Jurisprudence : CA Lyon, 28-05-2025, n° 24/00135

CA Lyon, 28-05-2025, n° 24/00135

B6317AEP

Référence

CA Lyon, 28-05-2025, n° 24/00135. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/119961644-ca-lyon-28052025-n-2400135
Copier

N° RG 24/00135 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PMR3


Ordonnance du Juge de la mise en état de [Localité 8]


du 22 septembre 2023


AaRG : 22/892


[Z]


C/


[J]


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


6ème Chambre


ARRET DU 28 Mai 2025



APPELANT :


M.Aa[F] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]


Représenté par Me Jérôme HABOZIT de la SELARL ACO, avocat au barreau de LYON, toque : 855


INTIMEE :


Mme [Y] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]


Représentée par Me Amaury PLUMERAULT de la SELEURL MUSE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 2760


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 25 Mars 2025


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Avril 2025


Date de mise à disposition : 28 Mai 2025



Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseillère

- Stéphanie ROBIN, conseillère


assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.


Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *



FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES:


Par acte de commissaire de justice du 1er août 2022, Mme [Y] [J] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône M. [F] [Aa] aux fins de voir condamner celui-ci à lui payer la somme de 280.000 euros au titre de la perte de chance sérieuse d'avoir pu vendre les parts sociales de la société [3] à un prix avantageux outre intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2021 et capitalisation des intérêts


M. [Aa] a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir déclarer l'action de Mme [J] irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir.


Dans ses dernières conclusions au fond, Mme [J] sollicite la condamnation de M. [Aa] à lui payer à titre principal la somme de 280.000 euros au titre de la perte de chance d'avoir pu céder à bon prix ses parts sociales personnelles à M. [Ab] et/ou à la société [5] ou à M. [B] en raison des manquements de M. [Aa] à son devoir de loyauté et à titre subsidiaire la somme de 280.000 euros au titre de son préjudice moral d'avoir vu la valorisation de ses parts sociales personnelles drastiquements diminuer en raison des mêmes manquements outre intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2021 et capitalisation des intérêts.


M. [Aa] a maintenu sa demande aux fins de voir déclarer l'action de Mme [J] irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir.


Mme [J] a conclu au rejet de la fin de non-recevoir soulevée paAa M. [Z].



Par ordonnance du 22 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône a:

-déclaré recevable l'action formée par Mme [J],

-dit que le sort des dépens de l'instance sur incident suivrait le sort des dépens de l'instance au fond,

-rejeté les demandes de Mme [Ac] et de M. [Aa] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



Par déclaration du 5 janvier 2024, M. [Aa] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.


L'affaire a été fixée d'office à l'audience du 1er avril 2025 par ordonnance de la présidente de la chambre du 12 janvier 2024 en application de l'article 905 du code de procédure civile🏛


Dans ses conclusions notifiées le 7 février 2024, M. [Aa] demande à la Cour de:

-réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

-déclarer irrecevable l'action formée par Mme [Ac] à son encontre devant le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône enrôlée sous le RG n°22/00892,

-condamner Mme [Ac] à payer à M. [Aa] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [Ac] aux entiers dépens.


Dans ses conclusions notifiées le 6 mars 2024, Mme [Ac] demande à la Cour de:

-confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

-débouter M. [Aa] de l'ensemble de ses prétentions,

-condamner M. [Aa] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins de l'instance,

-réserver le sort des dépens de l'instance qui suivront le sort de ceux du jugement au fond.


L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mars 2025.


Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.



