Jurisprudence : Cass. com., 19-03-2002, n° 00-11.219, inédit au bulletin, Rejet



COMM.
M.F.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 mars 2002
Rejet
M. DUMAS, président
Pourvoi n° V 00-11.219
Arrêt n° 627 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par

1°/ M. Marcel Ducler, demeurant Mirande, agissant en qualité de débiteur dans le redressement judiciaire des sociétés anonymes Entreprise Ducler et Ducler Frères,

2°/ la société Entreprise Ducler, société anonyme, dont le siège est Mirande,

3°/ la société Ducler Frères, dont le siège est Mirande,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 novembre 1999 par la cour d'appel d'Agen (1re Chambre civile), au profit

1°/ de la société Procrédit Probail, venant aux droits de la société anonyme Comptoir central de matériel d'entreprise (CCME), dont le siège est Maisons Alfort Cedex,

2°/ de M. Jean-Claude S, domicilié Auch, pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société anonyme Ducler Frères et de la société anonyme Ducler,

3°/ de M. Jacques R, domicilié Auch, pris en sa qualité d'ancien greffier du tribunal de commerce d'Auch,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 février 2002, où étaient présents M. Dumas, président, Mme Aubert, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Aubert, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. Ducler, de la société Entreprise Ducler et de la société Ducler Frères, de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de la société Procrédit Probail, venant aux droits de la société Comptoir de matériel d'entreprise, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (CA Agen, 17 novembre 1999, n° 1000) qu'à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés Entreprise Ducler et Ducler frères (les sociétés), le 28 février 1986, la cour d'appel a arrêté le plan de cession partielle des actifs de ces sociétés et nommé M. S en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que le Comptoir central de matériel d'entreprise (CCME) au droits duquel est venue la société Procrédit Probail a déclaré ses créances à titre privilégié ou chirographaire ; que courant août 1986, le greffier a adressé au CCME une "lettre certificat état de créance" l'avisant de son admission au passif ; que le CCME a engagé diverses procédures d'exécution comportant notamment la vente forcée des immeubles appartenant aux consorts Ducler ; que, pour faire échec à ces mesures d'exécution, M. Ducler a saisi le tribunal de commerce d'Agen d'une demande tendant à faire constater la péremption des actions engagées par les banques pour voir déclarées admises leurs créances au redressement judiciaire des sociétés ; que les sociétés sont intervenues à l'instance ; que le Tribunal a jugé M. Ducler irrecevable à agir et a rejeté ses demandes ; que M. Ducler et les sociétés ont relevé appel du jugement ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches
Attendu que M. Ducler et les sociétés Ducler font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement qui avait déclaré M. Ducler irrecevable à agir et l'avait en outre subsidiairement débouté de toutes ses demandes, fins et conclusions alors, selon le moyen
1°/ que le juge énonce la décision sous forme de dispositif ; qu'en décidant de façon contradictoire, par les dispositions du jugement confirmé, que M. Ducler était irrecevable à agir et en le déboutant de toutes ses demandes, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2°/ que la contradiction entre les motifs et le chef de dispositif équivaut à une absence de motif ; qu'en déclarant M. Ducler irrecevable à agir bien qu'elle ait relevé, dans ses motifs, que la cause d'irrecevabilité retenue par les premiers juges avait disparu, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son chef de dispositif en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3°/ que le juge qui s'estime incompétent doit se déclarer tel et ne peut ni se prononcer au fond, ni déclarer la demande irrecevable pour des motifs tirés d'un défaut de qualité à agir ; qu'en déclarant que M. Ducler était irrecevable à agir et en le déboutant de toutes ses demandes, bien qu'elle ait affirmé dans ses motifs que le moyen tiré de la péremption ne pouvait être soulevé que devant le juge-commissaire, ce qui impliquait qu'elle s'estimait incompétente pour statuer sur cette demande, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties sur lesquelles le juge doit se prononcer qu'en se bornant, dans son chef de dispositif, à déclarer M. Ducler irrecevable à agir et en le déboutant en outre de ses demandes, bien qu'elle ait relevé que les sociétés étaient valablement intervenues, à titre principal, à l'instance, la cour d'appel qui n'a pas statué sur les demandes formées par ces sociétés, a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que, sans se contredire ni méconnaître l'objet du litige, la cour d'appel a, d'une part, confirmé le jugement en ce que M. Ducler n'avait pas qualité pour agir à titre personnel, d'autre part, confirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande en péremption de l'instance après avoir constaté la régularisation de la procédure grâce à l'intervention à l'instance des sociétés ;
