Jurisprudence : Cass. crim., 08-06-1999, n° 96-82519, publié au bulletin, Cassation sans renvoi

Cass. crim., 08-06-1999, n° 96-82519, publié au bulletin, Cassation sans renvoi

A5126AWR

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Chambre criminelle
Audience publique du 8 Juin 1999
Pourvoi n° 96-82.519
X
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 8 Juin 1999
Cassation sans renvoi
N° de pourvoi 96-82.519
Président M. Gomez

Demandeur X
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Cotte.
Avocat M. ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 12 février 1996, qui, dans la procédure suivie contre lui pour outrage à magistrats, a annulé le jugement, évoqué, condamné le prévenu à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, et confirmé les dispositions civiles du jugement.
LA COUR,
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'en réponse à un avis de mise en examen pour complicité de soustraction d'enfant mineur, X, avocat au barreau de Nice, a adressé au juge d'instruction, le 15 février 1995, une lettre, parvenue au destinataire le 16 février, comportant, outre les noms des avocats choisis pour assurer sa défense, des passages par lesquels il disait faire l'objet de harcèlement de la part de certains magistrats qui cherchaient à lui nuire, ajoutant que ce comportement pouvait avoir pour origine le fait qu'il avait eu à connaître de l'existence possible d'un réseau de prostitution enfantine ;
Attendu que X a envoyé, le 16 février 1995, une copie de la même lettre à Mme ..., juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice, qui l'a transmise, le 17 février, au président du tribunal de grande instance, lequel l'a communiquée le 20 février suivant au procureur de la République ;
Attendu que le procureur de la République a fait citer directement devant la juridiction correctionnelle, par acte d'huissier du 29 mars 1995, X, sous la prévention d'outrage à magistrats, en visant l'article 434-24 du Code pénal ;
En cet état ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 434-8 et 434-24 du nouveau Code pénal, 41, alinéa 3, et suivants de la loi du 29 juillet 1881, 385, 388 et 593 du Code de procédure pénale, et de l'article 61 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Me ... coupable d'outrage à magistrat ;
" aux motifs que la circonstance qu'à la fin de la citation qui a saisi le tribunal correctionnel soit précisé "ainsi les magistrats du tribunal de grande instance de Nice sont donc accusés d'avoir couvert des faits de pédophilie, soit même d'avoir participé à ces derniers" ne peut avoir pour effet de circonscrire la poursuite à cette imputation ; que les juridictions répressives ont le droit et le devoir de caractériser les faits de la prévention sous toutes les qualifications dont ils sont susceptibles ; qu'elles peuvent donc toujours retenir des qualifications différentes de l'acte de poursuite à condition que celles-ci s'appliquent aux faits dont elles sont saisies et ne comportent aucun élément nouveau ; que le prévenu, en écrivant au juge d'instruction que les magistrats de Nice seraient peut-être impliqués dans un réseau de prostitution enfantine ou de pédophilie, a de toute évidence dénoncé des faits constituant une infraction pénale ; que cette dénonciation spontanée ne peut relever du délit d'outrage mais pouvait seulement faire l'objet de poursuites pour dénonciation calomnieuse ; que la Cour tient seulement à faire observer que Me ... n'a apporté aucune précision sur les éléments qui lui avaient permis de porter une accusation aussi grave ; mais que si une telle dénonciation est un acte licite, l'exercice de ce droit n'entraîne pas nécessairement, s'agissant d'un magistrat, l'emploi d'expressions "tendant à porter atteinte à la dignité de celui-ci ou au respect dû à sa fonction" ; que si la dénonciation contient des expressions de cette nature, le délit d'outrage peut être caractérisé dans le cas où les expressions incriminées sont distinctes de la dénonciation ; qu'en l'espèce, le prévenu a écrit qu'il était l'objet d'un harcèlement visant sa radiation du barreau et qui provenait de certains magistrats cherchant à lui nuire par tous les moyens en parlant de magistrats "complaisants" à propos d'un réseau de prostitution enfantine et d'un comportement atypique des autorités judiciaires ; qu'il va jusqu'à écrire qu'il craint pour sa propre sécurité et pour celle des personnes travaillant dans son cabinet ; que de telles imputations, totalement distinctes de la dénonciation de prétendus faits d'appartenance à un réseau de prostitution enfantine ou de pédophilie, dont le caractère excessif est évident et qui ne sont nullement justifiées par la nature des faits dénoncés, tendent à porter atteinte non seulement à la dignité des magistrats, mais au respect dû à leur fonction ; qu'elles sont sans rapport avec un prétendu secret de l'instruction derrière lequel le prévenu s'abrite ; que, dans ces conditions, les éléments, tant matériel qu'intentionnel du délit d'outrage à magistrat sont caractérisés en ce qui concerne les propos visés à la prévention ci-dessus analysés par la Cour, à l'exclusion de ceux relatifs à l'imputation d'appartenance à un réseau de prostitution enfantine ou de pédophilie ne pouvant constituer que le délit de dénonciation calomnieuse comportant des éléments nouveaux dont la juridiction répressive n'a pas été saisie ; que les cassettes remises par l'avocat du prévenu, aux dires mêmes de cet avocat, sont exclusivement en relation avec les accusations de l'appartenance à un réseau de prostitution enfantine ou de pédophilie ;
qu'au vu de ce qui précède, elles sont sans intérêt sur les faits matériels d'outrage ci-dessus définis ;
" que l'immunité prévue par l'article 41, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 dont se prévaut le prévenu a pour unique objet de permettre l'exercice des droits de la défense et ne couvre que les propos ou écrits s'inscrivant dans l'exercice de ce droit, ce qui suppose l'existence d'un lien entre ceux-ci et la défense ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, où conformément à l'article 80-1 du Code de procédure pénale, le prévenu venait seulement d'être informé qu'il était mis en examen et qu'il lui appartenait de faire connaître le nom de son avocat ;
