Jurisprudence : CA Rennes, 01-07-2015, n° 12/07819

CA Rennes, 01-07-2015, n° 12/07819

A1840NM4

Référence

CA Rennes, 01-07-2015, n° 12/07819. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/25148922-ca-rennes-01072015-n-1207819
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9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°337 R.G 12/07819
CARSAT DE BRETAGNE
C/
M. Alain Y
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le
à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 01 JUILLET 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
M. Gérard SCHAMBER, Président,
M. Pascal PEDRON, Conseiller,
Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller,
GREFFIER
Mme Dominique BLIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS
A l'audience publique du 27 Mai 2015
devant M. Pascal PEDRON, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Juillet 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats,
DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR
Date de la décision attaquée 15 Octobre 2012
Décision attaquée Jugement
Juridiction Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VANNES
****

APPELANTE
CARSAT DE BRETAGNE

RENNES CEDEX 9
représentée par M. ..., en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉ
Monsieur Alain Y

LORIENT
représenté par Me Philippe ARION, avocat au barreau de RENNES
INTERVENANTES
ÉTABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE


PERIGNY CEDEX
représentée par Me Arnaud LABRUSSE, avocat au barreau de CAEN
MINSITERE DE LA DÉFENSE

PARIS
non représenté, régulièrement avisé
L'Agent Judiciaire de l'Etat
Direction des affaires juridiques
6 rue Louise ...
PARIS CEDEX 13
représenté par Me Philippe BILLAUD, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE
M. Alain Y, né en 1944, a déposé à la CRAM de Bretagne le 18 mai 2004, une demande de retraite personnelle ; il avait précédemment été affilié au régime général de 1966 à 1970 et avait également relevé, au cours de sa carrière de l'ENIM de 1962 à 1964 puis en 1966, du Ministère de la Défense de 1971 à 1985 et du Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie de 1984 à 2004.
Une pension calculée au taux de 50 %, rémunérant 20 trimestres d'assurance au régime général (sur 170), lui a été attribuée avec effet au 01 octobre 2004 (pour un montant net mensuel à cette date de 79,04 euros), suivant décision datée du 22 janvier 2005.
Par décision datée du 10 mai 2006, M. Y a été informé de la révision avec effet au 01octobre 2004 du montant de sa retraite par prise en compte de 24 trimestres (et non seulement 20) d'assurance (oubli antérieur de l'année 1971).
Par courrier daté du 16 décembre 2009, M. Y a sollicité de la CRAM de Bretagne le bénéfice de trimestres de majoration de durée d'assurance au motif que n'avait pas été pris en compte le fait qu'il avait eu 4 enfants alors qu' il s'estimait bien fondé, au vu de la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l'homme, à ce que sa pension de retraite soit calculée sur une durée d'assurance de 56 trimestres.
La Commission de Recours Amiable, par décision en date du 5 mars 2010, a rejeté sa demande au motif que le recours était irrecevable comme étant atteint par la forclusion puisque formé plus de deux mois à compter de la notification du 22 janvier 2005.
Par jugement du 13 septembre 2010, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Vannes a confirmé la décision de la Commission de Recours Amiable de la CARSAT Bretagne déclarant irrecevable comme forclos le recours de l'assuré.
Par arrêt du 28 mars 2012, la Cour d'Appel de ce siège a infirmé ledit jugement, dit le recours de M. Y recevable et qu'il n'y avait pas lieu d'opposer la forclusion à sa demande d'attribution d'une majoration de durée d'assurance pour enfant au motif que " si M. Y ne conteste pas avoir reçu les notifications de sa pension et de la révision de celle-ci qui lui ont été adressées par courrier en date des 22 janvier 2005 et 10 mai 2006, aucune des pièces versées aux débats ne permet d'établir la date à laquelle il a reçu ces notifications ce dont il résulte, dès lors qu'il conteste la forclusion qui lui est opposée, que la CARSAT Bretagne ne rapporte pas la preuve qu'il a exercé son recours devant la commission de recours amiable plus de deux mois après réception de ces notifications ".
La Cour a renvoyé les parties pour qu'il soit statué sur le fond du litige devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Vannes qui a été saisi le 30 mars 2012 par M. Y.
