Par déclaration du 9 mars 2023, M. et Mme [Aa] ont interjeté appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées le 16 janvier 2024, M. et Mme [Aa] demandent à la cour de :
- dire l'appel recevable et bien fondé.
- réformer le jugement en date du 7 juin 2023 en ce qu'il :
- a jugé que le mur séparant les lots n° [Cadastre 3] & [Cadastre 4] situés respectivement au [Adresse 2] au [Adresse 1] à [Localité 7] est leur propriété exclusive
- les a condamnés, solidairement entre eux, à procéder à la remise en état du mur, et à toutes réparations nécessaires sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, et ce pendant un délai de 3 mois ;
- a jugé que si le mur n'a pas été réparé dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision, ils seront condamnés à verser à M. et Mme [Ab] la somme de 9.986,04 euros correspondant au chiffrage de l'expert M. [Af], et, en tant que de besoin ;
- les a condamnés au remboursement de la somme de 960 euros TTC représentant le coût facturé par le géomètre expert ;
- a jugé qu'aucune servitude n'affecte le lot des consorts [Ab] à leur profit ;
- leur a fait défense de pénétrer dans la propriété des consorts [Ab] sous peine de se rendre coupable d'une violation de propriété privée ;
- a déclaré n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision ;
- les a condamnés in solidum à verser à M. et Mme [Ab] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL Abada, Me Houda Abada, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
- déclarer mitoyen entre leur fonds et le fonds [Ab], le mur de clôture édifié à cheval sur la limite entre la parcelle cadastrée LS n°[Cadastre 4] et LS n°[Cadastre 3] au regard de l'adossement et des constructions bâties contre le mur séparatif,
- débouter M. et Mme [Ab] de leur action aux fins de condamnation à leur payer la somme de 9.986,04 euros au motif qu'ils ne démontrent pas l'existence d'un risque d'effondrement ou de dommages en rapport avec l'état de ce mur séparatif,
- débouter M. et Mme [Ab] de leur demande de remboursement du bornage amiable commandé par eux-mêmes pour un montant de 960 euros et qu'ils ont refusé de signer,
- débouter M. et Mme [Ab] de leur action en négation de servitude concernant le passage piétonnier, constitué des escaliers implantés sur le talus en limite Est de la parcelle LS n°[Cadastre 4] située à l'alignement de la [Adresse 6], en présence d'une servitude par destination du père de famille,
- condamner M. et Mme [Ab] qui succombent pour le principal, aux entiers dépens de l'instance,
- condamner M. et Mme [Ab] à leur payer et porter la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
***
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2023, M. et Mme [Ab] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
- condamner in solidum les consorts [Aa] à leur verser la somme de 9.986,04 euros correspondant au chiffrage de l'expert M. [Af], et, en tant que de besoin,
- les autoriser, à faire les réparations nécessaires aux frais des consorAas [V],
A titre subsidiaire sur la servitude :
- dire et juger que cette servitude s'est éteinte faute d'avoir été utilisée pendant 30 ans,
- à tout le moins, prononcer l'extinction de cette servitude faute d'enclave de la propriété de M. etAaMme [V].
En tout état de cause :
- condamner in solidum les consorts [Aa] à leur verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL Abada, Me Abada, avocat sur son affirmation de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2024.
Conformément aux dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la propriété du mur
M et Mme [Aa] soutiennent que le mur est mitoyen en faisant essentiellement valoir que:
- selon les titres de propriété, la ligne divisioire entre les deux parcelles devrait être fixée à l'aplomb de l'axe médian du mur, de sorte qu'il est mitoyen,
- alors que l'expert a retenu certains signes de possession sur le mur séparatif, il n'a tiré aucune conséquence de l'existence d'escaliers adossés, réalisés au droit du mur dans l'intérêt exclusif de la desserte de la parcelle appartenant à M et Mme [Ab],
- en application de l'
article 657 du code civil🏛, il résulte de l'adossement contre un mur privatif, l'existence d'une mitoyenneté forcée qui peut être invoquée par le propriétaire du mur, contre celui qui a réalisé cet ouvrage, ce qui est le cas en l'espèce, s'agissant des escaliers et du portail,
- cet argument a conduit les époux [Ab] à déposer le portillon qui était directement ancré.
M et Mme [Ab], qui soutiennent que le mur appartient exclusivement à M et Mme [Aa], font notamment valoir que:
- tant le géomètre que l'expert ont relevé de nombreuses marques de possession au profit de M et MAae [V],
- les tuiles recouvrant le mur sont inclinées vers la parcelle n°[Cadastre 3] et l'écoulement des eaux pluviales s'effectue vers cette parcelle,
- il s'agit d'un mur de soutènement situé en limite séparative sur la parcelle n°[Cadastre 3],
- M et Mme [Aa] ont eux-mêmes cimenté les escaliers pour les faire adhérer au mur et faire croire qu'ils y seraient adossés, alors qu'ils étaient construits à quelques centimètres,
- le portail est autonome par rapport au mur.
