. Le requérant soutient que son appartement a été perquisitionné dans le but d'obtenir des preuves contre ses clients, dont M. S., M. Yu., M. B. et beaucoup d'autres, et d'avoir accès aux dossiers les concernant qui se trouvaient enregistrés sur son ordinateur. La perquisition aurait violé la confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients et aurait été suivie d'un entretien officiel au cours duquel l'enquêteur D. aurait interrogé le requérant sur des éléments dont il aurait eu connaissance en sa qualité d'avocat.

42. Le Gouvernement soutient que la décision de perquisitionner l'appartement du requérant reposait sur des déclarations de témoins et que la perquisition était nécessaire dès lors que " des objets et documents présentant un intérêt pour l'enquête pénale menée dans le cadre de l'affaire n° 7806 " pouvaient être découverts dans l'appartement du requérant. Il souligne également que le requérant ne s'est pas opposé à la perquisition.

43. Selon la jurisprudence constante de la Cour, la notion de " nécessité " implique une ingérence fondée sur un besoin social impérieux et, notamment, proportionnée au but légitime recherché. Pour déterminer si une ingérence était " nécessaire dans une société démocratique ", la Cour tient compte du fait qu'une certaine marge d'appréciation doit être laissée aux Etats contractants (voir, parmi d'autres arrêts, Camenzind c. Suisse, 16 décembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VIII, § 44). Toutefois, les exceptions que ménage le paragraphe 2 de l'article 8 appellent une interprétation étroite, et leur nécessité dans un cas donné doit se trouver établie de manière convaincante (voir Buck, précité, § 44).

44. La Cour a toujours jugé que les Etats contractants peuvent estimer nécessaire de recourir à des mesures telles que des perquisitions et des saisies pour établir la preuve matérielle de certaines infractions. Elle contrôle alors le caractère pertinent et suffisant des motifs invoqués pour justifier pareilles mesures, ainsi que le respect du principe de proportionnalité susmentionné. En ce qui concerne ce dernier point, la Cour doit d'abord veiller à ce que la législation et la pratique pertinentes apportent aux individus des garanties adéquates et effectives contre les abus. Elle doit ensuite examiner les circonstances particulières de l'espèce afin de déterminer si, in concreto, l'ingérence litigieuse était proportionnée au but recherché. Les critères que la Cour prend en compte pour trancher cette dernière question sont notamment les circonstances dans lesquelles le mandat a été émis, en particulier les autres éléments de preuve disponibles à l'époque, le contenu et l'étendue du mandat, la façon dont la perquisition a été menée, y compris la présence ou non d'observateurs indépendants, et l'étendue des répercussions possibles sur le travail et la réputation de la personne visée par la perquisition (voir Buck, précité, § 45 ; Chappell c. Royaume-Uni, 30 mars 1989, série A n° 152-A, § 60 ; Camenzind, précité, § 46 ; Funke c. France, 25 février 1993, série A n° 256-A, § 57 ; et Niemietz, précité, § 37).

45. En ce qui concerne les garanties contre les abus prévues par la législation russe, la Cour observe qu'en l'absence d'exigence d'une autorisation judiciaire préalable, les autorités d'enquête jouissent d'un pouvoir entièrement discrétionnaire pour apprécier l'opportunité de faire procéder à des perquisitions et des saisies et l'ampleur à leur donner. Dans les affaires Funke, Crémieux et Miailhe c. France, la Cour a jugé qu'en l'absence surtout d'un mandat judiciaire, " les restrictions et conditions prévues par la loi (...) apparaissaient trop lâches et lacunaires pour que les ingérences dans les droits du requérant fussent étroitement proportionnées au but légitime recherché ", et a conclu à la violation de l'article 8 de la Convention (voir Funke, précité, et Crémieux c. France et Miailhe c. France (n° 1), 25 février 1993, série A n°s 256-B et 256-C). En l'espèce, par contre, la non-exigence d'un mandat judiciaire préalable se trouvait, dans une certaine mesure, contrebalancée par la possibilité pour la personne visée par la perquisition de solliciter a posteriori un contrôle juridictionnel de la mesure. Le requérant pouvait, et c'est d'ailleurs ce qu'il a fait, saisir un tribunal et lui demander de contrôler la légalité et la justification du mandat de perquisition. L'efficacité du contrôle réellement pratiqué par les juridictions internes sera prise en compte dans l'analyse ci-après de la nécessité de l'ingérence.

46. La Cour observe que le requérant n'était lui-même accusé ou soupçonné d'aucune infraction pénale ou activité répréhensible. Par ailleurs, il a présenté des documents montrant qu'il avait, à différentes périodes, représenté quatre personnes dans l'affaire pénale n° 7806, pour laquelle la perquisition fut ordonnée. Dans ces conditions, la Cour trouve particulièrement préoccupant qu'aucune disposition destinée à protéger les documents privilégiés couverts par le secret professionnel n'ait été prise lorsque la perquisition de l'appartement du requérant a été ordonnée.

47. Le mandat de perquisition était rédigé en des termes extrêmement vagues, visant sans plus de précisions ou restrictions les " objets et documents présentant un intérêt pour l'enquête pénale [menée dans le cadre de l'affaire n° 7806] ". Il ne comportait aucune information sur l'enquête en cours, ni sur le but de la perquisition ou les raisons de croire qu'elle permettrait d'obtenir des preuves d'une quelconque infraction (comparer Niemietz, précité, § 37, et Ernst et autres c. Belgique, n° 33400/96, § 116, 15 juillet 2003). Ce ne fut qu'après que la police eut pénétré dans l'appartement du requérant que celui-ci fut invité à remettre les " documents relatifs à la société anonyme T. et au groupe industriel fédéral R ". Ni le mandat ni les déclarations orales des fonctionnaires de police n'indiquaient pourquoi des documents relatifs aux activités commerciales de deux entreprises privées, dans lesquelles le requérant ne jouait aucun rôle, auraient dû se trouver dans son appartement (comp. Buck, précité, § 50). Le contrôle juridictionnel pratiqué a posteriori n'a rien fait pour combler les lacunes de la justification défaillante du mandat de perquisition. Le tribunal Oktiabrskiy s'est borné à dire que le mandat était justifié et à renvoyer à quatre documents précis et à d'autres, non déterminés, sans en décrire la teneur (voir le paragraphe 22 ci-dessus). Il ne s'est pas prononcé sur la pertinence de ces documents, dont deux sur les quatre identifiés sont de surcroît apparus après la perquisition. La Cour estime que les autorités internes ont manqué à l'obligation qu'elles avaient de justifier par des motifs " pertinents et suffisants " l'émission du mandat de perquisition.

48. En ce qui concerne la façon dont la perquisition a été menée, la Cour observe encore que les termes excessivement vagues dans lesquels le mandat était libellé conféraient à la police un pouvoir entièrement discrétionnaire pour déterminer quels documents présentaient un " intérêt " pour l'enquête pénale, ce qui a conduit à une perquisition et à une saisie de grande ampleur. Les documents saisis ne se limitaient pas à ceux relatifs aux activités commerciales de deux entreprises privées : la police emporta également le carnet personnel du requérant, l'unité centrale de son ordinateur et d'autres documents, y compris le bon pour pouvoir qui lui avait été donné dans une procédure civile sans lien avec l'affaire et un projet de mémoire relatif à une autre affaire. Comme cela a déjà été relevé, aucune garantie n'avait été prévue contre les atteintes au secret professionnel : ni interdiction de saisir les documents couverts par la confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients, ni surveillance de la perquisition par un observateur indépendant capable d'identifier, indépendamment de l'équipe d'enquête, les documents couverts par le secret professionnel de l'avocat (voir Sallinen et autres c. Finlande, n° 50882/99, § 89, 27 septembre 2005, et Tamosius c. Royaume-Uni (déc.), n° 62002/00, CEDH 2002-VIII). Compte tenu des éléments qui ont été inspectés et saisis, la Cour juge que la perquisition a porté au secret professionnel une atteinte disproportionnée au but légitime poursuivi, quel qu'il fût. La Cour rappelle à cet égard que, dans le cas d'un avocat, pareille intrusion peut se répercuter sur la bonne administration de la justice et, partant, sur les droits garantis par l'article 6 de la Convention (voir Niemietz, précité, § 37).

