CRIM.
COUR DE CASSATION N° Y 02-85.313 FS-P+FN° 1541
SC1 2 MARS 2003
M. COTTE président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ..., les observations de la société civile professionnelle VIER et BARTHÉLEMY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ... ;
Statuant sur le pourvoi formé par
- ... Francis,
contre l'arrêt de cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 22 octobre 2001, qui, pour exécution d'un travail dissimulé, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 60 000 francs d'amende ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 et 6.3 c) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 410, 411 et 417 du Code de procédure pénale, des articles 4, 5 et 76 de la loi du 31 décembre 1971, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Francis ... coupable de l'exécution d'un travail dissimulé, courant février 1997, à Villebon et l'a condamné, en conséquence, à une peine d'emprisonnement de 3 mois avec sursis et à une peine d'amende de 60 000 francs ;
"aux motifs que Me ..., substituant Me Dominique ..., conseil de Francis ..., s'est présenté devant la Cour à la dernière audience du 24 septembre 2001 pour solliciter un nouveau renvoi ; qu'en effet, à l'audience du 24 avril 2001, ce conseil s'était déjà présenté et avait sollicité un renvoi pour son client et qu'à cette même audience, il avait déposé des conclusions écrites au nom de celui-ci et ce, précisément, pour susciter ce renvoi qui lui fût accordé ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'accorder un nouveau renvoi à Francis ... qui n'a pas adressé à la Cour de courrier pour s'excuser de son absence, à la dernière audience, et pour solliciter un nouveau renvoi, alors que, par ailleurs, il n'a donné aucun mandat à son conseil qui ne peut pas, dans ces conditions, ni le représenter, ni soutenir l'exception de nullité ;
"alors que, d'une part, le droit au procès équitable et le droit de tout accusé à l'assistance d'un défenseur s'opposent à ce que la juridiction juge un prévenu non comparant et non excusé sans entendre l'avocat présent à l'audience pour assurer sa défense ; qu'en relevant, pour refuser au conseil de Francis ... de l'entendre et écarter ses conclusions, que le prévenu n'avait pas adressé d'excuse à la chambre, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen ;
"alors que, d'autre part, l'avocat peut, au nom de son client, le représenter à l'audience et déposer des conclusions sans avoir à justifier d'un pouvoir spécial ; qu'en subordonnant la représentation de Francis ... par son conseil et le dépôt de conclusions à la présentation d'un mandat exprès, la chambre des appels correctionnels a privé sa décision de toute base légale ;
"alors que, de troisième part, un mandat de représentation est valable tant que dure l'instance et n'a pas à être renouvelé pour chaque audience ; que la chambre des appels correctionnels a exactement relevé que le conseil de Francis ... avait valablement demandé lors de l'audience du 24 avril 2001 un report d'audience et avait pu déposer des conclusions écrites au nom de son client ; qu'en subordonnant la représentation de Francis ..., lors de l'audience du 24 septembre 2001, à la justification d'un autre mandat, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris a privé sa décision de toute base légale" ;
Vu l'article 6.1 et 3 c) de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 410 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le droit au procès équitable et le droit de tout accusé à l'assistance d'un défenseur s'opposent à ce que la juridiction juge un prévenu non comparant et non excusé sans entendre l'avocat présent à l'audience pour assurer sa défense ;
Attendu, qu'il résulte de l'arrêt attaqué, que, poursuivi pour exécution d'un travail dissimulé, faits punis d'une peine de deux ans d'emprisonnement par l'article L. 362-3 du Code du travail, et régulièrement cité à sa personne, Francis ... n'a pas comparu à l'audience du 24 septembre 2001 ; qu'il a sollicité et obtenu un renvoi par l'intermédiaire de son avocat, lequel a déposé des conclusions ; qu'à l'audience du 24 septembre 2001, il n'a pas comparu et que son avocat a formulé une nouvelle demande de renvoi ;
Attendu que, pour refuser cette demande et statuer sans entendre l'avocat du prévenu, l'arrêt énonce que Francis ... n'a pas adressé à la Cour de courrier pour s'excuser de son absence et que son avocat, à qui il n'a donné aucun mandat, ne peut ni le représenter ni soutenir l'exception de nullité soulevée dans ses conclusions ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le dépôt de conclusions écrites fait présumer l'existence d'un mandat, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte conventionnel susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen proposé ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 22 octobre 2001, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré M. ... président, M. ... conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Farge, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, M. Lemoine conseillers référendaires ;
Avocat général Mme Commaret ;
Greffier de chambre Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;