Jurisprudence : CA Orléans, 28-10-2013, n° 2013/01, Confirmation

CA Orléans, 28-10-2013, n° 2013/01, Confirmation

A5073KN9

Référence

CA Orléans, 28-10-2013, n° 2013/01, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/10932568-ca-orleans-28102013-n-201301-confirmation
Copier


COUR D'APPEL D'ORLÉANS
EXPÉDITIONS
ARCOLE Me Antoine ...
La SCP G.L.B.S. Me Dominique ...
Madame le PROCUREUR GÉNÉRAL
28/10/2013
ARRÊT du 28 OCTOBRE 2013
N° 2013/01
N° RG 13/01095
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE Bâtonnier de l'ordre des avocats de TOURS en date du 28 Février 2013

APPELANTE
Timbre fiscal 'papier'
Madame Catherine Z Z
née le ..... à CHATEAUROUX (36)

SAINT CYR SUR LOIRE
représentée par Me Antoine BRILLATZ, de la SCP ARCOLE, avocat plaidant inscrit au barreau de TOURS
D'UNE PART
DÉFENDEURS
Monsieur Christophe Y
né le ..... à TOURS (37)

TOURS
comparant en personne
La SELARL ARGUMENTS
Société d'exercice libéral à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce et des sociétés de TOURS sous le n° D 428 780 255
TOURS
assistée et représentée par Maître Dominique ..., de la SCP G. LB.S AVOCATS ASSOCIÉS, avocat plaidant inscrit au barreau de TOURS
EN PRÉSENCE de
Madame le PROCUREUR GÉNÉRAL

