N° D 24-83.957 F-D
N° 00417
SB4
1ER AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER AVRIL 2025
M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 11 juin 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les armes et association de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 18 novembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [W] [Z], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [W] [Z] a déposé une requête en annulation de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [Aa], alors « que la Chambre de l'instruction, saisie d'une demande d'annulation visant l'absence d'habilitation spéciale et individuelle des enquêteurs ayant consulté un logiciel de rapprochement judiciaire, est tenue de s'assurer, au besoin en ordonnant un supplément d'information, de la réalité de cette habilitation, sans pouvoir se satisfaire de la seule affirmation générale et préalable selon laquelle les enquêteurs qui procéderont à l'utilisation du logiciel seront habilités ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que des enquêteurs avaient exploité le logiciel de rapprochement judiciaire dit « A.T.R.T », sans que la mention de l'habilitation spéciale et individuelle de ces derniers ne figure en procédure ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler les actes relatant cette consultation, que « si le procès-verbal d'investigations rédigé le 5 mai 2022, durant l'enquête préliminaire, fait état de la simple autorisation par le magistrat du parquet d'utiliser l'ATRT, sans mentionner d'habilitation, il convient cependant de relever que l'enquêteur le rédigeant est le Marchal des logis-chef [I] [H], Officier de Police Judiciaire en résidence à [Localité 1], qui ultérieurement en tant que chef d'enquête certifiera l'habilitation des militaires devant se servir de ce logiciel », quand cette seule affirmation ne permet pas de contrôler que les enquêteurs qui ont effectivement utilisé le logiciel litigieux étaient bien habilités à cette fin, la Chambre de l'instruction a violé les
articles 15-5, 230-20, 230-22 et 230-25, R. 40-39 du Code de procédure pénale🏛🏛🏛🏛🏛. »
Réponse de la Cour
5. Vu les
articles 15-5 et 593 du code de procédure pénale🏛 :
6. Il se déduit du premier de ces textes, immédiatement applicable à la procédure conformément à l'
article 112-2, 2°, du code pénal🏛🏛, que si l'absence de mention de l'habilitation spéciale et individuelle permettant à un personnel de procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction n'emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure, il appartient à la juridiction saisie d'un grief tiré de cette absence de vérifier la réalité d'une telle habilitation en ordonnant, le cas échéant, un supplément d'information.
7. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour écarter le moyen de nullité tiré du défaut d'habilitation de l'officier de police judiciaire ayant fait usage d'un logiciel de rapprochement judiciaire, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du procès-verbal de saisine et direction d'enquête dressé le 20 juillet 2022 par M. [Ab] [H], officier de police judiciaire, consécutif à la réception de la commission rogatoire du magistrat instructeur, que, d'une part, « toutes les consultations des différents fichiers automatisés le seront par des agents expressément habilités », d'autre part, les enquêteurs sont « autorisés par le magistrat mandant à l'utilisation de tous les logiciels de rapprochement conformément aux dispositions des articles 230-22 du code de procédure pénale ».
9. Les juges en déduisent que la production de l'habilitation ne saurait être exigée en original, son existence étant établie et non contestable.
10. Ils ajoutent que si le procès-verbal d'investigations rédigé par M. [H] le 5 mai 2022, pendant l'enquête préliminaire, fait état de l'autorisation du magistrat du parquet sans mentionner d'habilitation, cet officier de police judiciaire a ultérieurement, en tant que chef d'enquête, certifié l'habilitation des militaires devant se servir de ce logiciel.
11. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que M. [H] était expressément et personnellement habilité à la consultation d'un logiciel de rapprochement quand il a rédigé le procès-verbal du 5 mai 2022, la chambre de l'instruction, à qui il appartenait le cas échéant d'ordonner un supplément d'information aux fins de vérifier la réalité de cette habilitation, n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant rejeté la demande d'annulation des pièces relatives à l'usage du logiciel de rapprochement judiciaire ATRT. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 11 juin 2024, mais en ses seules dispositions ayant rejeté la demande d'annulation des pièces relatives à l'usage du logiciel de rapprochement judiciaire ATRT, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille vingt-cinq.