Jurisprudence : Cass. civ. 3, 25-03-2015, n° 14-11.978, FS-P+B, Rejet

Cass. civ. 3, 25-03-2015, n° 14-11.978, FS-P+B, Rejet

A6829NEN

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:C300355

Identifiant Legifrance : JURITEXT000030409693

Référence

Cass. civ. 3, 25-03-2015, n° 14-11.978, FS-P+B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23834669-cass-civ-3-25032015-n-1411978-fsp-b-rejet
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Abstract

Il est un temps que les moins de... soixante ans ne peuvent pas connaître (1) : tel est bien le contexte des faits de l'espèce soumise à la Cour de cassation dans son arrêt du 25 mars 2015, alors que les bruits de bottes commencent à gronder dans toute l'Europe.. Aux termes d'un arrêt rendu le 25 mars 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation énonce qu'en l'absence de manifestation d'une volonté non équivoque de renoncer au droit de reprise, le congé a été valablement délivré (Cass. civ. 3, 25 mars 2015, n° 14-11.978, FS-P+B).



CIV.3 CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 25 mars 2015
Rejet
M. TERRIER, président
Arrêt no 355 FS-P+B
Pourvoi no J 14-11.978
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ M. Z Z, domicilié Villeroy,
2o/ la société de la Trace, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est Villeroy,
contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2013 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige les opposant
1o/ à Mme Y Y, épouse Y, 2o/ à M. Y Y,
domiciliés Congis-sur-Thérouanne,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 février 2015, où étaient présents M. Terrier, président, M. Echappé, conseiller rapporteur, Mmes Fossaert, Feydeau, Masson-Daum, M. Parneix, Mmes Andrich, Salvat, Dagneaux, M. Barbieri, conseillers, Mmes Proust, Meano, Collomp, conseillers référendaires, M. Bailly, avocat général référendaire, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Echappé, conseiller, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. Z et de la société de la Trace, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat des époux Y, l'avis de M. Bailly, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 novembre 2013), que les auteurs des époux Y ont donné en 1941, par acte authentique, aux auteurs de M. Z, diverses parcelles de terre ; que le bail comportait une clause selon laquelle à l'expiration du présent bail il serait consenti aux preneurs ou à leurs ayants droit un nouveau bail de manière que les terres soient données à bail à M. et Mme Z aussi longtemps que ceux-ci ou leurs héritiers ou descendants directs exploiteront pour eux-mêmes sans aller au-delà de l'année 2040 ; que le bail a été renouvelé plusieurs fois, soit tacitement, soit judiciairement ; que par acte du 22 avril 2011, les époux Y ont délivré à M. Z un congé pour reprise au bénéfice de leur fils ;