ORLÉANS
représentée par ..Bruno ..., Avocat Général
DÉCLARATION d'APPEL EN DATE DU 21 MARS 2013
DOSSIER RÉGULIÈREMENT COMMUNIQUÉ AU MINISTÈRE PUBLIC LE 12 AVRIL 2013.
Lors des débats, du délibéré
Mme Martine ..., Première Présidente,
Monsieur Michel Louis ..., Président de Chambre,
Madame Marie-Brigitte ..., Conseiller,
Madame Elisabeth ..., Conseiller,
Monsieur Thierry ..., Conseiller.
Greffier
Mme Evelyne PEIGNE, Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS
A l'audience publique du 11 Septembre 2013, ont été entendus
Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre, en son rapport,
Maître ..., avocat de l'appelant en sa plaidoirie,
Maître ..., avocat des défendeurs en sa plaidoirie
Bruno GESTERMANN, Avocat Général, en ses observations,
ARRÊT
Prononcé publiquement le 28 OCTOBRE 2013 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Maître Catherine Z a exercé la profession d'avocat au Barreau de Tours entre 1971 et le 1r juillet 2010, date à laquelle elle est partie en retraite. Elle est mariée à Christian ... qui, depuis 1980,était salarié en qualité de personnel technicien du cabinet où elle exerçait, et ce jusqu'à son départ en retraite, intervenu également le 1er juillet 2010.
Maître Christophe Y est inscrit depuis 1997 en qualité d'avocat au Barreau de Tours, a été associé au sein de la SELARL ARGUMENTS de janvier 2000 à juin 2003, époque à laquelle les parties se sont séparées dans un contexte de conflit.
Cette société était constituée de 750 parts, Maître ... et Maître ... en détenant chacun une, les 748 autres appartenant pour moitié à chacun des deux associés principaux Me Catherine Z et Me Christophe Y.
Un protocole était signé le 18 juin 2003, prévoyant notamment le départ de Maître Catherine Z de la SELARL ARGUMENTS, la répartition des dossiers entre Maître Catherine Z et la SELARL ARGUMENTS, la poursuite des contrats de travail et diverses dispositions concernant la période transitoire.
Ce protocole prévoyait que Maître Catherine Z cédait à Maître Christophe Y, avec effet au 1er juin 2003, la totalité des parts qu'elle possédait au sein de la SELARL ARGUMENTS, pour le prix de 20 eurospour chaque part, soit 7480euros, étant précisé que le prix était arrêté de manière forfaitaire et irrévocable compte tenu de la faculté laissée à Maître Catherine Z de se réinstaller, et en l'absence de garantie d'actif net à consentir par le cédant au profit du cessionnaire.
Il était en outre convenu que Maître Catherine Z cèdait à Maître Christophe Y le solde de son compte courant tel qu'il se présenterait dans la situation arrêtée à la date du 31 mai 2003 pour le prix de 22'826 euros, payable à hauteur de 3770 euros le jour de la signature de l'acte de cession, et le 1er septembre 2003,au plus tard, pour le reliquat de 19'056 euros .
S'agissant de la rémunération des associés et de la répartition des charges, il était précisé " en raison de la situation financière de la société, les deux associés ont décidé de ne percevoir aucune rémunération entre le 23 mai et le 31 mai 2003, et ont rapporté chacun dans la caisse sociale une somme équivalente à 50 % des charges à répartir au 31 mai 2003 ", étant ajouté que " en conséquence les deux associés s'engagent à abandonner toute rémunération non réglée à la date du 23 mai 2003, et considèrent que leurs comptes sont apurés à la date du 31 mai 2003 ".
S'agissant de la répartition des dossiers, il était convenu que " les dossiers seront répartis en fonction des initiales figurant sur ceux- là au plus tard à la date du 23 mai 2003 ; ainsi Maître Catherine Z conservera les dossiers marqués CLC et ouverts à son nom sur le logiciel (...)utilisé tant par la SELARL ARGUMENTS que par Maître Catherine Z ; Maître Christophe Y et Maître Catherine Z conserveront les dossiers clôturés par eux avant le 31 mai 2003,(...), le tout devant être enlevé au plus tard le 31 décembre 2003 ; pendant la période de cohabitation des deux associés, les nouveaux dossiers seront répartis par la secrétaire qui assure l'accueil téléphonique et attribués à l'avocat nommément désigné par le client,ou, à défaut, à tour de rôle. "
Le 21 juin 2003, était régularisé entre Maître Catherine Z, Michel ... et Maître Christophe Y, un acte de cession de parts sociales et de créances qui mentionnait " le compte courant de Madame ... dans la société n'est pas arrêté à ce jour, mais par ailleurs elle accepte expressément de renoncer à percevoir toute rémunération ou remboursement de frais qui ne lui auraient pas été effectivement versés à la date du 23 mai 2003 ".
Par acte en date du 29 décembre 2003, la SELARL ARGUMENTS assignait Maître Z
LISON-CROZE devant le tribunal de grande instance de Tours, aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 8611,20 euros correspondant au remboursement des frais de fonctionnement de la société postérieurement à la séparation et avant le départ de Maître Catherine Z des locaux de la SELARL ARGUMENTS, et de la somme de 43'488,45 euros au titre du remboursement par Maître Catherine Z des factures émises par la SELARL ARGUMENTS.