Par jugement du 15 octobre 2012, cette juridiction a dit que M. Y était bien fondé à solliciter la majoration de sa durée d'assurance pour avoir élevé ses 4 enfants, dans la limite de 8 trimestres par enfant, et l'a renvoyé devant la CARSAT Bretagne pour la liquidation de ses droits.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que
-M. Y bénéficiait d'une retraite servie par le régime général sur la base de 20 trimestres cotisés à ce régime de 1966 à 1970, ainsi que des pensions de retraite versées au titre de son activité au sein de la marine marchande, et de ses emplois au Ministère de la Défense ou au ministère de l'économie.
-il ne pouvait bénéficier au titre des régimes spéciaux d'une majoration de durée d'assurance pour ses enfants de sorte que les dispositions de l'article L 351-4 du Code de la sécurité sociale ne s'appliquaient pas à son cas.
-Il résulte de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tel qu'interprété par la Cour Européenne des droits de l'homme, qu'une différence de traitement entre hommes et femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances ne peut être admise qu'en présence d'une justification objective et raisonnable; en l'absence d'une telle justification, l'article L 351-4 du Code de la sécurité sociale qui réserve aux femmes le bénéfice d'une majoration de carrière pour avoir élevé un ou plusieurs enfants est incompatible avec ces stipulations.
- " en l'espèce, M. Y a élevé 4 enfants. Il a sollicité le bénéfice de ses droits à la retraite à compter du 18 mai 2004. Les dispositions de l'article L.351-4 dans leur version en vigueur à cette date s'appliquent. Dès lors qu'elles créent une inégalité de traitement entre les hommes et les femmes ayant élevé des enfants, il convient de considérer que M. Y est parfaitement fondé à solliciter la majoration de sa durée d'assurance pour avoir élevé ses 4 enfants, dans la limite de 8 trimestres par enfant ".
-en l'absence de dispositions précisant que cette majoration ne peut être allouée qu'à une seule personne, père ou mère, pour chaque enfant, le fait que Mme Y ait bénéficié de cet avantage ne peut être opposé à son mari.
la CARSAT de Bretagne a interjeté appel le 15 novembre 2012 de ce jugement qui lui avait été notifié le 22 octobre 2012.

Par arrêt du 05 mars 2014, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé de la procédure, la Cour d'Appel de ce siège a, en conséquence de la demande subsidiaire de la CARSAT tendant à faire reconnaître que le régime général n'est pas le régime débiteur de la majoration de durée d'assurance, ordonné l'intervention forcée à la cause de l'ENIM, du Ministère de la Défense et du Ministère de l'Économie et des Finances, afin de déterminer, au regard des dispositions de l'article R 173-15 du Code de la Sécurité Sociale, le régime prioritairement et/ou définitivement chargé d'accorder la majoration de durée d'assurance pour enfant prévue à l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité Sociale, et de confirmer entre autre que lesdits régimes spéciaux versent ou sont susceptibles de verser en vertu de leurs propres règles une pension (pleine ou proportionnelle) à l'intimé, dans la mesure où d'une part M. Y a été affilié successivement, alternativement ou simultanément au régime général (qui est un des régimes mentionnés au premier alinéa) et aux régimes relevant du Ministère de la défense puis du Ministère de l'économie, d'autre part chacun de ces deux régimes constituait un régime spécial de retraite prévoyant dans son principe (selon des conditions et modalités spécifiques) une majoration de durée d'assurance en faveur " des mères " de famille, M. Y pouvant dès lors relever de l'alinéa 3 de l'article R 173-15 du Code de la Sécurité Sociale qui dispose que cette majoration (de durée d'assurance pour enfant qu'il réclame) est accordée en priorité par le régime spécial si celui-ci est susceptible d'accorder en vertu de ses propres règles une pension (et non cette majoration) aux intéressés.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses écritures auxquelles s'est référé son mandataire, la CARSAT de Bretagne appelante, sollicite de la cour d'infirmer le jugement déféré et de dire que la majoration d'assurance pour enfants prévue par l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale ne peut être attribuée à M. Y, subsidiairement de reconnaître que le Régime Général n'est pas le régime débiteur de la majoration de durée d'assurance et dire en conséquence que le régime concerné par l'attribution de cette majoration doit être le régime spécial des pensions militaires de l'Etat en application du code des pensions civiles et militaires, pris en sa qualité de dernier et plus long régime d'appartenance lui attribuant une pension de retraite.