Réponse de la cour
C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, après avoir rappelé les
articles 653 et 654 du code civil🏛🏛, ont retenu que les éléments de possession relevés tant par l'expert-géomètre que par l'expert judiciaire, tels l'ancrage des fixations du branchement gaz de la maison d'habitation de M et Mme [Aa] sur le mur, ainsi que de deux barres en fer sur lesquels étaient tendus des fils de fer, le scellement d'une fixation d'un portillon interne à la parcelle cadastrée n°[Cadastre 3], l'inclinaison vers la parcelle n° [Cadastre 3] des tuiles recouvrant le mur, ainsi que le sens de l'écoulement des eaux, laissent présumer que le mur litigieux appartient à M et Mme [Aa].
La cour ajoute que:
- ainsi que l'a justement relevé l'expert judiciaire, au terme d'une analyse détaillée des titres de propriété, l'évolution dans le temps des superficies des parcelles et les approximations dans les mesures sur les actes de 1926 et 1930 ne permettent pas de s'y référer, d'autant que les descriptions dans les actes du 4 décembre 1948 et du 3 février 1977 permettent d'affirmer que la limite de propriété entre les parcelles se situe à l'axe du mur appartenant à M et MAae [V],
- ce mur a cependant, pour fonction d'assurer le soutènement de la propriété [Aa], ce qui confirme qu'ils en sont propriétaires,
- l'expert relève, en outre, que les escaliers du côté de la propriété [Ab] sont simplement joints contre le mur mais ne sont pas ancrés dans celui-ci, de sorte qu'ils le touchent mais ne peuvent être considérés comme y étant adossés,
- en façade, le pilier de la porte servant à M et Mme [Ab] est indépendant du mur séparatif, la porte n'étant pas ancrée dans le mur mais dans le pilier séparé du mur, même si en face Nord du mur, les gonds d'un portillon en fer sont bien ancrés dans le mur et en face Nord est, les gonds d'un portillon sont ancrés dans un piquet en ciment jointé contre le mur séparatif,
- en tout état de cause, si le fait d'appuyer une construction contre un mur constitue un acte de possession, seul le maintien de cette situation pendant trente ans peut donner lieu à acquisition de la mitoyenneté par prescription, ce qui n'est plus soutenu en cause d'appel.
Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement ayant retenu que le mur appartenait à M et Mme [Aa] et ayant mis à leur charge le coût du bornage de 960 euros.
2. Sur l'obligation d'entretien et les troubles anormaux du voisinage
M et [Aa] font notamment valoir que:
- le mur ne pose actuellement aucun problème important de stabilité ou de menace de chute,
- selon l'expert, certains travaux doivent être menés pour conserver l'ouvrage, tel que le retrait de toute végétation contre le mur de leur côté, alors que ces végétaux, dont les racines sont non rampantes, ne sont pas de nature à l'endommager,
- les seules dégradations sont localisées au droit de l'escalier réalisé sur la parcelle des époAbx [U],
- les menaces d'effondrement ne sont pas avérées,
- il appartient à M et Mme [Ab] de rejointoyer le mur à leurs frais de leur côté s'ils souhaitent qu'il soit plus esthétique,
- ils ne sont pas fondés à leur imposer une telle obligation d'entretien,
- ils ont exécuté le jugement déféré et rejointé le mur du côté de la parcelle de M et Mme [Ab] et refait l'enduit, de sorte qu'en cas de reconnaissance de la mitoyenneté forcée, ils doivent être remboursés de ces frais.
M et Mme [Ab] font notamment valoir que l'expert a retenu la nécessité de procéder à des travaux dont il a chiffré le coût.
Réponse de la cour
C'est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par M et Mme [Aa], qui ne produisent en cause d'appel aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le tribunal et que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu qu'ils étaient tenus, en leur qualité de propriétaires, de procéder aux travaux préconisés par l'expert, à savoir:
- la réalisation d'une couvertine neuve pour protéger la tête du mur,
- le jointement et le suivi des chutes de pierres,
- la suppression des végétaux,
- la réalisation d'un glacis ciment hydrofuge en pied de mur permettant le dévoiement des eaux de ruissellement.
Il est précisé que même si l'évacuation des eaux du côté de la propriété de M et Mme [Ab] est faite à leur seul bénéfice, M et Mme [Aa] en sont responsables en leur qualité de propriétaires du mur et sont donc tenus aux travaux préconisés.
Par ailleurs, M et Mme [Aa] ne rapportent pas la preuve que la végétation, dont l'arrachement a été préconisé par le technicien, n'endommage pas le mur.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement ayant condamné M et Mme [Aa] à procéder aux travaux ci-dessus énoncés.
En revanche, il convient d'infirmer le jugement sur les modalités d'exécution et d'assortir cette condamnation d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant un délai de 6 mois, qui commencera à courir dans un délai de 6 mois à compter de la signification du présent arrêt.
Compte tenu de l'astreinte, il n'y a pas lieu de condamner M et Mme [Aa] à payer à M et Mme [Ab] le coût estimé des travaux s'ils ne sont pas exécutés dans le délai ni à les autoriser à faire les réparations à leurs frais.