En application de l'article 47 du CPC, la cause et les parties étaient renvoyées devant le tribunal de grande instance de Poitiers.
Par un jugement du 13 novembre 2006, cette juridiction a condamné Maître Catherine Z à payer à la SELARL ARGUMENTS la somme de 8611,20 euros outre intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation.
La SELARL ARGUMENTS interjetait appel de cette décision ; par un arrêt du 11 mai 2010, la cour d'appel de Poitiers confirmait le jugement en sa seule disposition relative à la condamnation prononcée à l'encontre de MaîtreCatherine LISON-CROZE, l'infirmait pour le surplus, et, statuant à nouveau, condamnait Maître Catherine Z à payer à la SELARL ARGUMENTS la somme de 43'488,46 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement déféré, ordonnait la capitalisation des intérêts, et déboutait Maître Catherine Z de ses demandes, la condamnant à payer à la SELARL ARGUMENTS la somme de 900 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile .
La cour d'appel de Poitiers considérait que la somme de 43'488,45 euros correspondait aux sommes que Maître Catherine Z avait encaissées postérieurement à son départ, alors qu'en vertu du protocole d'accord le montant de ses honoraires était acquis à la société, que la question relative à l'opposabilité du protocole d'accord du 18 juin 2003 n'était plus soulevée, alors que les deux associés s'étaient engagés à abandonner toute rémunération non réglée à la date du 23 mai 2003 et qu'ils avaient considéré que leurs comptes étaient apurés à la date du 31 mai 2003.
La cour rappelait que les associés ont également convenu que les dossiers seraient répartis en fonction des initiales figurant sur les dossiers au plus tard à la date du 23 mai 2003.
Elle considérait que les clauses de ce protocole sont parfaitement claires et ne souffrent pas d'interprétation, que les associés ont donc convenu sans ambiguïté possible de ne plus recevoir aucune rémunération postérieurement au 23 mai 2003 et au plus tard le 31 mai 2003, que cette disposition contractuelle est sans rapport avec la répartition des dossiers entre les associés au jour de leur départ, et que ce protocole d'accord souffre d'autant moins d'une quelconque ambiguïté qu'il a été conclu sous l'égide et en présence du bâtonnier de l'ordre des avocats de Tours, d'un ancien bâtonnier ainsi que d'un autre avocat.
La cour d'appel de Poitiers considérait qu'il résulte en conséquence de ce protocole que pour toutes les factures d'honoraires émises par la SELARL ARGUMENTS, antérieurement au 31 mai 2003, celles-ci lui demeurent acquises.
Elle a estimé qu'il résulte des éléments versés aux débats, et qui ne sont pas contestés par Maître Catherine Z, que si effectivement il n'y a pas de discussion quant aux dossiers qui lui ont été attribués, il s'avère néanmoins que,postérieurement au 31 mai 2003, elle a encaissé des honoraires et frais qui avaient été antérieurement facturés par la société, et que dans ces conditions et au seul motif que le dossier lui appartient,Maître Catherine Z ne peut s'attribuer de facto le règlement des honoraires ayant fait l'objet d'une facturation antérieure.
La Cour a donc considéré que les documents versés aux débats par la SELARL ARGUMENTS démontrent que la somme de 43'488,45 euros est justifiée.
Par un arrêt en date du 20 octobre 2011, la Cour de Cassation rejetait le pourvoi formé par Maître Catherine Z.
Par requête en date du 5 juillet 2012, Maître Catherine Z saisissait le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Tours afin de voir
'condamner Maître Christophe Y à lui payer la somme de 19'056 euros en principal, représentant le montant du solde de son compte courant à la date du 18 juin 2003 outre les intérêts capitalisés, et la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices moral et matériel ;
' condamner la SELARL ARGUMENTS à lui payer la somme de 13'851 euros TTC en remboursement du paiement de l'indu constitué par le montant de factures impayées émises par cette société, outre intérêts, et ce sur le fondement de l'article 1376 du Code civil ; et la somme de 8850 euros TTC en remboursement des frais de gestion et le recouvrement des factures émises par cette société, outre intérêts ;
' prononcer la rescision de la transaction du 18 juin 2003 pour lésion, en raison de l'erreur sur l'objet de la transaction, sur le fondement de l'article 12 alinéa 2 du CPC et des articles 1144, 2044 et 2053 du Code civil
' condamner conjointement Maître Christophe Y et la SELARL ARGUMENTS à lui verser la somme de 35'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et celle de 8000 euros en réparation de son préjudice moral consécutivement à la lésion invoquée, outre intérêts, et la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du CPC.