Elle fait valoir en substance que
-les dispositions de l'article L 351-4 résultant de la Loi du 21 août 2003, applicable à la date de liquidation choisie par M. Y (pension attribuée à effet du 01 octobre 2004), réservent la majoration du nombre de trimestres cotisés aux seules femmes ayant élevé des enfants; les dispositions européennes justifient cependant que cette majoration soit étendue au père dés lors qu'il apporte la preuve qu'il a élevé seul un enfant.
-la jurisprudence relative aux dispositions combinées de l'article 14 de la CEDH et de l'article 1° du Protocole additionnel n° 1 n'a pas vocation à s'appliquer de façon rétroactive au cas d'espèce, le droit à pension de M. Y ayant été calculé et liquidé en 2004 alors que la question de l'inégalité de traitement entre homme et femme n'existait pas et ne se posait donc pas dans ces termes. A cette date, les nouvelles dispositions de l'article L 351-4 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables
-la législation prévoyant une limite maximum de 8 trimestres par enfant, ceux-ci ne peuvent pas être accordés à l'époux si l'épouse a déjà bénéficié de la totalité des trimestres pour enfants pour le calcul de sa retraite ; or, l'épouse de M. Y bénéficie bien de ces 32 trimestres accordés au titre de la majoration de durée d'assurance dans le cadre de sa retraite personnelle attribuée au 01 février 2005
-dans un arrêt du 30 octobre 2012, la Cour d'Appel de Riom a confirmé dans un dossier similaire que l'épouse bénéficiant déjà d'une pension de vieillesse du régime général intégrant la majoration, la totalité des droits à cette majoration avait déjà été attribuée à celle-ci, l'époux n'étant dès lors pas fondé à en solliciter par la suite le bénéfice
-Mme Y ne saurait être privée de ses droits malgré elle, étant entendu que les trimestres dont il est question ne pourront pas faire l'objet d'un double report.
-la formulation de l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale, dans sa version antérieure, applicable aux faits de l'espèce, ne permet pas à la Caisse d'en étendre l'application, en dehors de tout cadre légal
-M. Y n'a pas interrompu son activité lors de la naissance de ses quatre enfants alors que son épouse ne disposait que de faibles salaires ou ne disposait que, pour le moins, d'un salaire en forte diminution
-subsidiairement, se pose la question de la compétence des régimes pour accorder le bénéfice de cette majoration
-la Direction Générale des Finances Publiques accorde, au titre de sa législation, cette bonification aux hommes en la subordonnant à des circonstances d'interruption d'activité liée à la naissance ou l'adoption d'un enfant sous forme d'un congé
-aux termes de l'alinéa 3 de l'article R 173-15 du Code de la Sécurité Sociale trouvant à s'appliquer dès lors que ses conditions sont en l'espèce remplies puisque l'intéressé perçoit une pension militaire de retraite, le régime compétent pour accorder cette majoration est le régime spécial de la plus longue appartenance à l'exception de l'ENIM puisque cette majoration ne figure pas au nombre des dispositions légales et règlementaires définies par le Code des Transports, soit en l'espèce le régime spécial relevant de l'agent judiciaire de l'Etat qui ne saurait se retrancher derrière l'argument selon lequel l'intimé ne remplirait pas la condition de cessation d'activité
-à l'issue du deuxième arrêt de la Cour de Cassation du 19.12.2009, M. Y s'est naturellement tourné vers son dernier régime d'affiliation pour demander le bénéfice des trimestres de majoration supplémentaire
-qui plus est, M. Y a complété et retourné au service des pensions militaires de La Rochelle le 08.09.1998 une " déclaration en vue d'obtenir une majoration ou un supplément de majoration pour enfants au titre d'une pension concédée ".Très tôt, M. Y est donc intervenu auprès de son dernier régime d'appartenance pour faire sa demande car il estimait que ledit régime était bien compétent pour lui accorder la majoration de durée d'assurance au titre de ses enfants. Le 07.10.1998, le service des pensions du Ministère de la défense adressait un courrier au service des pensions du Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie indiquant que la pension militaire de retraite était erronée au regard de la valeur du L 12 et soumettant à son approbation une nouvelle liquidation de pension redressant l'erreur commise, demande restée sans application concrète ; dès lors l'agent judiciaire de l'Etat ne saurait invoquer le fait que l'assuré était hors délai pour former cette demande dans la mesure où votre Cour a considéré que M. Y n'était pas forclos à l'égard de la CARSAT Bretagne
-en tout état de cause, le Régime Général ne saurait se substituer à l'empêchement desdits régimes d'accorder cette majoration, d'autant que M. Y a été affilié pendant 20 ans, de 1984 à 2004, auprès du Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie alors qu'il n'a cotisé que 06 ans au régime général-la législation actuelle du régime général prévoit, outre la majoration de durée d'assurance, une majoration de 10 % de la pension pour trois enfants dont en pratique M. Y bénéficie depuis l'ouverture de ses droits, soit le 01 octobre 2004.
