TA Montreuil, du 06-06-2025, n° 2217115
B6434AI7
Référence
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 novembre 2022 et 16 février 2025, Mme B A demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'inviter le défenseur des droits à présenter des observations écrites ou orales dans le cadre du présent litige ;
2°) de produire les procès-verbaux des commissions administratives paritaires nationales ;
3°) d'annuler la décision du 12 octobre 2021 par laquelle son supérieur hiérarchique a refusé de lui octroyer un jour fixe de télétravail hebdomadaire, ensemble la décision du 3 novembre 2021 par lequel le chef divisionnaire au bureau principal nord a rejeté son recours hiérarchique ainsi que la décision du 26 septembre 2022 du directeur interrégional des douanes et droits indirects de Paris-Aéroports l'informant de l'avis défavorable émis par la commission administrative paritaire nationale le 8 juin 2022 sur son recours dirigé contre la décision de rejet de sa demande de télétravail ;
4°) d'enjoindre à sa hiérarchie de lui accorder une autorisation de télétravail d'un jour fixe hebdomadaire, dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de la direction interrégionale des douanes et droits indirects une somme de 1300 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence ;
- la décision du 12 octobre 2021 est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du décret du 11 février 2016🏛 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature, de l'arrêté du 22 juillet 2016 portant application dans les ministères économiques et financiers de l'article 7 du décret n° 2016-151 du 11 février 2016🏛 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature et de l'instruction cadre de la direction des douanes et droits indirects relative à la mise en œuvre du télétravail en douane du 13 juillet 2021, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que son activité est éligible au télétravail et que l'octroi d'une journée de télétravail par semaine ne porterait pas atteinte à l'intérêt du service ;
- elle est entachée de discrimination.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A ne sont pas fondés.
La clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2023.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012🏛 ;
- la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au défenseur des droits,
- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016🏛 ;
- l'arrêté du 22 juillet 2016 portant application, dans les ministères économiques et financiers, de l'article 7 du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature ;
- l'instruction cadre de la direction générale des douanes et droits indirects du 13 juillet 2021 relative à la mise en œuvre du télétravail en douane ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Van Maele,
- et les conclusions de M. Silvy, rapporteur public.
Les parties n'étaient ni présentes, ni représentées.
1. Mme A, inspectrice des douanes et droits indirects, est affectée sur le poste d'adjointe au chef du bureau de contrôle Air France de la direction régionale de Roissy Fret, au sein de la direction interrégionale Paris aéroport (DIPA), qui relève de la direction générale des douanes et droits indirects. Elle a demandé, le 17 septembre 2021, une autorisation d'exercice de ses fonctions en télétravail un jour fixe par semaine, le mardi. Sa demande a été rejetée par une décision de son chef de bureau du 12 octobre 2021. Par un courrier du 26 octobre 2021, elle a formé un recours hiérarchique contre ce refus, qui a été rejeté par une décision du 3 novembre 2021 du chef divisionnaire au bureau principal nord. Par un courrier du 8 décembre 2021, elle a exercé un recours devant la commission administrative paritaire nationale, qui a émis un avis défavorable à sa demande le 8 juin 2022. Par un courrier du 26 septembre 2022, le directeur interrégional de la DIPA l'a informée de l'avis défavorable de la commission administrative paritaire nationale. Mme C doit être regardée comme demandant au tribunal d'annuler la décision du 12 octobre 2021 par laquelle son chef de service a rejeté sa demande de télétravailler un jour fixe par semaine, ensemble la décision du 3 novembre 2021 rejetant son recours hiérarchique.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes l'article 133 de la loi du 12 mars 2012🏛 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, en vigueur à la date de la décision attaquée, désormais repris à l'article L. 430-1 du code général de la fonction publique : " Les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu'il est défini au premier alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail🏛. L'exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. ().". Aux termes de l'article 5 du décret du 11 février 2016🏛 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature : " Le chef de service, () apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l'intérêt du service. (). ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " I. - Un arrêté ministériel pour la fonction publique de l'Etat () fixe : / 1° Les activités éligibles au télétravail ; / () ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 22 juillet 2016🏛 portant application, dans les ministères économiques et financiers de l'article 7 du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature : " Le télétravail est ouvert aux activités pouvant être exercées à distance. / Ne peuvent être éligibles au télétravail les activités : / - qui exigent une présence physique effective dans les locaux de l'administration, notamment en raison des équipements matériels, de l'accès aux applications métiers nécessaires à l'exercice de l'activité, de la manipulation d'actes ou de valeurs, ou le traitement de données confidentielles dont la sécurité ne peut être assurée en dehors des locaux de l'administration ou d'un contact avec le public ou des correspondants internes ou externes ; / - exercées hors des locaux de l'administration, notamment pour les activités nécessitant une présence sur les lieux de contrôle. / () ". Aux termes de l'article 4 de l'instruction cadre de la direction générale des douanes et droits indirects du 13 juillet 2021 relative à la mise en œuvre du télétravail en douane, adressée aux directeurs interrégionaux par la note de du 19 juillet 2021 : " Le télétravail est envisageable pour tout agent en fonction, quel que soit son statut () sa catégorie statutaire ou son grade. / () / Les chefs de service peuvent télétravailler et encadrer leurs équipes à distance. / () / Les activités exercées par les agents de la branche opérations commerciales/administration générale sont considérées comme étant éligibles au télétravail, à l'exception des activités de contrôle physique, des activités qui exigent une présence physique dans les locaux de l'administration (accueil du public notamment) ou dans les locaux des opérateurs. / () Il convient de veiller au maintien du collectif et à la nécessité de ne pas transférer la charge de travail sur les agents exerçant sur site. / () / Chaque demande fait l'objet d'un examen au regard de la situation individuelle de l'agent et des enjeux liés au fonctionnement du collectif de travail. ". Enfin, par une note de cadrage du 10 août 2021 le directeur interrégional de la direction interrégionale Paris aéroport (DIPA) a précisé aux chefs de bureaux de la DIPA que : " L'économie générale est d'encourager le retour en présentiel et de renforcer le collectif de travail. Il s'agit en conséquence d'encadrer la quotité dé télétravail, en incitant les agents à solliciter du télétravail flottant plutôt que fixe qui permettra outre une souplesse de gestion, un traitement équitable entre agents, et une adaptabilité aux besoins du service. / Dans cette perspective, la présence des managers auprès des équipes est cruciale. Au regard de cet impératif, les encadrants qui solliciteraient une convention de télétravail pérenne disposeront au maximum de 12 jours flottants par an. () ".
