Jurisprudence : CA Versailles, 5, B, 24-02-2000, n° 99/23612



ARRÊT PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE PAR Mme Z, Président de chambre, ASSISTEE de Mme Y, Greffier,
COUR D'APPEL DE VERSAILLES PRUD'HOMMES 5ème chambre B sociale ç4î,
LE VINGT QUATRE FÉVRIER DEUX MILLE
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
vere e?'e




ARRÊT N° t"90 DU 24 Février 2000
Dans l'affaire

ENTRE
Monsieur Christophe X demeurant PARIS
REPRÉSENTÉ par Maître ... (avocat au barreau de PARIS, vestiaire R 810)
R.G. n° 99/23612 H.L./E.G.
Christophe X
C/
S.A.R.L. TERMINUS en la personne de son représentant légal
Sur appel d'une ordonnance du conseil de prud'hommes de NANTERRE
en date du 27 Septembre 1999 section Référés
ARRÊT CONTRADICTOIRE
APPELANT ET
S.A.R.L. TERMINUS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié de droit au siège social sis
LEVALLOIS-PERRET
INFIRMATION PARTIELLE
REPRÉSENTÉE par Maître ... (avocat au barreau de PARIS, vestiaire P258)
INTIMÉE
7") e, 109zi
?tz. çi-ee t4 Li twirro.
La cour d'appel de Versailles, 5ème chambre B, a rendu l'arrêt suivant, après que la cause a été débattue en audience publique le TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE
devant Mme T, Conseiller,
chargé(e) du rapport, en application de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, les parties présentes ne s'y étant pas opposées,
assisté(e) de Mme Y, Greffier,
Il en a été rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de
Mme Z, Président
Mme T, Conseiller
Mme CUSSETCUSSET, Conseiller
*****

FAITS, PROCÉDURE, DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES
M. X a été engagé par la société TERMINUS le 1er octobre 1980 en qualité d'assistant monteur, puis promu aux fonctions de chef monteur à compter du 1er octobre 1996.
Il percevait en dernier lieu une rémunération brute mensuelle de 20 200 francs.
Confrontée, à compter de 1998, à des difficultés économiques, la société a procédé à la fin du premier semestre 1999 au licenciement économique de l'ensemble de son personnel.
C'est dans ces circonstances que par courrier du 22 juin 1999 la société TERMINUS a convoqué M. X, comme ses autres salariés, à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour motif économique, entretien qui s'est déroulé le 23 juin 1999.
Par lettre remise en main propre le 30 juin 1999 la société a notifié à M. X son licenciement pour motif économique en lui proposant d'adhérer à une convention de conversion qu'il a acceptée le 8 juillet 1999.
Estimant n'avoir pas été rempli de ses droits et contestant la légitimité de son licenciement M. X a saisi le conseil de prud'hoMmes de NANTERRE
- d'une part, d'une procédure en référé aux fins de voir condamner à la société TERMINUS à lui payer, outre les rappels de salaires dus au titre du treizième mois, l'indemnité de licenciement calculée sur la base de la convention de la production cinématographique,
- d'autre part, d'une procédure au fond pour voir condamner la société TERMINUS à lui pàyer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ordonnance du 27 septembre 1999 le conseil de prud'hommes, statuant en formation de référé, a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
Pour statuer comme il l'a fait le premier juge a retenu que
- la société TERMINUS contestait être soumise à la convention collective de la production cinématographique, ainsi que devoir un treizième mois à M. X,
- la détermination de la convention collective applicable à une entreprise ne relevait pas de la compétence du juge des référés, dès lors qu'il existait une contestation sérieuse de la part de l'employeur,
- s'agissant du treizième mois, le contrat de travail de M. X ne prévoyait pas le versement d'un treizième mois et le salarié ne démontrait pas l'existence d'un usage constant, fixe et général, justifiant l'obligation pour l'employeur de payer un treizième mois.

