La société [Z] [Y] a interjeté appel de ce jugement le 8 juin 2022.
Dans ses dernières conclusions, transmises le 12 décembre 2023, la société [Z] [Y], appelante, demande à la cour de :
Vu les
articles L.111-1 et suivants et L.121-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle🏛🏛 ; Vu les
articles L.335-2, L.335-3, L.331-1-2 et L.331-1-4, L. 522-1, L. 521-5 et L. 521-8 du Code de la propriété intellectuelle🏛 ;
Vu les articles 4, 10, 11, 19 et 96 du Règlement (CE) Nº 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires ;
Vu l'
article 1240 du Code civil🏛 ;
Vu les
articles 699 et 700 du Code de procédure civile🏛 ;
déclarer la société Clédor bijoux irrecevable à soulever des fins de non- recevoir tirées d'un prétendu défaut de titularité de droits,
débouter la société Clédor bijoux de l'ensemble de ses demandes, mal fondées,
confirmer le jugement en ce qu'il a :
rejeté la demande de la société Clédor bijoux en nullité du constat du 13 février 2020,
déclaré irrecevables les demandes de la société Clédor bijoux en nullité de l'ordonnance du 28 février 2020 ayant autorisé la saisie-contrefaçon et de la requête sur laquelle cette ordonnance a été rendue,
rejeté les demandes en nullité de la société Clédor bijoux du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 mars 2020 pratiquée en vertu de cette ordonnance et du procès-verbal de « non-réception de document » du 10 mars 2020 qui l'a suivi,
dit que le collier référencé CO177 de la société [Z] [Y] bénéficie de la protection conférée aux dessins ou modèles communautaires non enregistrés et qu'en commercialisant un bijou identique la société Clédor bijoux a commis des actes de contrefaçon,
l'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
juger qu'en faisant fabriquer, en important de Chine, en exposant, en offrant à la vente et en commercialisant des bijoux qui reproduisent ceux de la société [Z] [Y] référencés CO159, CO114, CO174, CO177, CO162, C118 et CO129, la société Clédor bijoux a commis des actes de contrefaçon à l'encontre de la société [Z] [Y] en application des
articles L.121-1, L.335-2 et L.335-3 du Code de la propriété intellectuelle🏛🏛,
juger qu'en faisant fabriquer, en important de Chine, en exposant, en commercialisant et en offrant à la vente des bijoux qui ne produisent pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente de celle produite par le bijou référencé CO174 de la société [Z] [Y], la société Clédor bijoux a commis des actes de contrefaçon dessins et modèles non enregistrés en application des dispositions des articles 4, 10, 11 et 19 du Règlement (CE) Nº 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires,
juger, à titre subsidiaire, qu'en offrant à la vente et en commercialisant en 2020, selon les mêmes gammes de coloris et à des prix inférieurs, des bijoux qui constituent la copie servile de ceux de la société [Z] [Y] référencés CO159, CO114, CO174, CO177, CO162, C118 et CO129, sans que cela ne soit justifié par des impératifs techniques ou les tendances de la mode, la société Clédor bijoux, qui a été en relation d'affaires avec la concluante en 2019 date à laquelle elle lui a acheté lesdits bijoux pour les faire ensuite reproduire en Chine et les vendre à moindre prix, a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en application de l'article 1240 du code civil,
en conséquence,
faire interdiction à la société Clédor bijoux d'importer, de faire fabriquer ou de fabriquer, d'offrir à la vente, d'exposer et de commercialiser de quelque façon que ce soit les colliers reproduisant les colliers sus décrits de la société [Z] [Y], et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
ordonner en application des
articles L. 331-1-4 et L. 521-8 du code de la propriété intellectuelle🏛, sous astreinte de 500 € par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir, que les bijoux contrefaisants soient rappelés des circuits commerciaux et détruits aux frais de la société Clédor bijoux,
faire droit, en vertu des articles L. 331-1-2 et L. 521-5 du code la propriété intellectuelle à la demande d'information de la société [Z] [Y] et faire injonction, sous astreinte de 500 € par jour de retard, à la société Clédor bijoux de communiquer de façon exhaustive, les quantités de produits contrefaisants qu'elle a acquis et vendus en France d'une part et, pour les produits contrefaisants les modèles référencés CO174 et CO177, dans l'Union Européenne d'autre part, étant précisé que ces éléments devront être certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes,
condamner la société Clédor bijoux à verser à la société [Z] [Y] SL. la somme provisionnelle de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par l'intimée,
subsidiairement, condamner la société Clédor bijoux à payer à la société [Z] [Y] la somme provisionnelle de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par l'intimée,
ordonner, à titre de supplément de dommages et intérêts, la publication de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux ou revues, au choix de l'appelante et aux frais de la société Clédor bijoux sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 5 000 euros H.T.,
condamner la société Clédor bijoux à payer à la société [Z] [Y] la somme de 10.000 euros, et ce compris les frais de constats et de saisie contrefaçon (pièce 16), au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, pour les frais engagés en première instance et la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d'appel,
condamner la société Clédor bijoux aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions, transmises le 22 novembre 2023, la société CLEDOR BIJOUX, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
rejeter les prétentions d'[Z] [Y], principales et subsidiaires, dont condamnations indemnitaires et d'article 700 du code de procédure civile du code procédure civile, d'interdiction, de rappel, d'injonction de communication et de dépens et les demandes de confirmation et d'infirmation du jugement ;
confirmer le jugement rendu le 24 mai 2022 en ce que la 3ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris a statué selon ce qui suit au dispositif :
rejette la demande en dommages et intérêts fondée sur la contrefaçon de droits d'auteur ;
rejette la demande en dommages et intérêts fondée sur la contrefaçon de dessin ou modèle communautaire pour le collier CO174 ;
rejette les demandes d'interdiction et de rappel des produits ;
rejette la demande de droit d'information ;
rejette la demande de publication ;
rejette les demandes subsidiaires en concurrence déloyale et parasitaire ;
infirmer le jugement en ce que le tribunal judiciaire de Paris a statué selon ce qui suit au dispositif :
rejette la demande de la société Clédor bijoux en nullité du constat du 13 février 2020,
déclare irrecevables ses demandes en nullité de l'ordonnance du 28 février 2020 ayant autorisé la saisie-contrefaçon et de la requête sur laquelle cette ordonnance a été rendue ;
rejette ses demandes en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 mars 2020 pratiquée en vertu de cette ordonnance et du procès-verbal de « non réception de document » du 10 mars 2020 qui l'a suivi ;
condamne la société Clédor bijoux à payer à [Z] [Y] la somme provisionnelle de 2.000 euros de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon du dessin ou modèle communautaire non enregistré pour le collier CO177 ;
condamne la société Clédor bijoux aux dépens et la condamne à payer 1.000 Euro à [Z] [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ;
déclarer Clédor Bijoux recevable et bien fondée en son appel incident ;
prononcer les nullités du constat d'huissier du 13 février 2020, de la requête et des actes consécutifs dont l'ordonnance du 28 février 2020, la signification d'ordonnance du 4 mars 2020, le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 mars 2020 et le procès-verbal du 10 mars 2020, rejeter et écarter des débats les actes, pièces et constatations résultant des actes précités ;
rejeter les prétentions de [Z] [Y] émises à titres principal et subsidiaire ;
à titre subsidiaire, rejeter les prétentions indemnitaires, d'interdiction, de retrait et de retour de produits, d'information et de communication de [Z] [Y] ;
subsidiairement confirmer le jugement en identifiant avec précision les produits et faits qui seraient condamnés par la cour ;
condamner [Z] [Y] à verser 15.000 Euro à Clédor Bijoux en application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ;
condamner [Z] [Y] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice de Maître Landon, avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la régularité des conclusions de la société [Z] [Y] au regard de l'
article 954 du code de procédure civile🏛La société CLEDOR BIJOUX soutient que le dispositif des conclusions de [Z] [Y] ne contient pas de prétentions et que les produits argués de contrefaçon ne sont pas identifiés, de sorte que la cour ne peut que rejeter les demandes de l'appelante.