3. Il résulte des dispositions précitées que les fonctionnaires peuvent bénéficier de jours de télétravail fixes ou flottants, dans une limite de trois jours par semaine s'agissant des jours fixes, à condition que leurs fonctions soient éligibles au télétravail et que la demande de télétravail soit compatible avec la nature des activités exercées par l'agent et l'intérêt du service. Il résulte notamment de l'instruction cadre du 13 juillet 2021 que les chefs de service de la DGDDI peuvent télétravailler et encadrer leurs équipes à distance.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a refusé à Mme A le droit de télétravailler un jour fixe par semaine au motif que ses fonctions d'adjointe au chef de bureau ne sont pas éligibles au télétravail et que sa demande est incompatible avec le fonctionnement du service.
5. Il résulte des dispositions précitées, notamment de l'article 4 de l'instruction cadre du 13 juillet 2021 précisant les modalités de mise en œuvre du télétravail au sein de la DGDDI, que la circonstance qu'un agent occupe des fonctions de chef de bureau ou, a fortiori, d'adjoint au chef de bureau, ne constitue pas, à elle seule, un motif permettant de rejeter une demande de télétravail. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les activités d'adjointe au chef du bureau de contrôle Air France exercées par Mme A, qui relèvent de la branche opérations commerciales / administration générale de la DGDDI, seraient inéligibles au télétravail. La requérante avait d'ailleurs été autorisée à télétravailler un jour flottant par semaine à compter du 16 novembre 2020 dans le contexte de la crise sanitaire liée au covid-19, et à cette occasion, son chef de service avait relevé " son aptitude certaine à exercer ses fonctions d'adjointe en télétravail ". Par suite, et nonobstant l'existence de la note de cadrage du 10 août 2021 du directeur de la direction interrégionale Paris aéroport (DIPA) qui incite les chefs de bureau de la DIPA à n'accorder que des jours de télétravail flottants aux agents qui exercent des fonctions d'encadrement , l'administration, en rejetant la demande de télétravailler un jour fixe par semaine présentée par Mme A aux motifs qu'elle occupe des fonctions d'adjointe au chef de bureau et qu'une telle demande était incompatible avec le fonctionnement du service, a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée demander l'annulation de la décision du 12 octobre 2021, ensemble la décision 3 novembre 2021 rejetant son recours hiérarchique.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent jugement implique seulement qu'il soit procédé au réexamen de la demande de Mme A. Il y a dès lors lieu d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, d'agir en ce sens dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
8. En outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'inviter le Défenseur des droits à présenter des observations. Il n'y a pas davantage lieu d'enjoindre à l'administration de produire le procès-verbal de la commission administrative paritaire.
Sur les frais de l'instance :
9. Mme A, qui a présenté sa requête sans avocat, ne justifie pas de frais liés au litige. Ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent par suite être rejetées.
Article 1er : La décision du 12 octobre 2021 du chef du bureau de contrôle Air France de la direction régionale de Roissy Fret, ensemble la décision 3 novembre 2021 portant rejetant du recours hiérarchique exercé par Mme A contre cette décision, sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, de réexaminer la demande de Mme A, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Jimenez, présidente,
Mme Van Maele, première conseillère,
Mme Caro, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.
La rapporteure,
S. Van Maele
La présidente,
J. Jimenez La greffière,
P. Demol
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Loi, 2012-347, 12-03-2012 Décret, 2016-151, 11-02-2016 Commissions administratives paritaires nationales Délai à compter de la notification du jugement Erreur d'appréciation Atteinte à l'intérêt Émission d'un avis défavorable Directeur Fonctionnaire Locaux de l'administration Opération commerciale Transfert de la charge Besoins des services Fonctions de chef de bureau Exercice de l'administration