" alors que, d'une part, si le juge répressif n'est pas lié par la qualification donnée par l'acte de la poursuite aux faits dont il est saisi, il ne peut cependant, sans violer l'article 388 du Code de procédure pénale, l'article 63 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les droits de la défense, statuer sur des faits distincts de ceux dont il a été saisi par cet acte ; qu'en l'espèce, où la citation qui est à l'origine des poursuites, après avoir résumé le contenu de l'écrit litigieux, reprochait exclusivement au prévenu d'avoir commis le délit d'outrage à magistrat en raison des accusations figurant dans cet écrit et imputant à des magistrats le fait d'avoir couvert des réseaux de pédophilie ou même d'y avoir participé, la Cour, qui a dû reconnaître que de telles imputations constituaient une dénonciation non punissable, a méconnu les textes précités en déclarant néanmoins le prévenu coupable du délit qui lui était reproché en prétendant, sous prétexte d'une requalification qui n'a pas été opérée, que l'infraction poursuivie résulterait des imputations de l'écrit litigieux relatives au harcèlement dont le prévenu se prétendait victime de la part de magistrats alors que la révélation de ces harcèlements, menaces et persécutions n'était pas qualifiée d'outrage par la citation ;
" alors que, d'autre part, après avoir dû reconnaître que les accusations portées par le président contre des magistrats niçois, d'avoir couvert des faits de pédophilie ou même d'y avoir participé, constituaient une dénonciation non punissable et non un outrage à magistrat, la Cour s'est mise en contradiction flagrante avec elle-même et a violé les articles 434-8 et 434-9 du nouveau Code pénal, en prétendant que le délit d'outrage résultait des imputations formulées par le même prévenu à l'encontre de magistrats niçois d'avoir protégé un réseau de pédophiles en se livrant à des actes d'intimidation destinés à essayer de l'empêcher d'exercer ses fonctions d'avocat pour défendre les intérêts d'une enfant mineure victime d'actes pédophiles, de telles intimidations caractérisant le délit prévu par l'article 434-8 du Code pénal en sorte que leur révélation constituait elle aussi une dénonciation non punissable ;
" qu'en outre, en application de l'article 41, alinéa 3 et suivants, de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, c'est à la juridiction devant laquelle les propos ou écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ont été tenus ou produits, qu'il incombe de décider que ces propos ou écrits sont étrangers à la cause pour que leur auteur puisse être pénalement sanctionné malgré l'existence de l'immunité que prévoit ce texte au profit des discours prononcés ou des écrits produits devant les tribunaux ; qu'en l'espèce, où les juges du fond n'ont pas constaté que le juge d'instruction auquel l'écrit litigieux a été adressé ait réservé l'action publique et l'action civile, la Cour a violé ces dispositions en prétendant que l'immunité ne pouvait s'appliquer sous prétexte que les imputations litigieuses ne s'inscrivaient pas dans le cadre de la défense du prévenu, une telle appréciation étant réservée exclusivement par le texte précité à la juridiction devant laquelle l'écrit a été produit ;
" et qu'enfin, les accusations de protection ou même d'appartenance à un réseau de pédophiles formulées par le prévenu à l'encontre de certains magistrats du tribunal de Nice étant inséparables des accusations portées contre ces mêmes magistrats par le prévenu qui est avocat, de s'être livré à des actes d'incrimination et de menaces à son encontre pour l'empêcher de continuer à assurer la défense d'une jeune victime de ce réseau, elles constituaient toutes un moyen de défense de cet avocat mis en examen pour complicité de soustraction d'enfant mineur par un ascendant légitime, dès lors que cet avocat expliquait dans l'écrit prétendument outrageant, que cette mise en examen résultait d'une machination judiciaire destinée à ne pas tenir compte des éléments d'une grave affaire de pédophilie en lui imposant le silence sur ce point, au moyen d'une menace de radiation du barreau ; qu'en prétendant dans ces conditions que les imputations outrageantes étaient étrangères à la défense du prévenu et en disjoignant artificiellement les accusations de pédophilie des accusations d'intimidation pour n'avoir pas à examiner le contenu des cassettes produites par le prévenu pour établir la réalité des faits de pédophilie, la Cour, qui n'a également tenu aucun compte des demandes d'audition de témoins formulées par le prévenu dans ses conclusions, a méconnu les droits de la défense en privant le prévenu du droit à un procès équitable prévu par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Vu l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que l'immunité instituée par l'article susvisé, destinée à garantir le libre exercice du droit d'agir ou de se défendre en justice, est applicable aux écrits produits ou aux propos tenus devant toute juridiction ; que cette règle ne reçoit exception que dans le cas où les écrits outrageants sont étrangers à la cause ;
Attendu, qu'après avoir qualifié une partie des propos d'outrages, la cour d'appel, pour écarter l'application de l'immunité, invoquée par le prévenu, énonce que lesdits propos sont sans lien avec l'exercice des droits de la défense, dans la mesure où, conformément à l'article 80-1 du Code de procédure pénale, ce dernier venait seulement d'être informé par le juge d'instruction qu'il était mis en examen et qu'il lui appartenait de faire connaître le nom de son avocat ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors, qu'ayant été adressés par X au magistrat instruisant à son égard sur des faits de complicité de soustraction d'un mineur, ainsi qu'au juge aux affaires familiales saisi de la garde dudit mineur, les propos litigieux n'étaient pas étrangers à la cause, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l'article L 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, et de mettre fin au litige ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 février 1996 ;
Vu l'article L 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DIT que lesdits propos ne peuvent donner lieu à aucune action à l'encontre de X ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.

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