L'article 954 du code de procédure civile dispose que « Les conclusions d'appel (') formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation (...) Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l'appelant indique s'il demande l'annulation ou l'infirmation du jugement et énonce, s'il conclut à l'infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l'ensemble des parties récapitule leurs prétentions (...) La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion (...) »
La cour constate que les dernières conclusions de la société [Z] [Y] répondent aux conditions prescrites. Par ailleurs, les sept bijoux argués de contrefaçon ont fait l'objet d'un constat d'achat effectué par huissier de justice, le 13 février 2020, et d'une saisie-contrefaçon, le 4 mars 2020 ; ils sont reproduits dans les conclusions de la société appelante ; ils ont été en outre produits en original au débat et remis à la cour. L'huissier instrumentaire a relevé lors de la saisie-contrefaçon que les bijoux saisis ne portaient pas de référence propre, mais tous la même référence « 10 » suivie du prix de chaque article qu'il a indiqué dans son procès-verbal. Les bijoux litigieux sont ainsi suffisamment individualisés.
Le moyen sera par conséquent rejeté.
Sur la validité du constat d'achat du 13 février 2020 et des actes relatifs à la saisie-contrefaçon réalisée le 4 mars 2020 (requête aux fins de saisie-contrefaçon, ordonnance d'autorisation, signification de l'ordonnance, procès-verbal de saisie-contrefaçon et procès-verbal « de non réception de documents » du 10 mars 2020)
Sur la validité du constat d'achat
Poursuivant la nullité du constat d'achat, la société CLEDOR BIJOUX soutient, au visa de l'article 6 § 1 de la CEDH et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, que le constat d'achat, qui lui fait grief, a été effectué sans autorisation préalable ni contrôle d'un juge, en dehors de tout contradictoire, et constitue en réalité une saisie-contrefaçon ; qu'en outre, l'officier ministériel n'a pas décliné sa qualité et l'objet de son intervention mais a mandaté un tiers, dont c'est l'activité rémunérée, préalablement choisi pour se substituer à lui afin d'effectuer des actes à l'intérieur du magasin sans donner aucune information à la société CLEDOR BIJOUX ; qu'aucune circonstance particulière ne justifiait en l'espèce que la société [Z] [Y] procède ainsi pour se constituer des preuves ; que le principe doit demeurer qu'à défaut d'autorisation de l'occupant d'un lieu privé, seul un juge peut donner accès à ce lieu privé.
La société [Z] [Y] répond que le constat, comme relevé par l'huissier, a été réalisé en présence d'un tiers acheteur parfaitement indépendant de la société requérante et de son conseil et qu'il est donc à l'abri de toutes critiques.
Ceci étant exposé, c'est pour de justes motifs, tant en droit qu'en fait, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté la demande de la société CLEDOR BIJOUX en nullité du constat d'achat du 13 février 2020, retenant notamment, après avoir rappelé la nécessaire mise en balance du droit au procès équitable et du droit à la preuve au nom du principe de proportionnalité, d'une part, que l'établissement d'un constat d'achat par huissier de justice demeure une voie de droit légalement ouverte aux titulaires de droits de propriété intellectuelle qui n'ont nullement l'obligation de recourir à la saisie-contrefaçon, d'autre part, que l'indépendance du tiers acheteur ne peut en l'espèce être contestée quand bien même il serait un habitué ou éventuellement un professionnel des constats d'achat, et enfin que le constat d'achat n'a porté atteinte à aucune règle de droit ou droit fondamental, offrant une plus grande transparence qu'un achat accompli par le requérant et prouvé par un simple ticket de caisse ou un simple témoignage.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la validité des actes concernant la saisie-contrefaçon du 4 mars 2020
La société CLEDOR BIJOUX demande dans le dispositif de ses conclusions la nullité « de la requête et des actes consécutifs dont l'ordonnance du 28 février 2020, la signification d'ordonnance du 4 mars 2020, le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 mars 2020 et le procès-verbal du 10 mars 2020 » et, à ce titre, conteste la titularité des droits de la société [Z] [Y]. Elle fait valoir que cette dernière n'établit pas de processus de création ni l'acquisition des droits d'auteur qu'elle lui oppose ; qu'en vertu de l'
article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle🏛, la cession de droits d'auteur doit être constatée par écrit ; qu'aucune preuve de cession écrite n'est fournie par l'appelante ; que « la présomption prétorienne de commercialisation » ne peut être utilement invoquée en même temps qu'une cession de droits, cession dont atteste vainement la dirigeante de la société appelante dès lors que cette société a été créée en 2018 et que les DMCNE revendiqués sont antérieurs.
