Cour administrative d'appel de Lyon
Statuant au contentieux
Office public d'aménagement et de construction de la ville de Vienne
M. Lopez, Président
M. Bonnet, Rapporteur
M. Chanel, Commissaire du gouvernement
Lecture du 31 décembre 1993
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 avril 1993, présentée pour l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) de la ville de Vienne, par Me PLOUHINEC, demeurant 34, rue de Bourgogne, B.P. 326, 38204 VIENNE Cédex ;
L'OPAC de Vienne demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 mars 1993 par lequel le tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à payer la somme de 113 152,26 francs augmentée des intérêts de droit, ainsi que 3 000 francs au titre des frais irrépétibles, à la société Béton Chantiers Lyon ;
2°) de condamner la société Béton Chantiers Lyon à lui verser 15 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics et notamment son article 359 ter ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 1993 :
- le rapport de M. BONNET, conseiller ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Béton Chantiers Lyon, il ressort clairement de l'instruction que l'appel susvisé contre le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 3 mars 1993 a été interjeté pour le compte de L'OPAC de Vienne ; qu'ainsi la fin de non-recevoir tirée par l'intimée de ce que cet appel avait été introduit par le seul avocat qui représentait le requérant en première instance doit être rejetée ;
Au fond :
Considérant que, par acte spécial du 16 février 1989, l'OPAC de Vienne a agréé la société Béton Chantiers Lyon comme sous-traitant de l'entreprise BONIFACI-TACONELLI à laquelle il avait confié la réalisation d'un ensemble immobilier par un marché signé le 19 septembre précédent ; que, le 8 mai 1989, la société Béton Chantiers Lyon a saisi l'Office d'une demande de paiement direct en raison de la défaillance de l'entrepreneur principal, lequel avait d'ailleurs été mis en liquidation judiciaire le 11 avril précédent ; que, pour refuser de faire droit à cette demande, L'OPAC soutient, en premier lieu, qu'elle concerne des travaux réalisés, pour partie, avant la date d'agrément du sous-traitant et, en second lieu, qu'elle a été présentée tardivement, et notamment après que le solde du marché principal ait été mandaté le 3 mars 1989 à l'entreprise BONIFACI-TACONELLI ;
Sur les travaux réalisés avant la date d'agrément du sous-traitant :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : 'L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.' ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si le titulaire d'un marché a la faculté de ne présenter un sous-traitant à l'agrément du maître d'ouvrage qu'en cours d'exécution de ce marché, un tel agrément ne peut ouvrir droit à paiement direct au profit du sous-traitant que pour les travaux non encore réalisés à la date de cet agrément, le maître d'ouvrage devant être en mesure de contrôler la nature et la qualité des travaux exécutés par chaque intervenant ; que L'OPAC de Vienne est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à payer à la société Béton Chantiers Lyon des prestations antérieures au 16 février 1989, date à laquelle celle-ci a été agréée en qualité de sous-traitant ;
Sur le droit au paiement direct des prestations exécutées postérieurement à la date d'agrément du sous-traitant :
____Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi sus-visée_: 'Le sous-traitant qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître d'ouvrage, est payé directement par lui pour la part de marché dont il assure l'exécution ( ...). Le paiement est obligatoire même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire, ou de suspension provisoire des poursuites.'_; que l'article 8 de la même loi dispose_: 'L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception.'