Par ses conclusions, auxquelles s'est référé et qu'a développées son avocat, M. Y, intimé, demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner l'Agent Judiciaire de l'Etat à lui verser la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles, faisant siens les motifs retenus par le tribunal tout en précisant par ailleurs que
-la Cour de cassation dans son arrêt du 18 février 2009 a purement et simplement considéré que les dispositions de l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale étaient, dans leur principe, incompatibles avec les articles 14 de la convention européenne des droits de l'homme et 1er du protocole additionnel n°l
-les dispositions de l'article L 351-4 applicable au 18 mai 2004 créent donc une inégalité injustifiée de sorte que M. ... est parfaitement fondé à solliciter la majoration de sa durée d'assurance
-les situations de M. et Mme Y sont strictement identiques quant à la participation à l'éducation des enfants et à la continuation de l'activité professionnelle, alors que Mme Y a bénéficié de la majoration de sa durée d'assurances
-si sa situation doit être appréhendée au regard des dispositions de l'article L351-4 du Code de la Sécurité Sociale applicables en 2004, elle doit également être envisagée au regard de la jurisprudence précitée dans la mesure où contrairement à la loi, la jurisprudence est d'application rétroactive
-il n'est pas possible d'appréhender la situation de M. Y au regard des dispositions de l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale tel qu'il résulte de son actuelle rédaction en date du 1er avril 2010; si depuis 2010, le bénéfice de la majoration ne peut être accordé qu'à un seul des parents, le texte prévoyant une option, il n'en est pas de même pour les demandeurs de pension antérieures à 2010 puisque ni le texte qui est d'interprétation stricte, ni la jurisprudence n'ont érigé en condition le fait que l'épouse devait avoir renoncé au bénéfice de l'article L 351-2 pour que l'époux puisse en bénéficier
-les arrêts de règlement sont prohibés par l'article 5 du code civil
-la Cour de Cassation n'a jamais indiqué, contrairement à ce que tente de faire croire la CARSAT, que les dispositions de l'article 14 et l'article 1er du protocole additionnel faisaient échec à ce que tant le père que la mère puissent bénéficier tous deux de la majoration de la durée d'assurance; ses décisions de 2006 et 2009 ne conditionnent le bénéfice de la majoration à aucune exigence particulière, indiquant seulement que le père était bien fondé à demander l'application à son égard des dispositions de l'article L 351-2, sans d'ailleurs analyser la situation de la mère.
-on ne peut pas aujourd'hui déduire des termes de l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale dans sa version alors applicable que les 8 années de cotisation constituent un plafond commun aux hommes et aux femmes dans la mesure où le législateur ne s'était pas prononcé en ce sens
-M. Y n'entre dans aucune des hypothèses de l'article R 173-15 du Code de la Sécurité Sociale qui n'est applicable en tout état de cause qu'aux personnes ayant été affiliées à un des régimes visés par son alinéa 1er (protection sociale agricole, profession artisanale, ou professions industrielles ou commerciales) en plus d'avoir cotisé auprès du régime général ou d'un régime spécial, ce qui n'est pas son cas ; à supposer même que l'alinéa 3 de cet article devrait s'appliquer, comme le suggère la CARSAT, encore faudrait-il que le régime spécial accorde ladite majoration, ce qui n'est pas le cas; à défaut, la majoration est attribuée par le régime général
-cette majoration ne figure pas au nombre des dispositions légales et règlementaires s'appliquant à l'ENIM
-M. Y n'ayant pas interrompu son activité à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant, il ne peut prétendre à la majoration de durée d'assurance pour enfant dans le cadre du régime spécial des fonctionnaires régi par le code des pensions civiles et militaires.