La société [Z] [Y] répond que la société CLEDOR BIJOUX est irrecevable à soulever des fins de non-recevoir tirées d'un prétendu défaut de titularité des droits dès lors qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel au sens de l'
article 564 du code de procédure civile🏛. Sur le fond, elle soutient qu'elle est fondée à se prévaloir de la présomption de titularité des droits patrimoniaux sur les sept colliers, qui lui ont été cédés par la créatrice, et alors qu'elle commercialise les bijoux en cause, en France notamment, de manière non équivoque, sous son nom, depuis juillet 2018 ; qu'au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés, en l'absence de toute revendication de Mme [Y] [X], créatrice des colliers, elle justifie de la commercialisation paisible et non équivoque de ses colliers référencés CO174 et CO177.
Sur la recevabilité
L'
article 126 code de procédure civile🏛 dispose que « Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ».
Les fins de non-recevoir opposées par la société CLEDOR BIJOUX à l'action en contrefaçon de droits d'auteur et de DMCNE de la société [Z] [Y] sont, par principe, recevables conformément à l'article précité.
De plus, comme en première instance, la société CLEDOR BIJOUX, au travers de sa contestation de la validité des actes relatifs à la saisie-contrefaçon réalisée le 4 mars 2020 (soit, la requête aux fins d'être autorisée à faire pratiquer la saisie-contrefaçon, l'ordonnance d'autorisation du 28 février 2020, la signification de l'ordonnance d'autorisation, le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 mars 2020 et le procès-verbal « de non réception de documents » du 10 mars 2020), conteste la titularité des droits par la société [Z] [Y], soutenant implicitement qu'à défaut de faire la preuve de la titularité de ses droits d'auteur et de dessins et modèles non enregistrés, et partant de son droit d'agir, la société [Z] [Y] était irrecevable à requérir une ordonnance l'autorisant à effectuer la saisie-contrefaçon, ce qui rend nulle cette requête, ainsi que tous les actes subséquents. Or, le tribunal a statué sur la question de la titularité des droits d'auteur de la société [Z] [Y], en reconnaissant la titularité de ces droits, et la société CLEDOR BIJOUX ne saurait être déclarée irrecevable à critiquer le jugement sur ce point.
La fin de non-recevoir soulevée par la société [Z] [Y] doit donc être rejetée.
Sur le fond
La société CLEDOR BIJOUX conteste la validité de la saisie-contrefaçon. Cependant, les griefs qu'elle formule ne concernent aucunement le déroulement des opérations de saisie-contrefaçon elles-mêmes, mais la validité de la requête par laquelle l'autorisation de procéder à la saisie-contrefaçon a été sollicitée et celle des actes subséquents, la société intimée soutenant que la société [Z] [Y] ne justifie pas de la titularité des droits qu'elle revendique.
À cet égard, il est rappelé que l'exploitation non équivoque d'une oeuvre par une personne physique ou morale sous son nom et en l'absence de revendication du ou des auteurs, fussent-ils identifiés, fait présumer à l'égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l'œuvre du droit de propriété incorporelle.
Or, en l'espèce, la société [Z] [Y] produit le courrier adressé par Mme [Y] [X] à la société [Z] [Y] en date du 27 février 2020, par laquelle elle indique lui avoir cédé, au mois de juillet 2018, l'ensemble des droits patrimoniaux (d'auteur) (droit de reproduction, droit de représentation et droit d'adaptation) sur les 7 modèles de bijoux référencés CO159, CO114, CO174, CO177, CO162, C118 et CO129, créés par elle antérieurement et que la société commercialise depuis sa création, le 1er juillet 2018. L'extrait du bulletin officiel du registre du commerce espagnol fourni par la société appelante indique qu'elle a été créée le 22 février 2018, ce qui rend chronologiquement possible la cession mentionnée dans le courrier de Mme [Y] [X]. En outre, en l'absence de toute revendication de la créatrice, la société [Z] [Y] justifie de la commercialisation paisible et non équivoque des colliers revendiqués (extraits article de Time Out et du site [Courriel 10] ; attestation de l'expert-comptable de la société relative aux ventes des 7 colliers sur plusieurs années ; attestation de quatre sociétés clientes (à [Localité 8], [Localité 4], [Localité 6] et [Localité 9]) et factures correspondantes).
Le tribunal doit donc être approuvé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société CLEDOR BIJOUX en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 mars 2020 et du procès-verbal de « non réception de document » du 10 mars 2020 qui l'a suivi, après avoir notamment retenu que les critiques visant les conditions de délivrance de l'ordonnance sur requête étaient infondées dès lors que la société [Z] [Y] avait justifié à suffisance exploiter de façon paisible et non équivoque les 7 bijoux revendiqués, clairement identifiés, dont la qualification d'œuvres de l'esprit était par ailleurs suffisamment établie pour qu'il soit fait droit à sa requête en saisie-contrefaçon, et qu'elle pouvait être présumée titulaire des droits d'auteur revendiqués.
Le jugement sera confirmé de ce chef également.
Par ailleurs, aux termes de l'article 14 du
Règlement (CE) n° 6/2002⚖️ du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires, '1. Le droit au dessin ou modèle communautaire appartient au créateur ou à son ayant droit (...)'. Selon l'
article 15 du même règlement🏛, 'Revendication du droit à un dessin ou modèle communautaire - 1. Si un dessin ou modèle communautaire non enregistré est divulgué ou revendiqué par une personne qui n'est pas habilitée en vertu de l'article 14 ou si un dessin ou modèle communautaire enregistré a été déposé ou enregistré au nom d'une telle personne, la personne habilitée aux termes dudit article peut, sans préjudice de tous autres droits ou actions, revendiquer d'être reconnue en tant que titulaire légitime du dessin ou modèle communautaire (...)'.
Il se déduit de ces dispositions que la commercialisation non équivoque d'un modèle fait présumer à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du créateur, que la personne morale qui justifie de cette commercialisation sous son nom et des modalités dans lesquelles elle la réalise est titulaire du modèle communautaire non enregistré.
En l'espèce, en l'absence de toute revendication de la créatrice, la société [Z] [Y], qui justifie de la commercialisation paisible et non équivoque des deux colliers référencés CO174 et CO177, bénéficie à l'égard de la société CLEDOR BIJOUX, poursuivie en contrefaçon, de la présomption de titularité des dessins ou modèles communautaires non enregistrés sur ces deux colliers.