M et Mme [Ab] sont donc déboutés de ces demandes et le jugement est également infirmé de ces chefs.
3. Sur la servitude de passage
M et Mme [Aa] demandent que M et Mme [Ab] soient déboutés de leur action en négation de la servitude de passage grevant le fonds cadastrés LS n°[Cadastre 4]. Ils font notamment valoir que:
- une servitude de passage conventionnelle était stipulée au profit de leur parcelle LS n°[Cadastre 3] sur le [Adresse 5], qui a depuis lors été acquis par la commune de [Localité 7] et rattaché au domaine public,
- à partir de ce chemin, devenu voirie publique, se trouve un cheminement piétonnier constitué de marches qui constitue une servitude par destination du père de famille,
- un auteur commun aux deux parcelles a créé ce passage, qui est apparent, et constaté dans deux actes passés en 1926 et 1977.
M et Mme [Ab] font notamment valoir que:
- le fait que leur titre de propriété fasse référence à une charge ne fait pas de cette charge une servitude, la prérogative pouvant être concédée à titre personnel,
- leur acte de propriété fait référence à une clause figurant dans un acte de propriété du 7 octobre 1926, reprise dans un acte du 3 février 1977, laquelle ne fait pas référence au fonds dominant et au fonds servant mais au fait qu'une charge a été instituée au profit de M. [P], ancien propriétaire de la parcelle LS [Cadastre 3], de sorte que c'est un droit personnel qui a été conféré à ce dernier, sans qu'une servitude de passage n'ait été instituée,
- à titre subsidiaire, la servitude est éteinte car inutilisée depuis 1936, date à laquelle le [Adresse 5] est devenu une voie publique, et inutile en l'absence d'enclavement,
- lorsque les consorts [Ag] étaient propriétaires de leur parcelle et celle des époux [Aa], laquelle a été divisée pour être cédée à M. [P], un droit personnel de passage était prévu à son profit afin qu'il puisse accéder à sa propriété car aucun autre accès n'existait à l'époque, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, et explique qu'elle ne soit plus utilisée depuis plus de 30 ans.
Réponse de la cour
Selon l'
article 693 du code civil🏛, il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude.
L'
article 694 du même code🏛 ajoute que si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.
Par ailleurs, selon l'
article 706 du code civil🏛, la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans.
Il en résulte qu'il incombe au propriétaire du fonds dominant de démontrer que la servitude de passage, dont il n'a pas la possession actuelle, a été exercée depuis moins de 30 ans (
3e Civ., 17 février 1993, pourvoi n° 90-19.364⚖️, Bulletin 1993 III N° 21).
En l'espèce, si les actes de propriété ne stipulent pas de servitude de passage sur le fonds cadastré n° [Cadastre 4] au profit du fonds cadastré n°[Cadastre 3], ces derniers ne prévoyant qu'un droit de passage accordé personnellement à M. [Ah], auteur de M et Mme [Aa], il n'est pas contesté entre les parties qu'avant 1926, les consorts [Ag] étaient propriétaires de ces parcelles qu'ils ont fait diviser pour céder l'une d'entre elles à M. [Ah] le 27 octobre 1926. Ce dernier a bénéficié d'un droit personnel de passage sur le [Adresse 5] afin qu'il puisse accéder à sa parcelle qui était alors enclavée.
Par ailleurs, il résulte du procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice le 2 septembre 2019 et il n'est pas contesté entre les parties, qu'à partir du [Adresse 5], qui est depuis lors devenu une voie publique, le passage se poursuivait sur la parcelle n°[Cadastre 4] par un cheminement piétonnier fait de marches anciennes constituées de blocs de pierres qui permettait d'accéder à la parcelle n°[Cadastre 3].
Ce cheminement fait de marches en pierres constitue un aménagement apparent au sens de l'article 694 précité, de sorte que l'existence d'une servitude de passage par destination du père de famille, grevant le fonds cadastré n°[Cadastre 4] au profit du fonds cadastré n°[Cadastre 3], est établie nonobstant l'absence d'enclavement.
Cependant, il est établi par le constat du 2 septembre 2019 que M et Mme [Ab] ont, au moins depuis cette date, fermé ce passage, de sorte que M et Mme [Aa], qui n'allèguent pas qu' il a, depuis lors, été ouvert, n'en ont pas la possession actuelle.
M et Mme [Ab] soutenant que cette servitude n'est plus utilisée depuis 1936 et s'est éteinte par le non-usage, il appartient à M et Mme [Aa], en leur qualité de propriétaires du fonds dominant, d'établir qu'ils l'ont exercée depuis moins de 30 ans.
Or, M et Mme [Aa] ne démontrent ni même n'allèguent que cette servitude aurait été utilisée depuis moins de 30 ans.
En conséquence, il convient, infirmant le jugement, de constater l'extinction de la servitude de passage et, le confirmant par substitution de motifs, de faire défense à M et Mme [Aa] de pénétrer dans la propriété de M et Mme [Ab].
4. Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.
Les dépens d'appel sont à la charge de M. et Mme [Aa] qui succombent en leurs demandes principales.