Jurisprudence : CAA Paris, 3e ch., 27-02-1996, n° 92PA00540

CAA Paris, 3e ch., 27-02-1996, n° 92PA00540

A0056AXD

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CAA Paris, 3e ch., 27-02-1996, n° 92PA00540. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1114987-caa-paris-3e-ch-27021996-n-92pa00540
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Abstract

19-04-01-02-02 Article 4 B du code général des impôts prévoyant que sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France, notamment, les personnes qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. Résident du Mali y exerçant l'activité de pharmacien, mais possédant en France onze appartements dont les loyers sont affectés pour partie au remboursement des emprunts souscrits pour acquérir ces derniers. Dès lors que l'acquisition de tels biens qui s'inscrit dans une stratégie d'investissements immobiliers en France doit être prise en compte dans l'analyse des intérêts financiers, fussent-ils patrimoniaux, de nature à localiser en France le centre des intérêts économiques du contribuable, celui-ci doit être regardé comme ayant eu son domicile fiscal en France au sens des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts.

Cour administrative d'appel de Paris

Statuant au contentieux
Uhlrich

M. Beyssac, Président
M. Gayet, Rapporteur
Mme Martel, Commissaire du gouvernement


Lecture du 27 février 1996



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 27 mai 1992, présentée pour M. Jean-Marie UHLRICH, demeurant avenue de la Nation B.P. 1289 Bamako (République du Mali), par Me Alain MARSAUDON, avocat ; le requérant demande à la cour :

    1°) d'annuler le jugement n° 528/88 en date du 18 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982, 1983, 1984 et 1985 ;

    2°) de lui accorder la décharge sollicitée et de condamner l'administration aux dépens ainsi qu'au remboursement des frais irrépétibles ;

    VU les autres pièces du dossier ;

    VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

    VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 1996 :

    - le rapport de M. GAYET, conseiller,

    - les observations de la SCP ARCIL, MARSAUDON et FISCHER, avocat, pour M. UHLRICH,

    - et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;


    Sur l'étendue du litige :

    Considérant que, par une décision en date du 22 mars 1994, postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur des services fiscaux de la Réunion a accordé à M. UHLRICH des dégrèvements de respectivement, 242.782 F, 87.202 F et 59.819 F en droits et 52.805 F, 21.800 F et 14.954 F en pénalités à raison de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1983, 1984 et 1985 ; que les conclusions de la requête et notamment la totalité de celles concernant l'année 1985 sont devenues sans objet dans ces limites ;

    Sur la qualité de résident français de M. UHLRICH :

    Considérant qu'aux termes de l'article 4 B du code général des impôts : '1£ Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.' ;

    Considérant qu'en ce qui concerne l'année 1983, M. UHLRICH ne formule aucun moyen tendant à établir qu'il ait été résident d'un autre Etat que la France ; qu'en ce qui concerne 1984, il résulte de l'instruction qu'il a résidé à Bamako (Mali) et y a exercé l'activité de pharmacien ; que, toutefois, le lieu du centre de ses intérêts économiques doit être apprécié en l'espèce en fonction de ses intérêts patrimoniaux en France où il possédait onze appartements dont il disposait des loyers en les affectant pour partie au remboursement des emprunts contractés pour les acquérir ; que l'acquisition de tels biens, qui s'inscrit dans une stratégie d'investissements immobiliers en France, doit être prise en compte dans l'analyse des intérêts financiers, fussent-ils patrimoniaux, de nature à localiser en France le centre des intérêts économiques du contribuable ; qu'au surplus, il est demeuré propriétaire une partie de l'année 1984 de la moitié des parts composant une société civile professionnelle exploitant un laboratoire d'analyses pharmaceutiques à la Réunion ; qu'il détenait enfin en France plusieurs comptes bancaires ; que, par suite, le requérant doit être regardé comme ayant eu son domicile fiscal en France en 1983 et 1984 au sens de l'article 4 B du code général des impôts ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction que M. UHLRICH ait eu en 1984 le centre de ses intérêts vitaux au Mali ; que, dès lors, il n'est pas fondé à se prévaloir de la qualité de résident malien aux termes de la convention du 22 septembre 1972 entre la France et le Mali ;

    Sur la régularité de la procédure :

    En ce qui concerne la compétence du vérificateur :