Le jugement sera complété en ce sens.
Sur la contrefaçon
Sur la contrefaçon de droits d'auteur
Sur l'originalité des bijoux
La société [Z] [Y] soutient que les sept bijoux revendiqués sont originaux, la combinaison des différents éléments caractérisant ces bijoux (leurs couleurs, leur composition particulière et l'agencement de leurs divers éléments géométriques) leur conférant une physionomie propre traduisant des choix libres et arbitraires et un parti pris esthétique qui porte l'empreinte de la personnalité de leur auteur, de sorte qu'ils bénéficient de la protection du droit d'auteur. Elle ajoute que les sept colliers se distinguent très nettement de l'art antérieur et ces différences significatives sont les résultats d'un effort de création, l'intimée ne versant d'ailleurs aucune pièce pertinente de nature à remettre en cause la protection des bijoux par le droit d'auteur.
La société CLEDOR BIJOUX oppose que les sept bijoux revendiqués comme des œuvres de l'esprit ne sont pas précisément identifiés et définis ni par la requête en saisie-contrefaçon, ce qui doit entraîner son annulation de même que celle de toutes les pièces subséquentes, ni par l'assignation ; que [Z] [Y] exploite des apparences de bijoux puisées dans le fonds commun ancien, notamment des arts primitifs.
Ceci étant exposé, la cour rappelle qu'en vertu de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. L'
article L.112-1 du même code🏛 protège par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales. Il se déduit de ces dispositions, le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale. Selon l'
article L. 112-2, 14° du même code🏛, sont considérées comme œuvres de l'esprit les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure.
Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable.
Néanmoins, lorsque l'originalité d'une œuvre de l'esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d'auteur de caractériser l'originalité de l'œuvre revendiquée, c'est à dire de justifier de ce que cette œuvre présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur.
En l'espèce, la société [Z] [Y] présente ainsi qu'il suit les caractéristiques originales des sept bijoux qu'elle revendique, reproduits et référencés dans ses écritures, produits au débat en original, et ainsi clairement identifiés :
Collier CO174
- Il est composé, en sa moitié inférieure, de 7 éléments de métal fin.
- Chaque élément est composé de la combinaison d'un disque d'un diamètre de 2.5 cm et d'un cercle d'un diamètre de 2.9 cm.
- La combinaison de couleur des disques et des cercles est la suivante : (de gauche à droite) disque turquoise/cercle vert, disque orange/cercle rose, disque bleu/cercle turquoise, disque rose/cercle violet, disque vert/cercle bleu, disque jaune/cercle orange, disque vert/cercle bleu.
- Sur la moitié gauche du collier, chaque disque se superpose sur la partie supérieure du cercle et la recouvre, ne laissant apparaître qu'un demi-cercle.
- Sur la moitié droite du collier, le disque se superpose sur la partie inférieure du cercle et la recouvre, ne laissant apparaître qu'un demi-cercle.
- Les 7 éléments sont reliés entre eux par des anneaux métalliques perforant le métal.
- Chaque plaque de métal est martelée, ce qui lui confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse.
Collier CO 177
- Ce bijou est un sautoir composé sur sa moitié inférieure de disques de métal fins, de 2 cm de diamètre et de 7 nuances de couleurs variées, séparés les uns des autres par un tube de de caoutchouc noir de 1,7 cm.
- La moitié supérieure du sautoir est nue.
- Chaque disque de métal est martelé, lui conférant un aspect irrégulier.
- La longueur du sautoir est réglable grâce à une perle coulissante permettant de le resserrer sur le cou.
Collier CO162
- Ce bijou est un sautoir composé de disques et de segments de métal fins qui s'intercalent.
- Chaque segment est de couleur noire et d'une longueur de 4.5 cm et d'une largeur de 0.5 cm. - Les disques sont de deux dimensions différentes, certains d'un diamètre de 2.5 cm, d'autres d'un diamètre de 2cm.
- Chaque disque est d'une couleur parmi des nuances variées.
- Les disques sont reliés entre eux par un segment de métal.
- Sur la moitié droite du collier, la partie basse du segment se juxtapose sur le disque qui est positionné en dessous. La partie haute du segment est perforée et reliée au disque placé au-dessus par un anneau métallique.
- Sur la moitié gauche du collier, la partie haute du segment se juxtapose sur le disque qui est positionné au-dessus. La partie basse du segment est perforée et reliée au disque placé au-dessous par un anneau métallique.
- Chaque plaque de métal est martelée, ce qui leur confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse.
Collier C118
- Ce bijou est un collier ras de cou composé de deux plaques fines de métal en forme de feuilles oblongues, de couleurs différentes, de dimensions équivalentes et se superposant.
- La feuille de gauche est positionnée à la verticale et orientée vers la gauche, tandis que la feuille de droite, qui la recouvre sur une partie de sa largeur, est positionnée de biais vers la droite.
- L'extrémité supérieure de chaque feuille est perforée afin de laisser passer une cordelette permettant d'attacher le collier.
- Chaque plaque de métal est martelée, ce qui leur confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse.
- Ce bijou est décliné en plusieurs coloris.
Collier CO114
- Ce bijou est un collier ras de cou composé de 22 fines branches de métal de longueurs différentes, qui s'entrecroisent.
- Chaque branche est légèrement incurvée, certaines vers le centre du collier, d'autres vers l'extérieur.
- L'alternance des branches de longueurs et d'incurvations différentes, ainsi positionnées, crée un effet visuel d'entrecroisement.
- L'accumulation des branches, bien que fines, et leur densité, donne à l'ensemble les caractéristiques d'un plastron.
- Chaque branche est suspendue au cordon par le pliage du métal autour du cordon, formant ainsi un crochet.
- Chaque branche de métal est martelée, ce qui leur confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse.
- Ce bijou se décline plusieurs coloris.
Collier CO129
- Ce bijou est un collier ras de cou composé d'une accumulation de fines plaques de métal de dimensions identiques et de 7 nuances de couleurs variées, positionnées les unes à côté des autres et se chevauchant.
- Chaque plaque de métal a la forme d'un triangle dont l'un des angles de sa base aurait été atténué.
- Les plaques sont alternativement orientées vers la droite et la gauche.
