Jurisprudence : CE Contentieux, 25-06-2004, n° 249300

CE Contentieux, 25-06-2004, n° 249300

A7901DCM

Référence

CE Contentieux, 25-06-2004, n° 249300. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1891682-ce-contentieux-25062004-n-249300
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Abstract

Dans un arrêt en date du 25 juin dernier, le Conseil d'Etat a jugé que le "12" ne pouvait plus être utilisé exclusivement par le service de renseignements téléphoniques d'un opérateur à savoir la société France Télécom (CE, contentieux, 25 juin 2004, n° 249300, Société Scoot France et autre).



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N°s 249300, 249722

- SOCIETE SCOOT FRANCE

- SOCIETE FONECTA

Mme Suzanne von Coester, Rapporteur
Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement

Séance du 11 juin 2004
Lecture du 25 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°/, sous le n° 249300, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 2 décembre 2002 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SCOOT FRANCE, dont le siège est Tour Cèdre, 7, allée de l'Arche, à Courbevoie Cedex (92677) ; la SOCIETE SCOOT FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'Autorité de régulation des télécommunications a rejeté sa demande tendant à la révision du plan national de numérotation en vue de la suppression du "12" comme numéro servant aux services de "renseignement par opérateur" et à l'attribution de numéros de même format à tous les opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques ;

2°) d'enjoindre à l'Autorité de régulation des télécommunications de modifier le plan national de numérotation afin que le numéro "12" ne puisse plus être utilisé pour le service de "renseignement par opérateur", d'attribuer aux sociétés présentes sur le marché des renseignements téléphoniques, dans un délai de trois mois, un format de numérotation équivalent et de prescrire toute mesure d'accompagnement pour assurer le rétablissement d'une concurrence loyale ;

Vu 2°/, sous le n° 249722, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août et 17 décembre 2002 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FONECTA, dont le siège social est 3, cité Ferembach, à Paris (75017) ; la SOCIETE FONECTA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'Autorité de régulation des télécommunications a rejeté sa demande tendant à la révision du plan national de numérotation en vue de la suppression du "12" comme numéro servant aux services de "renseignement par opérateur" et à l'attribution de numéros de même format à tous les opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques ;

2°) d'enjoindre à l'Autorité de régulation des télécommunications de modifier le plan national de numérotation afin que le numéro "12" ne puisse plus être utilisé pour le service de "renseignement par opérateur", d'attribuer aux sociétés présentes sur le marché des renseignements téléphoniques, dans un délai de trois mois, un format de numérotation équivalent et de prescrire toute mesure d'accompagnement pour assurer le rétablissement d'une concurrence loyale ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des postes et télécommunications ;

Vu la décision n° 98-75 de l'Autorité de régulation des télécommunications du 3 février 1998 approuvant les règles de gestion du plan national de numérotation ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Suzanne von Coester, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE SCOOT FRANCE et de la SOCIETE FONECTA et de la société The Number UK Ltd "118 118" (intervenant), de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la société Telegate AG et de Me Foussard, avocat de l'Autorité de régulation des télécommunications,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes des SOCIETES SCOOT FRANCE et FONECTA tendent à l'annulation des décisions implicites par lesquelles l'Autorité de régulation des télécommunications a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à la modification du plan national de numérotation afin que le numéro "12" ne puisse plus être utilisé pour le service de "renseignement par opérateur" et, d'autre part, à l'attribution de numéros de même format à tous les opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques ; que ces requêtes présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les interventions des sociétés Telegate AG, New Media 21st et The Number UK Ltd :

Considérant que les sociétés Telegate AG, New Media 21st et The Number UK Ltd, fournisseurs de services de renseignements téléphoniques, ont intérêt à l'annulation des décisions attaquées ; que, dès lors, et même si elles n'exerçaient pas d'activité en France à la date de ces décisions, leurs interventions sont recevables ;

En ce qui concerne l'instruction des affaires :