M. X a régulièrement interjeté appel de cette ordonnance.
Il fait valoir que les bulletins de salaire versés aux débats démontrent à l'évidence qu'il percevait un treizième mois.
Il soutient que cette prime annuelle était versée de façon fixe, constante et générale, de sorte qu'elle doit s'analyser comme un complément de salaire ayant un caractère obligatoire pour l'employeur qui ne pouvait supprimer son versement sans respecter la procédure de dénonciation de l'usage prévoyant une notification écrite à l'intéressé ainsi qu'aux représentants du personnel ;
que le caractère obligatoire de cette prime est encore confirmé par la reconnaissance de dette matérialisée le 4 mars 1993 par la société auprès de ses employés.
Il revendique l'application de la convention collective de la "production cinématographique" en faisant valoir que la mention de cette convention collective sur ses bulletins de paie vaut présomption irréfragable de l'application de la convention à la relation de travail quelle que soit la cause juridique de cette application ;
qu'en tout état de cause l'application de cette convention résulte, en outre de la mention "production" figurant sur les bulletins de paie de l'activité exercée par la société TERMINUS.
Il demande en conséquence à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et de condamner la société TERMINUS à lui payer les sommes suivantes
- 146 783 francs à titre de rappel de salaire au titre du treizième mois,
- 14 678 francs à titre de congés payés incidents, à tout le moins, à titre subsidiaire,
- 93 700 francs à titre de rappel au titre du treizième mois pour les aimées 1994 à 1998,
- 9 370 francs au titre des congés payés y afférents, en tout état de cause,
- 235 770 francs à titre d'indemnité complémentaire de licenciement,
- 387 329 francs au titre des minimums conventionnels,
- 38 732 francs à titre de congés payés incidents, avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la procédure et capitalisation des intérêts conformément aux termes de l'article 1154 du code civil,
La société TERMINUS demande à la cour de
- dire que M. X ne démontre pas que les dispositions de la convention collective de la production cinématographique lui seraient applicables,
- le débouter, en conséquence, de sa demande de rappel d'indemnité de licenciement ainsi que de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel,
- dire que M. X ne rapporte la preuve qu'elle se serait engagée à lui payer un treizième mois ou que ce treizième mois constituerait un usage établi s'imposant à l'employeur et le débouter, en conséquence, de sa demande formée à ce titre, En tout état de cause
- constater que les demandes de M. X se heurtant à une contestation sérieuse, ne relevent pas de la compétence du juge des référés,
- Condamner M. X à lui payer la somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE
Sur le rappel de salaire au titre du treizième mois
Considérant que le paiement d'une prime est obligatoire pour l'employeur lorsque son versement résulte d'un usage répondant à des caractères de généralité, constance et fixité ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que jusqu'en 1990 M. X, ainsi que les autres salariés de la société TERMINUS, ont perçu chaque année au mois de décembre une prime correspondant à un treizième mois ;
que cette prime présente bien les caractères de généralité, constance et fixité que ne saurait lui contester la société TERMINUS au motif qu'elle a cessé de la régler à compter de 1991 en raison des difficultés financières qu'elle a rencontrées ;
Considérant que la société TERMINUS ne pouvait donc supprimer le versement de cette prime sans observer la procédure de dénonciation de l'usage prévoyant une notification écrite individuelle à chaque salarié ainsi qu'aux représentants du personnel ;
Considérant que loin de procéder à cette dénonciation la société TERMINUS s'est engagée auprès de ses salariés dans un courrier du 4 mars 1993 à leur régler rétroactivement les treizièmes mois dès que ses résultats bénéficiaires le permettraient, reconnaissant ainsi l'existence de cet usage ;
Considérant que la société TERMINUS ne saurait tirer argument du fait qu'elle a en 1995, 1996, 1997 et 1998 réglé à M. X des primes exceptionnelles, pour prétendre que ces sommes versées à ce titre auraient remplacé le treizième mois qui lui était octroyé auparavant ;
qu'en effet le caractère variable du montant de ces primes fait apparaître qu'il s'agissait réellement de primes exceptionnelles ne pouvant se substituer à la prime de treizième mois ;
Considérant, en conséquence, que la demande en paiement de rappel de prime de treizième mois présentée par M. X est à l'évidence fondée en son principe ;
Considérant cependant qu'en application de la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil M. X, qui a saisi le conseil de prud'hommes le 9 août 1999, ne saurait formuler de demande au titre de la période antérieure au 9 août 1994 ;