Par une décision rendue le 28 février 2013, le Bâtonnier de l'ordre des avocats au Barreau de Tours a débouté Maître Catherine Z de la demande qu'elle avait formée afin de voir prononcer la rescision pour lésion du protocole établi le 18 juin 2003, condamné Maître Christophe Y à payer à Maître Catherine Z la somme de 2765,33 euros au titre des intérêts de retard sur le règlement de la somme de 14'750,40 euros du 2 septembre 2003 au 6 octobre 2010, et condamné Maître Catherine Z à payer à la SELARL ARGUMENTS la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le Bâtonnier a estimé que Maître Catherine Z, par cette action, tentait de remettre en cause la décision de la cour d'appel de Poitiers en développant une nouvelle argumentation confinant à l'estoppel, indiquant dans sa décision que ce n'est qu'à raison des termes de l'arrêt, qui exposait que les termes du protocole du 18 juin 2003 étaient clairs et ne souffraient pas l'interprétation, que Maître Catherine Z a manifesté sa volonté de voir annuler ledit protocole.
Il a considéré qu'en l'état et en l'absence de toute manifestation de Maître Catherine Z dans le délai de cinq ans prévus à l'article 1304 du Code civil, son action devait être déclarée prescrite.
Le Bâtonnier a observé qu'il y avait lieu d'examiner la demande de paiement du solde de compte courant à l'encontre de Maître Christophe Y, puisque, dans le dernier état de ses écritures,Maître Catherine Z ne sollicitait plus que la somme de 5000 euros à type de dommages-intérêts à raison de son règlement à la date du 1er septembre 2003 de la somme de 19'056euros prévue au protocole, et qu'elle ne formait cette demande que dans l'hypothèse où sa demande de rescision pour lésion du protocole ne serait pas retenue.
Le Bâtonnier a relevé que dans un courrier daté du 2 septembre 2003,Maître Catherine Z a régulièrement mis en demeure la SELARL ARGUMENTS et Maître Christophe Y de régler une somme de 14'750,40 euros correspondant à la somme de 19'056 euros, déduction faite de la somme de 4305,60 euros correspondant à la contrepartie forfaitaire aux charges pour le mois d'août 2003, et qu'elle est donc bien fondée à solliciter la somme de 2765,33 euros, représentant les intérêts au taux légal à valoir sur la somme de 14'750,40 euros, montant correspondant à celui réclamé dans cette mise en demeure, et ceux de la date du 2 septembre 2000 3 au 6 octobre 2010, date arrêtée par la demanderesse elle-même.
Le bâtonnier a considéré que les demandes concernant la somme de 13'851 euros TTC au titre des sommes non recouvrées sur la balance clients de la société, mais pour lesquels elle a été condamnée par la cour d'appel de Poitiers, et la somme de 8880,40 euros au titre des débours exposés pour le recouvrement des créances au lieu et place de la SELARL, se heurtent à l'autorité de la chose jugée dont bénéficie l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers.
Le bâtonnier a également rejeté la demande de remboursement des frais exposés pour le recouvrement des sommes indues, puisque le recouvrement des sommes dont la SELARL ARGUMENTS était créancière a été effectué de sa propre initiative par Maître Catherine Z,et ce en contrariété avec les termes du protocole du 18 juin 2003.

