Jurisprudence : TA Limoges, du 08-10-2024, n° 2200558


Références

Tribunal Administratif de Limoges

N° 2200558

1ère chambre
lecture du 08 octobre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 20 avril 2022, 18 juillet 2022, 29 septembre 2022 et 16 décembre 2022, Mme A C demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 11 août 2022 par laquelle le directeur départemental de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations de la Corrèze (DDETSPP) a partiellement fait droit à sa demande d'autorisation de télétravail en tant que cette décision ne lui attribue qu'un jour de télétravail par semaine, et non deux comme elle le demandait ;

2°) d'annuler la décision de rejet tacite de sa demande d'autorisation de télétravail survenue le 2 mars 2022 ;

3°) de prononcer une décision faisant droit à sa demande de travail selon les modalités indiquées dans sa demande du 30 novembre 2021 ;

4°) d'enjoindre au directeur de la DDETSPP de porter à la connaissance de l'ensemble des agents de cette direction la décision rendue par le tribunal.

Elle soutient que :

- la décision de refus tacite du 2 mars 2022 est illégale dès lors que cette décision devait être écrite et motivée ; elle a ainsi été privée de la possibilité de former un recours gracieux à l'encontre de cette décision et de saisir la commission administrative paritaire ;

- la décision du 11 août 2022 est insuffisamment motivée et ne répond pas à sa demande du 30 novembre 2021 ;

- les deux décisions contestées sont entachées d'erreur d'appréciation.

Par des mémoires en défense enregistrés les 1er juillet 2022, 14 septembre 2022 et 9 décembre 2022, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête :

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre une prétendue décision tacite de refus d'autorisation de télétravail sont irrecevables dès lors qu'une telle décision n'existe pas ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016🏛 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martha

- les conclusions de M. Houssais, rapporteur public ;

- les observations de Mme C.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A C, adjointe administrative principale du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, est affectée à la direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations de la Corrèze (DDETSPP) au sein du service emploi-solidarités-insertion, service dans lequel elle exerce des missions relatives à la politique sociale du logement et au handicap. Le 30 novembre 2021, l'intéressée a présenté une demande de télétravail auprès du directeur départemental, afin d'obtenir le renouvellement d'une décision individuelle d'exercice du télétravail qui lui avait été accordée pour une journée de télétravail par semaine et qui expirait au 30 avril 2022, en y faisant état de son souhait de " télétravailler " 2 jours par semaine et non plus un seul. Mme C demande, d'une part, l'annulation d'une décision tacite de rejet de sa demande de renouvellement de télétravail qui serait survenue le 2 mars 2022 lors d'un entretien avec sa supérieure hiérarchique, d'autre part, l'annulation de la décision du 11 août 2022 en tant qu'elle n'a été autorisée à télétravailler qu'un jour par semaine et non pas deux.

2. Aux termes de l'article 2 du décret n° 2016-151 du 11 février 2016🏛 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature dans sa rédaction applicable au litige : " Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux de son employeur sont réalisées hors de ces locaux en utilisant les technologies de l'information et de la communication. Le télétravail est organisé au domicile de l'agent ou, éventuellement, dans des locaux professionnels distincts de ceux de son employeur public et de son lieu d'affectation () ". Aux termes de l'article 2-1 de ce même décret : " L'autorisation de télétravail est délivrée pour un recours régulier ou ponctuel au télétravail. Elle peut prévoir l'attribution de jours de télétravail fixes au cours de la semaine ou du mois ainsi que l'attribution d'un volume de jours flottants de télétravail par semaine, par mois ou par an dont l'agent peut demander l'utilisation à l'autorité responsable de la gestion de ses congés. ". Aux termes de l'article 3 de ce décret, dans sa rédaction applicable au litige : " La quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Le temps de présence sur le lieu d'affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine () ". Aux termes de l'article 5 de ce décret, dans sa rédaction applicable au litige : " L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. Celle-ci précise les modalités d'organisation souhaitées (). Une réponse écrite est donnée à la demande de télétravail dans un délai d'un mois maximum à compter de la date de sa réception ou de la date limite de dépôt lorsqu'une campagne de recensement des demandes est organisée (). Il peut être mis fin à cette forme d'organisation du travail, à tout moment et par écrit, à l'initiative de l'administration ou de l'agent, moyennant un délai de prévenance de deux mois. Dans le cas où il est mis fin à l'autorisation de télétravail à l'initiative de l'administration, le délai de prévenance peut être réduit en cas de nécessité du service dûment motivée () Le refus opposé à une demande d'autorisation de télétravail ainsi que l'interruption du télétravail à l'initiative de l'administration doivent être motivées et précédés d'un entretien ".