qu'il convient en conséquence de condamner la société TERMINUS à payer à M. X la somme de 93 700 francs à titre de provision sur le rappel de prime de treizième mois pour la période allant de 1994 à 1998 ;
Considérant que les intérêts sur cette somme courront à compter de l'introduction de la demande et qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts ;
Considérant que la prime de treizième mois n'étant pas affectée par la prise de congé annuel, n'ouvre pas droit au versement de congés payés ;
que M. X sera donc débouté de sa demande en paiement de congés payés afférents à la son-une qui lui a été allouée au titre du treizième mois ;
Sur l'application de la convention collective
Considérant que M. X réclame un complément conventionnel d'indemnité de licenciement et un complément de salaire en se fondant sur le fait que la société TERMINUS aurait dû appliquer les dispositions de la convention collective de la production cinématographique ;
qu'il fait valoir pour ce faire que la mention "production" apposée sur ses bulletins de salaire à la rubrique convention collective vaut-présomption irréfragable de l'application de cette convention aux relations de travail ;
Mais considérant que la cour de justice européenne a dit pour droit que la communication visée à l'article 2, paragraphe 1, de la directive européenne n° 91-533, du 14 octobre 1991 en tant qu'elle informe le travailleur sur les éléments essentiels du contrat de travail ou de la relation de travail, et en particulier sur les éléments visés à l'article 2, paragraphe 2 (à savoir la convention collective ou l'accord collectif régissant les conditions de travail du salarié), est revêtue d'une présomption de vérité comparable à celle qui s'attacherait, dans l'ordre juridique interne, à pareil document établi par l'employeur et communiqué au travailleur, l'employeur devant cependant être admis à apporter toute preuve en démontrant soit que les informations contenues dans ladite communication sont fausses en elles-mêmes, soit qu'elles ont été démenties par les faits ;
Considérant que cette interprétation s'impose ;
Considérant que l'article R 143-12 du code du travail, qui énumère les mentions devant figurer sur le bulletin de paie, ne comporte aucune disposition relative à la force probante des mentions obligatoires portées sur le bulletin de paie ;
qu'il s'ensuit que l'information donnée en exécution de ladite obligation vaut reconnaissance par l'employeur de l'application de la convention collective à moins qu'il ne démontre que l'information communiquée est fausse en elle-même, ou n'est plus conforme aux faits ;
Considérant en l'espèce que la société TERMINUS fait valoir qu'elle a une activité de production de films publicitaires et de post-production ;
que l'activité de production de films publicitaires, pour lesquels elle ne dispose ni de la maîtrise du contenu du film, ni de son budget, et dont le bénéfice retiré de leur réalisation est indépendant de leur exploitation, ne rentre pas dans le champ d'activité de la convention collective "production cinématographique" ;
que l'activité post-production relève de la convention collective "doublage et post-synchronisation" ;
Considérant que dans ces conditions le problème de la détermination de la convention collective applicable aux relations entre les parties soulève un problème de
fond qu'il n' appartient pas au juge des référés de trancher ;
qu'il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a considéré qu'il n'y avait pas lieu à référé sur cette question ;
Considérant qu'il y a lieu de condamner la société TERMINUS aux dépens ;
Considérant, en équité, qu'il convient de condamner la société TÈRMINUS au paiement de la somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
La Cour, Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme partiellement l'ordonnance rendue le 27 septembre 1999 par le conseil de prud'hommes de NANTERRE statuant en formation de référé ;
Condamne la S.A.R.L. TERMINUS à verser à Monsieur Christophe X à titre de provision la somme de 93 700 francs (QUATRE VINGT TREIZE MILLE SEPT CENTS FRANCS) à titre de rappel de salaire au titre du treizième mois pour les années 1994 à 1998 ;
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la procédure.
Ordonne la capitalisation des intérêts qui seront dus pour une année entière, et ce à compter du 9 décembre 1999 ;
Déboute Monsieur Christophe X du surplus de sa demande relative aux congés payés sur le rappel de salaires au titre du treizième mois ;
Confirme pour le surplus l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé ;
Condamne la S.A.R.L. TERMINUS au paiement de la somme de 5 000 francs (CINQ MILLE FRANCS) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la S.A.R.L. TERMINUS aux entiers dépens.
Et ont signé le présent arrêt Mme Z, Président, et Mme Y, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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