- Elles sont suspendues au cordon par le pliage du métal de l'angle supérieur autour du cordon, formant ainsi un crochet.
- Chaque plaque de métal est martelée, ce qui leur confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse.
Collier CO159
- Ce bijou est un collier ras de cou composé d'une accumulation de fins segments de métal, de dimensions identiques et de sept couleurs aux nuances variées, positionnés les uns à côté des autres et suspendus au cordon par le pliage du métal autour du cordon, formant ainsi un crochet. - Chaque segment de métal est martelé, ce qui leur confère un aspect irrégulier, qui est absent de la face arrière du bijou, plus lisse.
La société [Z] [Y] ajoute que les colliers présentés par l'intimée ne réunissent nullement l'ensemble des caractéristiques de ses sept colliers mais confirment qu'il est parfaitement possible de créer des colliers différents, et que l'originalité ne se confond pas avec le mérite.
La cour fait siens les motifs du tribunal qui a estimé qu'aucun des sept bijoux revendiqués ne peut prétendre au bénéfice de la protection par le droit d'auteur. La cour constate en outre que pour tenter de caractériser l'originalité des sept colliers qu'elle revendique, la société [Z] [Y] se borne à procéder à la description purement objective des bijoux, sans fournir aucune indication sur les choix créatifs opérés par leur auteur l'ayant amené à réaliser ces colliers sous ces formes et avec ces caractéristiques, qui traduiraient un parti pris esthétique et refléteraient l'empreinte de la personnalité ou de la sensibilité d'un auteur. Il sera ajouté que la circonstance qu'aucun des colliers ne se retrouve exactement dans les exemples de bijoux primitifs d'Afrique, d'Asie, d'Amérique ou d'Océanie produits par la société CLEDOR BIJOUX (sa pièce 5) n'est pas suffisante, en soi, pour démontrer l'originalité desdits colliers.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société [Z] [Y] fondée sur la contrefaçon de droits d'auteur.
Sur la contrefaçon des DMCNE CO174 et CO177
Sur la protection des modèles au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés
La société [Z] [Y] soutient que ses deux modèles CO177 et CO174 bénéficient de la protection des DMCNE ; que contrairement à ce que le tribunal a retenu, la protection n'était pas expirée, pour le modèle CO174, le 7 janvier 2020, date à laquelle la société CLEDOR BIJOUX a acquis le bijou contrefaisant auprès d'un fournisseur chinois, dans la mesure où ce modèle a été présenté pour la première fois lors du salon Bijorhca qui s'est tenu à Paris du 20 au 23 janvier 2017 ; que les deux modèles présentent un caractère nouveau et individuel.
La société CLEDOR BIJOUX oppose que la société [Z] [Y] ne soutient que la nouveauté de ses deux DMCNE et aucunement leur caractère individuel ; qu'en outre, la société appelante fonde la nouveauté invoquée sur la commercialisation des objets selon les modèles et non sur la divulgation des modèles ; que le délai de 3 ans au-delà duquel un modèle non enregistré ne peut être revendiqué court à compter de sa première divulgation sur le territoire européen et non pas de la commercialisation du produit ; que la forme du DMCNE CO177 est essentiellement dictée par des contraintes techniques ; qu'en effet, le collier du modèle est composée d'une série de disques séparés entre eux par un tube de caoutchouc de 1,7 cm afin de les maintenir espacés les uns des autres par une même distance ; que la moitié supérieure du collier est nue pour permettre l'accrochage autour du cou ; que sa longueur est réglée, selon la corpulence de la personne qui porte l'objet, grâce à une perle coulissante ; que CLEDOR BIJOUX fournit des exemples d'antériorités anciennes qui ne sont pas discutées autrement par [Z] [Y] que par l'absence d'identité parfaite avec les colliers prétendument contrefaits ; que le collier CO177 reprend des caractéristiques du collier CO162 (collier dénommé « sautoir » composé disques de couleurs différentes espacés par des segments de taille identique) qui rappellent les ligatures de sapèques très connues en Asie depuis plusieurs millénaires et qui empêchent toute éventuelle protection du modèle CO177.
Ceci étant exposé, l'article 4 § 1 du règlement communautaire n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires dispose que la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.
À cet égard, l'article 5 prévoit que ' 1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public :
a) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois (...) 2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants'.
Et, aux termes de l'article 6 : '1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public : a) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois (...) 2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle'.
En application de l'
article 11 du même règlement🏛, un dessin ou modèle communautaire non enregistré est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s'il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté.
L'appréciation du caractère individuel d'un modèle doit s'effectuer au regard de la combinaison de ses caractéristiques et non au regard de ces caractéristiques prises isolément.
Enfin, en application de l'article 8.1 du règlement précité, « Un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique ».
En l'espèce, la société [Z] [Y] affirme que son modèle CO 174 a été diffusé au public dès le 20 janvier 2017, lors du salon Bijorca qui s'est tenu à [Localité 7] du 20 au 23 janvier 2017, et fournit un extrait de son catalogue de janvier 2017 qui comporte la représentation du collier. Elle prétend que la protection triennale du dessin et modèle non enregistré n'était donc pas expirée le 7 janvier 2020, date à laquelle la société CLEDOR BIJOUX a acheté le produit contrefaisant. De fait, la société CLEDOR BIJOUX fournit une facture (sa pièce 6) d'une société YOUSHAN INT'L TRADE LIMITED en date du 7 janvier 2020 portant sur différents bijoux, dont les 7 bijoux litigieux, parmi lesquels un bijou « Multicolor » commandé en 36 exemplaires au prix unitaire de 3,12 € pièce, correspondant au modèle CO 174. Contrairement à ce que le jugement a retenu, la protection du modèle n'était donc pas expirée au moment des faits litigieux, au cours de la période du 7 janvier au 20 janvier 2020.
C'est en revanche à juste raison que le tribunal a dit que la protection triennale n'était pas expirée pour le modèle CO177, dont la société [Z] [Y] indique qu'il a été divulgué pour la première fois lors du salon Bijorca qui s'est tenu à Paris à compter du 8 septembre 2017, et qui est représenté dans son catalogue de septembre 2017.