49. En bref, la Cour considère que la perquisition, qui a été conduite sur la base de motifs qui n'étaient pas pertinents et suffisants et en l'absence de garanties contre les atteintes au secret professionnel au domicile du requérant, lequel n'était soupçonné d'aucune infraction mais représentait des personnes accusées dans l'affaire pénale concernée, n'était pas " nécessaire dans une société démocratique ". Il y a donc eu violation de l'article 8 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE N° 1

50. Invoquant l'article 1 du Protocole n° 1, le requérant soutient que la saisie et la rétention de ses documents et de son ordinateur ont emporté violation de ses droits de propriété. L'article 1 du Protocole n° 1 est ainsi libellé :

" Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. "

A. Thèses des parties

51. Le requérant voit dans la saisie de son unité centrale une atteinte disproportionnée à ses droits de propriété qui a fait peser sur lui une charge excessive. Il estime qu'en elle-même l'unité centrale ne pouvait pas être utilisée comme preuve dans l'affaire pénale, d'une part parce qu'elle ne constituait ni l'instrument, ni l'objet, ni le produit d'une infraction et qu'elle ne portait pas de traces d'une infraction, et d'autre part parce que les données qu'elle contenait n'avaient pas la moindre valeur probante, l'ordinateur étant longtemps resté en possession de l'accusation et les données pouvant avoir été effacées ou modifiées. Le requérant souscrit à la motivation du jugement du 19 avril 2000 et considère que l'accusation aurait dû respecter cette décision plutôt que de la contester devant la juridiction de recours. Il affirme que le but réel de la saisie était d'entraver ses activités professionnelles d'avocat et que la rétention de son ordinateur l'a empêché d'avoir accès à plus de deux cents dossiers de clients, lui nuisant ainsi dans l'exercice de sa profession d'une manière générale. Enfin, il indique que son carnet et certains documents lui ont finalement été rendus.

52. Le Gouvernement affirme que l'unité centrale de l'ordinateur du requérant a été mise sous scellés et placée sous séquestre en tant que preuve matérielle dans l'affaire pénale n° 7806 afin d'empêcher la disparition des données y figurant. Il précise que, l'examen de l'affaire pénale n'étant pas encore terminé, les documents et l'unité centrale du requérant seront conservés au tribunal de Saint-Pétersbourg jusqu'au prononcé de la décision. Il soutient que le droit du requérant de faire usage de ses biens a été restreint dans l'intérêt public, aux fins d'établissement de la vérité dans l'affaire pénale n° 7806.

B. Appréciation de la Cour

53. La Cour observe que la perquisition du domicile du requérant a été suivie de la saisie de certains documents, de son carnet et de l'unité centrale de son ordinateur (c'est-à-dire de la partie contenant les disques durs et donc les données). Le requérant ayant finalement recouvré la possession de son carnet et de ses documents, la Cour circonscrira son analyse à la compatibilité de la rétention de l'ordinateur, qui se poursuit aujourd'hui encore, avec le droit du requérant au respect de ses biens garanti par l'article 1 du Protocole n° 1.

54. Il n'est pas contesté que le requérant était le propriétaire légal de l'ordinateur. En d'autres termes, il s'agissait de son " bien ". L'enquêteur ordonna que cet ordinateur fût conservé à titre de preuve matérielle dans une affaire pénale donnée jusqu'à ce que le tribunal eût tranché la cause et statué sur la question de l'administration des preuves. De l'avis de la Cour, cette situation doit être examinée sous l'angle du droit pour l'Etat de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général.