-subsidiairement, contrairement aux dires de l'agent judiciaire de l'Etat qui soutient que la pension militaire de retraite à jouissance immédiate accordée à M. Y en 1984 est définitivement liquidée et ne peut être revalorisée par l'effet des articles L 12b et L55 du code des pensions civiles et militaires, si par exceptionnel la cour considérait que la majoration doit être accordée en priorité par le régime spécial relevant de l'Agent judiciaire de l'Etat, elle ne pourra que considérer que la demande de M. Y n'est pas prescrite et le renverra pour la liquidation de ses droits devant l'Agent judiciaire de l'Etat ; en effet, dans la mesure où la cour a définitivement jugé que le recours de M. Y n'était pas forclos à l'égard de la CARSAT, il en est nécessairement de même s'agissant de l'agent judiciaire de l'Etat, l'absence de prescription étant " erga omnes " puisque la cause de la demande visant le même objectif est identique.
Par ses conclusions, l'ENIM, intervenant forcé qui avait comparu à l'audience de réouverture des débats du 04 juin 2014, demande à la cour de
-constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre par la CARSAT et par M. Y
-dire qu'elle ne peut se voir opposer les dispositions de l'article L 351-4 du code de la sécurité sociale
-condamner la partie succombante à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles
faisant principalement valoir que
-le régime social des marins constitue un régime spécial de sécurité social
-s' il verse à l'intimé une pension de retraite depuis 1999 incluant la bonification pour avoir élevé 03 enfants ou plus, l'article L 351-14 du code de la sécurité sociale ne figure pas au nombre des dispositions définies par le code des transports.
Par ses conclusions, l'Agent Judiciaire de l'Etat, intervenant forcé, demande à la cour de
-à titre principal, infirmer le jugement et dire que la majoration d'assurance pour les enfants prévue par l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale ne peut être attribuée à M. Y,
-à titre subsidiaire, renvoyer M. Y devant la CARSAT de Bretagne pour liquidation de ses droits,
-en tout état de cause, condamner la CARSAT de Bretagne au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
faisant valoir que
-M. Y ne remplit pas les conditions de l'article L 351-4 du code de la sécurité sociale pour pouvoir bénéficier de la majoration litigieuse
-l'article R 173-15 du Code de la Sécurité Sociale, et notamment son alinéa 3, ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, puisque le texte exige une affiliation à un des régimes de l'alinéa 1 (protection sociale agricole, professions artisanales, ou professions industrielles et commerciales) ainsi que des cotisations auprès du régime général ou du régime spécial
-le régime spécial des fonctionnaires régi par le Code des Pensions civiles et militaires prévoit pour l'attribution d'une majoration dans le cadre d'une pension civile ou militaire une condition d'interruption d'activité (article L 12 du Code des Pensions civiles et militaires) ; M. Y n'ayant pas cessé son activité professionnelle, il ne peut prétendre à la majoration prévue par l'alinéa 3 de cet article.
-la pension militaire de retraite à jouissance immédiate concédée à M. Y par Arrêté du 03 décembre 1984 a été définitivement liquidée par application de l'article L.12 du Code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur à la date de l'étude de ses droits, alors que l'article L.55 du Code des pensions civiles et militaires de retraite ne permet une révision pour erreur de droit que dans l'année de la notification de la pension.