Aucune des antériorités opposées par la société CLEDOR BIJOUX ne présente une combinaison de caractéristiques identique à celle des modèles CO174 et C0177 ou ne différant que par des détails insignifiants pour l'utilisateur averti, en l'espèce principalement une utilisatrice sensible au design des bijoux qu'elle acquiert : les colliers issus de l'art primitif figurant en pièce 5 de l'intimée ne comportent pas de petits disques partiellement superposés sur des cercles évidés, tous ces éléments étant de couleurs variées contrastantes (bleu/vert, jaune/rose') et reliés entre eux par des anneaux métalliques, principales caractéristiques du modèle CO174, ni de petits disques de couleurs variées en métal martelé, percés en leur centre, enfilés sur un cordon noir épais (en caoutchouc) et séparés les uns des autres par un espace, principales caractéristiques du modèle CO177, les différences entre ces antériorités et les modèles ne relevant pas de détails insignifiants. La « ligature de sapèques » invoquée par la société intimée (sa pièce 12) correspond à un ensemble de pièces de monnaie en bronze reliées entre elles, sans espace aménagé, par un cordonnet et placé dans une tombe, trouvé au Vietnam et daté de la période 1er / 3ème siècle, et n'est en aucune façon un collier (rien ne permet d'affirmer que l'on pourrait porter cet ensemble autour du cou) composé de disques colorés séparés les uns des autres comme celui protégé par le modèle CO177. Les antériorités invoquées produisent sur l'utilisatrice avertie une impression globale très éloignée de celle générée par les modèles.
Si les modèles CO174 et CO177 protègent l'apparence de colliers, ce qui implique des aspects nécessairement fonctionnels devant permettre aux bijoux selon les modèles d'être portés autour du cou, le parti pris de choisir sept petits disques de métal martelé de différentes couleurs pour les superposer en partie au-dessus de sept petits cercles évidés de différentes couleurs (modèle CO174) ou le choix d'adopter des petits disques de métal martelé de couleurs variées et de les disposer de façon régulièrement espacée sur un cordon (modèle CO177) ne répondent nullement à des préoccupations fonctionnelles mais purement esthétiques.
Il est ainsi établi que les modèles CO174 et CO177 possèdent chacun un caractère nouveau et individuel et que les apparences qu'ils protègent ne sont pas dictées par des considérations « exclusivement » techniques, de sorte qu'ils sont tous deux éligibles à la protection conférée par le règlement (CE) n° 6/2002 du 12 septembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires non enregistrés.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur la matérialité de la contrefaçon
La société CLEDOR BIJOUX fait valoir que le marché est dirigé par le principe de libre concurrence, au regard duquel les droits d'auteur et les DMCNE ne sont que des exceptions d'interprétation restrictive ; que la simple copie d'un produit ne caractérise pas un délit.
La société [Z] [Y] fait valoir que la société CLEDOR BIJOUX, dont la mauvaise foi est démontrée, ne conteste pas que les colliers qu'elle a importés de Chine et commercialisés sont des copies serviles de ses modèles ; que la reprise manifeste des caractéristiques de forme des colliers CO174 et CO177 crée, sur l'utilisateur averti, une impression visuelle globale identique, de sorte qu'elle caractérise une atteinte aux droits conférés à ses deux modèles.
Ceci étant exposé, selon l'article 10 du règlement 6/2002 précité, « 1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente.
2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur
dans l'élaboration du dessin ou modèle ».
L'article 19.2 du règlement précise que « 1. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de cette disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.
2. Le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d'interdire les actes visés au paragraphe 1 que si l'utilisation contestée résulte d'une copie du dessin ou modèle protégé.
L'utilisation contestée n'est pas considérée comme résultant d'une copie du dessin ou modèle protégé si elle résulte d'un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu'il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire ».
Il résulte en outre de l'
article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle🏛 que « Toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ».
En l'espèce, la société [Z] [Y] a fait acheter et saisir plusieurs exemplaires d'un collier offert à la vente dans la boutique de la société CLEDOR BIJOUX et qui, comme son modèle CO174, se compose d'un même nombre (7) d'éléments de métal fin sous forme de disques et de cercles (disques de 2.5 cm de diamètre et cercles de 2.9 cm de diamètre) superposés, les disques apparaissant ainsi en entier et les cercles à moitié seulement, dans une suite de couleurs assorties contrastantes présentées exactement dans le même ordre, ces éléments métalliques étant reliés pareillement entre eux par des anneaux métalliques perforant le métal et ayant le même aspect martelé sur l'avant du bijou. Le collier incriminé constitue ainsi une copie servile du modèle CO174, produisant sur l'utilisatrice avertie une impression visuelle identique, alors que dans le secteur considéré des colliers fantaisie, la liberté du créateur est très importante.
C'est par ailleurs par de justes motifs, adoptés par le cour, que les premiers juges ont considéré que le collier incriminé commercialisé par la société CLEDOR BIJOUX constitue une copie quasi servile du modèle CO177, produisant sur l'utilisateur averti une impression visuelle identique, le fait qu'il s'agisse d'une copie se déduisant non seulement de l'identité quasi-parfaite des objets en cause, mais également du fait, non contesté et justifié par une facture en date du 14 mars 2019 émise par la société appelante, que la société CLEDOR BIJOUX avait préalablement acquis le collier protégé par le modèle CO177 ' ainsi que le collier protégé par le modèle CO174 ' auprès de la société [Z] [Y].
L'article 9.2 du règlement n° 6/2002 incrimine expressément les actes d'importation et lors de la saisie-contrefaçon, la responsable de la boutique de la société CLEDOR BIJOUX qui a reçu l'huissier de justice a indiqué en outre que les modèles argués de contrefaçon trouvés dans les locaux étaient vendus depuis janvier 2020.
La contrefaçon des dessins ou modèles CO174 et CO177 est ainsi caractérisée.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Subsidiairement, sur la concurrence déloyale et parasitaire
Les demandes en contrefaçon de la société [Z] [Y] n'ayant pas prospéré en ce qui concerne les bijoux référencés CO162, C118, CO114, CO129 et CO159, il convient d'examiner les demandes en concurrence déloyale et parasitaire formulées à titre subsidiaire, quant à ces bijoux, par la société appelante.
Sur la concurrence déloyale
La société [Z] [Y] soutient qu'en commercialisant en 2020 des colliers constituant l'imitation servile des siens, selon les mêmes gammes de coloris et à des prix inférieurs, sans qu'aucune nécessité technique ni tendance de la mode ne l'impose, la société CLEDOR BIJOUX, qui a été en relation d'affaires avec elle en 2019, date à laquelle elle lui a acheté les colliers authentiques, a commis des actes de concurrence déloyale.