Attendu, en second lieu, que, dans leurs conclusions d'appel, M. Ducler et les sociétés Ducler ont demandé à la cour d'appel de constater la péremption d'instance; qu'ils ne sont pas recevables à présenter un moyen contraire à leurs propres écritures en critiquant la cour d'appel de s'être reconnue compétente pour statuer sur la péremption d'instance ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second et troisième moyens de ce pourvoi, pris en leurs diverses branches réunis
Attendu que M. Ducler et les sociétés Ducler font grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le moyen
1°/ que le créancier dont la créance n'a pas fait l'objet d'une décision d'admission du juge-commissaire peut, dans le cadre de la procédure ouverte par sa déclaration, saisir le tribunal de sa demande et ainsi effectuer une diligence ; qu'en écartant dès lors la péremption bien que les créanciers aient eu la possibilité d'effectuer une diligence dans le cadre de l'instance ouverte à la suite de sa déclaration de créance, la cour d'appel a violé l'article 25 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ;
2°/ que la péremption est la conséquence que la loi attache, indépendamment de toute faute ou volonté d'abandonner l'instance, au défaut de diligence des parties pendant deux ans ; qu'en écartant la péremption en raison de la croyance en l'inutilité de toute démarche dont les créanciers auraient été victimes, et en s'attachant ainsi à l'imputabilité de l'absence de toute diligence et à son prétendu caractère non fautif, la cour d'appel a violé les articles 386 et 388 du nouveau Code de procédure civile ;
3°/ quele tribunal est compétent pour statuer d'office ou à la demande des parties sur les prétentions portées devant le juge-commissaire et sur lesquelles ce dernier ne s'est pas prononcé ; que le Tribunal est dès lors compétent pour statuer sur la péremption de l'instance ouverte, à la suite des déclarations de créance, devant le juge-commissaire ; qu'en affirmant que le tribunal de commerce d'Agen, désormais saisi de la procédure collective initialement ouverte devant le tribunal de commerce d'Auch à l'encontre des sociétés, n'était pas compétent pour statuer sur la demande tendant à ce que soit constatée la péremption dont était frappée l'instance ouverte devant le juge-commissaire à la suite des déclarations de créances effectuées dans le cadre de cette procédure, la cour d'appel a violé l'article 25 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ;
4°/ que la notification d'une décision juridictionnelle doit être accompagnée d'un exemplaire de celle-ci satisfaisant en la forme à ses conditions légales d'existence et comportant notamment sa date, un chef de dispositif et le nom et la signature du ou des magistrats qui l'ont rendue ou du président; qu'en affirmant que la décision d'admission des créances du juge-commissaire avait été notifiée aux créanciers bien qu'elle relevât qu'une telle décision était inexistante, ne faisait l'objet d'aucun écrit comportant un chef de dispositif, une date et le nom du juge-commissaire et ne pouvait donc être jointe au prétendu acte de notification, la cour d'appel a violé les articles 454, 455, 456, 675 et 676 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 73, alinéa 5 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ;
5°/ que seules les constatations de fait effectuées par le greffier en vertu de pouvoirs propres valent jusqu'à inscription de faux ; qu'en affirmant que la seule référence dans des documents établis par le greffier d'un tribunal de commerce -état des créances ou lettre circulaire- à une décision juridictionnelle rendue hors sa présence et dont il n'était pas en son pouvoir de certifier seul l'existence, établissait jusqu'à inscription de faux l'existence de cette décision, la cour d'appel a violé l'article 457 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article R. 821-2 du Code de l'organisation judiciaire ;
6°/ que le défaut de diligence d'une partie ne saurait être justifiée par ses propres carences et l'ignorance des règles légales de procédure dans laquelle elle se serait trouvée ; qu'en justifiant le défaut de diligence des créanciers, professionnels du crédit, par la conviction qu'ils pouvaient avoir relativement à l'existence d'une décision du juge-commissaire et en écartant ainsi la péremption bien qu'une telle croyance ait procédé de l'ignorance des règles élémentaires de procédure relatives à la forme, à la preuve, à la notification des décisions juridictionnelles du juge-commissaire, la cour d'appel a violé l'article 386 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles 462, 675 et 676 du nouveau Code de procédure civile et 73, alinéa 5, du décret du 27 décembre 1985 ;
7°/ qu'en application des articles 42 de la loi du 13 juillet 1967 et 49 à 52 du décret du 22 décembre 1967, le juge-commissaire prend, dans le cadre de la vérification des créances, une décision qui n'est que provisoire et qui doit être suivie d'une décision définitive, adoptée à l'issue du délai de contestation ouvert au tiers ; qu'en affirmant que la seule référence à une décision du juge-commissaire, dans une lettre certificat, excluait qu'une seconde décision définitive ait été nécessaire, bien que ladite lettre ait expressément rappelé les termes de l'article 52 du décret précité prévoyant l'intervention d'une décision définitive après celle provisoire rendue dans le cadre de la vérification des créances, la cour d'appel a violé les textes précités ;
8°/ qu'un document faisant manifestement référence à des dispositions abrogées et inapplicables ne saurait engendrer une confiance légitime ; que la lettre certificat émanant du greffe et visée par l'arrêt reproduisait les dispositions des articles 51, 52 et 53 du décret du 22 décembre 1967 et ne constituait que la copie sommaire de l'état des créances visée par l'article 50 de ce même décret ; qu'en admettant qu'un tel document qui faisait référence à des dispositions et à une procédure inapplicables à un redressement judiciaire soumis à la loi du 25 janvier 1985 et au décret du 27 décembre 1985 prévoyant sur ce point un processus différent de celui précédemment mis en oeuvre, pouvait engendrer une croyance légitime justifiant l'absence de toute diligence des créanciers, la cour d'appel a violé les articles 386 et 388 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'article 25, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985 qui permet à la personne qui a saisi le juge-commissaire d'une demande, de saisir le tribunal lorsque ce dernier n'a pas statué dans un délai raisonnable, ne s'applique pas à la procédure de vérification des créances qui échappe à la compétence du tribunal ; que le moyen, pris en ses première et troisième branches, est inopérant ;
Attendu, en second lieu, que la procédure collective ayant été ouverte à l'égard des sociétés postérieurement au 1er janvier 1986, les actes accomplis au cours de cette procédure ne peuvent faire l'objet de critiques au regard des dispositions de la loi du 13 juillet 1967 et de son décret d'application qui ont été abrogés ; que le moyen, pris en sa huitième branche, est inopérant ;
Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt retient que les notifications intitulées "lettre certificat de créance" adressées aux banques par le greffier qui a mentionné leur admission au passif, au vu des décisions prises par le juge-commissaire, font foi jusqu'à inscription de faux ; qu'il retient encore, par une appréciation souveraine, que ces notifications faites en exécution de l'article 73 du décret du 27 décembre 1985 contenaient des indications erronées quant aux voies de recours, susceptibles d'être exercées et aux formalités consécutives à l'insertion sommaire au BODACC du dépôt de l'état des créances mais que ces erreurs n'affectaient en rien la validité de ces lettres au reçu desquelles les banques ne pouvaient pas douter de leur admission au passif des sociétés et ne démontraient pas que des décisions d'admission n'avaient pas été prises ;
Attendu, en quatrième lieu, que l'arrêt retient que la notification d'une décision d'admission sans contestation n'exige pas d'autre formalité qu'une notification par lettre simple contenant un certain nombre de mentions réglementairement déterminées et notamment l'indication de l'autorité ayant statué, de la nature de la décision rendue et du montant pour lequel la créance est admise ainsi que des sûretés et privilèges dont elle est assortie, que toutes ces mentions figuraient sur les lettres en litige et que dès lors elles font présumer l'existence des décisions d'admission ;
Attendu, en cinquième lieu, que l'arrêt retient que la péremption a pour objet de sanctionner le défaut de diligence des parties et qu'en l'occurrence les banques n'avaient aucune diligence à accomplir une fois effectuées leurs déclarations de créance, la vérification des créances étant faite par le représentant des créanciers et que le défaut de diligence peut d'autant moins être opposé aux banques qu'elles avaient reçu notification de l'admission de leurs créances et avaient été informées de la publication de l'état des créances au BODACC ;

D'où il suit que la cour d'appel ayant ainsi légalement justifié sa décision, le moyen qui est irrecevable en ses première, troisième et septième branches n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Ducler, la société Entreprise Ducler et la société Ducler Frères aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Ducler, la société Entreprise Ducler et la société Ducler Frères à payer à la société Procrédit Probail la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille deux.

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