Considérant qu'après avoir pris connaissance des premiers échanges de mémoires écrits, la 2ème sous-section de la section du contentieux a, pour une meilleure instruction de ces affaires, prescrit et diligenté, conformément aux dispositions des articles R. 623-1 et suivants du code de justice administrative, une enquête au cours de laquelle elle a entendu contradictoirement l'ensemble des parties ; que le procès-verbal de ces débats oraux a été joint au dossier de l'instruction écrite ; que de nouveaux mémoires ont été produits et communiqués ; que c'est en cet état de l'instruction que la formation de jugement a délibéré ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 32-1 du code des postes et télécommunications : " Le ministre chargé des télécommunications et l'Autorité de régulation des télécommunications veillent, dans le cadre de leurs attributions respectives. : 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de télécommunications" ; qu'aux termes de l'article L. 34-10 du même code : "Un plan national de numérotation est établi par l'Autorité de régulation des télécommunications et est géré sous son contrôle. Il garantit un accès égal et simple aux différents réseaux et services de télécommunications et l'équivalence des formats de numérotation./ L'Autorité de régulation des télécommunications attribue aux opérateurs des préfixes et des numéros ou blocs de numéros dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, moyennant une redevance, fixée par décret en Conseil d'Etat, destinée à couvrir les coûts de gestion du plan de numérotation et le contrôle de son utilisation. (.)" ; qu'aux termes de l'article L. 36-7 du même code : "L'Autorité de régulation des télécommunications : (.) 6° Attribue aux opérateurs et aux utilisateurs, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, les ressources . en numérotation nécessaires à l'exercice de leur activité, veille à leur bonne utilisation, établit le plan national de numérotation et contrôle sa gestion (.)" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'Autorité de régulation des télécommunications de fixer les règles d'attribution des ressources en numérotation, notamment en ce qui concerne les formats de numérotation, de manière à n'entraîner aucune rupture d'égalité entre les opérateurs de télécommunications et à favoriser, au bénéfice des utilisateurs, une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseaux de télécommunications et les fournisseurs de services de télécommunications ;

Considérant qu'en vertu des règles de gestion du plan national de numérotation approuvées par la décision n° 98-75 du 3 février 1998 de l'Autorité de régulation des télécommunications, les numéros "courts" sont des numéros à quatre chiffres, commençant par un 3, qui peuvent être attribués, selon les mêmes critères, à tous les opérateurs de télécommunications ; que les numéros "spéciaux" sont des numéros à deux, trois ou quatre chiffres, commençant par un 1, qui peuvent être attribués aux exploitants de réseaux de télécommunications pour des services d'intérêt collectif gratuits ou pour certains services directement liés à l'exploitation du réseau, comme le service de dérangement ou le service après-vente, et à faible coût pour l'utilisateur appelant ; qu'enfin, le numéro "12" est affecté au service de "renseignement par opérateur" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en application de ces règles de gestion, le numéro "12" est réservé aux services de renseignements téléphoniques fournis à leurs abonnés par les exploitants de réseaux de télécommunications, fixes ou mobiles, entre lesquels il est partagé à titre gratuit ; qu'en revanche, les fournisseurs de services de renseignements téléphoniques, telles que les sociétés requérantes et intervenantes, ne peuvent offrir leurs services que par un numéro "court", attribué par l'Autorité de régulation des télécommunications en contrepartie du paiement de la redevance prévue au deuxième alinéa de l'article L. 34-10 du code des postes et télécommunications ;

Considérant, d'une part, que, si les exploitants de réseaux de télécommunications offrent, sur le "12", des services de renseignements téléphoniques, dits "de base", plus limités dans leur contenu que ceux, dits "à valeur ajoutée", offerts, sur les numéros "courts", par les fournisseurs de services de renseignements téléphoniques, il ne ressort pas de l'enquête et des mémoires échangés que ces entreprises, qui fournissent des services aux mêmes utilisateurs, pour des usages et à des prix comparables, soient dans une situation différente au regard des besoins en format de numérotation selon qu'elles interviennent comme exploitants de réseaux ou comme fournisseurs de services, alors notamment que le service de renseignements téléphoniques n'est pas indissociablement lié à l'exploitation du réseau téléphonique ; que la circonstance que l'une de ces entreprises offre un service, dit "universel", de renseignements téléphoniques, répondant aux conditions posées par les articles L. 35-1 à L. 35-7 du code des postes et télécommunications, ne suffit pas non plus à justifier que soit affecté à ce service un format de numérotation différent de celui dévolu aux autres services de renseignements téléphoniques, dès lors notamment que les contraintes imposées à ce service doivent, en vertu des dispositions précitées, être financièrement compensées par les autres opérateurs ; qu'ainsi, en refusant d'attribuer un même format de numérotation aux services de renseignements téléphoniques offerts par les exploitants de réseaux de télécommunications et à ceux offerts par les autres opérateurs, l'Autorité de régulation des télécommunications a laissé subsister une discrimination non justifiée entre ces opérateurs ;

Considérant, d'autre part, que les exploitants de réseaux de télécommunications et les fournisseurs de services de renseignements téléphoniques offrent, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, des services substituables, au moins pour partie, et peuvent, de ce fait, être regardés comme intervenant sur un même marché ; que les règles de gestion du plan national de numérotation, en autorisant les exploitants de réseaux de télécommunications à fournir en exclusivité à leurs abonnés, sous le numéro traditionnellement associé au service de renseignements par téléphone et sans verser de redevance, des services de renseignements téléphoniques, méconnaissent, compte tenu de la position dominante de ces opérateurs sur le marché, les objectifs énoncés au II de l'article L. 32-1 du code des postes et télécommunications ; qu'il ressort des débats oraux auxquels a donné lieu l'enquête ainsi que des mémoires échangés entre les parties que le partage du "12" entre tous les opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques ne serait pas de nature à lever les obstacles ainsi créés au libre jeu de la concurrence, dès lors que les exploitants de réseaux de télécommunications, dont le nombre est limité et qui détiennent les informations nécessaires à l'établissement des listes d'abonnés utilisées pour la fourniture de services de renseignements téléphoniques, conserveraient, en tout état de cause, dans cette hypothèse, la maîtrise de l'accès aux services fournis par les opérateurs concurrents, via le mécanisme dit de "pré-sélection" ; que, si l'Autorité de régulation des télécommunications fait valoir que certaines associations de consommateurs ont manifesté le souhait de continuer à disposer du numéro qui donne traditionnellement accès au service de renseignements téléphoniques, cette circonstance ne suffit pas - compte tenu notamment de la possibilité d'aménager un dispositif transitoire permettant de garantir la continuité et la simplicité d'accès au service jusqu'alors fourni par le "12" et au regard des gains attendus, en termes de prix, de qualité et de diversité des services de renseignements offerts, d'une concurrence sur le marché des services de renseignements téléphoniques - à justifier le maintien du "12" ; qu'ainsi, en maintenant le "12" pour le service de "renseignement par opérateur", l'Autorité de régulation des télécommunications a méconnu l'objectif de concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseaux de télécommunications et les fournisseurs de services de télécommunications qu'en vertu des dispositions précitées du II de l'article L. 32-1 du code des postes et télécommunications il lui incombe de faire respecter, au bénéfice des utilisateurs, dans l'attribution des ressources en numérotation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en refusant de modifier le plan national de numérotation afin que le "12" ne puisse plus être utilisé pour le service de "renseignement par opérateur" et d'attribuer un même format de numérotation à tous les opérateurs qui offrent des services de renseignements téléphoniques, l'Autorité de régulation des télécommunications a méconnu les dispositions du II de l'article L. 32-1, de l'article L. 34-10 et du 6° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications ; que les sociétés requérantes sont, par suite, fondées à demander l'annulation des décisions qu'elles attaquent ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (.) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision cette mesure, assortie le cas échéant d'un délai d'exécution " ;

Considérant que l'annulation des décisions de l'Autorité de régulation des télécommunications implique nécessairement, d'une part, que celle-ci attribue des numéros de même format à tous les opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques et, d'autre part, qu'elle modifie le plan national de numérotation afin que, sous réserve, le cas échéant, d'une période transitoire, le numéro "12" ne puisse plus être utilisé pour le service de "renseignement par opérateur" ; que, dès lors, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'Autorité de régulation des télécommunications de définir ces mesures dans un délai maximum de six mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

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