La société CLEDOR BIJOUX soutient que la démarche de [Z] [Y] vise à « obtenir, sous le fondement de la faute civile, le monopole que la loi lui interdit sous les fondements de la propriété intellectuelle » ; que sa demande doit être rejetée dès lors qu'il est de jurisprudence constante qu'un « modèle » qui n'est pas protégé par un droit privatif peut être librement reproduit.
Ceci étant exposé, la concurrence déloyale, sanctionnée en application de l'article 1240 du code civil, doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement commercialisé sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur son origine, circonstance attentatoire à l'exercice loyal des affaires. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de l'espèce prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.
En l'espèce, la société CLEDOR BIJOUX a commercialisé 5 colliers, ci-après reproduits, qui sont les copies quasi serviles des colliers CO162, C118, CO114, CO129 et CO159 de la société [Z] [Y], reprenant leurs formes, leurs dimensions, leurs couleurs et l'aspect martelé des éléments métalliques :
La reproduction quasi à l'identique d'une gamme de cinq bijoux fantaisie (qui s'ajoute à la reprise contrefaisante des modèles de collier CO174 et CO177) est source de confusion dans l'esprit du public qui sera amené à penser que tous les bijoux proviennent d'une même entreprise ou du moins que la société CLEDOR BIJOUX est liée à la société [Z] [Y]. Le risque de confusion est d'autant plus important que les bijoux des deux sociétés sont des bijoux fantaisie, commercialisés à des prix qui ne sont pas très éloignés, et destinés à une même clientèle. L'achat préalable à la société [Z] [Y], au début de l'année 2019, des sept bijoux concernés est révélateur de l'intention délibérée de la société CLEDOR BIJOUX de copier les colliers en acceptant le risque, voire en le recherchant, de créer une confusion entre les produits et/ou les opérateurs. Ce comportement est fautif, excédant les limites admises dans l'exercice des activités économiques au nom du principe de la liberté du commerce, et caractérise la concurrence déloyale.
Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a débouté la société [Z] [Y] de sa demande en concurrence déloyale.
Sur le parasitisme
La société [Z] [Y] soutient que les sept colliers copiés sont des bijoux de grande qualité, confectionnés artisanalement, et que leur réalisation a nécessité des efforts importants, de sorte qu'ils représentent une valeur économique individualisée ; que leur reproduction servile traduit une intention délibérée de la société CLEDOR BIJOUX de se placer dans son sillage ; que cette intention délibérée est caractérisée, non seulement par le caractère servile de la reproduction des colliers qui appartiennent à des collections différentes, ce qui ne peut résulter du hasard, mais aussi par le stratagème de la société CLEDOR BIJOUX qui lui a d'abord acheté les colliers dans le seul but de les faire ensuite fabriquer en Chine en grande quantité et à moindre coût.
La société CLEDOR BIJOUX soutient que la qualification même de parasitisme remet en cause la liberté du commerce et de la concurrence en l'absence de droit privatif de la société [Z] [Y].
Ceci étant exposé, le parasitisme, fondé comme la concurrence déloyale sur l'article 1240 du code civil, consiste, indépendamment de toute notion de risque de confusion, pour une personne physique ou morale à profiter volontairement et de façon injustifiée des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.
En l'espèce, la société [Z] [Y] fournit un article du site timeout.cat/girona consacré à [Z] [Y] qui évoque l'univers de la marque (« Les bijoux de [Z] [Y] forment une explosion de couleurs : ils font appel à la vitalité et la bonne humeur. Inspirée de la nature qui entoure son atelier (') ses créations, en vente depuis 1994, émanent la fraîcheur et la joie de ce paysage de [Localité 2] tout en étant abordables (') ») ; des copies d'écrans du site internet [Courriel 10] qui montrent le modèle CO129 et comportent une liste d'une cinquantaine de magasins revendeurs en France ; l'attestation de son expert-comptable relative aux ventes des colliers sur plusieurs années (587 ventes du collier CO114 en 11 années ; 107 ventes du collier CO129 en 10 années ; 341 colliers C118 en 7 années ; 321 ventes du collier CO159 en 6 années ; 624 ventes du collier 162 en 6 années) ; un formulaire renseigné de demande de participation au salon Bijorca (« The international fine fashion jewellery & watches show ») de janvier 2017, la participation de la société [Z] [Y] à ce salon pour la promotion de ses produits n'étant au demeurant pas contestée. Ces éléments sont de nature à établir l'existence d'une valeur économique individualisée constituée par les colliers en cause. La circonstance que la société CLEDOR BIJOUX a acquis ces bijoux afin de les faire copier en Chine montre qu'elle avait conscience de l'existence de cette valeur économique individualisée et son intention manifeste de s'inscrire dans le sillage de la société [Z] [Y] afin de profiter notamment de ses efforts de création.
Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a débouté la société [Z] [Y] de sa demande fondée sur le parasitisme.
Sur les réparations
Au titre de la contrefaçon, la société [Z] [Y] invoque un préjudice patrimonial résultant des gains manqués pour lequel elle sollicite une somme provisionnelle de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, arguant que les opérations de saisie-contrefaçon n'ont pas permis de déterminer combien de produits contrefaisants ont été commandés au fournisseur chinois de la société CLEDOR BIJOUX ni combien ont été vendus, cette dernière ayant refusé de communiquer la moindre information comptable permettant de déterminer le volume contrefaisant ; elle sollicite un droit d'information ; elle invoque en outre un préjudice moral qu'elle évalue à 50 000 €, faisant valoir que les actes de contrefaçon ont banalisé ses collections de bijoux ; que ses colliers en aluminium, fabriqués dans ses ateliers catalans selon un savoir-faire artisanal développé depuis près de 30 ans, sont réputés pour leur originalité et leur excellente qualité sur le marché de la bijouterie ; que les bijoux contrefaisants, de moindre qualité et commercialisés à des prix très nettement inférieurs, portent une atteinte indéniable à la valeur des actifs que représentent ces modèles, ses clients pouvant conclure de la contrefaçon qu'elle manque de créativité ; qu'au surplus, en commercialisant des produits contrefaisants, CLEDOR BIJOUX échappe aux risques inhérents à la commercialisation de tout nouveau produit, risques particulièrement importants dans le milieu de la bijouterie où les produits répondent aux aspirations saisonnières difficilement prévisibles de la clientèle. Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, elle réclame la somme provisionnelle de 150 000 euros, rappelant qu'il est loisible au juge du fond de s'inspirer des dispositions du code de la propriété intellectuelle pour évaluer le préjudice résultant d'actes déloyaux (Cass. com. 28 oct. 2017 n° 15-29094).