Maître Catherine Z a interjeté appel de cette décision, précisant que ce recours est limité aux dispositions qui l'ont déboutée de sa demande en rescision pour erreur fondée sur l'article 2053 du Code civil du protocole d'accord conclu entre elle et Maître Christophe Y le 18 juin 2003, et de celles qui l'ont déboutée de sa demande de condamnation de la SELARL ARGUMENTS à lui payer des dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Elle abandonne donc sa demande en paiement d'une somme de 19'056 euros dirigée à l'encontre de Maître Christophe Y au titre de son compte courant, ne demande pas d'intérêts sur cette somme et ne demande plus de dommages-intérêts . Elle abandonne également sa demande en paiement d'une somme de 13'851 euros dirigée contre la SELARL ARGUMENTS, qui était une action en remboursement de l'indu constitué par le montant de factures à payer émises par la société . Elle renonce également à sa demande en paiement de 8850 euros en remboursement des frais de gestion et de recouvrement de factures, à sa demande de paiement de 35'000 euros de dommages intérêts pour préjudice matériel et à sa demande de paiement de 8000 euros pour préjudice moral.
Maître Catherine Z maintient à l'encontre de Maître Christophe Y et de la SELARL ARGUMENTS sa demande en rescision pour lésion du protocole du 18 juin 2003, abandonnant l'argument de la violence économique pour ne se fonder que sur l'erreur sur l'objet de la transaction.
Elle sollicite maintenant le paiement de la somme de 53'860 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au montant de son compte courant dans la SELARL ARGUMENTS lors du dernier exercice au 31 décembre 2002, diminuée de la somme de 3770 euros qui lui a été payée le 18 juin 2003.
Maître Catherine Z invoque les importantes concessions qu'elle aurait faites pour aboutir à la signature, en particulier l'acceptation du court délai qui lui était imparti pour quitter les locaux de la SELARL ARGUMENTS, sous peine de sanctions financières, la formule utilisée étant la suivante " sauf cas de force majeure, au-delà du 1er septembre 2003, Maître Catherine Z reversera en outre à la SELARL ARGUMENTS une indemnité d'occupation équivalente à 31 euros par jour hors-taxes ".
Elle considère que l'adverbe " en outre " confère à cette indemnité le caractère d'une véritable pénalité qui viendrait s'ajouter à l'obligation de verser une indemnité d'occupation mensuelle de 3600 euros,et indique que si elle avait imaginé, au moment de la signature du protocole, qu'elle ne devrait pas encaisser les honoraires des clients dans les dossiers qui lui étaient attribués, elle n'aurait certainement pas consenti ces importantes concessions et aurait refusé de signer.
Elle prétend que le seul paiement du montant réel de son compte courant, qui s'élevait à 57'687,89 euros aurait permis sa réinstallation avec son personnel sans être contrainte de contracter un emprunt, et surtout qu'elle n'aurait pas accepté de faire des diligences au profit des clients qui seraient tenus d'en régler le prix à la société.
Elle ajoute que le vice du consentement serait d'autant plus patent que la disposition selon laquelle les associés sont convenus de ne plus percevoir aucune rémunération postérieurement au 23 mai 2003 et au plus tard le 31 mai 2003, figurait au chapitre " répartition des charges du 31 mai 2003 ", en page trois du protocole, et non au chapitre " répartition des dossiers " en page quatre.
Selon elle, il était clair que la commune intention des parties était que les factures suivent le sort des dossiers répartis, et que l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, qui donnerait au protocole un sens différent de celui que les parties souhaitaient, révèle l'erreur qu'elles auraient commise sur l'objet de la contestation qu'il s'agissait de régler ou de prévenir.
Toujours selon elle, les dossiers qui lui ont été attribués représentent 47'753,90 euros, alors que dans le dernier exercice de la société au 31 décembre 2002, le montant de son compte courant s'élevait à 57'687,89 euros et était donc supérieur de 9933,99 euros au bénéfice qu'elle était supposée retirer de l'attribution des dossiers ouverts à son nom.