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre une décision tacite de rejet de sa demande de renouvellement qui serait intervenue le 2 mars 2022 :

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C a bénéficié par une décision du 19 octobre 2020 d'une autorisation de télétravail jusqu'au 1er mai 2022, pour une journée par semaine. Elle a sollicité le renouvellement de cette autorisation par un courrier de demande du 30 novembre 2021 faisant état de son souhait de passer à deux journées de télétravail par semaine à compter du 1er janvier 2022. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une décision tacite de rejet de sa demande de renouvellement serait intervenue le 2 mars 2022 comme le soutient la requérante en se bornant à cet égard à se prévaloir d'un compte rendu de réunion. Par suite, les conclusions dirigées contre une prétendue décision tacite de rejet de la demande de renouvellement de l'autorisation de télétravail intervenue le 2 mars 2022, laquelle décision n'existe pas, doivent être rejetées pour irrecevabilité ainsi que le soutient l'administration défenderesse dans la fin de non-recevoir qu'elle a opposée.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 11 août 2022 en tant qu'elle lui refuse de passer d'une journée à deux journées par semaine de télétravail :

4. En premier lieu, la décision du 11 août 2022, outre qu'elle vise les textes dont elle fait application, vise la demande du 30 novembre 2021 présentée par Mme C et les avis rendus par la directrice adjointe et le chef du SIDSIC. En autorisant l'exercice en télétravail en limitant le nombre de journées télétravaillées à une par semaine, le directeur départemental a par ailleurs répondu à la demande formulée par l'intéressée le 30 novembre 2021. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tenant à ce que cette décision serait insuffisamment motivée, en ce qui concerne le nombre de jours télétravaillables, et ne répondrait pas à sa demande du 30 novembre 2021, doit être écarté.

5. En second lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 que le télétravail, constitue une forme d'organisation du travail. Lorsque cette faculté leur a été ouverte collectivement par l'arrêté ministériel pris en application de l'article 7 du décret du 11 février 2016🏛 susvisé qui définit les activités éventuellement éligibles, les agents de la fonction publique de l'Etat peuvent être autorisés à y recourir par leur chef de service à la suite d'une demande individuelle, à condition que leur activité n'ait pas été exclue du bénéfice de cette forme d'organisation par ledit arrêté. Un refus du chef de service motivé par la circonstance que l'activité de l'agent ne serait pas éligible au télétravail en vertu de l'arrêté ministériel applicable donne lieu à un contrôle normal du juge administratif. Si tout ou partie de l'activité de l'agent demandeur relève des activités éligibles au télétravail en vertu de cet arrêté, la demande est appréciée par le chef de service au regard de l'intérêt du service et au vu de l'emploi exercé, sous le contrôle restreint du juge administratif.

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment des écritures en défense que pour fixer à un jour par semaine la quotité de travail télétravaillée par Mme C, dont les fonctions sont majoritairement télétravaillables, le directeur de la DDTESPP de la Corrèze s'est principalement fondé sur le motif qu'eu égard aux mission transversales exercées par l'agent, il était de l'intérêt du service de ne pas l'autoriser à recourir au télétravail, pour une durée supérieure à un jour par semaine. A cet égard, le directeur départemental interministériel défendeur soutient de façon suffisamment circonstanciée qu'eu égard aux missions transversales du service Emploi-Solidarité-Insertion dans lequel est intégrée Mme C, aux missions de proximité mises en œuvre par ce service, à la réorganisation récente des administrations départementales de l'Etat qui a conduit à des fusions de service nécessitant une acculturation réciproque par des agents de culture professionnelle différente, une présence physique importante des agents de ce service, dont Mme C, est indispensable pour le bon fonctionnement du collectif de travail. La requérante, qui se borne à mettre en avant que pendant la période de la crise sanitaire, elle a été amenée à télétravailler plusieurs jours par semaine sans que cela ne pose problème, que " l'organisation demandée porte sur des demi-journées, ce qui permet un temps de présence au sein du collectif de travail journalier ", que les outils numériques et téléphoniques mis à sa disposition lui permettent d'être " en contact permanent et régulier avec la communauté de travail et les partenaires extérieurs " ne remet pas en cause l'appréciation portée par le directeur de la DDETSPP quant à l'existence d'un intérêt du service faisant obstacle à ce qu'elle soit autorisée à travailler un deuxième jour de la semaine. Par suite, et alors que l'intéressée ne peut se prévaloir d'aucun droit à un volume de télétravail de 2 jours par semaine et quand bien même elle a reçu deux avis favorables de sa hiérarchie, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le directeur de la DDETSPP de la Corrèze a limité à un jour par semaine le nombre de jours pendant lesquels Mme C est autorisée à télétravailler.

Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée y compris les conclusions accessoires.

D E C I D E :

Article 1er: La requête de Mme A C est rejetée.

Article 2 : Ce jugement sera notifié à Mme A C et au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024 où siégeaient :

- M. Artus, président,

- M. Crosnier, premier conseiller,

- M. Martha, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

Le rapporteur,

F. MARTHA

Le président,

D. ARTUS

La greffière,

M. B

La République mande et ordonne

au préfet de la Corrèze en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Pour expédition conforme

Pour le Greffier en Chef

La Greffière

M. B

jb

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