Jurisprudence : CE 3/5 SSR, 29-12-1999, n° 185005



Conseil d'Etat

Statuant au contentieux


N° 185005

3 / 5 SSR

Montoya

M Derepas, Rapporteur

M Stahl, Commissaire du gouvernement

Mme Aubin, Président

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Peignot, Garreau, Avocat

Lecture du 29 Décembre 1999


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 janvier et 14 avril 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M Pierre MONTOYA demeurant 36, Vieux chemin de Gairaut à Nice (06100) ; M MONTOYA demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 19 novembre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 21 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande du département des Alpes-Maritimes, l'avis rendu le 1er octobre 1993 par le conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur recommandant de substituer à la sanction de révocation qui lui avait été infligée celle d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux mois, d'autre part, au rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice par le département des Alpes-Maritimes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M Derepas, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M Pierre MONTOYA et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du département des Alpes-Maritimes,

- les conclusions de M Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le département des Alpes-Maritimes :

Considérant que, par un avis du 1er octobre 1993, le conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a proposé de substituer à la sanction de la révocation, prononcée le 23 juin 1993 à l'encontre de M Pierre MONTOYA par le président du conseil général des Alpes-Maritimes, celle de l'exclusion temporaire de fonctions pour deux mois ; que, postérieurement à une nouvelle sanction prononcée le 28 octobre 1993 conformément à cet avis, celui-ci a été annulé par un jugement du 21 octobre 1994 du tribunal administratif de Nice ; qu'à la suite de ce jugement, le président du conseil général des Alpes-Maritimes a une seconde fois révoqué M MONTOYA par arrêté du 5 décembre 1994 ; que, par l'arrêt attaqué du 19 novembre 1996, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de M MONTOYA dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Nice ;

Considérant qu'une décision de sanction prise à l'encontre d'un agent public, qui fait seulement obstacle à ce qu'une sanction plus lourde puisse par la suite être infligée à l'intéressé en raison des mêmes faits, ne crée de droits acquis ni au profit de l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, ni au profit des tiers ; qu'une telle décision peut, par suite, être légalement retirée à tout moment par son auteur ; qu'ainsi ce retrait peut légalement intervenir alors même que le jugement annulant un avis de la commission de recours imposant une sanction plus indulgente serait annulé ; qu'il suit de là que le département des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 5 décembre 1994 prononçant à nouveau la révocation de M. MONTOYA revêtirait un caractère définitif qui ferait obstacle à l'exécution de l'avis du conseil de discipline de recours au cas où le jugement du 21 octobre 1994 du tribunal administratif de Nice serait annulé et priverait ainsi de son objet le pourvoi de M MONTOYA ;

Sur les conclusions de la requête de M Montoya :

En ce qui concerne la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir relevé notamment que M MONTOYA "s'était rendu coupable de fausse déclaration et d'usurpation d'identité en vue de l'obtention indue de documents administratifs et que ces faits, constitutifs d'un délit de droit commun, ont été sanctionnés par une peine d'emprisonnement avec sursis", a jugé "qu'en proposant, compte tenu de ces mêmes faits, de remplacer la mesure de révocation par une exclusion temporaire de deux mois, le conseil de discipline de recours a entaché son avis d'une erreur manifeste dans l'appréciation qu'il lui appartient de porter sur la gravité de la faute commise et de la nature de la sanction" ; qu'en statuant ainsi la cour administrative d'appel de Lyon a suffisamment motivé l'arrêt attaqué ;

En ce qui concerne les autres moyens du pourvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie : "Sont amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu'ils constituent des fautes disciplinaires ( )" ;

Considérant que l'avis rendu par un conseil de discipline de recours, qui s'impose à l'autorité territoriale investie du pouvoir disciplinaire, fait obstacle à ce que celle-ci prononce une sanction plus sévère que celle proposée par l'avis ; qu'au cas où, à la suite de l'annulation de cet avis par un jugement de tribunal administratif, l'autorité disciplinaire prononce une sanction plus sévère que celle préconisée par l'avis annulé, l'annulation en appel de ce jugement, qui rend à nouveau applicable l'avis de la commission de recours, a pour effet de rendre illégale la sanction plus sévère ainsi prononcée ; que, par suite, l'intervention d'une loi d'amnistie, postérieure au jugement et à la nouvelle sanction, mais antérieure à l'arrêt rendu en appel, n'a pas pour effet de priver d'objet la requête d'appel ;

Considérant que la loi du 3 août 1995 a été promulguée et publiée antérieurement à l'intervention de l'arrêt attaqué, mais postérieurement à l'avis du conseil de discipline de recours et au jugement du tribunal administratif de Nice annulant cet avis, ainsi qu'à l'adoption de l'arrêté révoquant une seconde fois M MONTOYA ; que, dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'intervention de cette loi d'amnistie n'a pas privé de son objet la requête d'appel de M MONTOYA ; que celui-ci n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Lyon aurait méconnu les prescriptions de la loi d'amnistie en s'abstenant de prononcer un non-lieu à statuer sur sa requête ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que le jugement du tribunal de grande instance de Nice statuant en matière correctionnelle qui a condamné M MONTOYA à une peine d'emprisonnement avec sursis, a ordonné que cette condamnation ne serait pas inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; que le requérant soutient que la cour administrative d'appel de Lyon aurait commis une erreur de droit en retenant cette condamnation pénale au nombre des motifs justifiant l'annulation de l'avis du conseil de discipline de recours par le tribunal administratif de Nice ; que, toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit disciplinaire ne fait obstacle à ce que des faits pénalement sanctionnés par une condamnation, alors même que celle-ci ne serait pas inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, puissent être retenus par l'administration ou par le juge administratif pour motiver une sanction disciplinaire et en apprécier la nature et la gravité ; qu'il suit de là qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour administrative de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner M MONTOYA à payer au département des Alpes-Maritimes la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M MONTOYA est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département des Alpes-Maritimes tendant, d'une part, à ce qu'il n'y ait lieu de statuer sur le pourvoi et, d'autre part, à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M Pierre MONTOYA, au département des Alpes-Maritimes et au ministre de l'intérieur.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - PROCEDURE

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.