SUR QUOI, LA COUR
Considérant que l'article L 351-4 du code de la sécurité sociale résultant de la loi du 21 août 2003, applicable à la date de liquidation de la pension du régime général versée à M. Y disposaient que "Les femmes assurées sociales bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance d'un trimestre pour toute année durant laquelle elles ont élevé un enfant, dans des conditions fixées par décret, dans la limite de huit trimestres par enfant". Que ces dispositions étaient incompatibles avec les articles 14 de la convention européenne des droits de l'homme et 1er du protocole additionnel n°l comme prévoyant une différence de traitement entre hommes et femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances, en ce qu'elles réservaient aux seules femmes le bénéfice d'une majoration de carrière pour avoir élevé un ou plusieurs enfants, ainsi que l'a décidé la Cour de cassation par arrêt du 18 février 2009 ( 07-20668).
Que dès lors, tout assuré, homme ou femme, liquidant sa pension à une date où lesdites dispositions étaient comme en l'espèce applicables (pension attribuée à effet du 01 octobre 2004), était parfaitement fondé à solliciter la majoration de sa durée d'assurance prévue au dit article dès lors qu'il avait élevé des enfants dans les mêmes circonstances que son conjoint, peu important en la matière d'une part que les dispositions de la loi de 2003 aient été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel, d'autre part que l'inégalité de traitement homme-femme contenue à ce texte n'ait été judiciairement constatée que postérieurement à l'attribution de la pension ; que M. Y étant toujours recevable à contester les éléments de détermination de sa pension du régime général pour les motifs exposés à l'arrêt du 28 mars 2012, il est en conséquence fondé à solliciter le bénéfice des dispositions de l'article L 351-4 issu de la loi de 2003 tel que résultant de l'application de l' article 14 de la convention et ce sans que celles-ci puissent être interprétées ou limitées par les termes de la loi du 24 décembre 2009, non applicable à l'espèce.
Que par ailleurs, il n'est pas contesté que M. Y a participé, au même titre que son épouse, à l'éducation de ses enfants ; qu'il est constant que Mme Y, tout comme son mari, a continué son activité professionnelle suite aux naissances successives des enfants ; qu'ainsi, aucune cause objective et raisonnable ne justifie une différence de traitement entre M. et Mme Y ayant élevé leurs enfants dans les mêmes circonstances, l'intimé n'ayant notamment pas à apporter la preuve qu'il a élevé seul un enfant ou chaque enfant.
Qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que M. Y était parfaitement fondé à solliciter la majoration de sa durée d'assurance en conséquence des dispositions de l'article L 351-4 issu de la loi de 2003 tel que résultant de l'application de l' article 14 de la convention ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a retenu qu'en l'absence de dispositions alors applicables précisant que cette majoration ne peut être allouée qu'à une seule personne, père ou mère, pour chaque enfant, le fait que Mme Y ait bénéficié de cet avantage ne peut être opposé à son mari.
Considérant que la CARSAT fait valoir qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article R 173-15 du Code de la Sécurité Sociale, le régime compétent pour accorder la majoration réclamée par M. Y est le régime spécial de la plus longue appartenance à l'exception de l'ENIM, soit en l'espèce le régime spécial relevant de l'agent judiciaire de l'Etat alors que le Régime Général ne saurait se substituer à l'empêchement desdits régimes d'accorder cette majoration.
Que l'article R 173-15 du Code de la Sécurité Sociale, en ses dispositions applicables, est rédigé comme suit
" La majoration de durée d'assurance prévue, en faveur des mères de famille, à l'article L. 351-4 est accordée, par priorité, par le régime général de sécurité sociale lorsque les intéressés ont été affiliés successivement, alternativement ou simultanément à ce régime et aux régimes de protection sociale agricole, des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales.
Lorsque les intéressées ont été affiliées successivement, alternativement ou simultanément à un ou plusieurs des régimes mentionnés à l'alinéa précédent à-l'exception du régime général, la majoration de durée d'assurance est accordée par le régime auquel l'intéressée a été affiliée en dernier lieu et, subsidiairement, en cas d'affiliations simultanées, par le régime susceptible d'attribuer la pension la plus élevée.