La société CLEDOR BIJOUX oppose qu'invoquer un gain manqué exige de justifier que les produits litigieux ont été achetés en lieu et place des produits authentiques ; qu'[Z] [Y] ne peut pas alléguer à la fois que les produits litigieux sont de piètre qualité et qu'ils dévalorisent les siens ; que les produits en stock ne sont pas des produits vendus ; qu'un stock est une charge ; que le gain manqué est donc inexistant, comme le gain indu ; que la demande indemnitaire au titre du préjudice patrimonial est disproportionnée ; que compte tenu des prix de vente annoncés par [Z] [Y], on aboutit à montant global théorique de chiffre d'affaires de 751 euros HT et de 4.165 euro si tous les produits en stock avaient été vendus ; que le droit moral relève de la seule propriété inaliénable de l'auteur, personne physique, le cessionnaire de droits patrimoniaux étant irrecevable à invoquer une indemnité sur un tel chef de préjudice ; que le droit moral n'est pas reconnu par la loi concernant les dessins et modèles non enregistrés ; que la demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, non motivée, doit être rejetée ; que les demandes complémentaires, ni justifiées, ni nécessaires, doivent être rejetées.
Sur les dommages et intérêts
En application de l'
article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle🏛, applicable aux atteintes portées aux dessins ou modèles communautaires en vertu de l'article L. 522-1, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement:
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».
Lors de la saisie-contrefaçon réalisée le 4 mars 2020, la responsable de la boutique présente a indiqué avoir commencé à vendre les différents modèles incriminés en janvier 2020 soit 2 mois plus tôt. La seule facture produite par la société CLEDOR BIJOUX (en date du 7 janvier 2020) (sa pièce 6) révèle que les 7 bijoux litigieux ont été achetés à un fournisseur chinois dans des quantités variables, pouvant être supérieures à 100 pièces par référence.
Le collier contrefaisant le modèle CO174 se trouvait dans la boutique de la société CLEDOR BIJOUX en 11 exemplaires et le collier contrefaisant le modèle CO177 en 5 exemplaires. Le stock retrouvé lors de la saisie-contrefaçon comptait en outre 5 pièces correspondant au collier CO114, 26 pièces correspondant au collier C118, 6 pièces correspondant au collier CO129, 12 pièces correspondant au collier CO159 et 10 pièces correspondant au collier CO162. Il s'en déduit que la quasi-totalité du stock a été vendu.
Le prix de vente unitaire des colliers authentiques CO174 et CO177 est de 25 €. Le prix de vente des produits contrefaisants est de 7,90 € HT et 9,90 € HT. Le prix de vente des 5 autres colliers est de à 9,90 € HT (CO114), 4,50 € HT (CO118), 6,90 € HT (CO129), 7,90 € HT (CO159) et 8,90 € HT (CO162). Une marge brute de 50 % peut être retenue pour ce type de produits.
La société [Z] [Y] indique avoir vendu 20 colliers CO174 au cours des années 2019 et 2020 et 81 colliers CO177 sur la même période.
La période pendant laquelle les deux modèles non enregistrés ont été contrefaits est relativement limitée (du 7 janvier au 20 janvier 2020 pour le modèle CO174 ; du 7 janvier au 8 septembre 2020 pour le modèle CO177).
Le fait de s'être fait copier deux modèles protégés par un concurrent a nécessairement provoqué pour la société [Z] [Y] une contrariété constitutive d'un préjudice moral, d'autant plus important que des clients achetaient le modèle en cause sans même savoir que c'est elle qui en était à l'origine et que, par ailleurs, la contrefaçon est le fait d'une société avec laquelle elle avait été en relation d'affaires.
Enfin, le risque de confusion généré par la reproduction quasi servile de 5 autres colliers et l'accaparement indu de ses efforts de création a entraîné pour la société [Z] [Y] une diminution de l'avantage concurrentiel qu'elle détenait et une atteinte à l'image de l'entreprise du fait de la vulgarisation de ses produits.
La cour dispose ainsi des éléments suffisants lui permettant de réparer ainsi qu'il suit les préjudices subis par la société [Z] [Y] du fait des actes de contrefaçon de ses deux modèles non enregistrés et des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société CLEDOR BIJOUX :
- 6 000 € pour le préjudice patrimonial résultant des actes de contrefaçon,
- 10 000 € pour le préjudice moral résultant des actes de contrefaçon,
- 4 000 € pour le préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Ces sommes sont allouées à titre de réparation définitive et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande relative au doit d'information, la facture fournie par la société CLEDOR BIJOUX s'étant avérée suffisante pour permettre à la cour de déterminer l'étendue du préjudice patrimonial de l'appelante.
Sur les mesures complémentaires
Il sera fait interdiction, en tant que de besoin, à la société CLEDOR BIJOUX d'importer, de faire fabriquer ou de fabriquer, d'offrir à la vente, d'exposer et de commercialiser, de quelque façon que ce soit, les colliers reproduisant les colliers sus-décrits CO174, CO177, CO114, C118, CO129, CO159 et CO162 de la société [Z] [Y], sans qu'il y ait lieu d'ordonner d'astreinte à ce titre. Le jugement est infirmé de ce chef.
Le préjudice de la société [Z] [Y] étant ainsi suffisamment réparé, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de rappel des produits litigieux aux fins de destruction et la demande de publication. Les demandes formées en appel à ces titres seront également rejetées.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société CLEDOR BIJOUX, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens de première instance étant confirmées.
Le jugement est cependant infirmé en ce qu'il a condamné la société CLEDOR BIJOUX à payer à la société [Z] [Y] la somme de 1 000 € pour les frais irrépétibles de première instance.
Les sommes qui doivent être mises à la charge de la société CLEDOR BIJOUX au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société [Z] [Y] peuvent être équitablement fixées à 10 000 € pour la première instance et 10 000 € pour l'appel, en ce compris les frais de constat et de saisie contrefaçon.