Jurisprudence : CAA Lyon, 4e ch., 03-04-1996, n° 93LY01194

Cour administrative d'appel de Lyon

Statuant au contentieux
S.A. SICPA


M. CHANEL, Rapporteur
M. BONNET, Commissaire du gouvernement


Lecture du 3 avril 1996



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    Vu la requête, enregistrée le 9 août 1993 au greffe de la cour, présentée pour la SA SICPA dont le siège est à VETRAZ-MONTHOUX 74100 ANNEMASSE, par Me LAVERGNE, avocat ;

    La SA SICPA demande à la cour :

    1°) d'annuler le jugement en date du 17 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1979 et 1980 ;

    2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

    Vu les autres pièces du dossier ;

    Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

    Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 1996 :

    - le rapport de M. CHANEL, conseiller ;

    - les observations de Me LAVERGNE, avocat de la société SICPA ;

    - et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;


    Considérant que, par une décision en date du 17 mars 1994, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Lyon a prononcé un dégrèvement, à concurrence d'une somme de 691 242 francs, des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la SA SICPA a été assujettie au titre des années 1979 et 1980 ; que les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet;

    Considérant que, sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts, l'administration a réintégré dans les résultats de la société SICPA les bénéfices estimés transférés à deux sociétés étrangères dont le siège se situait au Lichtenstein et au Luxembourg ; que, compte tenu des déficits antérieurs, les redressements correspondants ont donné lieu à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1979 et 1980 dont la société requérante demande la décharge ;

    Considérant qu'en faisant valoir la dépendance de fait des deux sociétés étrangères à l'égard de la société SICPA, ainsi que les avantages retirés par cette dernière de leurs relations, l'administration, qui se prévalait expressément de l'article 57 du code, n'a pas implicitement invoqué les dispositions de l'article L.64 du livre des procédures fiscales relatives à la procédure d'abus de droit ; que la société SICPA est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a constaté que les conditions d'application de cette procédure étaient réunies pour rejeter sa demande ;

    Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens invoqués, tant en demande qu'en défense, devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

    Considérant que la société SICPA a donné mandat à son conseil juridique pour la représenter 'auprès de l'administration des impôts ... avec pouvoir ... (d') entreprendre ... tous contentieux' ; que les termes de ce mandat donnaient qualité à son bénéficiaire pour présenter une demande au tribunal administratif ; qu'il résulte de l'instruction que ce mandat a été produit au tribunal administratif avant l'expiration du délai de recours contentieux ; qu'ainsi, la demande était recevable en vertu de l'article R.200-2 du livre des procédures fiscales ;


    Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du code : 'Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. A défaut d'éléments précis pour opérer les redressements prévus à l'alinéa précédent, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement' ; que ces dispositions, sous réserve que l'administration ait établi l'existence d'un lien de dépendance entre l'entreprise située en France et l'entreprise située hors de France, ainsi que des majorations ou minorations de prix, ou des moyens analogues de transfert de bénéfices, instituent une présomption pesant sur l'entreprise passible de l'impôt sur les sociétés, laquelle ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction de l'imposition établie en conséquence, qu'en apportant la preuve des faits dont elle se prévaut pour démontrer qu'il n'y a pas eu transfert de bénéfices ;

    Considérant qu'en invoquant les circonstances non contestées que les sociétés étrangères, qui appartenaient au même groupe que la requérante, ne disposaient d'aucun local et n'avaient pas de personnel propre, que les opérations étaient effectuées par des salariés de la société SICPA, avec les moyens matériels de cette dernière, ainsi que les déclarations des intéressés aux agents verbalisateurs des douanes, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les deux sociétés en cause étaient sous la dépendance de fait de la société SICPA ;

    Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que la société SICPA n'a entretenu aucune relation commerciale ou financière avec la société LUX GLASS ; que, par suite, l'administration n'établit pas, en se référant au chiffre d'affaires de cette société avec des entreprises tierces et au bénéfice en résultant, que la société SICPA lui aurait consenti un avantage indû et aurait participé à un transfert de ses bénéfices à son profit ; que si le ministre soutient que les relations de la société SICPA avec la société CHEMWA ANSTALT se traduisaient par des avantages qu'elle lui consentait en lui permettant de bénéficier de commissions qui devaient lui revenir, il n'établit pas la réalité, contestée par la requérante, de ce transfert en se bornant à estimer le chiffre d'affaires concerné et la commission présumée, sans produire aucune pièce en attestant, ni proposer une comparaison avec des entreprises similaires procédant aux mêmes opérations ; qu'il suit de là que l'administration n'apporte pas la preuve, dont elle a la charge, d'un transfert de bénéfices ;


    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SICPA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de ses demandes ;

    Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société SICPA une somme de 30 000 francs au titre des frais exposés en appel non compris dans les dépens ;


Article 1er : A concurrence de la somme de six cent quatre-vingt- onze mille deux cent quarante- deux francs (691 242 francs), en ce qui concerne les compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la SA SICPA a été assujettie au titre des années 1979 et 1980, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SA SICPA.
Article 2  : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 17 juin 1993 est annulé.
Article 3  : Il est prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés assignées à la SA SICPA au titre des années 1979 et 1980 en tant qu'elles comprennent les redressements fondés sur un transfert de bénéfices à l'étranger.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser à la société SICPA une somme de trente mille francs (30 000 francs) au titre des frais non compris dans les dépens.

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