Maître Catherine Z invoque l'absence d'autorité de la chose jugée de la décision de la cour d'appel de Poitiers, puisque
-les parties sont différentes,Maître Christophe Y n'étant pas présent,
-l'objet est différent en ce que la cour d'appel de Poitiers a tranché la demande d'attribution à la SELARL ARGUMENTS des factures établies à son nom dans les dossiers que le protocole attribuait à son adversaire, et la condamnation de cette dernière à les lui payer alors que la présente demande est relative à la rescision pour lésion du protocole litigieux et à la réparation subséquente du préjudice causé par la lésion
-la cause est différente.
Maître Catherine Z considère que le moyen de prescription de l'action n'est pas fondé puisque l'article 1304 du Code civil dispose que le délai de cinq ans ne court que du jour où l'erreur a été découverte, et précise que cette découverte remonterait à l'arrêt infirmatif rendu le 11 mai 2010 par la cour d'appel de Poitiers.
Maître Catherine Z observe que le temps qui s'est écoulé depuis le protocole du 18 juin 2003 empêche une remise en état de la situation préexistante, et que les conséquences dommageables de la lésion qu'elle invoque devraient être réparées par l'allocation de dommages intérêts qui ne sauraient être inférieurs au montant de son compte courant.
Pour conclure à la confirmation de la décision querellée,Maître Christophe Y et la SELARL ARGUMENTS répondent qu'il n'existerait aucune erreur sur l'objet de la contestation.
Ils précisent que, indépendamment de la signature du protocole d'accord du 18 juin 2003, a été régularisé le 21 juin 2003 un acte de cession de parts sociales et de créances qui mentionnait que " le compte courant de Maître Catherine Z dans la société n'est pas arrêté à ce jour ", mais que "par ailleurs elle accepte expressément de renoncer à percevoir toute rémunération ou remboursement de frais qui ne lui auraient pas été effectivement versés à la date du 23 mai 2003 ", et que Maître Catherine Z n'a jamais attaqué cet acte pour vice du consentement alors qu'il lui interdit de percevoir les factures émises par la société antérieurement au 23 mai 2003.
Ils considèrent que ce seul élément démontre qu'il n'y a eu aucune erreur, et que la volonté des parties était bien que la SELARL ARGUMENTS encaisse seule les sommes qu'elle avait facturées antérieurement à la signature du protocole d'accord sans que la répartition des dossiers entre les anciens associés ait une influence sur cet encaissement.
Ils invoquent la contradiction entre l'argumentation de Maître Catherine Z devant le tribunal de grande instance,puis devant la cour d'appel de Poitiers et son argumentation actuelle pour prétendre que cette contradiction rend irrecevable sa demande devant le bâtonnier et devant la cour, l'estoppel étant une fin de non-recevoir fondée sur l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui.
Ils rappellent que la cour d'appel de Poitiers, dans un arrêt définitif, a souligné la clarté des clauses du protocole qui ne souffre pas d'interprétation, et que le bâtonnier avait remarqué que ce n'était qu'en raison des termes de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers qui ne lui donnait pas satisfaction que Maître Catherine Z avait sollicité l'annulation du protocole.
Maître Christophe Y et la SELARL ARGUMENTS estiment que l'action en rescision est prescrite, au motif que Maître Catherine Z connaissait la position de Maître Christophe Y sur les conséquences du protocole depuis plus de cinq ans, puisqu' elle-même invoque un projet de protocole d'accord qui avait été adressé par lui au bâtonnier afin d'éviter un nouveau conflit entre les anciens associés.
À cet égard, ils ajoutent que depuis décembre 2003, Maître Christophe Y avait exprimé clairement la volonté de la SELARL ARGUMENTS d'encaisser les sommes qu'elle avait facturées préalablement à la séparation des associés, comme prévu dans le protocole.
Maître Christophe Y et la SELARL ARGUMENTS sollicitent chacun l'allocation de la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