55. L'article 1 du Protocole n° 1 exige, avant tout et surtout, qu'une ingérence de l'autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale. En particulier, le second paragraphe de l'article 1, s'il reconnaît que les Etats ont le droit de réglementer l'usage des biens, soumet ce droit à la condition qu'il soit exercé au travers de la mise en vigueur de " lois ". Le principe de légalité présuppose également que les dispositions applicables du droit interne soient suffisamment accessibles, précises et prévisibles dans leur application (voir par exemple Baklanov c. Russie, n° 68443/01, §§ 39-40, 9 juin 2005, avec d'autres références).

56. La Cour observe que la décision de conserver l'ordinateur reposait sur les dispositions du code de procédure pénale de la RSFSR régissant l'administration de preuves matérielles dans les procédures pénales (voir les paragraphes 31 et 32 ci-dessus). Il était loisible à l'enquêteur d'ordonner la rétention de tout objet qu'il estimait déterminant pour l'enquête, ce qui était le cas de l'ordinateur du requérant. La Cour n'est pas convaincue qu'un pouvoir discrétionnaire aussi vaste et non assorti d'un contrôle juridictionnel efficace réponde au critère de légalité, mais, pour les raisons ci-dessous énoncées, elle ne juge pas nécessaire d'examiner ce point plus avant.

57. La Cour admet que la rétention de preuves matérielles puisse être nécessaire dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, qui constitue un " but légitime " relevant de " l'intérêt général " de la communauté. Toutefois, elle observe qu'il doit aussi y avoir un rapport raisonnable de proportionnalité entre le moyen employé et le but poursuivi par les mesures éventuellement appliquées par l'Etat, y compris celles destinées à contrôler l'usage de la propriété individuelle. Cette exigence s'exprime dans la notion de " juste équilibre " à ménager entre les impératifs de l'intérêt général de la communauté d'une part et les exigences de la protection des droits fondamentaux de l'individu d'autre part (voir Edwards c. Malte, n° 17647/04, § 69, 24 octobre 2006, avec d'autres références).

58. La Cour souscrit à l'argument du requérant - du reste non contesté par le Gouvernement - selon lequel l'ordinateur en lui-même n'était ni l'objet, ni l'instrument, ni le produit d'une infraction pénale (comp. Frizen c. Russie, n° 58254/00, §§ 29-31, 24 mars 2005). Ce qui pouvait être utile et déterminant pour l'enquête, c'était les informations qui se trouvaient enregistrées sur le disque dur. Or il ressort du jugement du 19 avril 2000 que ces informations ont été examinées par l'enquêteur, imprimées et versées au dossier (voir le paragraphe 15 ci-dessus). Dans ces conditions, la Cour ne parvient pas à discerner la moindre raison justifiant la poursuite de la rétention de l'unité centrale. Aucune raison de cet ordre n'a d'ailleurs été avancée au cours des procédures internes ni devant la Cour. Pourtant, l'ordinateur est aujourd'hui encore entre les mains des autorités internes, et le requérant en est donc privé depuis plus de six ans. La Cour note à cet égard que l'ordinateur était l'instrument de travail du requérant et que celui-ci l'utilisait pour rédiger des documents juridiques et pour conserver les dossiers de ses clients. Ainsi, non seulement la rétention de l'ordinateur a été source de désagréments personnels pour le requérant, mais elle a de plus entravé son activité professionnelle, ce qui, comme cela a déjà été souligné, pouvait avoir des répercussions sur l'administration de la justice.

59. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que les autorités russes n'ont pas ménagé un " juste équilibre " entre les impératifs de l'intérêt général et les exigences de la protection du droit du requérant au respect de ses biens. Il y a donc eu violation de l'article 1 du Protocole n° 1.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 13 DE LA CONVENTION, COMBINÉ AVEC L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE N° 1

60. Invoquant l'article 13 de la Convention, le requérant se plaint qu'il n'existe en droit russe aucun recours qui lui eût permis de dénoncer de manière efficace la restriction à ses droits de propriété que la Cour a jugée constitutive d'une violation de l'article 1 du Protocole n° 1. L'article 13 est ainsi libellé :

" Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. "

A. Thèses des parties

61. Le requérant souligne que les juridictions internes se sont bornées à contrôler la régularité de la perquisition et qu'elles ont estimé que ses griefs relatifs au respect de ses biens n'étaient pas susceptibles d'un contrôle juridictionnel. Il estime quant à lui que l'arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 23 mars 1999 aurait dû être interprété comme permettant le contrôle juridictionnel de toute décision affectant les droits de propriété d'un individu. Il ajoute que, sous différents prétextes, l'action en indemnisation intentée par lui au civil est restée plus de quatre ans sans être examinée.

