Jurisprudence : CAA Nantes, Plénière, 22-02-1989, n° 89NT00011

CAA Nantes, Plénière, 22-02-1989, n° 89NT00011

A7747A8G

Référence

CAA Nantes, Plénière, 22-02-1989, n° 89NT00011. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1159573-caa-nantes-pleniere-22021989-n-89nt00011
Copier

Abstract

60-02-01-01-01-01-01 Décès à la suite d'une anesthésie générale décidée et pratiquée lors d'un accouchement par un interne avec l'aide d'une infirmière aide-anesthésiste, en raison de l'urgence et de l'impossibilité de joindre le médecin anesthésiste et le chef du service d'obstétrique de garde. L'absence d'un médecin anesthésiste à laquelle a été imputable en l'espèce l'accident anesthésique qui a causé le décès de la parturiente a privé celle-ci des garanties particulières qu'exigeait son état. Alors même que la réglementation autoriserait les médecins à effectuer leur garde à domicile, une telle absence constitue une faute dans l'organisation du service de nature à engager la responsabilité de l'hôpital.

Cour administrative d'appel de Nantes

Statuant au contentieux
Centre hospitalier régional d'Orléans c/ Fichon

M. Capion, Président
M. Lemai, Rapporteur
M. Cacheux, Commissaire du gouvernement


Lecture du 22 février 1989



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la cinquième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Nantes le dossier de la requête présentée par le centre hospitalier régional d'Orléans et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 septembre 1987 sous le n° 91-648 ; Vu la requête susmentionnée présentée pour le centre hospitalier régional d'Orléans - 1, rue Porte Madeleine - BP 2439 - Orléans Cédex par la SCP Bore et Xavier avocats au Conseil d'Etat, enregistrée au greffe de la Cour le 2 janvier 1989 sous le n° 89NT00011 et tendant à ce que la Cour : 1°) annule le jugement du 21 juillet 1987 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à payer à M. René Fichon une somme de 265.074,75 F en réparation du préjudice subi du fait du décès de sa fille, 2°) rejette la demande présentée par M. Fichon devant le Tribunal administratif d'Orléans, 3°) subsidiairement réduise sensiblement le montant de l'indemnité accordée par le tribunal ; Vu le jugement attaqué ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu le code civil et le code de la sécurité sociale ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 89-906 du 2 septembre 1988 ;

    Sur la responsabilité :

    Considérant qu'il résulte des rapports d'expertise établis au cours de l'instance pénale que le décès de Mme Bidoux est dû aux complications d'une anoxie cérébrale survenue pendant l'anesthésie générale pratiquée lors de son accouchement le 5 mars 1981 à la maternité du Centre hospitalier régional d'Orléans ;

    Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'anesthésie générale a été réalisée pour permettre l'application du forceps rendue nécessaire par l'apparition de difficultés qui mettaient en jeu la vie de l'enfant ; qu'en raison de l'urgence et de l'impossibilité de joindre le médecin anesthésiste et le chef du service d'obstétrique qui assuraient la garde, l'intervention a dû être décidée et conduite par un interne avec l'aide d'une infirmière aide-anesthésiste et d'une sage-femme, alors que l'état de la parturiente, qui n'avait pas été suivie par le service et dont le médecin traitant n'a pu être joint, paraissait préoccupant ; qu'après avoir constaté les signes de cyanose, l'infirmière a procédé à une extubation mais que la réintubation n'a pu être effectuée que par le médecin anesthésiste dès qu'il a été en mesure d'intervenir ; que le délai qui s'est écoulé avant la réintubation a été, en prolongeant des conditions de ventilation précaires, à l'origine du caractère irréversible de l'anoxie ; que, dans ces conditions, quelle que soit la cause directe de l'anoxie, l'accident d'anesthésie ayant conduit au décès de Mme Bidoux doit être regardé comme imputable à l'absence d'un médecin anesthésiste qui a privé la parturiente des garanties médicales particulières qu'exigeait son état tant au moment de la préparation de l'anesthésie que pour le contrôle de son déroulement ;

    Considérant qu'alors même que la réglementation autoriserait les médecins à effectuer leur garde à domicile, l'absence d'un médecin anesthésiste susceptible d'intervenir sans délai, notamment pour les besoins d'un service d'obstétrique où les urgences sont fréquentes, constitue une faute dans l'organisation du service de nature à engager la responsabilité du Centre hospitalier régional d'Orléans ; que, par suite, ledit établissement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif l'a condamné à réparer le préjudice résultant du décès de Mme Bidoux ;


    Sur le préjudice :

    Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le Tribunal administratif ait fait une évaluation exagérée des préjudices subis en fixant à 200.000 F le préjudice d'ordre patrimonial de l'enfant Mélanie Bidoux, née lors de l'accouchement, à 40.000 F le préjudice moral de cette enfant, à 20.000 F le préjudice moral de M. et Mme Fichon, parents de Mme Bidoux, et à 5.074,75 F le montant du remboursement des frais d'obsèques ;

    Considérant, cependant, que le droit à la réparation du préjudice moral subi par M. Bidoux du fait du décès de son épouse était entré dans le patrimoine qu'il a transmis à sa fille Mélanie lors de son propre décès alors même qu'il n'est pas allégué qu'il ait introduit une action avant cette date ; que, par suite, M. Fichon, administrateur des biens de sa petite-fille, est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant au versement de l'indemnité due à M. Bidoux au titre de son préjudice moral et transmise par héritage à l'enfant Mélanie ;

    Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, dont la réalité n'est pas contestée, en accordant une indemnité d'un montant de 40.000 F ;

    Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions subsidiaires du Centre hospitalier régional relatives à l'évaluation du préjudice et de faire droit aux conclusions du recours incident de M. Fichon à concurrence de la somme de 40£000 F ;

    Sur les intérêts :

    Considérant que M. Fichon, personnellement et en qualité d'administrateur des biens de Mélanie Bidoux a droit, à compter du 14 février 1985, date de sa demande au Centre hospitalier régional d'Orléans, aux intérêts légaux sur la somme de 265.074.75 F accordée par le Tribunal administratif et sur la somme de 40.000 F accordée par la présente décision ;


Article 1 - L'indemnité de 265.074.75 F accordée à M. Fichon personnellement et en qualité d'administrateur des biens de Mélanie Bidoux par le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 21 juillet 1987 est augmentée d'une somme de 40.000 F.
Article 2 - Le jugement du Tribunal d'administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 - Les indemnités accordées par le Tribunal administratif et par la présente décision porteront intérêts au taux légal à compter du 14 février 1985.
Article 4 - La requête du Centre hospitalier régional d'Orléans et le surplus des conclusions du recours incident de M. Fichon sont rejetés.
Article 5 - La présente décision sera notifiée au Centre hospitalier régional d'Orléans, à M. Fichon, et à la CPAM du Loiret.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - ALSACE-MOSELLE

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.