_; qu'enfin, l'article 13.54 du C.C.A.G. applicable au marché, est ainsi rédigé_: 'Dans le cas où l'entrepreneur n'a, dans le délai de quinze jours suivant la réception du projet de décompte du sous-traitant, ni opposé un refus motivé, ni transmis celui-ci au maître d'oeuvre, le sous-traitant envoie directement au maître d'oeuvre une copie du projet de décompte. Il y joint une copie de l'avis de réception de l'envoi du projet de décompte à l'entrepreneur. Le maître d'oeuvre met aussitôt en demeure l'entrepreneur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, de lui faire la preuve dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre qu'il a opposé un refus motivé à son sous-traitant dans le délai prévu au cinquième alinéa ci-dessus. Dès réception de l'avis, le maître d'oeuvre informe le sous-traitant de la date de cette mise en demeure. A l'expiration de ce délai, et au cas où l'entrepreneur ne serait pas en mesure d'apporter cette preuve, le maître de l'ouvrage dispose du délai prévu à l'article 13.23 pour mandater les sommes à régler au sous-traitant, à due concurrence des sommes restant dues à l'entrepreneur au titre des projets de décompte qu'il a présentés.' ;
Considérant, d'une part, qu'il n'est pas allégué que la société Béton Chantiers Lyon ne se serait pas conformée aux dispositions précitées ; que dans ces conditions, L'OPAC de Vienne ne saurait lui opposer ni un prétendu retard dans la présentation de sa demande, ni d'éventuelles carences de l'entrepreneur principal ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des termes de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1975 susvisé que 'sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions de la présente loi' ; que l'O.P.A.C. de Vienne ne peut donc utilement se prévaloir de l'article 13-54 in-fine précité du C.C.A.G. applicable au marché litigieux, selon lequel le montant du paiement dû au sous-traitant ne doit intervenir 'qu'à due concurrence des sommes restant dûes à l'entrepreneur au titre des décomptes qu'il a présentés' ; que, par suite, le moyen qu'il tire de ce que les sommes réclamées par le sous-traitant auraient déjà été réglées à l'entrepreneur principal doit être rejeté ;
Considérant, enfin, que le marché de sous-traitance litigieux ayant été conclu sur la base d'un prix forfaitaire, le maître d'ouvrage ne peut utilement soutenir que le sous-traitant n'a pas réellement coulé le volume de béton facturé dès lors que celui-ci se borne à réclamer la somme initialement prévue ; que les pompes dont l'utilisation a été facturée par la société Béton Chantiers Lyon étant nécessaires à la mise en oeuvre du ciment frais livré par celle-ci, l'OPAC de Vienne n'est pas davantage fondé à refuser le paiement de cette prestation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la société Béton Chantiers Lyon avait droit au paiement direct des travaux réalisés par ses soins, dans la limite du montant forfaitaire prévu par l'acte spécial par lequel elle a été agréée, sous réserve que ces travaux aient été réalisés postérieurement au 16 février 1989 ; qu'il ressort de l'instruction, et notamment des factures transmises à L'OPAC par la société, que le montant total des sommes qui lui étaient ainsi dûes s'établit à 30 381,77 francs toutes taxes comprises ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer sur ce point le jugement attaqué, et de fixer à ce montant la condamnation de L'OPAC de Vienne ;
Sur la prétendue faute de L'OPAC de Vienne :
Considérant que si la société Béton Chantiers Lyon, à titre subsidiaire dans son mémoire en réponse enregistré le 5 juillet 1993, entend se placer sur le terrain de la faute qu'aurait commise L'OPAC de Vienne en n'invitant pas l'entrepreneur principal à régulariser sa situation dès le mois de décembre 1988, il résulte de l'instruction que ce moyen est présenté pour la première fois en appel ; qu'il n'est, par suite, pas recevable ;
Sur les intérêts :
Considérant que la société Béton Chantiers Lyon a adressé à L'OPAC, le 21 juin 1989, une lettre recommandée le mettant en demeure de procéder au paiement direct des sommes qui lui étaient dûes ; que c'est à bon droit que le tribunal a fixé à cette date, qui n'a d'ailleurs pas été discutée par la requérante en première instance, le point de départ des intérêts ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administrati-ves d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu'elles auraient pu consentir ;
Article 1er : La somme que L'OPAC de Vienne a été condamné à payer à la société Béton Chantiers Lyon est ramenée à 30 381,77 francs toutes taxes comprises.
Article 2 : Le surplus des conclusions de L'OPAC de Vienne est rejeté, ainsi que les conclusions incidentes ou subsidiaires de la société Béton Chantiers Lyon.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 3 mars 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.