Lorsque les intéressées ont été affiliées successivement, alternativement ou simultanément à un ou plusieurs des régimes mentionnés au premier alinéa ci-dessus et à un régime spécial de retraite prévoyant une majoration de durée d'assurance en faveur des mères de famille, cette majoration est accordée en priorité par le régime spécial si celui-ci est susceptible d'accorder en vertu de ses propres règles une pension aux intéressées. Toutefois, pour les assurées relevant de l'article 86 du décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 modifié relatif au régime de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et qui ont été affiliées soit à un seul des régimes mentionnés au premier alinéa, soit à plusieurs de ces régimes, la majoration n'est pas accordée par le régime spécial dès lors que l'intéressée justifie dans l'autre régime ou l'un des autres régimes concernés d'une durée d'affiliation supérieure à celle du régime spécial. Dans le cas où les personnes relevant de l'article visé ci-dessus justifient dans plusieurs des régimes mentionnés au premier alinéa d'une durée d'affiliation supérieure à celle du régime spécial, la majoration est accordée par le régime qui est prioritaire en application des règles édictées aux premier et deuxième alinéas.
Si les droits à pension statutaire ont été liquidés avant la naissance d'un ou plusieurs enfants, il est fait application des règles de priorité prévues aux premier et deuxième alinéas ci-dessus.
De même lorsque le régime spécial est en concurrence avec les régimes de base mentionnés aux premier et deuxième alinéas ci-dessus et qu'il est tenu de servir une pension proportionnelle de vieillesse calculée selon les règles du régime général au titre de la coordination, il est fait application des règles édictées auxdits alinéas et donnant compétence prioritairement au régime général ou, à défaut, au régime de la dernière affiliation et subsidiairement, en cas d'affiliations simultanées, au régime susceptible d'attribuer la pension la plus élevée. La majoration de durée d'assurance susceptible d'être mise à la charge du régime spécial, dans les cas où la prise en charge de cette majoration lui incombe en vertu des règles de priorité ci-dessus, est celle prévue à l'article L. 351-4.
La majoration prévue à l'article L. 351-4 ne peut être cumulée, pour un même enfant, avec un avantage de même nature accordé, en vertu d'un autre texte, au titre d'un régime de base obligatoire. "
Que les dispositions de l'article R 173-15 du Code de la Sécurité Sociale portant coordination entre divers régimes, sont destinées à déterminer l'organisme chargé d'accorder la majoration de durée d'assurances en cas de pluralité de régime.
Qu'en l'espèce, il est constant que l'ENIM verse à l'intimé une pension de retraite depuis 1999, et qu'aucune majoration de durée d'assurance en faveur " des mères " de famille n'est accordée dans le cadre de ce régime spécial.
Qu'il est également constant que M. Y perçoit une pension militaire de retraite à jouissance immédiate servie depuis 1984 ( au titre de son ancienne activité de gendarme), aucune indication n'ayant par ailleurs été donnée par l'agent judiciaire de l'Etat quant au service d'une pension à M. Y au titre de l'activité qu'il a exercée au Ministère de l'économie.
Considérant qu'il résulte des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 173-15 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige qu'en tout état de cause, dans l'hypothèse où une mère de famille a été affiliée successivement, alternativement ou simultanément, d'une part, au régime général de sécurité sociale ou aux régimes de protection sociale agricole, des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales et, d'autre part, à un régime spécial de retraite prévoyant une majoration de durée d'assurance en faveur des mères de famille ( comme en l'espèce, prévu par le Code des pensions civiles et militaires de retraite), la majoration de durée d'assurance prévue par l'article L. 351-4 du même code n'est attribuée par priorité par le régime spécial de retraite que si le droit à cette majoration est effectivement ouvert à la mère de famille dans le régime spécial en application de ses propres règles. Qu'en l'occurrence, M. Y ne pouvait prétendre à la majoration pour enfant dans le cadre du régime spécial des fonctionnaires régi par le code des pensions civiles et militaires puisque n'ayant pas interrompu son activité à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant, condition spécifique au code des pensions civiles et militaires; que dès lors, la majoration d'assurance pour les enfants prévue par l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale applicable dans le cadre du régime général relevant de la CARSAT n'avait pas à être accordée par le régime spécial ;
Que la CARSAT demeure donc le régime compétent pour accorder la majoration réclamée par M. Y.
Que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a renvoyé l'intimé devant la CARSAT Bretagne pour la liquidation de ses droits.
Que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe, Vu les arrêts de la présente cour des 28 mars 2012 et 05 mars 2014,
Confirme le jugement déféré ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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