MOTIFS DE LA DECISION:


Il ressort des explications des parties et des pièces versées aux débats que:

-Mme [J], qui était la concubine de M. [Aa], a acquis de 1994 à 2014 des parts sociales de la société [3] dont celui-ci était le gérant, de telle sorte qu'en dernier lieu le capital social de la société considérée était réparti de la manière suivante: 79 % au profit de MAa [Z] , 20 % au profit de Mme [Ac] et 1% au profit de Mme [U] [Aa], fille de Aa. [Z],

-la société [3] a fait l'objet de plusieurs propositions d'achat qui n'ont pas abouti, notamment par M. [Ab], dirigeant de la société [5] en 2012, ainsi que par M. [V] [B], directeur général de la société d'investissement [7] en 2015; puis, elle a subi d'importantes difficultés financières à compter de 2018 et une grave mésentente s'est installée entre ses associés, M. [Aa] et Mme [J],

-par ordonnance du 28 décembre 2020, le président du tribunal de commerce de Lyon a désigné la société [4], administrateurs judiciaires associés, en qualité de mandataire ad hoc de la société [3], laquelle a finalement été vendue le 25 juin 2021 à la société [Adresse 6] moyennant le prix net de 1.182.000 euros.


M. [Aa] fait valoir que:

-la perte de valeur des parts sociales de Mme [Ac] n'est pas un préjudice personnel et distinct du préjudice social, de telle sorte que Mme [Ac] n'a pas intérêt et qualité pour agir en réparation de ce préjudice,

- le montant des dommages et intérêts réclamé par Mme [J] au titre du préjudice moral est équivalent à la dévalorisation de ses droits sociaux, de telle sorte que cette demande n'a pas non plus de caractère personnel.


Mme [J] réplique que:

-les fautes contractuelles de M. [Aa] à l'égard de la société [3] sont constitutives de fautes quasi-délictuelles à son égard,

-le préjudice matériel dont elle fait état est une perte de chance d'avoir pu céder ses parts sociales à un meilleur prix dès 2012, sinon en 2016, date à laquelle la société [3] aurait pu être vendue au prix de 2.600.000 euros; ce préjudice lui est propre, dès lors qu'elle seule a recueilli le produit de la vente de ses parts sociales,

-M. [Aa] ne démontre pas l'absence de caractère personnel du préjudice moral qu'elle invoque.


Il résulte des articles 1240 du code civil🏛 et 31 du code de procédure civile que la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé contre un tiers est subordonné à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même, c'est à dire d'un préjudice qui ne puisse être effacé par la réparation du préjudice social.


Mme [J] sollicite dans ses dernières conclusions au fond, intitulées conclusions n°2, la réparation d'une perte de chance d'avoir pu céder à bon prix ses parts sociales personnelles dans la société [3]. Néanmoins, les conclusions considérées font apparaître que Mme [Ac] réclame à ce titre la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait que la société [3] dont elle était actionnaire à hauteur de 20 % a été vendue au prix de 1.182.000 euros au lieu de celui de 2.600.000 euros. Le préjudice que Mme [Ac] invoque du fait des manquements de M. [Aa] à l'obligation de loyauté consiste dès lors en la perte de la valeur du capital social qu'elle a dû supporter en raison de ses droits et devoirs sociaux et n'est donc que le corrolaire de celui causé à la société.


Il en est de même du préjudice moral dont elle sollicite réparation à titre subsidiaire, dès lors que ce préjudice moral est fixé au même montant que la dévaluation des parts sociales dont elle sollicite la réparation à titre principal.


Compte tenu de ces éléments, Mme [Ac] ne justifie pas d'un préjudice personnel distinct de celui de la société, de telle sorte qu'à titre personnel, elle n'a pas intérêt et qualité à agir en responsabilité à l'encontre dAa M. [Z].


Il convient de déclarer irrecevable l'action de Mme [J] à l'encontre de M. [Aa] et d'infirmer l'ordonnance sur ce point.


Compte tenu de la solution apportée au litige, Mme [J] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et l'ordonnance infirmée de ce chef. Mme [Ac], partie perdante, conservera la charge de ses frais irrépétibles. Toutefois, l'équité ne commande pas d'allouer à M. [Aa] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions afférentes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,


La Cour,


Infirme l'ordonnance, sauf en ses dispositions afférentes à l'article 700 du code de procédure civile;


STATUANT A NOUVEAU,


Déclare irrecevable l'action de Mme [Ac], faute d'intérêt et de qualité à agir;


Condamne Mme [J] aux dépens de première instance et d'appel;


Rejette les demandes de M. [Aa] et de Mme [Ac] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.


La Greffière La Présidente

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus