Jurisprudence : Cass. com., 28-04-2004, n° 00-12.827, inédit, Rejet



COMM.                L.G.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 28 avril 2004
Rejet
M. TRICOT, président
Arrêt n° 695 F D
Pourvoi n° T 00-12.827
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par
1°/ M. Jean-Marc Z, demeurant Paris,
2°/ M. Christophe Y, demeurant Antony,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 décembre 1999 par la cour d'appel de Paris (3e chambre civile, section C), au profit
1°/ de la société Gestion, développement et services (GDS), dont le siège est Paris,
2°/ de M. Bruno W, demeurant Paris,
3°/ de M. Camille Lawson V, demeurant Domont,
4°/ de Mme Danielle U, demeurant Paris,
5°/ de Mme Sylvie T, épouse T, demeurant Paris,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 mars 2004, où étaient présents M. Tricot, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de MM. Z et Y, de Me Choucroy, avocat de la société Gestion, développement et services, de MM. W et V V et de Mmes U et T, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 décembre 1999), que, le 23 mai 1997, une assemblée générale ordinaire de la société à responsabilité limitée Gestion développement et services (la société) qui exerçait une activité de conseil et de prestations de services aux entreprises a, notamment, décidé l'approbation des comptes de la société pour l'exercice 1996 et approuvé des conventions relevant de l'article 50 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 223-19 du Code de commerce, intervenues au cours de l'exercice entre la société et diverses personnes physiques ou morales, dont son gérant ; que MM. Z et Y, associés minoritaires, ont poursuivi judiciairement la société, son gérant, et les associés majoritaires aux fins de voir prononcer la nullité de ces délibérations, ainsi que la réparation des préjudices que leur auraient causé, d'une part, un abus de majorité commis par les associés, d'autre part, les fautes commises par le gérant dans le cadre de sa gestion ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches

Attendu que MM. Z et Y font grief à l'arrêt d'avoir annulé les seules résolutions relatives à l'approbation des comptes et d'avoir rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de toutes celles prises lors de l'assemblée générale du 23 mai 1997, alors, selon le moyen
1°) qu'ils faisaient valoir que l'abandon de créance consenti par la société GDS à l'association BGP pour un montant de 529 166 francs était établi par une convention signée le 5 novembre 1996 ; qu'en affirmant que la preuve de cet abandon n'était pas rapportée, sans répondre à ces écritures qui invoquaient un élément de preuve précis, mentionné sur le bordereau de communication des pièces y annexé, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) qu'après avoir relevé à juste titre que les documents produits en défense par les intéressés eux-mêmes n'établissaient pas que, en vue de l'assemblée générale en cause, les associés avaient reçu une information complète sur les comptes de l'exercice écoulé et que, n'ayant pas été à même de donner leur avis sur ces comptes en complète connaissance de cause, il y avait lieu d'annuler les résolutions 1, 2 et 3 de l'assemblée, le juge se devait d'en déduire que les associés n'avaient pas été mis en mesure de se prononcer dans les conditions exigées sur l'opportunité -qui dépendait de la situation générale de la société- d'approuver les conventions particulières visées à l'article 50 de la loi du 24 juillet 1966 et passées entre la société et "diverses personnes physiques ou morales", et ce quel que soit le contenu du rapport spécial de gérance ; qu'en omettant de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d'appel a violé ensemble les articles 50 et 340 de la loi du 24 juillet 1966 ;
3°) qu'en ne donnant aucune précision sur le contenu du rapport spécial de la gérance qui aurait été adressé aux associés avant l'assemblée du 23 mai 1997 et en ne précisant pas en quoi il aurait comporté une information suffisante leur permettant d'approuver les conventions particulières soumises à leur agrément, la cour d'appel n'a conféré aucune base légale à sa décision au regard de l'article 50 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu, en premier lieu, que, par un motif non critiqué, la cour d'appel a constaté que la huitième résolution portant sur l'approbation des opérations intervenues entre l'association BGP et la société au cours de l'exercice avait été rejetée, ce dont il résultait que l'abandon de créance litigieux, intervenu dans le cadre de ces opérations, n'était pas concerné par la demande d'annulation ;
Attendu, en second lieu, qu'au terme des dispositions de l'article L. 235-1 du code de commerce, la nullité d'actes ou de délibération de la vie sociale autres que ceux qui modifient les statuts ne peut résulter que d'une disposition impérative du livre du Code de commerce concernant les sociétés commerciales ou des lois qui régissent les contrats ; que la cour d'appel, devant laquelle il n'était prétendu ni que les associés auraient été trompés sur l'étendue des engagements contenus dans les conventions litigieuses, ni que la situation financière de l'entreprise aurait pu les conduire à ne pas ratifier celles-ci, ni que le rapport de gérance aurait été insuffisant ou inexact, a légalement justifié sa décision et pu statuer comme elle a fait ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches
Attendu que MM. Z et Y font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à voir juger que les associés majoritaires avaient commis un abus de majorité leur ayant causé un préjudice pour lequel ils sollicitaient leur condamnation solidaire à leur payer à chacun et respectivement une certaine somme, alors, selon le moyen
1°) que nul ne peut se créer de titre à soi même ; qu'en se fondant, pour débouter les exposants de leur action dirigée notamment contre le gérant, sur des rapports de gestion établis par l'intéressé lui même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
2°) que les juges ne peuvent rejeter une prétention sans examiner les documents qui leur sont soumis à son appui ; qu'en retenant que, compte tenu de l'ancienneté des difficultés rencontrées par la société il n'était pas raisonnable de soutenir que pour justifier la cessation d'activité, le gérant avait par lettre circulaire du 19 mars 1997 "incité" les clients à mettre un terme à leurs relations contractuelles, sans préciser quel était le contenu de cette lettre et en faire l'analyse, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3°) que les juges doivent préciser sur quels éléments de preuve versés aux débats contradictoires et par eux analysés ils se sont fondés ; qu'en affirmant que les conditions d'abandon de tout droit au bail sur les locaux du premier étage de l'immeuble sis à Paris résultait des pièces versées aux débats et qu'il s'en déduisait que l'opération n'avait pas été défavorable aux intérêts de la société et donc des associés minoritaires, sans identifier les éléments qu'elle aurait ainsi examinés et relater leur contenu, fût-ce succinctement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4°) que les juges doivent se prononcer concrètement sur les causes qui leur sont soumises ; qu'en relevant que les cessions de matériels informatiques, agencement et mobiliers de bureau n'avaient pas présenté de caractère anormal s'agissant de biens, notamment pour les matériels informatiques, de seconde main se dépréciant très rapidement et dont les acquéreurs étaient peu nombreux, toutes considérations abstraites et de portée générale, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève, tout d'abord, que l'analyse des rapports de gestion établis par M. Z lui-même afférents aux exercices 1993,1994 et même 1995, montre que, déjà au cours de ces années, la santé de la société était très critique et que compte tenu du chiffre d'affaires réalisé et des faibles résultats obtenus la "réalisation des actifs restait à l'ordre du jour" ; qu'il énonce, ensuite, que les locaux en cause, n'ont fait l'objet d'aucun bail écrit au profit de l'une ou l'autre personnes morales qui les occupaient et que la société GDS, qui selon elle, n'a assuré que la "gestion du lieu", a néanmoins été destinataire de quelques factures de loyers qu'elle n'a jamais réglées et que pour se dégager de toute obligation vis-à-vis de la SCI propriétaire, la société a choisi, en accord avec cette dernière, de renoncer à se prévaloir de tout bail pour ne pas avoir à régulariser le paiement de loyers ; qu'il retient, enfin, que les matériels en cause ont été, pour la plupart, cédés à des valeurs proches, voire même supérieures, à celles figurant dans la comptabilité de la société ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de préciser quel était le contenu de la lettre circulaire du 19 mars 1997, a, par une décision motivée, souverainement apprécié les éléments de preuve qui lui étaient soumis ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen
Attendu que MM. Z et Y font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur action en réparation dirigée contre le gérant sur le fondement de l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966, alors selon le moyen, que la loi dispose que, outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent exercer l'action sociale en responsabilité contre les gérants ; qu'en déclarant que les associés d'une société n'étaient pas fondés à demander au gérant la réparation de leur préjudice personnel la cour d'appel a violé l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'aucune des opérations mises en oeuvre par le gérant n'a été de nature à porter préjudice à la société, non plus qu'à aucun de ses associés, fût-il minoritaire, l'arrêt se trouve justifié par ces seuls motifs abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen ; que celui-ci ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Z et Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes formées par MM. Z et Y ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille quatre.

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