    Considérant qu'aux termes de l'article 376 de l'annexe II au code général des impôts : ' ... Les fonctionnaires territorialement compétents pour vérifier la situation fiscale d'une exploitation ou d'une entreprise, ou celle qui résulte d'une activité professionnelle qu'un contribuable ... dirige ou exerce, en droit ou en fait, directement ou par personne interposée et sous quelque forme juridique que ce soit, peuvent également contrôler les déclarations de revenu global souscrites par ce contribuable' ;


    Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. UHLRICH était, ainsi qu'il a été dit, au cours des années 1983 et 1984 demeurant seules en litige, gérant de droit d'une société civile professionnelle à la Réunion ; que les services fiscaux de ce département étaient compétents pour entreprendre la vérification de la comptabilité de cette société ; que le fonctionnaire compétent pour exercer le contrôle l'était également pour procéder à la vérification du revenu personnel du contribuable pour les années 1983 et 1984 ; que, dès lors, le moyen tiré de son incompétence doit être écarté ;

    En ce qui concerne l'envoi des mises en demeure et notification de redressements :

    Sur le terrain de la loi :

    Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. UHLRICH n'a pas indiqué à l'administration d'autre adresse que celle d'une boîte postale à Cayenne lorsqu'il a quitté en 1982 le département de la Guyane ; qu'il a également signalé à cette date qu'il partait à la Réunion ; que l'administration en l'espèce était en droit d'envoyer les mises en demeure et les notifications aux seules adresses connues d'elle et qu'en cas de non réception à l'une d'entre elles, elle pouvait les envoyer à une autre adresse, contrairement à ce que soutient M. UHLRICH qui fait valoir à titre principal que son courrier aurait dû lui parvenir au Mali ; qu'il est constant que l'administration a adressé quatre mises en demeure à Bamako (Mali) ; que ces plis qui ont fait l'objet de deux présentations n'ont pas été retirés par le contribuable ; que ces mises en demeure ont été également envoyées à un tiers domicilié à Nîmes qui les a reçues et chez lequel, d'après des renseignements obtenus par les services fiscaux, M. UHLRICH se serait fait adresser du courrier ; qu'en ce qui concerne les notifications de redressements, celle afférente à l'année 1984 a été expédiée à quatre adresses différentes, dont celle du Mali ; qu'elle a fait l'objet d'un accusé de réception signé par la personne domiciliée à Nîmes ; que, dans ces circonstances, l'administration a pu envoyer celle de l'année 1984 à la Réunion, puis chez le tiers domicilié à Nîmes qui l'a également reçue, sans l'envoyer également au Mali ; que, par suite, M. UHLRICH n'est pas fondé à soutenir que les mises en demeure et notification de redressement étaient irrégulières ;

    Sur le terrain de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

    Considérant qu'aux termes de l'article 164 D du code général des impôts : 'Les personnes physiques exerçant des activités en France ou y possédant des biens, sans y avoir leur domicile fiscal ... peuvent être invitées, par le service des impôts, à désigner dans un délai de quatre-vingt dix jours à compter de la réception de la demande, un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux des impôts' ;


    Considérant que M. UHLRICH invoque sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 l'instruction du 26 juillet 1977 publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts, sous le n° 5B2477 aux termes duquel 'en raison de l'intérêt pratique de cette mesure, le service doit, dans tous les cas, inciter les intéressés à procéder à la désignation d'un représentant en France' ; qu'en tout état de cause, M. UHLRICH, qui a son domicile fiscal en France, ne peut se prévaloir de cette instruction qui, au surplus, est contraire à la loi ;

    En ce qui concerne la motivation de la notification de redressements :

    Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement aux allégations du requérant, les notifications de redressements qui lui ont été adressées comportaient les bases et les éléments servant au calcul des impositions d'office tant au titre des revenus d'origine indéterminée qu'au titre des autres revenus ; que les modalités de détermination des soldes taxés de chaque compte bancaire dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts étaient indiquées et qu'est sans influence, s'agissant d'impositions d'office qui n'ont pas été établies sur le fondement de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, la circonstance que seuls les soldes aient été mentionnés sans que chaque crédit ait été détaillé ; que, par ailleurs, le requérant soutient que ces documents ne précisent pas les activités auxquelles pouvaient se rattacher les crédits bancaires litigieux taxés comme il a été dit sur le fondement de l'article 92 ; que l'administration a, en ce qui concerne la notification de redressements, suffisamment motivé celle-ci en rattachant, fût-ce à tort, les revenus à cette catégorie déterminée ; que, dès lors qu'il ne s'agissait pas d'un résident étranger, le service n'avait pas à préciser qu'il considérait les revenus d'origine indéterminée comme étant de source française ; que, dès lors, M. UHLRICH n'est pas fondé à soutenir que les notifications étaient irrégulières ;

