Loi du 10-05-1806, relative à la formation d'une université impériale, et aux obligations particulières des membres du corps enseignant

Loi du 10-05-1806, relative à la formation d'une université impériale, et aux obligations particulières des membres du corps enseignant

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Loi relative à la formation d'une université impériale, et aux obligations particulières des membres du corps enseignant

Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de la république, empereur des Français, à tous présents et à venir, salut.

Le corps législatif a rendu, le 10 mai 1806, le décret suivant, conformément à la proposition faite au nom de l'empereur, et après avoir entendu les orateurs du conseil d'État et des sections du tribunat le même jour.

DÉCRET

Article 1er

Il sera formé, sous le nom d'Université impériale, un corps chargé exclusivement de l'enseignement et de l'éducation publique dans tout l'empire.

Article 2

Les membres du corps enseignant contracteront des obligations civiles, spéciales et temporaires.

Article 3

L'organisation du corps enseignant sera présentée en forme de loi, au corps législatif, à la session de 1810.


Collationné à l'original, par nous président et secrétaires du corps législatif.

Paris, le 10 mai 1806.

Signé Fontanes, président ; Desribe, Dumaire, P. S. Guérin, Jacomet, secrétaires.

Mandons et ordonnons que les présentes, révêtues des sceaux de l'état, insérées au Bulletin des lois, soient adressées aux tribunaux et aux autorités administratives, pour qu'ils les inscrivent dans leurs registres, les observent et les fassent observer ; et notre grand-juge ministre de la justice est chargé d'en surveiller la publication

Donné en notre palais de Saint-Cloud, le 20 mai 1806.

Signé Napoléon. Vu par nous archi-chancelier de l'empire, signé Cambacérès. Par l'empereur, le ministre secrétaire d'état, signé H.-B. Maret. Le grand-juge ministre de la justice, signé Regnier.


Motifs de la loi relative à la formation d'un corps enseignant

(extraits du discours de Fourcroy)

Je ne viens point, Messieurs, vous soumettre un nouveau plan d'éducation, ni vous proposer de renverser ce qui a été fait depuis quelques années pour l'instruction publique. Le projet que sa Majesté impériale et royale me charge de vous présenter n'est que la substance et comme le prélude d'une loi plus complète qui doit vous être soumise dans une de vos sessions prochaines ; il n'a pas pour objet de détruire, mais de consolider les institutions nouvelles, d'en lier les diverses parties, d'en établir d'une manière invariable les rapports nécessaires avec l'administration générale.

[…]

Le premier article du projet porte formation d'un corps ou Université impériale, chargé de l'enseignement public et de l'éducation de la jeunesse dans tout l'empire.

Ce mot formation indique que les éléments qui doivent composer ce corps existent, et qu'il ne s'agit plus que de les réunir et de les organiser. Que les fonctionnaires et professeurs actuels des lycées et des autres établissements d'instruction publique ne conçoivent donc aucune inquiétude sur leur sort. La loi qui est soumise à votre sanction, les mesures et les institutions qui en seront le développement et la conséquence, tout tend à améliorer et à consolider l'existence de ceux qui consacrent leurs soins à l'éducation. Entrés les premiers dans la carrière, ils ont déjà fait leurs preuves ; ils ont à la reconnaissance publique des titres qui ne peuvent que s'accroître. Le zèle et la capacité dont ils continueront à faire preuve dans l'exercice de leurs fonctions, leur donneront des droits incontestables à en obtenir de plus importantes. Mais la considération dont on entoure ces places, et la perspective qui leur est ouverte, en augmentant le nombre des prétendants, donnera le droit d'exiger davantage.

Les emplois seront donnés au concours, ou accordés à ceux qui auront fait preuve de capacité, et obtenu des grades à la suite d'examens. On rétablira l'institution utile des agrégés au professorat, et on la rendra plus complète , en fournissant aux jeunes élèves qui se destineront à l'enseignement les moyens de terminer leurs études, et de perfectionner leurs connaissances en les dirigeant vers l'art d'enseigner.

Parmi les fonctionnaires des lycées qui se seront le plus distingués dans l'administration ou dans l'enseignement, seront choisis des inspecteurs ou des administrateurs généraux de l'Instruction publique. Chargés de visiter chaque année un certain nombre d'établissements publics de l'Université impériale, ils en préviendront le relâchement ; ils en connaîtront et en dénonceront les abus ; ils pourront en comparer les succès. Un conseil sera chargé de recueillir tout ce qui pourrait contribuer à l'amélioration des études, et de veiller sans cesse sur le sort et le succès des écoles.

Chaque division de l'Université aura son conseil qui, comme tribunal de discipline, sera le surveillant des mœurs et de la conduite régulière des maîtres et des élèves.

Cette institution, Messieurs, qui existait dans l'Université de Paris, est encore plus destinée à prévenir les délits qu'à les punir. Si la conduite de ceux qui servent de modèles aux autres doit être irréprochable ; s'il faut être pur pour veiller sur l'innocence, on ne saurait douter que l'ordre et la régularité des maisons d'éducation, cette discipline à laquelle les maîtres eux-mêmes sont soumis, puisque, pour faire exécuter les règlements, ils commencent par les observer ; le spectacle d'une jeunesse qui a continuellement les yeux ouverts sur les moindres actions de ses maîtres, et plus que tout cela le sentiment de ses devoirs, ne soient presque toujours un frein suffisant pour celui qui serait tenté de s'en affranchir, et ne rappellent sans cesse leurs engagements à ceux qui seraient sur le point de les oublier. Mais si quelqu'un, par des fautes graves, par l'oubli fréquent de ses devoirs, par un scandale public, par des leçons immorales ou irréligieuses, pouvait compromettre à la fois et l'innocence de la jeunesse qui lui est confiée, et l'honneur du corps dont il est membre, son délit serait déféré devant le conseil de l'Université, qui, suivant la nature de ce délit, lui adresserait des avis ou des reproches, le suspendrait de ses fonctions, ou, le rayant du tableau de l'Université, le rendrait inhabile à en remplir.

Mais, je le répète, il est à croire que rarement ce tribunal de discipline sera forcé de déployer son utile sévérité. Les places ne devant être confiées qu'à des personnes de mœurs et de conduite irréprochables, on peut croire que les membres du corps enseignant prendront, pour conserver les emplois, les moyens qui leur servi à les obtenir, et que, leur intérêt se trouvant lié à leur devoir, ils donneront à leurs élèves l'exemple des vertus en même temps que les leçons de la science.

Ainsi seront liés, par des rapports immédiats, tous les établissements d'instruction qui sont en ce moment isolés et indépendants les uns des autres. Ainsi seront réunis dans une seule corporation tous les hommes occupés du noble emploi d'instruire et d'élever la jeunesse. Des grades acquis par des examens seront exigés pour mériter les emplois ; et ils le seront dans un degré qui répondra à celui des fonctions auxquelles on voudra parvenir. Des statuts et des règlements fixeront les devoirs des membres en général, et de chaque fonctionnaire en particulier.

Un chef muni d'une autorité suffisante et de pouvoirs déterminés surveillera et dirigera toute la corporation, y maintiendra la discipline, et fera exécuter les règlements avec la force et la sévérité qui seules peuvent assurer les avantages et la durée du corps enseignant.

On doit se représenter la formation de ce corps comme le couronnement de tout l'édifice de l'instruction publique, reconstruit depuis quatre ans sur les bases établies par la loi du 11 floréal an 10 ; c'est en même temps la garantie la plus forte de sa stabilité.

Le second article de la loi prescrit aux universitaires des obligations civiles, temporaires et spéciales. Les mots civiles et temporaires indiquent assez la nature de ces fonctions, et qu'elles n'ont aucune connexité nécessaire avec les fonctions des cultes.

L'Université de Paris était une corporation civile. Elle admettait indifféremment dans son sein et ceux qui étaient engagés dans les nœuds du mariage, et ceux qui étaient revêtus du caractère du sacerdoce, et ceux, qui, sans aucun lien, sans aucun engagement, restaient célibataires pour vaquer librement à leurs fonctions. C'était à la fois la plus ancienne et la plus célèbre de toutes les institutions créées pour l'éducation de la jeunesse. Les justes reproches qu'on peut adresser à quelques parties de son système, et que je n'ai point dissimulés, n'étaient pas inhérents au fond même de sa méthode, et ces défauts ne pourront plus reparaître dans nos nouvelles institutions.

On élèverait à tort des doutes, on répandrait en vain des alarmes sur les obligations auxquelles devront être soumis les membres des universités ou du corps enseignant. Qui pourrait croire qu'on voudrait imposer à ces membres d'autres devoirs que ceux qui peuvent assurer tout à la fois et la bonté de l'enseignement, et la pureté des mœurs, et l'ordre nécessaire dans une grande corporation ? L'expérience montre que la subordination est la partie la plus faible des établissements actuels d'instruction. Si la culture des sciences et des lettres demande une certaine indépendance, la marche régulière des études et des maisons d'éducation ne peut subsister avec l'anarchie, et c'est uniquement pour maintenir les droits de chacun qu'on doit régler les devoirs de chaque place. Telle sera la base générale des obligations indiquées par l'article 2 de la loi.

En se proposant d'établir, sous le nom d'Université impériale, un grand corps qui, sous plusieurs rapports, pourra être comparé à l'ancienne Université de Paris, le gouvernement entend le constituer sur un plan plus vaste ; il veut faire marcher également dans tout l'empire les diverses parties de l'instruction ; il veut y réunir à l'autorité d'une ancienne institution la vigueur et le nerf d'un établissement nouveau ; il la veut non plus circonscrite, comme autrefois, dans les murs de la capitale, mais répandue sur toute la surface de l'empire, ayant partout des points de contact et de comparaison, soumise à l'influence générale d'une même administration, maintenue par une surveillance continuelle, préservée par les règlements de la manie des innovations et des systèmes, mais aussi affranchie de cet esprit de routine qui repousse tout ce qui est bon, uniquement parce qu'il est nouveau. Revêtu d'une considération encore plus grande que celle dont il jouissait, ce corps, qui verra ouvrir à ses membres une carrière sûre autant qu'honorable, où les emplois ne seront accordés qu'aux talents, et où les récompenses seront le prix des services, redoublera sans doute d'efforts et de zèle pour atteindre, pour surpasser la réputation des anciennes universités.

[…]

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