SUR QUOI
Attendu que l'arrêt rendu le 11 mai 2010 par la cour d'appel de POITIERS statuait sur un litige opposant la SARL ARGUMENTS à Maître Catherine Z ; que Maître Christophe Y n'était pas partie à ce procès ; qu'en l'absence d'identité de parties entre ledit litige et la présente procédure, il ne peut être considéré que l'arrêt du 11 mai 2010 est revêtu de l'autorité de la chose jugée au sens de l'Art.1351 du Code civil;
Attendu que l'article 2053 du Code civil dispose qu'une transaction peut être rescindée lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation,et qu'elle peut l'être dans tous les cas où il y a dol ou violence ;
Attendu que l'article 1304 du même code prévoit que " dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limité à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans "; que ce texte précise que ce temps ne court dans le cas d'erreur ou de dol que du jour où ils ont été découverts ;
Attendu que Maître Catherine Z fixe, en ce qui la concerne, le point de départ de ce délai à la date du 11 mai 2010, date de l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, qui serait, selon elle, la date à laquelle elle a découvert que son analyse du protocole litigieux était erronée ;
Attendu que le protocole contesté était dépourvu de toute ambiguïté ;
Attendu que l'acte de cession de parts sociales et de créances, qui a été conclu le 21 juin 2003, soit trois jours après la signature du protocole d'accord aujourd'hui contesté, n'a, lui, jamais été remis en cause, alors qu'il faisait interdiction à Maître Catherine Z de percevoir les factures émises par la SELARL ARGUMENTS antérieurement au 23 mai 2003 ; que les termes de cet acte de cession et le fait qu'il a été exécuté sans difficulté ni contestation démontrent que les conventions des parties, d'ailleurs complémentaires, étaient claires;
Attendu que Christophe Y et la SELARL ARGUMENTS invoquent un projet de protocole d'accord apporté à la procédure par Maître ......... (sa pièce numéro3), qui avait été adressé au bâtonnier de l'ordre des avocats, et qui tendait à éviter un nouveau conflit entre les anciens associés ; que cette pièce ne porte pas de date, mais a été adressée au bâtonnier le 6 octobre 2003 ; qu'il résulte du courrier établi le 8 janvier 2004 par Maître Y à l'attention du bâtonnier BENDJADOR que ce dernier avait donné son agrément à ce projet de protocole ; que, dans ce protocole, Maître Christophe Y indiquait que la société ARGUMENTS revendiquait' les factures émises postérieurement à la séparation et que Maître ......... voulait encaisser sur son compte ';
Attendu que Maître Catherine Z ne peut valablement prétendre aujourd'hui avoir découvert, à la lecture de l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, qu'elle s'était trompée sur ses engagements, et ce alors que cette juridiction n'a fait que confirmer ce qui était clairement convenu entre les parties, et qui était toujours soutenu par l'ancien associé de l'appelante depuis 2003 ;
Attendu en effet que le présent litige ne porte que sur les provisions demandées, et non pas sur les honoraires relatifs aux dossiers qu'emportait Maître Catherine Z lorsqu'elle a quitté la société ; que c'est donc avec pertinence que les intimés affirment que Maître Christophe Y avait affirmé clairement la volonté de la SELARL ARGUMENTS d'encaisser les sommes qu'elle avait facturées préalablement à la séparation des associés, ainsi que le prévoyait le protocole ;
Attendu qu'il y a lieu, en l'absence d'élément nouveau de nature à interrompre la prescription, et qui serait intervenu entre 2003 et 2010, de dire que le délai de cinq ans établi par l'article 1304 du Code civil a commencé à courir dès la signature de la convention, et qu'il était expiré lorsque la demande de rescision a été formée par Maître Catherine Z en juillet 2012 ;
Attendu que la demande de rescision ne peut donc être retenue ; que la demande de dommages-intérêts formée par Maître Catherine Z en réparation du préjudice résultant de la lésion alléguée devra par là même être écartée ;
Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer l'intégralité de la décision du bâtonnier de TOURS et de débouter Maître Catherine Z de l'ensemble de ses prétentions ;
Attendu que Maître Christophe Y et la SELARL ARGUMENTS ne rapportent pas la preuve de ce que l'attitude de leur adversaire serait de nature à constituer une faute qui leur aurait causé un préjudice particulier de nature à justifier leur demande de dommages-intérêts ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande qu'ils ont formée en ce sens ;
Attendu en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Maître Christophe Y et de la SELARL ARGUMENTS l'intégralité des sommes qu'elles ont dû exposer du fait de la présente procédure ; qu' il y a lieu de faire application de l'article 700 du Code de Procédure civile, et d'allouer à ce titre à chacune d'entre elles la somme de 2000 euros;

PAR CES MOTIFS
STATUANT en Chambre Solennelle, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions la décision rendue par le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de TOURS en date du 28 février 2013 ;
DÉBOUTE Maître Catherine Z de l'ensemble de ses demandes ;
DÉBOUTE Maître Christophe Y et la SELARL ARGUMENTS de leur demande de dommages-intérêts ;
CONDAMNE Maître Catherine Z à payer à Maître Christophe Y la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure civile ;
CONDAMNE Maître Catherine Z à payer à la SELARL ARGUMENTS la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure civile
CONDAMNE Maître Catherine ZZZ aux dépens.
Arrêt signé par Monsieur Michel Louis ... pour Madame Martine ..., Première Présidente, empêchée, et Madame Evelyne ..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, P/ LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE, LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE CIVILE
10

Agir sur cette sélection :

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.