    En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L.47 du livre des procédures fiscales :


    Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a envoyé à M. UHLRICH le 29 mai 1986 un avis de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble à Bamako, en mentionnant par erreur que cette ville se situait au Gabon ; que l'intéressé se fonde sur la mention figurant sur la notification de redressements selon laquelle la vérification a commencé le 13 juin suivant pour soutenir qu'il n'avait pas disposé d'un délai suffisant pour faire appel au conseil de son choix ;

    Considérant, qu'en tout état de cause, le moyen doit être considéré comme inopérant, dès lors que ce n'est pas la vérification qui a révélé que le requérant était en situation d'être taxé d'office ; que la circonstance que les mises en demeure aient été envoyées postérieurement au début de la vérification est sans influence dès lors que le service pouvait dès la fin de la vérification de comptabilité de la société installée à la Réunion considérer que M. UHLRICH, qui n'avait pas déposé de déclaration catégorielle, alors qu'il aurait dû le faire, était également passible d'être taxé d'office pour non déclaration de ces mêmes revenus dans une déclaration de revenu global ;

    Sur le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement :

    Considérant que M. UHLRICH soutient que les impositions litigieuses n'ont pas donné lieu à poursuite dans le délai de quatre ans imparti, par l'article L.274 du livre des procédures fiscales, aux comptables du Trésor chargés du recouvrement des impôts directs ; qu'ainsi l'administration ne serait plus en droit d'en exiger le versement ;

    Considérant que ce moyen relatif au recouvrement de l'impôt est sans influence sur la solution du présent litige d'assiette ;

    Sur le bien-fondé des impositions :

    En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux de l'année 1984 :

    Considérant que M. UHLRICH soutient à l'appui de sa demande en décharge desdites impositions qu'il était résident au Mali au cours de l'année 1984 ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il était résident français ;

    Considérant que M. UHLRICH se prévaut également de l'article 23 de la convention fiscale franco-malienne en date du 22 septembre 1972 aux termes duquel : '1 Les revenus qu'une personne domiciliée dans un Etat contractant retire d'une profession libérale ou d'autres activités indépendantes de caractère analogue ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que cette personne ne dispose de façon habituelle dans l'autre Etat contractant d'une base fixe pour l'exercice de ses activités. Si elle dispose d'une telle base, la partie des revenus qui peut être attribuée à cette base est imposable dans cet autre Etat' ; que les seuls bénéfices non commerciaux évalués d'office correspondent à des revenus de source française ; qu'ainsi, ils ont été à bon droit imposés en France ;

    En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :


    Considérant, en premier lieu, que le service, ayant rattaché par erreur les sommes dont l'origine était inexpliquée à la catégorie des bénéfices non commerciaux prévue à l'article 92 du code général des impôts, le ministre est fondé à demander dans le cadre de l'exercice de son droit de substitution d'une nouvelle base légale, dès lors que les règles de procédure ne s'y opposent pas, que ces sommes soient regardées comme des revenus non dénommés imposables en tant que tels à l'impôt sur le revenu ;

    Considérant, en deuxième lieu, que M. UHLRICH, à qui appartient la charge de la preuve, n'établit pas l'exagération des revenus taxés d'office dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, compte tenu des justifications apportées par lui et partiellement prises en considération par l'administration ; qu'il ne critique pas la compensation très partielle opérée par celle-ci entre les dégrèvements reconnus justifiés et des revenus relevant de la catégorie des revenus mobiliers qu'elle avait omis de taxer ;

    Sur les conclusions de M. UHLRICH tendant à l'applicaiton des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

    Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce d'accorder à M. UHLRICH sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel une somme de 5.000 F ;


Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. UHLRICH à concurrence des dégrèvements accordés de respectivement 295.587 F, 109.002 F et 74.773 F en droits et principal au titre de l'impôt sur le revenu des années 1983, 1984 et 1985.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. UHLRICH une somme de 5.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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