Attendu que M. Z et l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) de la Trace, à la disposition de laquelle il avait mis les terres louées, font grief à l'arrêt de valider le congé, alors, selon le moyen, que si le statut du fermage est d'ordre public, il peut être renoncé à son application dès lors que les droits en résultant sont nés et acquis ; qu'en l'espèce, les parties avaient accepté à plusieurs reprises le renouvellement du bail aux clauses et conditions du bail d'origine de 1941, et avaient maintenu l'insertion de la clause litigieuse dans les baux renouvelés, prévoyant qu'à la demande des preneurs, le bail se renouvellerait à leur profit, celui de leurs héritiers ou descendants directs, par périodes de dix-huit ans jusqu'en 2040, ce dont il résultait que les bailleurs avaient bien manifesté leur volonté de renoncer au bénéfice de leur droit de reprise avant l'échéance conventionnellement fixée en 2040 ; que dès lors, en retenant que le maintien de la clause litigieuse dans les baux renouvelés ne pouvait pas emporter renonciation des bailleurs au droit de reprise prévu aux articles L.411-58 et suivants du code rural, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient nécessairement au regard des articles L. 411-46, L. 411-50, L. 411-64 et L. 415-12 du code rural et de la pêche maritime et 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le bail avait été consenti en 1941 à une date où le fermage était régi par les règles du code civil, et non par un statut dont les règles sont d'ordre public, qu'il s'était renouvelé à plusieurs reprises sans établissement d'un nouveau contrat et que la clause litigieuse n'avait été maintenue qu'en application de l'acte de 1941 qui imposait sa reprise, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'en l'absence de manifestation d'une volonté non équivoque de renoncer au droit de reprise, le congé avait été valablement délivré ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z et la société de la Trace aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. Z et la société de la Trace à payer aux époux Y la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. Z et la société de la Trace.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR validé le congé délivré le 22 avril 2011 pour le 11 novembre 2012 à M. Z Z et à l'Earl de la Trace, portant sur les parcelles situées à Neufmontiers, cadastrées X 120 ET X 130, pour respectivement 14 ha 66 a 68 ca et 12 ha 42 a 55 ca, ordonné en conséquence la libération de ces parcelles dans les deux mois à compter de la signification de l'arrêt, ordonné l'expulsion à défaut de départ volontaire et fixé une indemnité d'occupation égale au montant du fermage conventionnel augmenté des taxes récupérables due à compter du 12 novembre 2012 jusqu'à la libération des terres,
AUX MOTIFS QU' " aux termes de l'article 1351 du code civil qui fixe les limites de l'autorité de la chose jugée, celle-ci "n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formées par elles et contre elles en la même qualité", l'article 480 du code de procédure civile attachant cette autorité aux seuls points tranchés dans le dispositif de la décision; que par conséquent, les motifs d'une décision même s'ils en sont le soutien nécessaire n'ont aucune autorité de chose jugée ; qu'en l'espèce la décision confirmée par la cour d'appel de Paris le 16 juin 1969, "dit que le congé qu'ont fait donner les consorts X à Codron Z des terres par lui exploitées à Neufmontiers et Villeroy, pour une superficie de 40 ha 48 a 88 ca, est nul et de nul effet . Et qu'en conséquence Codron Z bénéficie d'un bail de 18 années qui a commencé à courir le 11 novembre 1958 pour se terminer le 11 novembre 1976"; que le litige portait sur la date du premier renouvellement, de la validité de celui-ci ainsi que la clandestinité ou non d'une cession du bail à une association constituée entre les ayants droit du premier preneur ; qu'à aucun moment, la cour ne s'est prononcée sur la validité des dispositions par lesquelles M. X s'engageait pour lui-même et ses héritiers à renouveler le bail consenti à M. Z ou à ses héritiers jusqu'en 2040, même si elle relevait l'existence de cette clause au cours de son raisonnement ; que l'action de M et Mme Y ne se heurte donc à aucune fin de non recevoir,
QU'immédiatement après l'indication des parties au bail notarié, il est stipulé que les ayants cause de M. et Mme Y "ont loué et donné à ferme pour une durée de dix huit années (souligné par la cour) qui ont commencé à courir pour faire la récolte de 1941, pour finir le 11 novembre 1958" la condition particulière en pages 20 et 21 de l'acte précisant qu'à "compter du présent bail (souligné par la cour) et si les preneurs ou leurs ayants droits, comme il est dit ci-dessus en font la demande par écrit aux bailleurs, un an au moins avant l'expiration du présent bail (souligné par la cour), il sera consenti aux preneurs où à leurs ayants droits comme il est dit ci-dessus, un nouveau bail d'une durée égale au présent bail (souligné par la cour), sous les mêmes charges clauses et conditions et moyennant un fermage qui sera fixé en accord entre les parties ou, à défaut d'accord par deux experts désignés, comme il est dit ci-dessus. a présente clause sera également insérée dans tout nouveau bail de manière que les terres faisant l'objet du bail soient données à bail à M. et Mme Z Z ou à leurs héritiers ou descendants directs aussi longtemps que ceux-ci exploiteront pour eux-mêmes, par leur conjoint ou par leurs auteurs la ferme de la Trace, sans que la présente clause puisse avoir pour effet d'assurer à M et Mme Z ou à leurs ayants droit le bénéfice des présentes conventions au-delà de l'année 2040" ; que si cette convention peut apparaître comme la mise en forme, trois ans après de l'accord pré-contractuel du 9 février 