62. Le Gouvernement rétorque que le requérant a pu contester la décision litigieuse devant un tribunal, qui a examiné et rejeté ses griefs (le 19 décembre 2000 en dernière instance). Il précise que l'action en indemnisation intentée par le requérant contre le parquet de Saint-Pétersbourg et le ministère des Finances est actuellement pendante devant le tribunal Oktiabrskiy de Saint-Pétersbourg.

B. Appréciation de la Cour

63. Selon la jurisprudence constante de la Cour, l'article 13 exige un recours effectif devant une instance nationale pour les plaintes que l'on peut estimer " défendables " au regard de la Convention (voir, par exemple, Boyle et Rice c. Royaume-Uni, 27 avril 1988, série A n° 131, § 54). En l'espèce, la Cour a constaté une violation de l'article 1 du Protocole n° 1, et le grief tiré de l'article 13 doit donc être examiné. Il s'impose dès lors de déterminer si l'ordre juridique russe offrait au requérant un recours " effectif ", habilitant l' " instance nationale " compétente à connaître de ce grief et à offrir le redressement approprié (voir Camenzind, précité, § 53).

64. Le requérant a demandé un contrôle juridictionnel de la régularité de la perquisition et de la saisie effectuées à son domicile et de la décision de conserver son ordinateur en tant que preuve matérielle. Si les juridictions internes ont examiné le grief relatif à la perquisition et à la saisie, elles ont déclaré irrecevable le grief tiré de la non-restitution de l'ordinateur, au motif que la décision de rétention n'était pas susceptible d'un contrôle juridictionnel (voir les paragraphes 22 et suivants ci-dessus). Elles ont par ailleurs indiqué au requérant qu'il devrait plutôt se tourner vers un procureur supérieur. A cet égard, la Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle un recours hiérarchique devant un procureur supérieur, en ce qu'il ne donne pas à la personne qui le forme un droit personnel à l'exercice par l'Etat de son pouvoir de contrôle, ne constitue pas un " recours effectif " (voir par exemple Horvat c. Croatie, n° 51585/99, § 47, CEDH 2001-VIII).

65. En ce qui concerne l'action en indemnisation actuellement pendante mentionnée par le Gouvernement, la Cour relève que les juridictions civiles ne sont pas compétentes pour contrôler la légalité des décisions prises par les enquêteurs dans le cadre de procédures pénales.

66. Dans ces conditions, le requérant ne disposait pas d'un " recours effectif devant une instance nationale " pour faire valoir son grief tiré de l'article 1 du Protocole n° 1. Partant, il y a eu violation de l'article 13 de la Convention, combiné avec l'article 1 du Protocole n° 1.

IV. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

67. Aux termes de l'article 41 de la Convention,

" Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. "

68. La Cour rappelle que, selon l'article 60 de son règlement, toute demande de satisfaction équitable doit être ventilée par rubrique et soumise par écrit, accompagnée des justificatifs nécessaires, " faute de quoi la chambre peut rejeter tout ou partie des prétentions ".

69. Par une lettre du 5 juillet 2005, soit après que la requête eut été déclarée recevable, la Cour a avisé le requérant qu'il avait jusqu'au 7 septembre 2005 pour présenter une demande de satisfaction équitable. Le requérant n'a pas soumis pareille demande dans le délai imparti.

70. Dans ces conditions, la Cour n'octroie aucune somme au titre de l'article 41.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1. Dit qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention ;

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole n° 1 ;

3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 13 de la Convention, combiné avec l'article 1 du Protocole n° 1 ;

4. Décide de n'octroyer aucune somme au titre de l'article 41 de la Convention.

Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 7 juin 2007, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren Nielsen, Greffier

Christos Rozakis, Président

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