1939 qui prévoit simplement que le bail à venir sera "d'une durée aussi longue que possible, révision du prix tous les douze ans, rupture automatique en cas de cession" elle ne peut conduire le juge, sous prétexte d'interprétation, à dénaturer les clauses claires et précises de l'acte signé ensuite par les parties ; qu'il en ressort, une volonté clairement exprimée par les deux parties, preneurs et bailleurs ruraux, de s'engager dans le cadre d'une convention synallagmatique d'une durée de dix-huit années, le preneur n'étant, sauf manifestation expresse de sa part de voir renouveler le bail, tenu que pendant dix-huit années ; que de son côté, le bailleur s'engageait unilatéralement et par avance à accepter le renouvellement du bail initial, à son expiration, sous des conditions de forme (une demande écrite un an avant l'expiration du bail) et de fond (l'exploitation par le preneur ou ses héritiers), l'indication que cette dernière obligation avait pour terme l'année 2040 en conditionnant sa validité, au regard des dispositions du code civil relatives aux baux alors seules applicables ; que M. Z Z et l'EARL de la TRACE ne peuvent donc prétendre contre la lettre et l'esprit de la convention des 20 et 31 décembre 1941, être titulaire ou exploiter des terres dans le cadre d'un bail d'une durée de 99 années ; que ce bail est d'une durée de dix-huit années, a d'ailleurs été renouvelé les 11 novembre 1958 et 11 novembre 1976 et pour la dernière fois, au profit de M. Z Z, le 11 novembre 1994 ; que la clause litigieuse constitue une promesse unilatérale de bail qui ne vaut pas bail, le bénéficiaire ne pouvant en cas de résistance en obtenir l'exécution forcée mais uniquement agir en dommages et intérêts ; que de plus, consentie en 1941 à une date où le fermage n'était régi que par le code civil, cette promesse ne pouvait pas emporter renonciation des bailleurs aux droits de reprise consentis au bailleur par le statut du fermage, promulgué après l'accord des parties ; que le bail s'est ensuite renouvelé à plusieurs reprises soit amiablement, soit judiciairement, sans établissement d'un nouveau contrat, la clause litigieuse n'ayant été maintenue qu'en application de la clause de l'acte de 1941 qui imposait sa reprise, sans amendement ou ajout que dès lors, en l'absence de manifestation de volonté en ce sens des bailleurs, elle ne peut pas emporter renonciation des bailleurs au droit de reprise prévu aux articles L41 1-58 et suivants du code rural ; que d'ailleurs,
le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 15 novembre 1995 a fait ce même constat lorsqu'il a dit que les preneurs ne pouvaient, lors du renouvellement du bail, refuser l'introduction d'une clause de reprise sexennale ; que dès lors, le congé du 22 avril 2011 ne pouvait pas être invalidé comme contrevenant aux stipulations contractuelles et la décision déférée sera donc infirmée sur ce point ; que le congé du 22 avril 2011 est régulier en la forme, comme délivré par acte extra-judiciaire, au moins dix huit mois avant la fin du bail et comme contenant les mentions prévues à l'article L411-47 du code rural ainsi que le rappel des dispositions de l'article L411-64 alinéa 3 du code rural ; qu'en application de l'article L411-64 du code rural, lorsque le preneur a atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail par acte extra-judiciaire délivré au moins dix huit mois à l'avance sans être tenu de remplir les conditions énoncées aux articles L 411- 46 à L 411-68 du même code ; qu'en l'espèce, le terme du bail renouvelé le 11 novembre 1994 était fixé au 11 novembre 2012 et à cette date, M. Z Z a atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, soit pour une personne née en 1951, soixante ans et quatre mois, pour être né le 18 novembre 1951; que la cour peut faire le constat, que l'exploitation de M. Z Z est d'une taille excédant celle qu'un agriculteur peut exploiter en percevant une pension de retraite (fixée à 1/5ème de la SMI qui est en Seine et Marne de 40 ha pour la polyculture) ; que dès lors, le congé est régulier et sera validé à effet du 11 novembre 2012 ; qu'à compter de cette date M. Z Z et l'Earl de la Trace seront redevables d'une indemnité d'occupation égale au montant des fermages dus ; que preneur et exploitant devront également rendre libre de toute occupation les parcelles faisant l'objet du congé du 22 avril 2011, dans le délai de deux moins à compter e la signification du présent arrêt et à défaut de départ volontaire dans ce délai, il pourra être procédé à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous biens et occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique ;"
ALORS QUE si le statut du fermage est d'ordre public, il peut être renoncé à son application dès lors que les droits en résultant sont nés et acquis ; qu'en l'espèce, les parties avaient accepté à plusieurs reprises le renouvellement du bail aux clauses et conditions du bail d'origine de 1941, et avaient maintenu l'insertion de la clause litigieuse dans les baux renouvelés, prévoyant qu'à la demande des preneurs, le bail se renouvellerait à leur profit, celui de leurs héritiers ou descendants directs, par périodes de 18 ans jusqu'en 2040, ce dont il résultait que les bailleurs avaient bien manifesté leur volonté de renoncer au bénéfice de leur droit de reprise avant l'échéance conventionnellement fixée en 2040 ; que dès lors, en retenant que le maintien de la clause litigieuse dans les baux renouvelés ne pouvait pas emporter renonciation des bailleurs au droit de reprise prévu aux articles L.411-58 et suivants du code rural, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient nécessairement au regard des articles L.411-46, L.411-50, L.411-64 et L.415-12 du code rural
et de la pêche maritime et 1134 du code civil.

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